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"Des blédards" retrace les destins entrecroisés de Nassim, Nourdesse et d’autres migrants lors d’une périlleuse traversée clandestine de la Méditerranée. Depuis une plage isolée près d’Oran jusqu’aux champs de fraises d’Huelva et aux ruelles de Vélez-Malaga, leur quête d’un avenir meilleur s’écrase contre le mur de l’exploitation, des préjugés et des désillusions. Alternant dialogues percutants et scènes poignantes, cet ouvrage navigue entre un humour mordant et une critique sociale acerbe, dévoilant les espoirs fragiles et les luttes d’une génération abandonnée. Plus qu’un simple récit, c’est un vibrant hommage à la fraternité et à la résilience, un appel à repenser la dignité humaine et ce rêve universel de liberté.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Mohamed Ouazane, ancien professeur de lettres modernes, signe avec "Des blédards" son entrée dans le monde littéraire. Cette première œuvre théâtrale prend racine dans une anecdote marquante : la confession d’un coiffeur qui lui a révélé ses multiples tentatives pour traverser la Méditerranée. Profondément touché par ce récit, l’auteur a choisi de le transformer en une aventure singulière, mêlant avec finesse comédie et poésie, pour offrir une réflexion universelle sur l’espoir et la résilience.
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Seitenzahl: 64
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Mohamed Ouazane
Des blédards
Théâtre
© Lys Bleu Éditions – Mohamed Ouazane
ISBN : 979-10-422-6091-0
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Nassim, NOURDESSE, HOUARIA et NOURDINE (frère et sœur, marocains, la vingtaine), JADEED (libyen), CINQ AUTRES « PASSAGERS », LE CHEF DE BORD, LE « GRAISSEUR »1
Non loin d’Oran, en Algérie, sur une plage déserte. Une brise d’été souffle à l’heure du berger et dix Harragas2 se rassemblent autour d’un flouka3 flanqué du numéro 2 908. Deux hommes cagoulés les prennent en charge.
Le chef de bord : Fermez vos gueules, déjà, avant de l’ouvrir ! On vous l’a dit au téléphone, on parle pas, ça sert à rien ici ! Vous avez eu l’appel, vous êtes là, on part sans se retourner. Comme vous voyez, on est calibrés. (Il décale un pan de sa chemise, luit au clair de lune un sig sauer chromé.) Les derniers mots que j’ai entendus sur le bateau depuis une semaine et ce fameux jour où j’ai buté un mec en pleine mer, c’est ceux de celui qu’il voulait planter et qui a fondu en larmes en disant : « Je préfère que ce soit sa mère que la mienne qui pleure4. Il l’avait bien cherché. »
Le graisseur : Tout le monde, il est bien assis. Wahrân5 – l’Espagne en trois heures inch Allah ! Avec nous, tu joues pas, c’est la Champions League des Harragas (il rit allègrement).
Nassim (en lui-même) : Y a intérêt pour quarante-quatre millions par personne6.
Vingt minutes après le début de la traversée, à l’extrême limite de la frontière maritime, un bateau de la marine algérienne, monstre d’acier de cent quarante-trois mètres pesant neuf mille tonnes, surgi de nulle part, projette son ombre menaçante.
Le chef de bord : Ya hmar7 daar 8demi-tour sec !
(Fébrile, il compose nerveusement un numéro sur un mobile, un Nokia 1110.)
Ici le chauffeur, dis-lui qu’il ouvre, c’est moi… (À Nassim, le regard torve.) Qu’est-ce que t’as à me fixer p’tit con… ? J’ai mangé ta chèvre (par cette expression typiquement kabyle, le chef de bord fustige son regard désapprobateur) ? C’est ça… baisse les yeux et que je t’y reprenne pas.
Nourdesse (en aparté) : Il a dit : « Ouvre, c’est moi », donc il est de la marine ou en tout cas, il a des complicités…
Nassim (chuchotant justement à Nourdesse) : Tu crois que ce sont des mecs de l’armée ?
Nourdesse (tout aussi prudemment) : Je te dirai une chose après beleh fomok9… j’veux pas t’entendre… (Encore plus bas.) J’ai pas envie qu’ils nous entendent et qu’un mec de chez eux nous fasse la peau en Espagne. Le gars est armé, déterminé, entraîné, il a passé le coup de fil : « Dis-lui que c’est moi, il ouvre. » Ça veut dire ce que ça veut dire, je te fais pas un dessin. Pourquoi il le fait, est-ce que c’est un pourri, un corrompu, en tout cas par passage, ils ramassent trente mille euros. Ils doivent être quatre à se partager la thune, les deux du bateau, le contact téléphonique et celui qui ouvre ; ça ressemble à une organisation militaire avec un gars en mission, son assistant, un contact et un haut gradé, mais encore une fois, ça se trouve, c’est pas ça du tout… Ce sont peut-être des amateurs, opportunistes, des mecs qui trempent dans la barbouzerie.
Après le demi-tour et des manœuvres erratiques, l’embarcation semble hors de portée du bâtiment de guerre et la traversée se poursuit jusqu’à un bruit sec, le moteur ne répond plus.
Le graisseur : Vous voyez bien que j’essaie de passer, bougez de là ! C’est bon, c’est rieeeen, pas de panique, ça arrive, ça ! Des fois, on traverse des zones où y a beaucoup de filets de pêche. Je gère la situation.
Il faut bien une demi-heure au graisseur qui joue du couteau pour parvenir enfin à désentraver la barque.
Douze heures plus tard, croyant naïvement tomber nez à nez avec une ville, alors qu’il s’agit en fait d’une flopée de gigantesques porte-conteneurs.
Nassim : P… ! (Il se ravise, ayant en mémoire les menaces avant d’embarquer.)
Le chef de bord (au graisseur) : Éteins le moteur !
(À la cantonade.) Celui qui veut pisser ou fumer, c’est maintenant, après on met les gaz, ça va secouer, il faudra s’accrocher… si Dieu le veut toujours droit devant…
Trois heures plus tard, à minuit, sur une plage de la côte espagnole ; la mer et la montagne s’offrent en spectacle aux yeux ébahis et pour certains rougis. On se trouve sur le domaine du Parque Natural Cabo de Gata, à Níjar en Espagne. Les derniers mots du chef de bord :
« On a fait notre part, partez maintenant, Allah y sahel10. Suivez les lumières de la ville, au loin, c’est à cinq heures de marche d’ici. »
Le bateau rebroussant chemin, deux groupes se forment et se séparent.
Houaria, CHAFIK, NASSIM, NOURDESSE
Nassim, Nourdesse, Houaria et Chafik engagent un conciliabule.
Nourdesse : Bon kho11 t’as combien ?
Nassim: Trois cents euros…
Nourdesse: Et moi cinq cents. On va pas aller loin, il faut trouver des sous. Où tu vas M612 avec ta sœur ?
Chafik : À Huelva, c’est en pleine saison des fraises, on va travailler, v’nez avec nous, y a du boulot il paraît !
Nourdesse : Allez, on fait ça, mais nous, on prend pas le bus.
Houaria(hilare, à son frère) : BM double pied ti connais !
Nourdesse:Quoi… quoi… qu’est-ce que j’entends, vous allez à pied ?