Demain est déjà hier - Daniel Ethan - E-Book

Demain est déjà hier E-Book

Daniel Ethan

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Beschreibung

2050. Les villes sont entièrement numériques et les armées robotisées. Les robots, de plus en plus puissants technologiquement, s'affrontent dans les rares environnements ouverts restants...

Damon est un officier français responsable d’un TITAN, ces nouvelles machines utilisées pour conduire la guerre. En 2050, la technologie a colonisé la quasi-totalité de la Terre redessinant le quotidien et les rapports de puissance entre les États et les individus. De nouveaux liens entre les humains et les robots se sont créés pendant que les puissances civilisationnelles se partagent l’influence sur le monde.

Ce roman futuriste passionnant aborde avec intelligence la question des cyborgs et de l'influence de la technologie sur les armées.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Daniel Ethan fréquente les cercles militaires, passionné de technologies, il publie son premier roman, base préalable à un multivers qu’il souhaite écrire. Un mélange de cyber punk, de culture pop-manga, de références littéraires géopolitiques et historiques, une connaissance fine du monde militaire, le tout compilé dans un roman français, mais avant tout humain.

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DanielEthan

Demain est déjàhier

Chapitre 1

2050. La France poursuit et achève sa transition numérique. Des villes telles que Paris,

Lyon, Montpellier, Toulouse et Rennes ne sont plus celles que j’ai connues quand j’étais étudiant ou jeune actif. Ces « megacities » comme elles sont appelées officiellement se plaisent à entretenir le sobriquet qui leur est attribué de villes post-modernes. Le sentiment que j’éprouve lorsque je vois ces monstres urbains, qui servent de vitrine technologique au monde, relève toujours de l’indécision. L’essor urbain découpa la France en cinq états incarnés eux-mêmes par ces megacities, modèle fédéraliste à l’Américaine.

La vie est aujourd’hui oisive, la technologie rendant libres les individus, le système a basculé dans la consécration du temps aux loisirs ou à la recherche. La robotique civile et la blockchain se chargent de la création de richesse, pendant que la population française jouit du tout technologique. Je me souviens encore du temps où j’avais ma Peugeot 206 pour me faire la main. Elon Musk a fait du chemin et son système de conduite autonome est désormais accompli. Il me suffit de sélectionner le modèle de voiture que je souhaite sur une borne présente à chaque coin de rue, de choisir ma destination et la voiture, se dévoilant devant moi, provenant du sous-sol par un savant réseau d’ascenseurs sous terrains, me transporte à l’endroit voulu en toute autonomie. Depuis que l’intelligence artificielle contrôle le secteur routier, les embouteillages n’existent plus, et la mortalité routière a été réduite à zéro.

Je me déplace vers mon régiment, un de ceux qui ont pu bénéficier de la pointe du progrès et d’investissements massifs pour la robotisation de nos armées. L’armée de terre se décline aujourd’hui en deux composantes. L’armée Terra composée de la majorité des forces humaines et l’armée Titan pour la composante à dominante robotique. La peur dans les années vingt, comprendre 2020, était cette autonomie décisionnelle accordée aux « robots tueurs » et à cette intelligence artificielle abstraite et volatile. L’éthique française a permis de dominer ces peurs. Une fois codifiée, l’IA est devenue le quotidien de tous les citoyens sans distinction sociale, tout au moins dans l’espace public. Elle sert pour tout, tout le monde, tout le temps.

La raison de cette orientation prise fut la volonté de contrebalancer les problèmes démographiques inhérents à notre époque. Notre population vieillissante, se renouvelant toujours moins, n’apporte que très rarement du sang neuf. Mes parents me disaient toujours qu’une génération c’était entre sept et dix ans.

Aujourd’hui, une génération a trente ans d’intervalle avec la suivante. D’ailleurs, la jeune génération n’est même plus tournée vers les valeurs patriotiques ou la défense du pays. C’est comme si la guerre était devenue un choix, un choix militaire vu pour la majorité comme le sacrifice d’une vie en comparaison de l’oisiveté civile. Quel est l’intérêt de se lever tôt, sentir le goût de l’effort dans sa gorge qui n’est autre que le goût du sang et du fer, ou de partager l’histoire de son prochain, quand la société offre une vie permettant d’en vivre cent différente et ce, le temps que vous voulez ? Les réalités augmentées et virtuelles qui étaient embryonnaires dans le premier quart de notre siècle sont aujourd’hui les éléments de divertissement de masse, les individus se branchent directement chez eux et prennent corps et âme dans un univers totalement virtuel.

Les robots se sont révélés être l’ultima ratio pour continuer à servir les intérêts de la France et protéger le pays aux frontières, et dans les hinterlands, littéralement l’arrière-pays. Le sens géographique a laissé place à la symbolique et désigne aujourd’hui l’équivalent de ce que l’on appelait autrefois les zones grises, un espace dans lequel l’État est failli. Bien sûr, les combats physiques se sont également étendus dans le milieu cyber où les États-Unis réussirent à transposer des codes de façon à créer de la richesse et la transférer dans le monde réel. Le cyber ayant horreur du vide, les ingénieurs américains ont recréé des espaces connus, disparus, ou imaginés, virtuellement, où intelligences artificielles et combattants connectés se livrent bataille. La population, connue jusqu’alors pour être un marqueur de puissance, s’est révélée être dans la conduite de la chose militaire, une variable d’ajustement. Et pourtant ô combien décisive ! Je fais partie de ceux qui ne se contentent pas d’une vie de plaisir où l’effort disparaît. D’une vie terne, sans saveur et qui n’a pas de cap. J’avais trouvé toutes ces valeurs et ce choix de vie qui est le mien, dès mon entrée dans l’armée, mais ayant des prédispositions en C2 robotique, c’est-à-dire le commandement et le contrôle, c’est tout naturellement que l’institution me fit glisser vers les robots TITANs. Les régiments robotiques n’existent pas, des parcs de robots en fonction de leur spécialité ont été créés et ils sont organisés comme tels.

Les robots utilitaires. Il s’agit d’engins inhabités remplaçant une main-d’œuvre peu qualifiée ayant pour mission la reconnaissance, la neutralisation d’objectif, le contre explosif et le soutien au combattant. Ils sont totalement autonomes, la neutralisation n’emploie que des mesures non létales. Si l’opérateur le souhaite, ils peuvent cependant être gérés par ce dernier, à partir d’un ordinateur personnelou d’une tablette, simulant le théâtre d’opérations, comme nos anciens jeux de stratégie en temps réel le faisaient sur nos écrans.

Viennent ensuite les robots de contact. Rendue possible grâce à la technologie du distant reality, la télédéportation est la technologie socle. Ces derniers sont pilotés par des opérateurs depuis la France qui s’insérant dans un avatar, contrôlent l’ensemble des membres du système sur le terrain et transposent leurs sens depuis l’incubateur. Ils sont appelés les DR. Cette solution offre le contrôle et la force cognitive du robot à son opérateur qui est lui en toute sécurité pour le combat ou les opérations sensibles.

Les robots polymorphes représentent la troisième catégorie. De taille variable, leur pouvoir réside dans leur complémentarité. L’essaim a muté, et permet aujourd’hui aux compagnons de s’agglomérer et de déléguer l’intelligence à un robot faisant partie du tout, une sorte de frère aîné à qui le reste de la flotte délègue l’initiative. Ce faisant, ils peuvent s’assembler en à peu près tout ce qu’il est possible d’imaginer. Ils sont réservés aux opérations sensibles et spéciales, mais un appui ponctuel de leur part peut être envisagé. Autonomes, ils restent sous supervision humaine constante.

Enfin, les robots champions. De deux sortes, ils représentent à la fois la principale composante de l’armée Titan, et une arme ultime de dernier recours. Tout d’abord les TITANs. Les Traqueurs Intelligents Terrestres Autonomes Neurosensoriels sont des enveloppes robotiques servant l’Homme qui est à bord. Une fois à l’intérieur, l’opérateur bénéficie de tous les avantages que lui offre le robot en plus de sa protection. Entièrement piloté par l’Homme, le TITAN peut également se transformer en robot compagnon. Lorsque l’opérateur est débarqué, le TITAN devient autonome et accorde un appui et un soutien permanent à son pilote, l’humain, son Master. Modulables à souhait, les traqueurs représentent la force numéro une de l’armée Titan.

La dissuasion nucléaire et les Nations Unies ont évolué parallèlement aux robots. Les nations se sont entendues pour créer une arme ultime, à l’instar des champions qui combattaient dans l’antiquité contre d’autres champions réglant ainsi le sort d’une guerre en un combat. Afin d’éviter les potentielles masses d’unités au contact de la population avec des armements toujours plus sophistiqués, plus performants, voire destructeurs, il fut convenu que chaque nation aurait droit à deux robots champions. Réservé aux meilleurs opérateurs TITANs, le contrôle du champion revient un peu à la consécration de la carrière militaire aujourd’hui. Mais c’est aussi la responsabilité de régler le sort d’une guerre. Bien sûr, ces robots n’ont jamais été utilisés, les nations préférant se faire la guerre par des moyens offrant plus de liberté. En raison d’un arsenal puissant, ces mastodontes représentent en revanche de nos jours la force dissuasive première. Le nucléaire a été rendu totalement inefficace à la suite des travaux menés conjointement par les États-Unis et Israël. Le bouclier nucléaire mondial est une réalité. De plus, chaque megacity est reliée par un métro transcontinental qui rend possibles des trajets entre l’Europe, l’Asie, l’Afrique en quelques heures seulement. La liaison avec les États-Unis demeure à l’étude. Les populations ayant explosé dans les villes, plus de monde et plus de temps de vie passé sur la planète, il est aujourd’hui plus que jamais impossible de penser user du nucléaire, risquant de perdre un quart de l’humanité en une frappe en raison de l’interconnexion, sous réserve de déjouer le parapluie nucléaire mondial.

Nous nous entraînons désormais en utilisant l’Hololens. Un dispositif nous faisant acquérir une mémoire musculaire en situation réelle permanente, virtualisée par cette formidable technologie. Simulant tous types d’entraînements possibles, dans n’importe quelle condition, les soldats de la Terra s’entraînent comme ceci, et nous membres de la Titan, suivons leur exemple bien que l’on opère avec les robots.

Ce que les Américains appelaient MUM-T, que l’on peut traduire en français par le binôme d’engins habités et inhabités est aujourd’hui appliqué à l’échelle des deux armées de l’armée de Terre. Bien que la Terra ne soit pas robotisée, ces soldats de la paix offrent une parfaite synergie et complémentarité par leurs compétences et matériels spécifiques. Plus orientés dans le renseignement et l’appui technique aux machines, ils sont indispensables. Les terans comme on les appelle ici, ne sont pas que des mécanos ou des geeks, ce sont des soldats qui administrent également les territoires, et qui multiplient les opérations civilo-militaires en plus de leur fonction guerrière quand on travaille en dégradé. Les robots utilitaires dont ils disposent comprennent des robots-builder, ces derniers n’offrent que des réparations de type hardware. La guerre mosaïque a finalement bien pris le dessus. Les réparations de type software et maintenance étaient réservées aux humains.

Durant la Première Guerre mondiale, le général prussien Wilhelm Balck s’exprimait sur l’évolution guerrière selon ces mots, « les balles écrivent rapidement de nouvelles tactiques ». Mais aujourd’hui, les Hommes s’insurgent contre la perte de leurs pairs. Depuis 2030, la vie a été érigée comme droit intouchable. Depuis lors, les Français punissent de prison à perpétuité tout homicide. Tactique politique imparable. Bien évidemment, les militaires, risquant encore leurs vies en 2050 ne sont pas régis par le même code. Pour eux s’applique toujours le code de la défense, qui existe depuis2005.

La robotique a modifié profondément le caractère de la guerre, accordant un avantage définitif au défenseur. Côté défense, l’internet des objets et la digitalisation du champ de bataille ont fait leurs preuves. Par des capteurs fixes, des robots sentinelles et les objets connectés, le réseau défensif est maillé, permettant une couverture réseau complète, ce dernier bénéficie également de la parfaite maîtrise du terrain et de l’environnement. Relais et distributeurs de données en nuage pour les systèmes de support de commande à distance, les capteurs permettent tous à l’IA, l’intelligence artificielle, de filtrer les signes avant-coureurs, les avant-gardes, ou les prémisses d’une menace afin d’envoyer aux systèmes d’artillerie, aériens ou terrestres, situés dans la profondeur ou en réaction rapide, les éléments nécessaires pour l’intervention jugée la plus appropriée.

La doctrine de notre armée, lorsque nous sommes en position offensive, a fait le choix d’envoyer des robots utilitaires en premier échelon, appuyés par des salves d’artillerie tirant des robots spores, chargés de mailler le territoire ennemi ou en tout cas le territoire sur lequel nous opérons. Ainsi commence la bataille la plus décisive de notre temps, l’adaptation de l’IA, un des centres de gravité de toute bataille s’insérant dans notre seconde moitié de siècle. Le contrôle des ondes conférant à son roi la liberté de manœuvre la plus aboutie aujourd’hui est en partie délégué à l’intelligence artificielle, l’Homme ne pouvant plus rivaliser en termes de performance et de vitesse avec la machine dans ce secteur. Les robots spores agissent de deux façons différentes. Les premiers constituent la plateforme informationnelle et de communication, que l’on confiait traditionnellement à ce que l’on appelait à l’ère SCORPION, des commutateurs. La mise en place de nodes presque automatisés, ces petits postes de commandement permettant l’échange d’information, fut ainsi confiée aux robots spores. Émettant une signature électromagnétique que l’on ne peut camoufler encore aujourd’hui, les spores maillent le réseau de façon à offrir des couvertures successives de protection à la plateforme, simulant une profondeur tactique, voire stratégique, pour accentuer la résilience de l’ensemble.

Dès lors que le front pionnier est établi, les robots utilitaires scannent le territoire, procèdent à l’aseptisation du milieu (pièges, mines, ambiance chimique), et constituent des points de contrôle, ou point relais, de façon à créer des routes de ravitaillement autonomes pour les robots logistiques. La brique technologique de navigation par l’image sans positionnement par satellite posée dans les années 2019-2020 permet de se déplacer en cas de GPS brouillé. L’objectif est de dessiner des routes sûres et suffisamment nombreuses pour ne pas emprunter le même itinéraire. Dans les rares environnements ouverts qu’il reste sur la planète, les Titans interviennent une fois que la zone de départ ou d’action est alimentée. En environnement urbain, les DR interviennent en deuxième échelon. Tous les acteurs du champ de bataille sont maillés entre eux, offrant la possibilité au robot voisin de déporter la connexion d’un réseau vers un autre, de façon à conserver la liaison lors d’une progression en terrain difficile. Il n’est ainsi pas étonnant de voir des binômes utilitaires aéroterrestres pour fouiller par exemple les sous-sols ou les forêts. C’est notamment contre ce type d’attaque coordonnée potentielle que la France a fait le choix des TITANs, protégeant l’opérateur pilote d’attaques sauvages combinées de la part de drones et robots armés.

Le chaos de la guerre n’a peut-être été jamais aussi vivace qu’aujourd’hui. N’importe quel élément de la nature environnante peut être un ennemi, matérialisé par les polymorphes, par les biotechnologies accordant les camouflages intelligents à certaines unités, ou bien par le biomimétisme. Il n’est pas rare de voir des robots utilitaires ennemis prenant la forme d’insectes ou d’animaux. Une fois que nous sommes projetés, l’Enfer c’est l’Autre. Les signatures thermiques ne sont pas perceptibles depuis les TITANs, il est impossible de se faire repérer par les robots d’en face à cause de la chaleur dégagée.

Lorsque Terra est déployée en premier échelon, ceci arrive lorsque l’ennemi a temporairement neutralisé nos capacités et moyens électromagnétiques, elle prend des risques considérables. La hiérarchie Terra n’a pas changé depuis l’ère SCORPION. La nôtre en revanche, bien que complémentaire, est toute autre. Les sous-officiers terans détachés dans la Titan, commandent au clavier et à la souris depuis la France les robots utilitaires et les robots de contact. Mais un sous-officier peut contrôler simultanément jusqu’à trente robots, ce qui équivaut à la fonction de chef de section dans l’armée Terra. Les plus expérimentés pouvant prétendre au DR. Les lieutenants et capitaines ont un choix à faire. Le DR ou le TITAN. Le DR présente l’avantage d’être à la fois au contact, mais également dans la conception et l’élaboration de la manœuvre. Le TITAN n’offre que la spécificité du combat sur le terrain. Les officiers supérieurs suivent en permanence l’opération sur les caisses à sable en réalité augmentée, et peuvent utiliser la puissance des applications. Sans remettre en cause les ordres traditionnels, ces derniers peuvent bénéficier de formidables outils allégeant leurs charges administratives et procédurales. Cette application unitaire connecte le chef à une multitude d’outils et services à la décision. Par exemple, une fonction automatisée est réservée à l’évacuation sanitaire. Une autre est dévolue aux approvisionnements, etc. De plus, les officiers supérieurs connectés au réseau des soldats sont en mesure de suivre leur état physiologique et émotionnel en surveillant des données telles que le pouls, les schémas respiratoires, ou l’activité des ondes cérébrales, renouant avec la notion de général tactique.

La mission des états-majors, pour dominer le combat rapproché, est d’envelopper du mieux possible les petites unités dans une bulle de capteurs impénétrables qui permettent une détection précoce de la menace et à une distance supérieure de la portée des armes ennemies.

Je m’appelle Alexandre Damon, lieutenant dans l’armée Titan, voici mon histoire.

Je ne peux m’empêcher de passer devant le Flystadium en allant sur mon lieu de travail. Ici se jouent les parties d’Ironball. Afin de contrebalancer la montée des tensions au sein de la population oisive, tout sport est aujourd’hui violentisé en vue d’agir comme une soupape de décompression pour la majorité des habitants. Grâce à des combinaisons et des équipements ultras résistants, la violence est « propre » et orientée non pas vers la destruction de l’autre, mais vers une catharsis personnelle et collective. De toutes les mutations notables au niveau de nos sports, le rudeby et l’ironball sont mes préférées.

Le dernier listé est une reprise du handball, mais en version aérienne. Montés sur des flyboards, les équipiers progressent de façon à marquer dans le camp ennemi en évitant à la fois des obstacles physiques au sol, mais également des objets volants perturbant leur vol. Bien sûr, toute chute met fin au temps de jeu de l’intéressé.

Le rudeby est devenu le sport national et même mondial au fil des années. Se jouant dans des arènes fermées, les sportifs sont équipés d’exosquelettes augmentant considérablement leur vitesse de course et les protégeant des coups. Jeu extrêmement violent, les deux équipes se partagent une balle de fer, se la passent uniquement à la main pour marquer dans le but adverse. Pendant ce temps, tous les équipiers peuvent et doivent neutraliser le porteur par la force ou par l’ingéniosité. Chaque arène est dotée de pièges spécifiques générés aléatoirement au cours de la partie comme des fosses géantes, une lubrification excessive et abondante d’une portion de terrain, ou des pièges beaucoup plus offensifs. Les joueurs n’ont que leurs bras et jambes comme outils et peuvent tirer au pied dans le seul but de mettre hors d’état un joueur adverse. Vraiment très populaire, ce jeu révèle néanmoins le paradoxe de ma société. Aseptisée de toute forme de déviance, les personnes cherchent les limites de l’ultra-violence dans le sport et le virtuel grâce à cette technologie la rendant inoffensive pour le corps. Mais peut-être pas pour l’esprit.

Ces sports divertissent et attirent les masses de population, mais le sport qui rapporte le plus et qui concentre les enjeux politiques reste bien le Search and destroy. Deux équipes de cinq s’affrontent en arène générée virtuellement, une arène divisée en trois grandes lignes, totalement symétriques, amenant les joueurs à des duels ou des combats en équipes. Le but étant, après avoir personnalisé son avatar, de mener l’assaut final sur la base ennemie. On comprend très vite l’usage et le détournement politique d’un tel jeu, qui à mon sens est extrêmement pervers. Les avatars sont armés selon un catalogue gigantesque, le choix des spécialités pour ces derniers est néanmoins limité. Ainsi, le sport oblige à créer des synergies et ce n’est donc pas nécessairement la technologie employée et choisie au départ dans une banque commune de personnalisation qui fait la différence, mais le travail d’équipe et la réactivité. Les avatars revivant sans cesse, l’équipe subit des pénalités à chaque mort de l’un des joueurs. À l’inverse, les joueurs dominants acquièrent ressources et puissance supplémentaire au fil de la progression. D’une durée de quatre-vingt-dix minutes, un match officiel est prévu chaque semaine.

Il est vrai qu’en déportant de nombreux éléments de notre vie quotidienne dans le cyber, les problématiques d’espace, de pollution, de coûts financiers et d’entretien n’ont plus rien à voir avec ce que j’avais connu autrefois. J’ai encore parfois du mal à savourer ces saveurs fantômes que l’on me propose partout autour de moi. C’est aussi pour cela que je n’ai pas refusé mon intégration dans les TITANs. La guerre a peut-être changé, les odeurs, le sens du danger, et cette proximité avec la mort restent les mêmes. Paradoxalement, cela m’aide à me sentir vivant, je ne dévie ainsi pas vers les excès proposés par le sport ou la réalité virtuelle. J’admire ce que nous offre aujourd’hui la technologie. C’est tout simplement révolutionnaire. Mais lorsque je vois ce qui se fait en France, je n’ose imaginer les pays voisins. Nous échappons encore pour l’heure à la prise automatique d’ADN. Mais tous les services de divertissement proposés, de sport, ou même les institutions, requièrent la reconnaissance de l’iris. La montée des extrêmes conduisant inévitablement à des comportements déviants, couplée aux migrations massives tous azimuts, n’ont pas laissé d’autres choix aux États soucieux de la sécurité de leurs citoyens que de mettre en place des systèmes nationaux de surveillance. Comme une majorité de la population n’était plus prise par les activités nécessaires pour survivre, une hausse exponentielle de la criminalité avait été constatée. Il faut avoir du temps pour tuer. En offrant l’oisiveté et une vie confortable, ce pacte social corrobore le choix du peuple de restreindre un peu sa liberté au nom du divertissement. Mais nous y reviendrons plus tard. Malgré la noblesse de la mesure, j’ai toujours eu un peu de mal avec les règles. Surtout lorsqu’elles pénètrent mon intimité propre.

C’est au cours d’une soirée arrosée que je me suis laissé entraîner par l’un de mes amis dans le quartier sombre et peu recommandable de Paris. PBN comme il est appelé aussi, doit son trigramme à sa particularité. Dans les sous-sols, autrefois les égouts, le métro, il existe aujourd’hui une ville sous la ville : Paris by night. Ce quartier est bien évidemment animé en permanence. Étroitement surveillé, il s’agit du pan de la ville qui dévie encore à l’ancienne. Les odeurs d’urine, les bagarres aux poings, les bars à alcool se trouvent en majorité dans les souterrains. Mais c’est aussi le milieu des nouveaux trafiquants et pirates.

Les dreamcatchers sont les plus médiatisés. Ces gens-là sont capables de vous mettre vos rêves sur un support qui, branché dans un dispositif que vous mettez la nuit avant de dormir, vous permet de rejouer le rêve de votre choix en vous donnant les clés de compréhension et la capacité d’agir. Imaginer cette capacité à disséquer n’importe quel rêve, le rejouant à volonté, ne trouveriez-vous pas cela tentant ? Bien sûr que si, et les dreamcatchers le savent, c’est pourquoi ils programment leur dispositif pour une durée établie entre un jour et une semaine moyennant finance, renouvelable à souhait pour des prix toujours plus prohibitifs. Frappant tous les âges, cette addiction crée de gros problèmes de société et de santé pour les esprits les plus malléables. Adolescents, personnes âgées, sont les cibles prioritaires. Les personnes âgées représentent aujourd’hui un marché intérieur considérable. Si je me suis laissé tenter par la découverte de ce lieu, ce n’est pas pour y mener mes expériences de jeunesse en retard ou par désespoir de cause, c’est pour me munir d’une arme au cas où les choses viendraient à se refermer sur nous-mêmes, dans ces smart cities, les villes intelligentes et connectées comme notre belle Paris. Cette arme n’est ni de poudre, ni d’acier, ni à laser, elle repose sur un code, généré quotidiennement aléatoirement, générant lui-même pour la liseuse adéquate un schéma facial, une sorte de maquillage mettant en échec tout système de reconnaissance faciale. L’armée utilise une variante lorsqu’elle opère notamment en territoire ennemi.

Pour ce qui est de la question religieuse, les citoyens d’aujourd’hui ont pratiquement rompu avec les religions monothéistes. En fait, nous sommes retournés à une forme de déisme majoritaire chez les minorités confessionnelles.

En revanche, la population occidentale, mais c’est également valable ailleurs, ne se regroupe plus par catégorie socioprofessionnelle ou par ethnie ou que sais-je encore. Que ce soit par le virtuel ou par le monde extérieur, tout individu est très vite amené à choisir entre différents groupes sociaux. Sous la forme de guildes, le protocommerce, la proto-industrie, fonctionnent ainsi en boucle courte permettant une économie locale autosuffisante, interdépendante, à petite et moyenne échelle. Bien sûr, les guildes peuvent atteindre des milliers et des milliers d’individus, les rendant puissantes, crédibles et/ou craintes. L’État n’a que peu de prises sur ces guildes, car elles paient l’impôt. En revanche, lorsque des débordements arrivent, et c’est le cas très souvent pour certaines, les forces de sécurité intérieures sont sans pitié. En fonction de son choix de vie, ou du choix de vie que l’on souhaite pour sa famille, la guilde est très importante.

La guilde des mages est située dans l’Observatoire National des Mondes du haut. Cette guilde procure une multitude de ressources et de moyens à ceux qui font le choix de consacrer leur temps à la recherche et l’étude scientifique.

La guilde des transhumanistes offre une médecine défiant toute concurrence et permet une famille nombreuse vivant extrêmement longtemps. Ils sont également avantagés dans leur quotidien par leurs gadgets et leurs inventions.

La guilde des cyphers est basée à PBN. Leur but ? Profiter toujours plus des technologies, et d’en rester maître. Joueurs, hackers, geeks sont les trois piliers de la guilde.

La guilde des white knights s’est développée depuis la terrible catastrophe pour l’humanité qui a frappé Paris en 2035, ce nuage de poussière toxique qui avait recouvert la région pendant trois heures environ, tuant de nombreux habitants. Aujourd’hui, la guilde rassemble tous les engagés et dévoués pour aider leur prochain et défendre les causes environnementales. Divisés en unités d’intervention nous pouvons citer les street medics ou les protecteurs de la faune et la flore. Tous ces citoyens n’hésitent pas à utiliser la violence vers ceux qui s’attaquent à leur sphère d’influence, ils prennent leurs références directement dans le monde anglo-saxon.

C’est d’ailleurs avec la dernière guilde que les WK ont souvent des problèmes. La guilde Kaneda rassemble tous les individus ayant été expulsés d’une guilde, ayant un comportement violent ou déviant et qui ne sont pas en prison. Souvent perçue comme la guilde paria, ses membres, les kaneda, sont proactifs dans les actes de déstabilisation et de violence.

Chaque guilde profite de son expertise et de ses réseaux pour s’enrichir et apporter à ses membres de quoi vivre et entretenir cette oisiveté. Par exemple, les transhumanistes possèdent des robots domestiques produisant tout ce dont ils ont besoin. Les cyphers créent de la richesse virtuelle, et, fins négociateurs, ils peuvent commercer avec tout le monde. Les mages ont des domaines privés, les WK leurs potagers et forêts, les kaneda passent par des marchés noirs parallèles et douteux. Toutes les guildes communiquent, échangent, mais ne cherchent que leur intérêt propre. Ainsi, la passerelle n’est pas possible et en cas de rejet, la Kaneda peut vous récupérer. Vous pouvez également choisir de continuer votre paisible vie sans profiter des avantages des guildes. Nous sommes aujourd’hui cent millions d’habitants en France, quatre-vingts pour cent des Français en ont une. Le choix se fait à seize ans. Si le fait d’appartenir à différentes guildes dans une même famille n’est pas interdit, il est proscrit de faire profiter les non-membres du produit, technologie, savoir, de la guilde en question. Si quelques membres se sont essayés à enfreindre cette règle, il y a tellement à perdre pour si peu, que la dissuasion est très efficace, y compris pour ceux du même sang.

Si vous ne l’avez pas encore déduit, je suis pour ma part chez les cyphers. Chaque guilde requiert un nombre de jours minimum à effectuer sur l’année, au service du bien commun. Diverses missions, activités vous sont assignées pour faire rayonner votre guilde et pour pouvoir avoir accès aux avantages les plus recherchés. Un système de points vous permet de gagner en notoriété au sein de la structure et de pouvoir accéder à ce que cette dernière propose.

Si l’État pénètre difficilement les tissus sociaux économiques des guildes, c’est parce que celles-ci paient l’impôt comme je vous l’ai dit. Mais de nombreux accords sont également signés concernant des transferts de technologies ou de matières premières. L’État peut aussi manipuler assez facilement les guildes et actualise le vieil adage selon lequel il faut diviser pour mieux régner. Comme quoi, il y a des choses qui ne changent pas.

Face à des luttes potentielles qui peuvent être très violentes, à des personnes recherchant les limites de leur propre nature, ou aux individus dangereux, l’État s’est servi de ce que les individus eux-mêmes avaient enfanté, à savoir ce Big Brother portatif et portable, omniprésent, omniscient, résultat d’une société de l’image reine, cristallisée dans les smartphones, caméras embarquées, lentilles connectées ou autres. En filmant tout et partout, les citoyens français se sont peu à peu enlevé leur propre intimité. C’est pourquoi au nom de la prévention, l’administration mit en place le programme CONSTELLATION. L’espace public est totalement, intégralement devenu les yeux et oreilles du pouvoir. Les citoyens français l’acceptent entièrement, au nom de l’oisiveté, des activités de guilde, et du respect de la vie privée dans le foyer, c’est un peu le prix à payer. Nos voisins d’outre-Atlantique ou de l’autre côté de l’Oural sont beaucoup plus intrusifs et font face à des mouvements contestataires sans précédent. En effet là-bas, seule la chambre parentale est coupée de tout mouchard, créant toutes les frustrations, dérives, abus, que l’on peut imaginer. Le système français n’est donc pas si mal. En tout cas, il me convient, et c’est une belle image de ce que notre temps peut offrir à une société humaine.

Il me reste encore un peu de temps avant d’arriver à la base Titanium. Le temps pour moi de vous parler un peu plus de l’image en tant que telle aujourd’hui. La suprématie de l’image et du paraître est incontestable. Les plus intelligents ou les plus mal intentionnés ont donc commencé dans les années vingt de façon disparate et de plus en plus massive à modifier photos, bandes sonores et vidéos. Ceci avait commencé avec des blagues entre amis, à mettre des visages de façon animée sur des vidéos à caractère pornographique. Mais les déviances n’ont que très peu tardé. Hommes politiques, influenceurs, médias, people, tout le monde était victime de sa propre image, déformée, retravaillée, sortie de tout contexte, créant ainsi de graves tensions diplomatiques, des problèmes de société énormes, tout cela générant une perte de confiance dans l’information. Le fake est une arme pernicieuse utilisée dans toutes les sphères de la vie actuelle. Une guerre des IA a alors gangrené tous les pays du monde. Les hacktivistes voulant tromper l’information et les WK voulant restaurer la vérité, une lutte sans fin s’est insérée dans notre nouveau modèle de société. Mais il existe trois bunkers physiques capables d’émettre des informations sans risque de compromission, la cellule présidentielle, la confrérie médiatique qui regroupe les médias majeurs de toutes orientations politiques et le magistère situé dans l’observatoire. Le healthy web, un internet propre et sûr, censé être en lien avec les cellules saines des autres pays afin d’avoir une vision réelle et précise du monde, est également accessible pour tous.

L’image transgresse tous les codes et est même plus recherchée que la sensation immédiate et réelle. J’en veux pour preuve ce qu’a réussi l’industrie du X. Elle a muté et s’est immiscée dans la sexualité de tout un chacun. Tant et si bien qu’en acceptant de donner son image à l’industrie, celle-ci est en mesure de vous proposer une séance de sexe avec la personne de votre choix, pour peu qu’elle soit âgée d’un minimum de dix-huit années. Je connais des personnes dans mon entourage s’offrant tous les soirs un rapport avec des personnalités politiques, des stars, ou des personnes de leur entourage. Par la stimulation, la virtualisation du scénario choisi et du modèle utilisé, le client se positionne dans une sorte de sarcophage et est abreuvé de stimulations électriques générant dans son cerveau l’histoire, lui procurant plaisir et sensations jusqu’à la fin de son plaisir personnel. Maître de ses faits et gestes en réalité virtuelle, l’intelligence artificielle du X se nourrit des réactions, des comportements et des sons produits du client pour rendre l’expérience toujours plus réelle, pour les hommes, comme pour les femmes. Pour l’avoir essayé une fois par curiosité, la confusion est troublante, et l’expérience m’a fait froid dans le dos. Certains se coupent de toute relation réelle puisqu’ils trouvent leur compte avec cette technologie qu’ils peuvent utiliser en club, ou chez eux en payant le prix fort.

À partir de la deuxième utilisation, la technologie conserve votre semence et la transfère aux laboratoires de l’industrie du X, qui constitue alors une véritable banque de spermatozoïdes. Je trouve le procédé et le concept assez sordides. Hautement surveillés, l’État a le contrôle sur le devenir de ces échantillons, mais n’a pas accès aux données personnelles du client. Vous comprendrez pourquoi je ne souhaite pas réitérer l’expérience. Je préfère le réel au virtuel même si je sais apprécier les sensations qu’il peut apporter. Tout ceci pour vous dire que l’image est devenue une donnée, échangeable, négociable, enjeu, témoin, victime, actrice dans cette société où l’éthique également a changé et est toute relative. L’image des militaires est protégée. Déployés en dehors de la France, c’est évidemment un enjeu stratégique de protéger ces fers de lance de la puissance française à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national.

En attendant devant le premier sas d’entrée de Titanium, on peut apercevoir ces gigantesques tours au loin. Comme de longues tours d’ivoire dressées dans le paysage, les prisons françaises se dressent devant moi.

Venant d’une idée originale de l’architecte français Théo Montier, il s’agissait d’isoler le risque que représentaient les incarcérés en fonction de leur degré de dangerosité. Ainsi, les prisonniers les plus dangereux se situent dans les étages supérieurs de la tour qui culmine à cinq cents mètres empêchant alors toute tentative d’intrusion ou d’évasion. La structure est entièrement constituée de robots gardiens. Les Daddys comme ils sont surnommés, sont des robots gorilles extrêmement intimidants. Équipé de façon non létale, chaque gardien est néanmoins sous supervision humaine, en tout cas pour l’analyse des vidéos. Faire montre des passions humaines, que ce soit du côté des gardiens ou des détenus, est impossible ici, les prisonniers sont traités comme des prisonniers, en intégrant la notion de dignité humaine. La révolution tient également au système carcéral. Les condamnés travaillent pour le bien commun afin de pouvoir se nourrir et remplir le quota d’heures qui leur est imposé. Déconnectés de toutes formes de technologies, et entièrement cloisonnés, ils ne gardent pas un bon souvenir de leur vie carcérale, le taux de récidive étant annoncé officiellement à 0,5 %. Quand je vois au quotidien le recul de la sauvagerie, de la criminalité ou de la délinquance, je me dis que la France a réussi un sacré pari. Et je suis fier d’appartenir à un pays où l’on peut vivre librement et sereinement.

C’est aussi pour cela que je n’hésite pas à m’investir quotidiennement dans l’entraînement et le combat si nécessaire, afin de protéger ce que la France a réussi à faire, de protéger ce qui est resté beau, palpable, perceptible par mes vrais sens.

Le scan effectué, je peux entrer au Titanium et commencer ma journée. Il est 7 h 30. Le mode de fonctionnement chez la Titan est un peu différent de celui de la Terra. Nous fonctionnons par thème. Du lundi au mercredi, les journées sont consacrées à l’entraînement. Thématique, progressif, ou au choix, ce sont trois jours intenses. Le jeudi laisse place aux traditions, et à la place de l’Homme, y compris chez les Titans. La journée recentre donc sur les relations physiques entre humains, sur la valeur du commandement et des valeurs de l’armée. Enfin, le vendredi est le jour de la restitution, déployé virtuellement sur une mission, chacun travaille pour cette même mission. Nous sommes mercredi, j’attaque donc mon troisième entraînement sur la séquence combat haute intensité en milieu urbain. C’est un peu devenu le cœur de notre métier, à nous les TITANs.

Huit heures, je mets mes lentilles connectées au bureau virtualisation, je monte dans mon TITAN, prends connaissance de ma mission afin de la répercuter à mon équipe. Si nous sommes tous lieutenants, les TITANs ne peuvent faire l’économie d’un chef unique sur le terrain. Ainsi l’ancienneté ou la compétence priment. Étant lieutenant trois, j’ai sous mes ordres quatre lieutenants deux, deux lieutenants un et un jeune lieutenant sorti de Saint-Cyr. Toutes les munitions ont été entrées dans le simulateur de façon à pouvoir travailler en condition réelle tout en économisant les moyens sur le tir ou les dégâts matériels issus de la vie réelle. Nous évoluons donc dans de gigantesques hangars, totalement vides, où la lentille connectée se charge de virtualiser l’environnement de la mission. La philosophie des forces spéciales a profité à l’armée régulière, qu’elle soit Terra ou Titan. Ainsi, je travaille toujours avec la même équipe. Les synergies deviennent automatiques et l’efficacité de la fulgurance est alors maintenue à son paroxysme. Nous voilà donc projetés à huit heures trente dans Neo City. Une smart city vraisemblablement désertique. La mission, bien que simple dans sa lettre, reconnaitre un quartier de la ville, se révèle plus sensible dans son esprit. Présence de civils, de néo guérilleros, et de robots ennemis envoyés par un pays rallié à la ville.

Les terans s’entraînent en parallèle de leur côté de façon à ce que le troisième jour nous puissions nous exercer au combat collaboratif pour la mise en situation finale du vendredi. La mission commence donc avec l’envoi de robots spores chargés de scanner et mettre en place le front pionnier qui va nous servir de base de départ, ainsi que les points relais, permettant une progression sûre et rapide. La blitzdaten est l’effet majeur de la bataille. Le niveau de difficulté du scénario est faible. Neo City ne possède aucune défense lourde et n’utilise pas de contremesures électromagnétiques. Le poste avancé étant en place, je commande à mes sergents d’envoyer et de gérer l’aseptisation du quartier à reconnaitre. Les capteurs nous offrent une cartographie complète du milieu dans lequel nous devons opérer, mais sont malheureusement victimes de divers pièges. Mines, robots cannibales adverses, fosses, la carte est complète au prix de la mise en œuvre et de la destruction de nombreux petits compagnons. Dans cet exercice pas d’avatar DR, le but étant de nous faire travailler le côté tactique. Je me déploie avec une formation spécifique, quatre soldats sont avecmoi.

Trois autres progressent en colonne de part et d’autre de la rue. Chacun connaît son rôle. Chacun connaît son secteur de surveillance et de tir. Nous progressons lentement, analysant ce que le TITAN nous renvoie. Les civils sont apeurés, ils se barricadent. Deux de mes lieutenants déploient leur drone marsupial, aérien, afin de surveiller et contrôler les toits. Deux autres déploient leur petit compagnon terrestre de façon à reconnaitre des bâtiments jugés sensibles ou pour flairer d’éventuelles caches. L’avenue se rétrécit et nous force à prendre une ruelle à sens unique, je réorganise mon dispositif, en envoyant les robots terrestres en premier échelon. Nous ne pouvons plus compter que sur nous-mêmes en raison du but de l’exercice, la tactique en combat TITAN. Je prends l’initiative d’envoyer un de mes lieutenants deux lorsque je vois le retour négatif des capteurs. Je lui dis cependant de débarquer et d’être en appui de son TITAN. Suivi de très près de moi-même et du reste de la troupe, nous progressons à pas feutrés, sentant le vent du danger caresser l’acier de nos montures. D’une bouche d’égout dissimulée sous un carton jaillissent des robots de combat ennemis ayant la forme d’araignée. Je fais rompre le contact au binôme de tête et prends la relève avec deux autres lieutenants pour créer un mur, permettant au soldat débarqué de rembarquer dans son mécha. Contenant les assauts répétés au corps à corps de ces araignées de métal, j’ordonne aux deux autres soldats et TITANs de tenir la ligne et de sortir l’équivalent de la baïonnette pour nos ennemis robots, le Roznal.

Il s’agit d’un fusil d’assaut équipé d’une sorte de tronçonneuse. Nous détruisons donc ces engeances infâmes et je lance la procédure de mechevac. C’est un processus pour renvoyer vers le quartier général le plus proche les armes, technologies, ressources capturées de façon à alimenter les retours d’expériences pour nos propres entraînements, mais également afin de déterminer le niveau technologique de nos ennemis.

Ces exercices sont majeurs dans l’entraînement du soldat puisque la simulation intègre les signes de reconnaissance, uniformes, unités, des pays partenaires, rivaux, et ennemis. Ainsi l’identification reste au cœur de l’apprentissage et est intégrée dans l’application concrète de l’exercice. Il est devenu aujourd’hui tellement difficile d’obtenir le contact, que des robots spéciaux ont été créés en vue d’atteindre le point vital des robots adverses par la destruction cinétique. Je parle bien sûr des robots cannibales. Pour nous défendre, nous avons également amélioré et modernisé les armes blanches. La tronçonneuse est l’une des plus utilisées. Le combat urbain s’inspire désormais largement de l’expérience israélienne en la matière, notamment sur la géométrie inversée. Afin d’éviter au maximum les découverts, les troupes franchissent les habitations de mur en mur, creusent, perforent, démolissent le bâti de façon à rester invisibles au détriment de la signature sonore. Le milieu clos aujourd’hui roi est le souterrain. Certains pensent même que c’est de la maîtrise de ce milieu que découle la victoire. Dans un certain sens, quand je vois l’effet de surprise que provoquent ces bestioles sortant de la bouche d’égout, de la rapidité de progression, et des Three No’s chinois alors rendus possibles, doctrine militaire chinoise que l’on traduit en français par personne (non humain), invisible, et inaudible, je le pense aussi. C’est aussi un milieu qui oppose le plus de résistance à l’onde et qui rappelle de fait le caractère humain de la guerre. Je réorganise mon dispositif le temps de rendre compte à la hiérarchie de l’incident survenu. Si nous devons poursuivre au-delà de la bouche d’égout sans reconnaitre le conduit souterrain, c’est pour des raisons purement physiques et techniques. Nous ne sommes pas équipés pour pénétrer dans des axes aussi étroits, les interférences et connexions limitées ne permettent pas de tirer un plein potentiel du TITAN. Les souterrains sont l’apanage des forces spéciales et des terans.

Je reprends la progression et aperçois l’allée qui se termine en croisement bidirectionnel. Le TITAN de queue déploie alors son drone nous permettant un scan 360 aérien. Étant donnée la taille relativement imposante d’un TITAN pour la petite ruelle dans laquelle nous sommes, les deux premiers s’avancent de part et d’autre du croisement et mettent en place un PTA. Le poste temporaire d’appui n’est ni plus ni moins qu’un mur déployable en trois secondes résistant à du calibre 12,7 mm. Les deux murs posés, le robot terrestre de reconnaissance franchit le passage grâce à la technologie Aim and Track. L’opérateur vise un point précis, le robot marsupial ou le TITAN prend l’objectif et exécute les commandes dictées par l’opérateur. Les trois premiers TITANs franchissent la route, ceux qui arrivent de l’autre côté posent à nouveau deux PTA pendant que le troisième se prépare à enfoncer une porte afin de reconnaitre un bâtiment et de progresser à l’intérieur. J’ai maintenant deux appuis en amont, deux appuis en aval, un homme en attente. Je traverse le croisement avec les deux derniers TITANs. Pas de temps mort, à dix mètres de la porte, le soldat en attente la fait sauter, et je pénètre avec mes deux éléments renforcés par celui ayant détruit la porte dans le bâtiment. Pendant le scan et la cartographie intelligente délégués à nos robots qui corrigent et actualisent ceux réalisés par les premiers robots déployés, les personnels en appui au départ dépassent l’allée, un à un, remballant leur PTA et progressent à leur tour dans le bâtiment. J’ai pris la décision d’entrer, car j’ai considéré risquée l’avancée à découvert. Le bâti nous permettait à tous d’être abrités. Certains de nos ennemis construisent en effet des bâtis pouvant mesurer jusqu’à deux mètres de haut, de façon à empêcher la progression des TITANs. C’est pourquoi les robots, DR et terans sont également constamment utilisés sur le champ de bataille. Sans parler des ghosts, terme sexy pour désigner les forces spéciales qui s’appellent en réalité officiellement Séraphins.