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"Dévastation" explore un monde où la folie a envahi les esprits les plus puissants, plaçant l’humanité au bord de l’abîme. Les décisions de quelques-uns ont conduit à la destruction de presque toute vie humaine. Comment survivre à ce chaos qui a suivi le ravage ? Chacun devra se battre pour sa survie. Selon son niveau de conscience, certains deviendront prédateurs, d’autres victimes, avant de découvrir des chemins inattendus. Un univers marqué par la lutte et la rédemption, où chaque choix pourrait mener à la lumière ou à l’obscurité.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Anita Valantin explore les émotions humaines et la quête de sens à travers des écrits qui ouvrent des fenêtres sur l’âme. Elle s’interroge sur la capacité de tous à réagir face à des événements dramatiques, comme une guerre totale, et invite chacun à réfléchir sur sa place dans un collectif ou une communauté.
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Seitenzahl: 281
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Anita Valantin
Dévastation
Roman
© Lys Bleu Éditions – Anita Valantin
ISBN : 979-10-422-7885-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Imaginez : un jour la Terre devient folle ! Enfin, quand j’écris la Terre, je veux dire : les habitants de la Terre, et plus précisément ses gouvernants… Peut-être pas tous, les plus virulents, les plus assourdis aux cris des autres humains, mais surtout les plus armés…
Vous le savez, nous ne sommes égaux devant rien. Certains se sortiront peut-être de cette folie sans coup férir. Pour d’autres, ce sera beaucoup plus complexe, mais ils survivront. D’autres encore, beaucoup, y laisseront leur vie.
Des assassins, des voleurs, des criminels de haut vol se cachent parfois sous leurs grands airs de noblesse, parfois de bonté, ou trouvent toujours des justifications à leurs actes… Peut-être ont-ils des raisons de se montrer sous ce jour ? Peut-être ont-ils vécu eux-mêmes des choses douloureuses et traumatisantes. Peu importe, ils existent, tout comme nous existons avec nos côtés bienveillants et notre part d’ombre. Et peut-être, comme moi, en avez-vous rencontré…
Si certains de ceux-là font partie des survivants, que se passera-t-il ?
Lorsque la machine s’emballe et que quelques gouvernants n’ont plus conscience que les populations ne sont pas là pour obéir, payer, et donner leur vie pour de mauvaises raisons, à ce moment-là, on se rapproche du despotisme. Et le danger, c’est que la mégalomanie, ou la paranoïa d’un gouvernement, ou un peu des deux agissent contre la collectivité. C’est alors l’humanité qui est en danger, l’humain, les animaux, la Terre. Un homme de pouvoir peut devenir un traître à son propre peuple, inconscient de l’entraîner dans des combats perdus d’avance, suicidaires.
Voici donc Dévastation, un roman dystopique et utopique… car il me semble important de toujours maintenir l’équilibre. Parfois un mal peut engendrer un bien…
J’ai situé ces évènements fictifs en France à une époque assez proche. Souhaitons qu’ils n’arrivent jamais !
Bien évidemment, les situations et personnages, même s’ils peuvent faire penser à des individus ou des situations connues, sont totalement issus de mon imaginaire.
Si, malgré mes recherches, des personnages cités dans ce livre portaient des noms de personnes existantes, je les prie d’accepter mes excuses. Ce serait totalement involontaire.
Au-delà de la raison, au-delà du raisonnable,
Le monde a perdu toute raison tenable
La peur, le sang, les cris, les larmes ont envahi
En ces lieux, les habitants de tous pays.
Et du haut de mon nuage-colombe
De retour d’autres mondes
Je regarde la planète bleu profond
Exploser en atomiques champignons
En bas, tout en bas, là-bas,
Quelques dirigeants déraisonnent
Et signent un pacte avec le Diable
Celui du pouvoir absolu sur la Vie
Et du haut de mon nuage-colombe
De retour d’autres mondes
Je regarde la planète bleu profond
Exploser en atomiques champignons
Pour le pouvoir sur quelques milliers
De kilomètres ronds ou carrés
Les gouvernants devenus fous
Ont choisi la bombe, et les coups
Et du haut de mon nuage-colombe
De retour d’autres mondes
Je regarde la planète bleu profond
Exploser en atomiques champignons
Et sur les prés vers les maisons,
Où poussaient rosés, mousserons
À mon dernier passage, je riais de voir
Tant de beaux champignons épars !
Et du haut de mon nuage-colombe
De retour d’autres mondes
Je regarde la planète bleu profond
Exploser en atomiques champignons…
Anita Valantin
— Bien volontiers !
En pleins travaux d’aménagements, les deux hommes étaient dans les arbres à la construction de cabanes haut perchées. Utiliser un marteau, pour eux qui avaient été privés de l’essentiel, c’était un vrai cadeau. Ils avaient bien façonné, depuis longtemps, maintenant, des objets, y compris pour faire office de marteau, mais ils étaient faits de branchages et de pierres, mal reliés, pas ces merveilleux outils. Travailler avec de vrais marteaux leur donnait envie de construire encore plus !
Le village s’agrandissait au rythme des projets du groupe.
Pendant toutes ces années, la réflexion était allée bon train. Les constats avaient été des portes ouvertes sur le changement : Vivre dans ce monde porteur, ils l’avaient constaté, de stress et parfois de violence, de fumées toxiques sans respect pour la nature, ni même vraiment pour l’humain ou l’animal, ils n’en voulaient pas.
Alors, les choix du groupe s’étaient orientés vers un projet qui tenait compte de la réalité d’une société, encore en partie inconnue, et de leur reconnaissance pour cette nature qui les avaient protégés.
Ils étaient tous allés les uns après les autres, contempler l’océan, par tous les temps sous tous les cieux. À chaque fois, l’océan montrait une face différente, tantôt coléreux, violent, parfois doux et tendre. Il avançait et reculait au gré des heures pour sa promenade quotidienne sur les abords des plages et des rochers. Il semait là des coquillages, des algues, cadeaux dispensés à ses admirateurs.
D’autres fois, il donnait l’impression de tendre ses bras d’écume, supplique à une lune qui rythmait sa chorégraphie. Il accueillait voiliers et paquebots avec tant de grâce, même si ces derniers laissaient parfois de sombres traces de leur passage.
Ils avaient osé pénétrer les vagues, le regard perdu vers le lointain horizon, surpris, aimantés par celui-ci, si différent du seul qu’ils connaissaient, celui des montagnes.
Tous connaissaient la sensation de l’eau, des graviers du ruisseau dans la forêt qui les avaient accueillis. Mais pas cette eau en mouvement perpétuel, laissant sur la peau des souvenirs salés. Cette eau montrait une vie si gigantesque qu’ils auraient pu rester là, à la contempler, à éprouver toute la gamme de sensations qu’elle leur offrait avec générosité.
Comment auraient-ils pu ne pas remercier pour ce cadeau que leur faisait la vie, eux qui avaient été reclus, anciens esclaves d’hommes brutaux ?
Alors, oui ! Ils remerciaient pour cette vie et l’idée leur venait, avec gravité, à ce moment-là, qu’ils ne l’auraient pas connue si…
Sarah bâilla, appuyée sur la rambarde de la terrasse. Elle était sortie quelques instants admirer le lever de soleil sur Paris. Quelle chance que sa sœur puisse la recevoir régulièrement ! Edwige avait un petit appartement en plein centre, avec deux chambres, bien pratiques. Au prix où étaient les logements dans Paris, elle avait réussi à trouver cette perle rare à un prix honnête.
« Tant mieux ! se réjouit-elle. C’est mérité, elle a assez travaillé pour ça ! »
Elle rentra dans ce qui servait de salle à manger et de salon. Dans le coin kitchenette savamment décoré, Edwige préparait le café. C’était son jour de repos. Elles devaient passer leur journée à faire du lèche-vitrines. Elles s’arrêteraient dans un snack déjeuner près des Tuileries. Leur journée était programmée, semblable à bien d’autres journées que Sarah avait passées avec sa sœur. À plus de trente ans, les jumelles s’organisaient encore régulièrement ces petites parenthèses.
Leurs rituels intangibles et rassurants ne changeaient ni à l’occasion d’une rencontre amoureuse de l’une ou de l’autre ni à aucune autre circonstance. Elles aimaient ces moments. Se retrouver ainsi les ressourçait. C’était toute leur enfance, main dans la main, dans la cour de récréation, ou à jouer en silence, qui leur revenait en mémoire. Pas besoin de parler quand on est tellement semblables ! Et elles adoraient ces moments de retrouvailles…
Mais ce matin-là, Sarah devant son café, avait une bien mauvaise mine :
Quelques instants plus tard, l’affaire était réglée. Edwige prépara vite fait un petit sac, Sarah reprit ses affaires, et elles prirent ensemble le train pour Auxerre.
Le ciel, toujours bleu, laissait filtrer quelques nuées qui s’effilochaient. Le temps était presque agréable. La météo prévoyait un refroidissement pour le lendemain.
Pas grave, elles seraient toutes les deux. Ensemble !
« Je suis dans la cuisine, en train de préparer le repas. Les vitres du séjour se mettent à trembler. Un tremblement de terre ? Une attaque terroriste ? L’appartement est au troisième étage, je sens les murs vibrer, trembler. Un moment de pause très court, inattendu. Je ne prends pas le temps de récupérer mes papiers, pas pensé !…
La terreur de me retrouver sous des tonnes de gravats, si tout s’effondrait, me fait descendre en cavalcade les étages. J’avais entendu que, lors d’un tremblement de terre, d’une attaque par bombe, il fallait se mettre à couvert dans une cave, un lieu clos, protégé. Je me jette dans l’escalier, pensant que l’attaque ou je-ne sais-quoi avait ciblé le quartier. Je descends à la cave, là où, dans la partie qui m’était personnelle, j’avais entreposé mes réserves de conserves en tous genres. J’ai l’impression, vu ce que j’entends dehors, que ce n’est pas que mon immeuble ni mon quartier, qui a bougé. C’est la ville, mais n’est-ce que la ville ? Je ne suis pas la seule à être descendue dans la cave. Tous ceux qui restaient dans l’immeuble et qui avaient eu le temps de descendre sont là.
Au loin, très loin, dans le ciel, certains disent qu’il y a eu quelque chose d’immense qui approchait, quelque chose qui appelle leur frayeur… Nous sommes là, dans un quartier dont les maisons semblent être en train de tomber comme des châteaux de cartes. On ne voit pas, mais on entend. Ce n’est pas un tremblement de terre, c’est une onde de choc. La température hivernale se met soudain à grimper de façon insupportable.
C’est la panique… Si c’est un film, c’est un mauvais film ! Nous entendons dehors des gens hurler de stupeur et de terreur, puis plus rien. Une personne à côté de moi regarde son téléphone portable… cherche l’heure, les nouvelles, une radio… en vain. Où est l’armée ? La police, les gendarmes ? Où sont-ils ? Où sont les pompiers ?
Quelqu’un a prononcé les mots : « Explosion nucléaire »… Comment est-ce possible ? La Centrale la plus proche est à 60 km. Sa construction a fait l’objet de toutes les garanties, de toutes les sécurités !
Soudain notre conscience s’effiloche dans la sensation de vibration qui nous bouche les oreilles. Nous bloquons les portes pour nous éloigner de ce qu’il semble se passer là-bas…
Nous sommes comme figés, terrorisés.
En quelques instants les derniers hurlements que nous entendions assez faiblement se taisent. Il n’y a plus que cet horrible silence. Un silence qui parle de ceux qui étaient là-haut… vivants… étaient…
Que ce soit la centrale qui ait explosé ou un bombardement nucléaire, visiblement, nous étions sur la trajectoire. Si c’était une bombe, le but a été atteint. Il doit y avoir ici des milliers de morts.
La ville est-elle rayée de la carte ? Qu’en est-il de Paris, de Marseille ? Qu’en est-il du reste du monde ?
Tout tourne ainsi longtemps dans ma tête. Je regarde ceux qui sont là avec moi, et je vois leur terreur silencieuse, reflet de la mienne.
Ce que je vois de mes compagnons, ce sont des visages tendus, gris, des yeux écarquillés par la frayeur, des bouches ouvertes sur un effroi indicible. Je suis comme eux, terrifiée.
Nous sommes une dizaine dans ces caves-là. Il n’y a pas de fenêtres ouvertes, les quelques vasistas sont restés bien fermés. Nous regardons dehors. Le sol est jonché de débris et, pire, de cadavres.
Nous restons sidérés pendant de longs instants, comme si nous étions dans un mauvais rêve où les évènements peinent à sortir d’un seul moment terrible.
Une jeune femme paniquée se met à hurler en répétant : « Mes enfants… mes enfants sont à l’école ». Elle veut sortir, courir les chercher. Nous l’en empêchons. Ce qui se passe dehors c’est l’enfer. Si elle ouvre la porte, nous sommes tous condamnés.
C’est cruel, mais il faut revoir nos priorités. Il faut rester enfermés, tant que nous avons à manger. Tant que nous avons assez d’air.
Nous essayons de ne pas nous laisser submerger par la panique, de la laisser loin de nous.
À peine sortis de l’hébétude, nous laissons les minutes passer, et avec elles, nos pensées affolées. En filigrane se dessine l’espoir qu’on va venir nous sauver, que nous ne sommes pas perdus.
Il y a là un professeur de sport, Clément, un ingénieur, Martin, deux mères de famille, Célia et Aline, des retraités de l’administration, Paula et François, une cuisinière qui travaille dans un restaurant, Ghislaine…
Nous devons absolument rester calmes, on se le répète pour mieux s’en convaincre. Le prof de sport est sûr de lui… on peut s’en sortir. On peut tenir le maximum de temps ! Il y aura des équipes de l’armée pour nous tirer de là, avec des masques, des équipements… Pour ceux qu’on aime, rien ne peut nous donner de leurs nouvelles, ils sont sûrement vivants, protégés ? Mieux vaut ne pas y penser…
Nous n’avons que très peu de lumière. Il n’y a plus d’électricité. La lumière du jour qui arrive jusqu’à nous est celle qui passe par les vasistas.
On fait le tour du contenu des caves, l’inventaire. Bouger fait du bien. C’est une projection vers la vie qui nous reste. Ne pas s’appesantir. Avancer vers quelque chose qui peut nous éviter d’entendre nos hurlements intérieurs.
Je ne suis pas la seule à avoir des réserves. Il y a un ou deux congélateurs pleins. Qu’il faudra vider rapidement. Sans électricité, les produits se réchaufferont en quelques jours. Il vaut mieux ne pas tomber malade avec des produits décongelés, et pas par rapport à une date de péremption (on a compris très vite que faire les délicats n’était plus d’actualité !). Mais tout sera-t-il mangeable, une fois les surgelés remontés à la température de la pièce ? La cuisinière propose qu’on fasse cuire rapidement un maximum de choses. On a des boîtes de camping, des bocaux. On trouve même un stérilisateur. Le problème, c’est l’eau. Est-ce qu’on pourra utiliser l’eau des canalisations ? Polluée, mais elle ne touchera pas les aliments en bocaux. Il faudra qu’on trouve des gants…
Nous avons des chaises de jardin, un camping-gaz, de la vaisselle de pique-nique, des lits de camp, mais pas en nombre suffisant. Des matelas gonflables, des duvets dans une caisse de camping.
Une canalisation avec un robinet nous permettra de tirer un peu d’eau, au début, nous dit le prof de sport : l’eau va être polluée par les émanations toxiques. Nous devrons boire peu. La vieille dame qui n’a pas eu le temps de descendre du troisième étage, et qui est sûrement morte là-haut, avait cinq packs d’eau minérale. On peut se laver au minimum, mais pas se passer de boire. On fera tenir les bouteilles le plus possible.
Il y a une boîte avec des jeux… et dans un carton, j’ai retrouvé des feuilles blanches. Je décide de tenir un journal, malgré la pénombre. Je note nos noms, la date du jour.
— C’est indispensable pour s’occuper, dit l’ingénieur, il va falloir patienter et surtout espérer.
Clément réagit :
— Que s’est-il passé ? Mais que s’est-il passé ?
— Clairement, nous dit Martin, c’est nucléaire ! J’avais un peu étudié ça. L’effet de souffle, la température, probablement l’effondrement des maisons, et le résultat, les gens qui meurent dans d’atroces souffrances… ça fait froid dans le dos… Ne vous faites pas d’illusion ! Il n’est pas certain qu’on y survive. Ce qui nous sauve, c’est d’être là, dans la partie la moins agréable de cet immeuble ! Pour l’instant !
On a tout mis en commun. Nous n’avons qu’une envie, un désir : survivre. Autant y mettre de la bonne volonté.
Il y aura peut-être bientôt des équipes extérieures qui tenteront de nous porter secours.
— Mais, dit François, cela dépendra de la surface que cette attaque a touchée. Et ça, on n’a aucun moyen de le savoir. Il faut tenir le plus longtemps possible avant de sortir.
Nous avons discuté longuement. La situation politique actuelle était explosive. On sentait depuis longtemps la tension monter entre les chefs d’État des plus grands pays. Est-ce qu’ils ont perdu leur sang-froid ? Est-ce que c’est un accident ? Est-ce que c’est juste notre pays, une partie de notre pays qui a subi cette attaque nucléaire ? Est-ce qu’on est dans ce qu’on n’ose pas se dire depuis longtemps : une guerre mondiale ?
Deuxième jour
Nous nous étions répartis dans les cellules des caves, presque chacun chez soi, comme s’il fallait préserver notre intimité, nos habitudes. La nuit a été rude. Je crois qu’on a tous fait des cauchemars. J’ai entendu une femme pleurer, longtemps.
Pas de café, pas de thé, à première vue, mais peut-être y a-t-il des réserves dans les caisses que nous n’avons pas encore ouvertes. Il faudra qu’on arrive à se limiter en nourriture. La cuisinière dit qu’elle se chargera de répartir les aliments de la façon la plus juste possible, compte tenu des besoins de chacun.
Une des jeunes femmes, Célia, a fait un malaise.
La journée s’est déroulée dans l’anxiété. Rien dehors, aucun bruit, aucun hurlement… aucun animal, aucun humain errant dans ce qui ressemble à des décombres.
Nous avons tous mal à la tête. Nous essayons d’occuper le temps et de faire connaissance. Les plus bavards racontent des bouts de leur vie. Je ne savais pas que je vivais près d’un monsieur qui avait le même âge et quasiment le même parcours scolaire que moi. Pour un peu, nous aurions pu être dans la même école.
Célia a vomi.
Nous avons dû improviser des toilettes dans une des caves. Cela va être vite franchement pénible. Sans eau, sans le nécessaire pour nous laver. Le reste est supportable. Le pire, c’est ça : le manque d’eau.
J’ai l’impression d’être en train de me vider de mon énergie, enfermée, à tourner en rond avec l’angoisse de ce qu’il s’est passé… Ne rien savoir, ne rien voir…
Peut-être aujourd’hui il y aura des secours… Mais comment les militaires sauront-ils que nous sommes là dans ces caves, alors qu’on ne sait pas s’il y a un moyen de pénétrer ici ni quel est l’état de l’immeuble ?
Nous guettons de temps en temps les bruits, avec l’impression que nous venons d’entendre quelque chose… mais ce n’est qu’un immeuble en train de finir de s’effondrer.
Pas de véhicule qui traverse, à la recherche des habitants. Pas d’hélicoptère dans ce ciel qui reste plein de masses noirâtres. Ici aussi, nous sommes dans le sombre. Avec le matériel, il y a une lampe de camping qui fonctionne sur batterie. Celle-ci est chargée, coup de chance, ça me permet tout de même d’écrire. Nous avons trouvé aussi quelques lampes de poche. Mais on économise. On ne sait pas dans combien de temps les secours vont arriver… s’ils arrivent.
J’ai peur, très peur. Il y avait un petit miroir dans le matériel de camping. Je me suis regardée et me suis trouvée une mine catastrophique. L’ingénieur qui semblait pourtant avoir les nerfs solides a craqué et s’est mis à pleurer : sa femme et ses enfants, comme nos proches à tous, sont restés « en haut » : sa femme au travail, les enfants à l’école. On s’est répété qu’il ne fallait pas essayer d’imaginer… que peut-être avaient-ils pu profiter d’une solution de repli, et qu’ils s’en sortiraient… Mais, au fond, personne n’a d’illusion.
Tout le monde a maintenant mal à la tête. Célia semble plus malade que nous. Elle est très fragile. Elle vomit, et a de terribles migraines.
Le deuxième jour se termine avec le constat que nous nous affaiblissons. Certains toussent beaucoup. Nous essayons de nous alimenter correctement, mais les packs d’eau ont été très largement entamés. Il n’est pas certain que nous ayons des sauveteurs avant qu’il ne reste plus d’eau, de lumière… Ce soir, tout le monde a le moral en berne. Y aura-t-il un lendemain pour nous ?
Troisième jour
La nuit a été très difficile pour tous. Nous réalisons que nous sommes condamnés. Personne n’est venu, personne ne viendra, il n’y a plus personne qui puisse nous entendre…
Le ciel est chargé de masses sombres, plus denses que les nuages. Le soleil a disparu derrière ce rideau sale.
Célia est décédée ce soir. Elle avait beaucoup de fièvre. Il aurait fallu lui faire boire des litres et des litres… ce que nous n’avons pas… Il ne nous en reste désormais que très peu. On a tous pleuré, sur elle, sur nous. On s’est réfugié chacun dans son coin. Et puis après, on s’est retrouvé autour de cette question horrible : que faire de son corps ?
C’est la question qui nous a fait prendre conscience jusqu’à quel point ce monde nous a oubliés. Nous sommes totalement isolés, et la cave que nous avons cru efficace pour empêcher les radiations de nous atteindre est une passoire.
Nous n’essayons plus de jouer, non seulement le cœur n’y est plus, mais, en plus, nous n’arrivons plus à nous concentrer. Plus de bavardage, plus de rires. Nous devenons fantomatiques, atteints chacun par des maux de plus en plus douloureux : vomissements, fièvre, diarrhées. Nous ne pouvons plus nous nourrir. Combien de temps avons-nous encore à vivre ?
Quatrième jour
On s’affaiblit de plus en plus, avec des maux de tête terriblement violents. Je reste allongée, comme la plupart d’entre nous. La cave que nous avions dédiée aux toilettes est maintenant d’une puanteur totale. On avait trouvé des seaux, mais maintenant à force de diarrhée, et de vomissements (quand on a le temps de se rendre là-bas), c’est devenu une pestilence. On fait l’effort tout de même de préserver nos espaces à peu près… supportables.
On n’essaye même plus d’ouvrir des boîtes. Tout ce qu’on avale repart au même endroit… il n’y a plus d’eau.
J’ai fait des malaises aujourd’hui, qui se confondent avec des phases de « sommeil » très particulier, tant tout mon corps est douloureux. Je sais que, pour les autres, c’est la même chose. Comment a-t-on pu s’intoxiquer à ce point : nous n’étions pas sortis ! Est-ce que tout pénètre dans ces caves ?
En étant couchée, j’ai regardé le mur aujourd’hui, et j’ai vu une aération. Il doit y en avoir dans toutes les caves.
On est fichus ! On n’a rien vu. On a imaginé que, comme on était dans une cave, nous serions protégés… Pour un peu, je rirais de notre stupidité.
Même l’ingénieur n’a rien vu.
J’en ai pleuré de rage, de terreur. Je prends conscience que je ne survivrai pas, qu’ici personne ne s’en sortira… Peut-être d’autres, ailleurs…
Mon estomac, tout mon intérieur sont une torture, comme si j’étais brûlée, asphyxiée.
De temps en temps, mon esprit est traversé par des réminiscences de moments joyeux, heureux. Puis ils s’effacent, c’est comme si nous cessions d’exister même pour nos souvenirs…
Cinquième jour
Une question m’est venue entre deux malaises, ou deux sommeils, je ne sais plus… « C’est quoi la mort ? », et ma petite voix intérieure m’a dit : « Tais-toi idiote, tu es déjà morte »…
Je n’ai plus la force d’écrire… Je laisse la place au professeur de sport, Clément, qui est le plus solide, qui tient encore un peu debout… Peut-être, lui, aura-t-il une chance ?
…
Madeleine, qui avait décidé de tenir ce journal, persuadée qu’on viendrait nous tirer de ce très mauvais pas, est décédée en fin d’après-midi. Mais était-ce bien l’après-midi ?
Nous savons que tel sera notre sort. Les symptômes qu’elle a décrits hier sont ceux que nous partageons tous ce matin. Dans un jour deux jours, maximum, il ne restera plus personne de vivant dans ces caves. »
Il y avait eu les bombes.
Tout n’avait pas été détruit. Ceux qui avaient lâché ces monstruosités avaient ciblé les lieux stratégiques, les plus grandes villes, les infrastructures les plus atteignables, centrales nucléaires, électriques, les réseaux, les réserves pétrolières.
Les dégâts avaient été considérables, en termes de structures, mais il restait des vivants, des savoirs. Certains avaient vu venir la catastrophe, des politiques avertis, des personnes influentes. Ils s’étaient abrités. Des bunkers avaient bien été construits dans certains endroits, pour les plus fortunés, ou en situation de pouvoir, avec le nécessaire pour tenir le plus longtemps possible.
Quelques centaines d'êtres humains dans le pays s’étaient ainsi préservés quelque temps. Ils savaient les effets d’une guerre nucléaire. Ils avaient calculé qu’ils devraient tenir abrités plusieurs années s’il le fallait, le temps que s’évacue le maximum du nuage toxique. Le soleil serait obscurci très longtemps et les pluies ramèneraient sur le sol toutes ces cendres. Ce qui allait pousser sous ce ciel constamment noirci ne serait pas mangeable avant longtemps. Ils avaient fait des réserves en conséquence. Tout était prévu pour eux.
Dès que la tension internationale avait dépassé les limites du gérable, ils avaient rejoint les bunkers, en restant en lien avec le monde par la radio, la télévision, internet, le téléphone. Et puis, lorsque tout fut stoppé, que les nouvelles ne leur arrivèrent plus, ils surent que le moment de s’économiser et de tenir était arrivé.
Paul-François Chavanne de Monteron et Anne-Valérie, son épouse, lui ancien ministre de l’économie sous un gouvernement précédent, et elle, directrice d’une entreprise internationale, avaient très discrètement précédé et préparé leur mise à l’abri. Ils n’en avaient parlé à personne. Ni à leurs amis ni à ceux avec qui ils travaillaient. Ils savaient que le bunker ne pourrait contenir que deux personnes sur un temps long.
Ils avaient pensé à tout, enfin, c’était surtout lui, Paul-François, qui s’était occupé de régler les détails. Ils avaient des réserves alimentaires… une mini structure pour faire pousser de la salade, quelques légumes, un lieu clos pour que les déchets se compostent afin de réutiliser les restes alimentaires de façon optimisée, en vue de leur sortie.
— Vois-tu, avait dit Paul-François à Anne-Valérie, si tout se passe comme je le crains, le Président russe activera les bombes. La pression monte depuis trop longtemps avec les États-Unis. La Chine rajoute son grain de sel de façon à bien faire sentir son pouvoir, sa capacité à être le troisième larron qui décidera, quand les dés seront jetés, de quel côté penchera la balance. L’Iran suivra. Le Président des États-Unis appuiera sur le bouton dans les deux ou trois secondes suivantes. Nous sommes, ici, en Europe, entre le marteau et l’enclume, mais nos postures économiques penchent du côté des États-Unis. Nécessairement, nous serons touchés en grande partie. La Russie ne nous fera aucun cadeau. Le Président russe rêve de se faire nommer tsar et de bâtir un empire sur toute l’Europe !
La meilleure option que nous ayons, c’est de prévoir le pire, et de nous faire fabriquer un super bunker. J’ai examiné pas mal de modèles. Tu regarderas, et nous ferons construire celui qui nous semblera pouvoir être suffisamment efficace pour nous deux, pour le maximum de temps.
— Que fais-tu des enfants ? De nos familles ? De nos amis ?
— Écoute… Crois-tu que nous pourrons faire construire un super bunker grand comme un immeuble pour y mettre tous ceux que nous apprécions ? Juste impossible. J’en ai touché deux mots aux enfants, très discrètement, en leur virant suffisamment d’argent pour qu’ils puissent s’en faire construire. Je pense qu’ils l’ont fait. Quant aux amis, pas d’illusion. Tout le monde a senti le vent tourner, et chacun a dû prévoir.
— Combien de temps faudra-t-il tenir, au cas où ça arrive ? Encore que j’espère que ces idiots n’arriveront pas à la réponse ultime !
— Je pense qu’il faudra bien tenir au moins un an, le temps qu’un maximum de cendres soit dispersé. Et ensuite, nous devrons sûrement sortir très prudemment avec des combinaisons et de l’oxygène. Je prévois tout. Peut-être qu’après ça, les choses se seront calmées. Nous devrions être en mesure de prendre le pouvoir, et gérer le chaos existant. Je compte écrire pendant ce temps. J’envisagerai des montages avec toutes les possibilités. Que nos amis ministres soient toujours vivants ou pas…
Ils avaient pensé à tout. Sauf au relationnel, à l’égoïsme, à leur communication personnelle. Très vite, Paul et Anne réalisèrent qu’ils avaient laissé les êtres auxquels ils tenaient, qu’ils les avaient abandonnés au pire. Lui, une ou deux maîtresses, elle son amant, auquel elle tenait beaucoup, et puis une amie qui la soutenait, lorsqu’elle avait trop de pression à supporter…
Pour leur communication, ils pensaient au départ que cela ne poserait aucun problème. Ils étaient mariés depuis assez longtemps pour connaître les qualités et les défauts de l’autre, et savoir lorsqu’il fallait lâcher prise, et lorsque la fermeté était nécessaire. Le fait qu’ils aient eu des vies très chargées d’administratif, l’un comme l’autre, ne semblait pas les préoccuper. Ils s’adapteraient.
Paul-François avait prévu ce qu’il fallait pour écrire, à la main, bien entendu. Pour lui, les vrais écrivains écrivaient à la main. C’était évident. Il avait donc du stock de stylos, de papier, de quoi compiler ses écrits dans des dossiers. Il s’était aménagé un bureau dans un coin du bunker. Et il s’était mis au travail sans plus de formalités.
Quant à elle, Anne-Valérie, elle n’avait pas trop imaginé ce qui arriverait dans cet espace plutôt restreint. Ils avaient prévu une bibliothèque assez fournie, des films, en se limitant sur l’utilisation de l’électricité fournie par le générateur : en priorité, l’électricité servirait au renouvellement de l’air, au chauffage, à la lumière, à la préservation des aliments, à la mini serre. Elle avait amené un ou deux ordinateurs portables, avec ses dossiers. Elle pourrait également travailler sur des projets qui lui tenaient à cœur dans sa « super-entreprise », si tant est que celle-ci existe toujours à leur sortie du bunker.
Elle pratiquait le yoga… Elle aurait tout ça comme dérivatif à l’ennui. Rien que ça… et personne avec qui partager ! pensa-t-elle avec un soupir.
Cette pensée fit dériver son esprit vers l’horreur :
— Dis-moi, Paul, l’interrompit-elle, tous les ouvriers, tous les employés de mes usines, ils ont dû disparaître, non ? Et mes usines ? Mon Dieu, je réalise que tous ces gens ont dû se retrouver sous les bombes, là où étaient placées les usines !
— Non, mais, Anne ! Redescends de ton nuage ! Bien sûr, tous ces gens sont morts. Tes usines sont aussi détruites que le château de Windsor, Big Ben, et le Palais de Chaillot !!! Tu as été ruinée en quelques millisecondes ! J’ai fort heureusement mis en lieu sûr, dans un coffre enterré dans le jardin, tout ce que j’ai pu transformer en or, pour le moment où on ressortira d’ici. À espérer qu’il ait encore une valeur !
— Mais, je n’avais pas réalisé ça ! Bien sûr je me disais qu’il y aurait des dégâts, mais je n’ai pas imaginé que ça arriverait à mes biens ni à mes employés. Il y avait des gens sérieux, qui mettaient beaucoup d’énergie dans leur travail. Ça me désespère. Ça a dû être terrible de se retrouver sous les bombes !
— Bon, Anne… Ces gens n’ont pas eu le temps de souffrir, ils sont morts en quelques instants. Comment as-tu pu imaginer que cela serait comme dans « la Belle au Bois Dormant » et que tout allait reprendre au moment où nous ressortirions d’ici ? Mais, réveille-toi ! Tout le monde a pris des bombes sur la tête. Mis à part ceux qui ont un bunker, il ne doit plus rester personne.
— C’est affreux ! Et nos amis… Et la petite qui venait pour le ménage, mon chauffeur, le jardinier…
— S’il te plaît, arrête de tourner en rond autour de ça. C’est un massacre terrible, là-haut, c’est un fait ! Tes angoisses et tes remords n’y changeront rien… Alors, maintenant, tais-toi, trouve-toi une occupation et laisse-moi travailler !
— Comment ne pas avoir une pensée pour toutes ces personnes qui ont fait partie de nos vies, non ? Je te trouve bien égoïste, toi qui prônes sans arrêt le collectif et l’entraide.
— Mais, ça, c’est mon discours politique ! Crois-tu vraiment que je privilégie le collectif et l’entraide en me construisant un bunker ?
— Nous !!!
— Hein ?
— Nous construisant un bunker !
— Oui, oui, bien sûr ! Allez… Laisse-moi travailler !