Dragon Ball - Valérie Précigout - E-Book

Dragon Ball E-Book

Valérie Précigout

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Beschreibung

Du cinéma à la série télé, du manga au comic, l'auteur revient sur les coulisses de cet univers incontournable.​​

Ce premier ouvrage du label pop-culture de Third s’intéresse à la légende Dragon Ball, le manga culte des années 1980-1990. À l’occasion des trente ans de la série animée, les éditions Third se proposent donc de retracer toute l’histoire de l’oeuvre majeure d’Akira Toriyama. À la manière des ouvrages sur les sagas Zelda ou Final Fantasy, ce livre traitera avec la même précision de la genèse du manga, de la richesse de l’univers et des différents messages que véhicule la série du héros Son Goku. ​​

Une rétrospective unique sur un géant de la pop culture !

EXTRAIT

"La genèse d’une œuvre se révèle bien souvent riche d’enseignements sur la nature même de celle-ci. À ce titre, le parcours de Dragon Ball, simple manga devenu véritable phénomène de société à travers le monde, mérite d’être décortiqué si l’on veut comprendre toutes les clefs de son succès. Par exemple, nous verrons dans ce chapitre le fond de ce que souhaitait exprimer son auteur et de quelle manière la trame de départ a évolué pour prendre une direction bien éloignée de celle de ses débuts. Il sera également question de l’impact que provoqua son exportation à travers le monde et de l’accueil que lui réserva le public étranger à une époque où le terme « manga » était encore inconnu du plus grand nombre. Cryogénisé durant de longues années pour renaître avec encore plus de vigueur aujourd’hui, le phénomène Dragon Ball n’est pas près de cesser de faire parler de lui, et nous allons tenter de comprendre pourquoi en relatant chacune des grandes étapes de son développement."

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Ce qui est le plus intéressant dans le livre, c'est le récit de la genèse de la création de l'univers Dragon Ball par Akira Toriyama. On nous raconte la jeune vie du mangaka, ses premiers essais, plus ou moins convaincants, et ses inspirations." - JosephAlexianHeartfire, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Valérie Précigout, plus connue sous son pseudonyme de Romendil, a travaillé pendant quinze ans comme journaliste pour Jeuxvideo.com, le site spécialisé le plus important d'Europe. Férue de jeux de rôle japonais, elle a su s'imposer dans la critique sur Internet alors que cette dernière n'était encore que balbutiante face à la presse papier. Passionnée par la culture manga et les loisirs japonais, elle partage désormais ses impressions sur l'actualité du jeu vidéo par le biais du site Extralife.fr et rédige des articles dans la collection d'ouvrages Level Up, également chez Third Éditions.

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Dragon Ball. Le livre hommagede Valérie Précigout est édité par Third Éditions sous son label Force 32 rue d’Alsace-Lorraine, 31000 Toulouse [email protected] www.thirdeditions.com

Nous suivre : @ThirdEditions — Facebook.com/ThirdEditions —  Third Éditions

Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, même partielle, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite du détenteur des droits.

Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit constitue une contrefaçon passible de peines prévues par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteur.

Le logo Third Éditions est une marque déposée par Third Éditions, enregistré en France et dans les autres pays.

Édition : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi Textes : Valérie Précigout Relecture : Zoé Sofer Mise en pages : Julie Gantois Couverture classique : Xavier Collette Couverture « First Print » : Frédéric Tomé

Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions à la grande série de mangas Dragon Ball.

L’auteure se propose de retracer un pan de l’histoire des mangas Dragon Ball.dans ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces mangas à travers des réflexions et des analyses originales. Dragon Ball. est une marque déposée de Bird Studio, le manga a été originellement édité par Shueisha Inc. au Japon et par les éditions Glénat en France. Tous droits réservés. Les visuels de couverture sont inspirés des œuvres d’Akira Toriyama.

Édition française, copyright 2016, Third Éditions.

Tous droits réservés.

ISBN : 979-10-94723-47-0

PRÉFACE

Il y a des choses qui bouleversent une vie. Que ce soient des événements, des rencontres ou une œuvre. Dragon Ball, c’est tout ça à la fois : il y a un avant et un après. Un événement : le jour où je découvre l’anime (avant le manga) dans ma télé trente-six centimètres en n’imaginant pas un seul instant que plus de vingt-cinq ans après j’en parlerai encore. Une rencontre : celle de Goku et ses amis, celle d’un univers, d’un humour, du manga et de la japanimation. Une œuvre : car Dragon Ball. n’est rien d’autre qu’une œuvre qui mérite un statut à part.

Évidemment, l’affect parle aussi, le fait d’avoir découvert et été initié à un genre, une culture qui était jusque-là totalement étrangère. Mais pas seulement, et c’est justement en ça que cet ouvrage dédié à Dragon Ball. est utile et passionnant. Au-delà de la nostalgie qui nous fait aimer sans aucune limite l’œuvre de Toriyama, il y a le génie, le talent sans bornes, la Shueisha et toute une histoire. Et quelle histoire ! Car le succès de Dragon Ball, même s’il n’est pas totalement inattendu, a dépassé toutes les espérances, à commencer par celles d’Akira Toriyama.

Dédier un livre à une œuvre telle que Dragon Ball. est toujours risqué, dur numéro d’équilibriste entre « fan » et journaliste. Et pourtant, ici nous retrouvons plus qu’un « fan service » facile, plus que l’avis d’une passionnée mais un véritable ouvrage couvrant le large spectre de l’univers Dragon Ball.

Néophyte (si, si, ça existe !) ou connaisseur averti, vous trouverez ici votre bonheur. Analyse, informations, anecdotes, tout est réuni pour compléter, et je vais même plus loin, augmenter encore un peu plus notre passion pour Dragon Ball. Et pourtant, comme dans toute success story, tout n’est pas rose ; les mésaventures de Toriyama et son éditeur sont un aspect non négligé et non négligeable dans l’évolution de la saga.

Saga est le terme approprié, et toute saga mérite un traitement à sa hauteur. J’espère que, comme moi, au fil des lignes de ce livre, vous vous remémorerez les cases du manga, les épisodes de l’anime, les personnages oubliés... Et que vous prendrez le même plaisir que j’ai pris à le découvrir. J’ai aussi peu de doutes là-dessus que sur le sort de Yamcha à l’issue d’un combat.

Sébastien-Abdelhamid Godelu Journaliste, animateur et comédien, et fan inconditionnel de Dragon Ball.Ascendant Saiyan.

Avant-propos

Parce qu’il fut celui qui ouvrit la France, l’Europe et le reste du monde à une culture dont ces pays ignoraient tout, et ce de la manière la plus symbolique qui soit, sans compromis ni vaine tentative de s’adapter au marché étranger, Dragon Ball. mérite plus que nul autre son statut de phénomène hors-norme dans toute la sphère manga. Entrée dans l’Hexagone il y a plus de trente ans, par le biais notamment de son adaptation télévisée, l’œuvre de Toriyama dut surmonter les condamnations de ceux qui voyaient en elle l’incarnation du mal venue pervertir leurs enfants pour acquérir, en un rien de temps, une popularité sans précédent. Aujourd’hui, ces enfants-là ont suffisamment grandi pour pouvoir défendre eux-mêmes les valeurs de Dragon Ball. et tenter d’expliquer pourquoi ils éprouvaient alors une telle fascination pour cette chose qui ne ressemblait à aucune autre et que personne ne voulait réellement chercher à comprendre.

L’ouvrage que vous avez entre les mains n’a pas valeur d’encyclopédie et ne prétend pas non plus alimenter les théories les plus farfelues autour de la franchise. Son rôle est simplement de retracer, de manière documentée, la genèse du phénomène Dragon Ball. en analysant et en décortiquant les points clefs de l’univers de la série, à la lumière de ses différentes sources d’influences. Tout le processus de réflexion qui englobe le développement de ces pages s’appuie donc exclusivement sur les sources officielles et ne se risque nullement à des interprétations subjectives.

Avec ce livre, nous souhaitons, nous aussi, rendre hommage au mythe Dragon Ball. qui est parvenu, même durant toute la période ayant suivi l’arrêt de la série, à ne jamais s’éteindre, allant jusqu’à amorcer une renaissance fulgurante trente ans après ses débuts. Dans quelles circonstances ce manga est-il né ? Pourquoi la série animée a-t-elle eu un impact aussi colossal à travers le monde ? Comment le phénomène a-t-il réussi à perdurer de manière tangible pendant plus de vingt ans alors que son créateur y a mis un point final en 1995 ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre en partant à la redécouverte de l’œuvre intemporelle imaginée par Maître Toriyama.

Avertissement : concernant l’orthographe des noms, cet ouvrage prend comme référence la traduction française de la Perfect Édition du manga Dragon Ball paru aux éditions Glénat.

Biographie de l’auteure

Valérie Précigout, plus connue sous son pseudonyme de Romendil, a travaillé pendant quinze ans comme journaliste pour Jeuxvideo.com, le site spécialisé le plus important d’Europe. Férue de jeux de rôle japonais, elle a su s’imposer dans la critique sur Internet alors que cette dernière n’était encore que balbutiante face à la presse papier. Passionnée par la culture manga et les loisirs japonais, elle partage désormais ses impressions sur l’actualité du jeu vidéo par le biais du site Extralife.fr et rédige des articles dans la collection d’ouvrages Level Up, également chez Third Éditions.

Chapitre premier

Création

La genèse d’une œuvre se révèle bien souvent riche d’enseignements sur la nature même de celle-ci. À ce titre, le parcours de Dragon Ball, simple manga devenu véritable phénomène de société à travers le monde, mérite d’être décortiqué si l’on veut comprendre toutes les clefs de son succès. Par exemple, nous verrons dans ce chapitre le fond de ce que souhaitait exprimer son auteur et de quelle manière la trame de départ a évolué pour prendre une direction bien éloignée de celle de ses débuts. Il sera également question de l’impact que provoqua son exportation à travers le monde et de l’accueil que lui réserva le public étranger à une époque où le terme « manga » était encore inconnu du plus grand nombre. Cryogénisé durant de longues années pour renaître avec encore plus de vigueur aujourd’hui, le phénomène Dragon Ball. n’est pas près de cesser de faire parler de lui, et nous allons tenter de comprendre pourquoi en relatant chacune des grandes étapes de son développement.

Akira Toriyama, une vie dédiée au manga

Difficile de prétendre cerner une œuvre, quelle qu’elle soit, sans tenter de connaître d’abord son auteur. Voilà pourquoi il nous paraît inévitable de nous intéresser en premier lieu au personnage d’Akira Toriyama. Le mangaka, considéré comme le véritable ambassadeur du manga en Occident, de manière sans doute encore plus manifeste que n’a pu l’être Osamu Tezuka (Astro Boy, Le Roi Léo) dont l’œuvre s’adresse finalement à un public assez confidentiel, représente en effet bien plus que le papa de Dragon Ball.D’un naturel discret, l’homme tient aujourd’hui à préserver sa vie privée et ne donne quasiment plus d’interviews, ce qui rend le peu de chose que l’on sait de lui encore plus précieux.

Jeunesse et refus d’une vie ordinaire

La Terre, 5 avril 1955. Bien avant que les Saiyans et autres peuples de l’espace n’aient l’idée de venir fouler le sol de notre monde, le petit Akira Toriyama voit le jour sur une île du Pacifique. Dépourvu de queue de singe ou de tout autre signe distinctif inhabituel, il grandit plus exactement à Kiyosu près de Nagoya, dans la préfecture d’Aichi au Japon. Un environnement plutôt rural, bien éloigné de l’effervescence citadine, et donc fatalement propice à une jeunesse insouciante dont on retrouvera l’influence, bien des années plus tard, dans les premières œuvres du futur mangaka de renom.

D’un naturel timide et réservé, amoureux du dessin et passionné par les mangas, le jeune Akira Toriyama affiche une admiration manifeste pour Les 101 Dalmatiens et autres films d’animation Disney, mais aussi pour les créations d’Osamu Tezuka, l’auteur d’Astro Boy considéré aujourd’hui comme le « père » moderne du manga. Il s’intéresse ensuite de près au cinéma avec une prédilection pour le western et la science-fiction.

Nous sommes, rappelons-le, dans une société qui vient d’être profondément transformée par des années d’occupation américaine. Et, sur le plan culturel, la musique, le cinéma et la bande dessinée affichent de nouvelles influences qui ne manquent pas d’attrait pour la jeunesse japonaise. Akira Toriyama se nourrit ainsi avec délectation de toute cette culture populaire américaine qui enflamme son imagination déjà débordante, générant autant de futurs clins d’œil qui pimenteront l’ensemble de ses œuvres à venir. Pas étonnant d’y trouver pêle-mêle des références avouées à Godzilla, Ultraman, Star Wars, Terminator, Alien, King Kong, Superman, Dracula, Tarzan et même L’Inspecteur Harry !

Après des études dans un lycée technique spécialisé dans le design, le jeune homme décide d’entrer sans plus attendre dans la vie active, allant ainsi à l’encontre de la volonté de ses parents qui souhaitaient le voir poursuivre ses études à l’université. Âgé de seulement dix-neuf ans, Akira Toriyama est ainsi embauché par une petite société spécialisée dans le dessin publicitaire pour laquelle il réalise alors des logos, avant d’être gagné par la routine et de démissionner deux ans et demi plus tard. La vie de simple salaryman ne semble vraiment pas faite pour lui.

Mise à l’épreuve de la motivation du futur mangaka

Séduit par l’idée de participer au concours Monthly Young Jump Award organisé par le célèbre éditeur Shueisha, il élabore ses premières histoires courtes humoristiques en 1977 et 1978, mais celles-ci ne remportent aucun prix. Les gags d’Awawa Island ne retiennent visiblement pas l’attention du magazine et la dimension parodique de Mysterious Rain Jack (Nazo no Rain Jack) qui s’inspire allègrement de Star Wars ne lui permet pas de remporter la finale. Cette expérience se solde néanmoins par une très bonne surprise pour Akira Toriyama, qui reçoit les encouragements de Kazuhiko Torishima, un éditeur du Weekly Shônen Jump, qui lui redonne alors l’espoir d’être publié s’il réussit à se surpasser.

Il faut en effet se resituer dans le contexte des magazines de prépublication japonais qui, en plus d’être une réelle institution, constituent un tremplin majeur pour les futurs auteurs de mangas. Véritable pépinière de talents, ces concours ont régulièrement fait sortir de l’ombre des mangakas devenus aujourd’hui extrêmement célèbres. Obtenir une récompense de la part du Weekly Shônen Jump est donc tout un symbole, et Akira Toriyama l’a bien compris.

Ainsi, le jeune homme persévère et voit finalement ses efforts récompensés par la parution de son premier manga de quinze pages baptisé Wonder Island, auquel il ajoutera un second chapitre l’année suivante, en 1979. Le manga se démarque par son absurdité assumée et son style en SD (Super Deformed, soit petits corps et têtes disproportionnées) qui transcende les multiples clins d’œil à la culture populaire de l’époque.

Mais l’artiste a bien du mal à voir le bout du tunnel et, après s’être vu refuser des centaines et des centaines de planches, il publie enfin deux nouvelles histoires courtes : Today’s Highlight Island (L’île d’Haïraï aujourd’hui) qui raconte les mésaventures d’un enfant en proie à une rage de dents, et Tomato, Girl Detective (Girl Keiji Tomato ou L’Inspecteur Tomato en version française) dans lequel on assiste aux interventions musclées et rocambolesques d’une jeune policière un peu dingue. Ce one-shot met pour la première fois en scène un personnage féminin sur les conseils de son éditeur, qui avait été séduit par le design des héroïnes de Toriyama. Le manga obtient par ailleurs de très bons retours de la part des lecteurs du Jump, probablement parce que l’auteur commence à porter davantage d’attention à la structure de ses histoires.

Et cet élément est loin d’être sans importance car ce sont justement les votes des lecteurs qui influent sur la nature des séries que le Jump va décider de poursuivre ou de remplacer par d’autres. Édité par Shueisha, le Weekly Shônen Jump s’adresse à un public masculin qui met un point d’honneur à élire chaque semaine les mangas qu’il a préférés. Un système impitoyable pour les auteurs qui se trouvent ainsi en concurrence permanente, mais qui a le mérite de maintenir un lien direct entre les attentes du public et l’orientation que choisissent les mangakas pour leurs séries tout au long de leur développement.

Au Japon, le fonctionnement d’un magazine de prépublication de mangas obéit à des règles strictes qui permettent difficilement à un auteur de faire évoluer sa série selon son bon vouloir. Plus celle-ci fonctionne bien auprès du public, plus elle est amenée à durer, mais plus l’auteur doit se plier aux exigences de son lectorat, quand bien même cela l’obligerait à dénaturer la vision qu’il avait de son œuvre au départ. Dans le cas du Weekly Shônen Jump qui s’adresse à un jeune lectorat masculin, la priorité est donnée aux mangas axés sur l’action, caractéristique du genre shônen (manga pour garçons), là où un shôjo (manga pour filles) s’intéressera plutôt aux romances d’écolières et un seinen (manga pour adultes) à des histoires au contenu plus mature. Véritables pavés imprimés sur du papier recyclé, ces recueils de prépublication regroupent une bonne vingtaine de chapitres issus de séries différentes mais s’adressant à la même tranche de lecteurs. Ils prennent en quelque sorte la température de l’audience d’une série au gré des chapitres, avant que celle-ci ne soit éventuellement publiée en volumes reliés. L’auteur doit donc régulièrement adapter l’évolution de son manga en fonction des retours du public, mais aussi des conseils de son responsable éditorial qui joue un rôle déterminant tout au long de la création du manga. Les votes s’effectuent par l’intermédiaire de coupons-réponses que les lecteurs renvoient au magazine en indiquant leurs séries préférées, encouragés par de nombreux lots et la perspective de voir leur manga favori survivre le plus longtemps possible à ce système de concurrence perpétuelle entre les auteurs. Victimes de leurs succès, les mangakas les plus populaires sont souvent contraints de poursuivre leurs séries malgré eux, suite aux pressions de leur éditeur, mais la question est encore loin de tourmenter l’esprit du jeune Toriyama, qui cherche alors désespérément un moyen de percer.

Dr Slump : la reconnaissance

En janvier 1980, la publication de DrSlump to Arale-chan constitue véritablement l’élément déclencheur de la carrière d’Akira Toriyama en tant qu’auteur à succès. Avec un rythme de parution hebdomadaire, à raison de quinze pages à livrer chaque semaine avec l’aide d’un assistant, DrSlump révèle le côté travailleur et ultra-perfectionniste d’Akira Toriyama, qui ne ménage pas ses efforts pour tenir la cadence. Non seulement l’inspiration ne lui fait pas défaut, mais il va même jusqu’à s’intégrer directement dans son manga sous la forme de Tori-bot, un petit robot reconnaissable à son masque à gaz, pour venir chambouler encore plus ses histoires. Et il n’hésite pas non plus à y mettre en scène une version diabolique de son éditeur Torishima, qui devient l’exécrable Dr Mashirito. Le manga DrSlump est rapidement édité au format tankobon (volume relié regroupant une quinzaine de chapitres) et remporte même le Shôgakukan Manga Award de 1982 dans la catégorie shônen, ce qui permet à l’auteur d’hériter au passage d’un fan-club officiel.

Pendant quatre ans, les lecteurs du Weekly Shônen Jump auront le bonheur de suivre chaque semaine les tribulations mouvementées de la petite Aralé, un androïde aux allures de petite fille créé par le Docteur Senbei Norimaki, un inventeur fou. Au fil des dix-huit volumes que compte le manga DrSlump, Akira Toriyama parvient à captiver l’attention du jeune public avec des personnages hauts en couleur et des gags ininterrompus misant sur un humour scato bien crétin et un style à la fois rond et caricatural. Au village Pingouin, le quotidien n’a jamais ni queue ni tête, à l’image de son héroïne Aralé, aussi simplette que prompte à amuser la galerie en multipliant les catastrophes à cause de sa force surhumaine.

Truffée de personnalités improbables, de références multiples aux grandes séries de l’époque et de clins d’œil à ses autres mangas, cette première grande œuvre d’Akira Toriyama a marqué toute une génération, aussi bien dans sa version papier qu’à travers son adaptation animée. Produite par Toei Animation, la série ne compte pas moins de 243 épisodes qui seront diffusés de 1981 à 1986 sur Fuji TV. Une dizaine de films seront réalisés en parallèle jusqu’en 1999. Le succès de DrSlump est tel que, treize ans après la fin de la publication du manga, entre 1997 et 1999, une nouvelle adaptation TV de 74 épisodes est produite chez Toei Animation.

Et, toujours enclin à s’inspirer de ses passions et de sa vie personnelle pour raconter des histoires, Akira Toriyama va jusqu’à mettre en parallèle son propre mariage avec celui du Docteur Senbei Norimaki dans DrSlump ! Il épouse ainsi en 1982 l’auteure de shôjo manga Nachi Mikami (également connue sous le pseudonyme Yoshimi) avec laquelle il aura deux enfants.

Ses autres succès

Durant cette période faste, Akira Toriyama trouve tout de même le temps de se faire remarquer à travers d’autres mangas plus modestes, comme Pola & Roïd qui lui permet de remporter le concours du meilleur mangaka du Shônen Jump en 1981, avec un voyage en Suisse en guise de récompense. Réalisée dans l’urgence, cette histoire est celle d’un chauffeur de taxi galactique confronté à bon nombre de personnages déjà apparus dans les précédents mangas de Toriyama.

Puis, il enchaîne avec d’autres histoires courtes alliant humour, action et aventure : Escape (L’Évasion), Pink (Pink, Les pirates de la pluie), Mad Matic (1982), Chobit (à ne pas confondre avec le manga Chobits de CLAMP, paru en 2001) et Dragon Boy (1983), sa première histoire de kung-fu ! Dragon Boy comporte d’ailleurs déjà les prémices de ce qui conduira Akira Toriyama à imaginer l’univers de Dragon Ball, car bien que le manga ne dépasse pas la trentaine de pages, les éléments précurseurs aux débuts de Dragon Ball y sont nombreux. Pas tout à fait humain, le héros vit dans les montagnes chinoises avec un vieil ermite qui lui enseigne les arts martiaux, et son premier contact avec la gent féminine ne sera guère facilité par le caractère égoïste et capricieux de la jeune fille. La présence du Kinto-un (le nuage magique) et d’une boule permettant d’invoquer un dragon aux pouvoirs surnaturels comptent parmi les similitudes les plus flagrantes de Dragon Boy avec le futur univers de Dragon Ball.

Un succès confirmé peu de temps après avec la publication de The Adventure of Tongpoo (Tonpoo Daibôken ou Les aventures de Tongpoo en version française), un autre manga d’action qui se démarque par son orientation un peu plus SF, dans lequel apparaît déjà l’ébauche des fameuses capsules de Dragon Ball.

En 1983, soucieux de préserver son indépendance, Akira Toriyama fonde son propre studio : Bird Studio, le bird faisant référence au tori de Toriyama, qui signifie « oiseau » en japonais. Et c’est dans cet environnement qu’il attaquera la création de Dragon Ball, épaulé par son assistant, Takashi Matsuyama, et son éditeur des débuts, Kazuhiko Torishima.

Outre le phénomène Dragon Ball, Akira Toriyama est aujourd’hui l’auteur d’une quarantaine de mangas, le maître n’ayant jamais cessé d’imaginer d’autres histoires courtes, pendant et après la réalisation de son œuvre culte. Les plus marquants restent probablement Go ! Go ! Ackman (1993), Cowa ! (1997), Kajika (1998), Sand Land (2000), la série des Neko Majin (1999-2005) qui parodie directement Dragon Ball ou encore, plus récemment, le très rafraîchissant Jaco the Galactic Patrolman (2013).

Également passionné depuis toujours par le modélisme, l’homme a été jusqu’à faire quelques incursions remarquées dans le milieu en participant à la conception de modèles réduits militaires ayant rencontré un réel succès auprès des amateurs. Akira Toriyama s’est par ailleurs impliqué dans la réalisation d’anime, tel Kosuke & Rikimaru : The Dragon of Kompei Island qu’il met en scène en 1988, et compte aussi parmi les character designers les plus appréciés dans le domaine du jeu vidéo. On lui doit en effet les personnages de l’ensemble de la saga de RPG Dragon Quest, mais aussi les héros de Chrono Trigger, Tobal ou encore Blue Dragon. Son style unique en son genre est apprécié de toutes les générations.

Son retour en tant que scénariste de la nouvelle série Dragon Ball Super à l’été 2015, dix-neuf ans après l’arrêt de la diffusion de Dragon Ball Z au Japon, n’a bien sûr pas manqué de susciter les réactions les plus disproportionnées de la part des fans.

La naissance de Dragon Ball

De Dr Slump à Dragon Ball : le public suivra-t-il ?

Bien qu’il ne s’agisse que d’histoires courtes, la publication successive de Dragon Boy et de The Adventure of Tongpoo semble avoir ouvert de nouvelles portes dans l’imaginaire sans limite de Toriyama. Il faut dire que les facéties absurdes des personnages de DrSlump ne lui ont pas encore permis de s’exprimer dans un autre domaine qui lui tient à cœur et qu’il souhaite désormais explorer plus avant : le thème des arts martiaux.

Passionné par les films de kung-fu venus de Hong Kong et profondément marqué par la sortie du film Drunken Master (Le Maître chinois) ainsi que par la formidable performance de son acteur principal, Jackie Chan, Akira Toriyama veut aller plus loin que ce qu’il a déjà commencé à expérimenter en matière d’action déjantée dans ses deux dernières histoires courtes. Il reprend donc comme point de départ l’idée du jeune disciple formé par un vieux maître en arts martiaux dans les montagnes chinoises, déjà effleurée dans Dragon Boy, ainsi que la notion de capsules issues de The Adventure of Tongpoo, et y intègre tous les éléments symboliques du Saiyûki (le nom japonais de La Pérégrination vers l’Ouest), l’un des plus grands romans classiques chinois, extrêmement populaire au Japon - mais l’analyse de son influence sur l’œuvre maîtresse de Toriyama fera l’objet d’un autre chapitre1.

Nous sommes donc à la toute fin de l’année 1984 et les lecteurs du Weekly Shônen Jump découvrent pour la première fois Son Goku, ce petit bonhomme appelé à succéder à la joyeuse Aralé, l’héroïne de DrSlump. Dans un premier temps, le public se montre plutôt mitigé devant les choix de l’auteur, qui verse moins volontiers dans l’absurde à tout prix. Les premiers chapitres de Dragon Ball traduisent à l’inverse une volonté de proposer une œuvre plus cohérente sur le plan narratif. Si ni les origines réelles, ni le devenir de Son Goku ne semblent déjà établis dans la tête du créateur de la série, c’est pourtant un voyage jalonné par des objectifs bien définis qui s’annonce assez clairement. Dès le départ, Toriyama imagine la quête des Dragon Balls, ces sept boules étoilées qu’il faut réunir pour demander au dragon Shenron d’exaucer n’importe quel souhait. Un trésor qui susciterait la convoitise de n’importe qui, mais pas celle de Son Goku, que l’auteur s’amuse à dépeindre comme la naïveté et l’innocence incarnées.

Ces traits de caractère simples et touchants séduisent assez rapidement le public, qui plébiscite très tôt la série. Les lecteurs se montrent de plus en plus curieux de voir comment ce petit bonhomme pas comme les autres va s’en sortir dans un monde dont il ne connaît rien et qui ne semble pas vraiment fait pour lui.

Un manga en quête d’identité

Élevé à l’écart de la civilisation par un grand-père adoptif désormais disparu, Son Goku ne sait pas lui-même qu’il vient d’un autre monde, arborant fièrement une queue de singe dont il ne se pose à aucun moment la question de la provenance. Ce qui l’intrigue, du haut de ses douze ans, c’est la raison de la présence de cette mystérieuse Bulma, lui qui n’a encore jamais vu de fille de sa vie, et la nature du monstre de métal (une simple voiture) qui lui a permis d’arriver jusqu’à lui. Plus marquant que toutes les autres thématiques abordées dans les premiers chapitres de l’histoire des débuts de Dragon Ball, le choc des cultures que représente la rencontre entre Son Goku et Bulma intrigue et passionne les lecteurs. Et même si l’auteur met un point d’honneur à ne plus verser dans l’humour scato de DrSlump, comme il le souligne lui-même à travers les paroles de Pilaf au chapitre dix-neuf, les gags bien crétins fleurissent tout de même au fil des pages.

Si le tandem Goku/Bulma fonctionne aussi bien, c’est aussi parce que Toriyama s’amuse à caricaturer cette jeune fille futée et ambitieuse, qui n’hésite pas à exploiter la naïveté touchante de cet enfant sauvage pour atteindre ses objectifs. Et, entre le comportement gentiment pervers du vieux Kamé Sennin (Tortue Géniale), que l’auteur présente comme un incorrigible obsédé, et celui, candide mais direct, de Goku qui fait « pan pan » à toutes les filles pour s’assurer qu’elles n’ont rien entre les jambes, on sent que l’auteur a encore un peu de mal à s’éloigner de l’humour potache de sa dernière série.

Pourtant, assez vite, la quête des Dragon Balls va prendre une tournure plus structurée, les gags n’étant alors plus le moteur principal de l’histoire mais bien un simple ressort comique venant alléger de manière beaucoup plus pertinente une aventure qui n’aura de cesse de s’assombrir au fil des volumes.

Une autre caractéristique des débuts de Dragon Ball réside dans la dimension spontanée de sa narration. Car là où certains mangakas visualisent dès le départ la fin de leur création, on sent bien que Toriyama n’a aucune idée précise de la manière dont l’intrigue va évoluer, en tout cas pas sur le long terme. Ici, c’est le scénario qui s’adapte aux dessins et non l’inverse. L’auteur improvise donc constamment, et c’est justement ce qui rend le déroulement de l’histoire aussi captivant. Les péripéties en entraînent d’autres et tout semble permis pour relancer le récit, quitte pour Toriyama à aller chercher l’inspiration là où il l’avait laissée. Ainsi va-t-il jusqu’à intégrer dans l’histoire les figures improbables de DrSlump en conduisant Goku jusqu’au village Pingouin lorsque le garçon se lance à la poursuite du Commandant Blue. L’humour potache de sa première grande œuvre lui manque de plus en plus et il le montre bien, même s’il s’efforce de trouver à Dragon Ball une identité propre qu’il peine encore à définir.

Des lecteurs en demande d’action

Gentillets, les premiers combats de Dragon Ball n’interviennent encore que pour pimenter une aventure qui, sans l’objectif des boules à récupérer pour exaucer un souhait, partirait volontiers dans tous les sens pour mieux s’égarer. Bien qu’il soit quasiment invulnérable, Goku n’a recours alors qu’à des techniques franchement puériles, telles le janken (ou chifoumi) qui consiste à frapper l’adversaire avec son poing (pierre), avec la paume de sa main (feuille) ou à lui mettre violemment les doigts dans les yeux (ciseaux) !

L’introduction du vieux Kamé Sennin ne relève guère le niveau, et que dire alors des motivations du petit cochon Oolong qui ne peut guère compter sur son physique ingrat pour se trouver une copine ? La confrontation avec Yamcha pourrait laisser croire que l’auteur est prêt à mettre en scène des adversaires plus classes, mais ce serait oublier la propension de celui-ci à parachuter des ressorts comiques là où l’on s’y attend le moins. Yamcha est certes un combattant redoutable et charismatique, mais sa phobie de la gent féminine frôle le ridicule.

Quant aux premiers vrais méchants de Dragon Ball, les trois nigauds du gang de Pilaf qui parviennent, on ne sait comment, à s’emparer des sept boules étoilées, ils n’ont pas le potentiel suffisant pour tenir tête bien longtemps à Son Goku. D’autant plus qu’à ce stade du manga, Toriyama trouve enfin un sens à la queue de singe de son héros en s’inspirant du mythe du loup-garou pour lui donner la capacité de se changer en oozaru (singe géant) destructeur. S’il souhaitait rappeler à ses lecteurs que Goku n’a pas encore révélé tous ses talents cachés, c’est réussi ! Incapable de maîtriser la puissance de cette métamorphose dont il n’est même pas conscient, le héros se retrouve finalement avec une sorte de bombe à retardement à l’intérieur de lui, une arme à double tranchant dont on se doute que l’auteur va pouvoir se servir à nouveau par la suite... au moment où l’on s’y attendra le moins.

Le final rocambolesque de cette première quête des Dragon Balls oblige tout de même l’auteur à donner une direction nouvelle à la série, et c’est toujours imprégné des images du film Drunken Master (Le Maître chinois) avec Jackie Chan qu’il revient explorer le thème de l’apprentissage des arts martiaux, plus en profondeur cette fois-ci. Aussi pervers soit-il, ce vieux Kamé Sennin n’en est pas moins le maître Muten Roshi dont la réputation dépasse largement les frontières du petit îlot sur lequel il s’est exilé. Qui plus est, l’arrivée d’un rival sérieux aux allures de petit moine Shaolin fait naître l’esprit de compétition chez Son Goku, dont la candeur s’harmonise merveilleusement avec la malice de Krilin sur le plan narratif. Et pour ce qui est de l’entraînement, c’est aussi du côté du film Karaté Kid que l’auteur puisera l’inspiration pour inculquer à ses héros le goût du dépassement de soi.

Il faudra malgré tout attendre le début du premier tournoi d’arts martiaux pour que Toriyama accepte de sacrifier un peu de légèreté narrative au profit d’une recrudescence de l’action. Un choix que plébiscitera alors massivement le public du Jump, littéralement scotché par les rebondissements du vingt-et-unième Tenkaichi Budokai, premier d’une longue série.

Naissance des tournois et hommage à Jackie Chan

En demande d’action, les lecteurs du Jump seront donc aux premières loges du vingt-et-unième Tenkaichi Budokai, le plus grand tournoi des arts martiaux. À l’issue d’un terrible entraînement, Goku et Krilin sont prêts à relever le défi, mais ils ne savent pas que leur maître s’est inscrit sous le faux nom de Jackie Chun. En hommage à ce film qui l’a tant marqué et au talent de son acteur principal, Jackie Chan, Toriyama multiplie dans ce tournoi les références aux deux films de Drunken Master (Le Maître Chinois et Combats de maîtres). On y retrouve ainsi l’idée du vieil original capable de vaincre n’importe quel adversaire à l’aide du Suiken, la technique de l’homme ivre qui consiste à tituber sous l’effet de l’alcool pour mieux surprendre l’ennemi. Dans Dragon Ball, c’est sans surprise le vieux Kamé Sennin qui dévoile cet art martial singulier sous la couverture de Jackie Chun, devant les yeux médusés de l’assistance. Le long-métrage semble également avoir inspiré à Toriyama l’appétit gargantuesque de Son Goku, hérité de celui du héros incarné par Jackie Chan dans Drunken Master.

Du chapitre trente-trois au cinquante-quatre, l’auteur se montre ainsi particulièrement inspiré et prend un plaisir sournois à manipuler ses lecteurs en enchaînant les retournements de situation les plus imprévisibles. Pourtant, le déroulement de ce premier tournoi est loin d’égaler le génie des deux autres éditions du Tenkaichi Budokai qui suivront. Son efficacité réside sans doute ailleurs, et notamment dans la qualité de la mise en scène des combats qui obligent le mangaka à se surpasser pour restituer sur le papier la fougue des affrontements qu’il imagine dans son esprit. On se souviendra surtout du passage mémorable au cours duquel Jackie Chun et Krilin refont au ralenti leur échange de coups pour expliquer à l’arbitre et au public ce qui vient de se passer à une vitesse trop élevée pour leurs yeux non exercés. Mais aussi du premier échange de Kamé Hamé Ha (dont le nom a été trouvé par la femme de Toriyama) qui s’entrechoquent entre le maître et son disciple, sans oublier la destruction de la lune par un Muten Roshi gonflé aux hormones et son rattrapage in extremis sur le ring lorsqu’il plante son pied dans la surface de combat en pierre. Du grand n’importe quoi qui fait jubiler le public du Tenkaichi Budokai, au même titre que celui du Jump, qui compte désormais sur l’auteur pour donner à Goku une nouvelle chance de remporter cet incroyable tournoi.

Sortir du cercle vicieux

Mais il faut bien combler l’intervalle de temps entre chaque tournoi et Toriyama décide, de manière assez prévisible, de faire repartir ses héros sur les traces des Dragon Balls en accordant cette fois-ci davantage de place aux combats. Par l’intermédiaire des forces du Red Ribon Army (l’armée du Ruban Rouge dans le dessin animé), l’armée la plus dangereuse du monde, il crée un adversaire en mesure de tenir tête aux nouvelles capacités de Son Goku et combine tout ce qui a fait le succès de la série jusque-là. Que l’on suive Dragon Ball pour ses péripéties débridées ou pour ses combats haletants, force est d’admettre que l’arc du Red Ribon offre un divertissement jubilatoire. Outre l’introduction d’un tueur à gages sans pitié (Tao Pai Pai) qui fait monter la tension d’un cran, l’auteur parvient dans le même temps à trouver une justification à la recherche des Dragon Balls, qui serviront cette fois à ressusciter un innocent, confortant par là l’importance de faire de Goku un héros désintéressé qui n’a jamais songé à formuler un souhait pour lui-même.

À ce stade de la série on a le sentiment que l’auteur est en phase avec sa création. Car si Toriyama est bien conscient que les lecteurs du Jump attendent avec frénésie l’ouverture du prochain tournoi, il prend tout de même le temps d’insuffler à nouveau un peu de légèreté et de dérision dans son œuvre en emmenant ses héros faire un détour chez Baba la voyante. Un passage qui rappelle d’ailleurs assez la fraîcheur des débuts même s’il n’est pas exempt d’action, donnant notamment à Goku l’occasion de rencontrer son grand-père disparu via un ressort scénaristique inattendu. Les héros retrouvent donc leur insouciance et les lecteurs se détendent, mais personne n’est dupe : l’heure du vingt-deuxième Tenkaichi Budokai a sonné et on peut se demander si l’engrenage « tournoi/recherche des sept boules/tournoi » ne serait pas déjà en train de saborder l’œuvre de Toriyama.

De Dragon Ball à Dragon Ball Z

Redéfinir l’adversité

En tant qu’auteur d’un manga publié dans les pages du Weekly Shônen Jump, Akira Toriyama est, nous l’avons vu, directement tributaire des retours des lecteurs qu’il doit satisfaire s’il ne veut pas voir sa série remplacée par une autre. Pour autant, l’influence considérable que ces derniers auront en définitive sur le devenir de Dragon Ball, et plus exactement sur l’orientation que prendra le manga en l’espace de quelques chapitres, dépassera de loin toutes les prédictions.

On peut d’ailleurs déceler des traces de ce changement avant même l’ouverture du vingt-deuxième Tenkaichi Budokai, tournoi dans lequel l’esprit bon enfant de Dragon Ball commence à laisser la place à des combats aux enjeux nettement plus dramatiques. Le premier indice de cette métamorphose coïncide avec l’apparition du tueur à gages Tao Pai Pai. Jusqu’à présent, dans Dragon Ball, l’auteur n’avait finalement dépeint que des adversaires aux allures de grands guignols, prenant un malin plaisir à retourner leur assurance contre eux-mêmes pour les ridiculiser. Qu’il s’agisse du gang de Pilaf ou des généraux de l’armée du Red Ribon, on savait d’avance que Son Goku n’aurait aucun mal à sortir victorieux de ces affrontements rocambolesques dans lesquels l’humour était omniprésent. La cruauté était alors toute relative, à l’image de ce soldat exécuté par le Commandant Blue pour avoir eu l’outrecuidance de se curer le nez... Certes, l’homme était bel et bien mort, mais cela ne faisait qu’accentuer l’absence totale de sérieux de Dragon Ball et ne rendait pas pour autant le Commandant Blue plus inquiétant. En revanche, la froideur avec laquelle Tao Pai Pai assassine ses victimes et la dureté des planches qui traduisent ses actes accentuent sans aucune équivoque la réalité de ses assassinats. On apprendra d’ailleurs bien plus tard qu’il a tué le maître de Mister Satan !

En durcissant son trait, le mangaka montre alors qu’il est capable de transformer brutalement sa comédie en une œuvre d’action extrêmement dure. Dureté qui se révèle d’autant plus percutante qu’elle survient de manière complètement inattendue pour le lecteur, peu accoutumé à un tel sérieux dans l’œuvre du maître. Tao Pai Pai n’est en aucun cas cet adversaire fantoche voué à une fin ridicule que l’on croit voir débarquer au même titre que tous ceux qui l’ont précédé. Non seulement sa force semble supérieure à celle de Goku, mais il va jusqu’à commettre des actes irréparables en éliminant définitivement certains personnages clefs de l’histoire. Si l’assassinat du Commandant Blue par Tao Pai Pai (qui perfore sa tempe d’un coup de langue !) relève encore plus ou moins du gag, voir l’Indien Bola transpercé mortellement sous les yeux de son fils Upa va au-delà de tout ce à quoi l’auteur nous avait habitués. Certes, on comprend vite que Goku pourra vraisemblablement ressusciter Bola à l’aide des Dragon Balls, mais on a tout de même franchi un cap crucial sur l’échelle de la violence, et c’est justement vers celle-ci que le manga va progressivement se diriger.

Car le public commence visiblement à se lasser de ces guignols à la force toute relative qui ne parviennent jamais à mettre en échec un Son Goku invincible. Avec Tao Pai Pai, on sort donc progressivement de la dimension cartoon de Dragon Ball pour basculer vers davantage de réalisme et de sérieux à travers une recrudescence très nette de la violence. Plus question de recourir à des idiots, tel le ninja Murasaki, pour tenir en haleine les lecteurs du Jump, Akira Toriyama va maintenant devoir les surprendre en imaginant un adversaire capable d’afficher une force et une cruauté bien réelles.

Et c’est bel et bien dans ce contexte de plus en plus sombre que s’achève le vingt-deuxième Tenkaichi Budokai qui bascule dans l’horreur la plus imprévisible lorsque le roi démon Piccolo élimine Krilin au moment où l’histoire semblait presque sur le point de renouer avec les thématiques décalées des débuts. À nouveau, Maître Toriyama frappe avec une violence d’autant plus inattendue que l’arc du démon Piccolo voit les morts s’enchaîner les unes après les autres sous les yeux d’un Goku impuissant. Pour la première fois, l’adversaire s’annonce largement supérieur au héros, allant même jusqu’à anéantir le dragon Shenron après avoir obtenu son vœu d’éternelle jeunesse. Il faudra le recours à un élixir sacré obtenu auprès de maître Karin pour que Son Goku parvienne à prendre le dessus sur son adversaire à la force hors du commun, le blessant même dans son orgueil en l’obligeant à raccourcir sa durée de vie pour déployer toute sa puissance. Visuellement, le trait se fait alors beaucoup plus nerveux et agressif dans le but d’accentuer la violence de ces combats durant lesquels les impacts vont jusqu’à former de vrais cratères, un élément que l’on retrouvera de plus en plus fréquemment dans la suite du manga. La question de la nature extraterrestre de Son Goku est alors vaguement évoquée tandis que le lecteur commence à s’interroger sur la puissance surhumaine de ce héros dont l’auteur s’apprête enfin à révéler les origines !

Le virage Dragon Ball Z

C’est donc essentiellement à travers la cruauté sans limite du démon Piccolo que Dragon Ball bascule de manière irréversible dans sa période Z. À ce propos, il faut souligner que l’appellation Dragon Ball Z n’est utilisée que dans l’adaptation animée, et ce afin de distinguer les deux grandes périodes de l’histoire de Dragon Ball Toriyama avait choisi d’utiliser la lettre Z car elle semblait mettre un point final à l’aventure qu’il lui tardait d’achever ! Car, en dépit de quelques ellipses temporelles de plusieurs années, le manga, lui, décrit les événements dans leur continuité et c’est seulement au chapitre 195 que l’arrivée du Saiyan Raditz marque le début de la période Z, qui est censée clore l’histoire globale de Dragon Ball.

Durant cet intervalle, le laps de temps écoulé ne sera pas sans conséquences puisque Goku cessera d’être le gamin insouciant que l’on connaissait pour devenir un jeune homme appelé à se marier et à devenir père. Il fallait, semble-t-il, en arriver là pour casser cette routine consistant à enchaîner inlassablement la quête des Dragon Balls avec les tournois du Tenkaichi Budokai. Et, cette fois encore, on peut s’incliner devant l’efficacité avec laquelle Akira Toriyama parvient à jongler avec les ambiances en dépeignant l’âge de la maturité sans pour autant perdre complètement de vue la fraîcheur des débuts de Dragon Ball.

Car cette transition s’effectue le plus naturellement du monde, alors que l’auteur avait laissé planer l’ombre d’une nouvelle menace par l’intermédiaire du personnage de Piccolo Jr., décrit à la fois comme le rejeton et la réincarnation du roi démon. Akira Toriyama s’appuie simplement sur une ellipse de trois ans pour amorcer ce qui restera comme le virage le plus brutal dans la série Dragon Ball Nous sommes au chapitre 166 et le Son Goku qui vient s’inscrire au vingt-troisième Tenkaichi Budokai est désormais presque adulte, bien qu’il ait conservé son appétit et son insouciance légendaires. Pour le lecteur, le choc de la découverte de ce nouveau Goku est assez comparable à celui du passage de Link à l’âge adulte dans le jeu vidéo The Legend of Zelda : Ocarina of Time après des heures de jeu passées dans la peau d’un enfant. Une page semble définitivement tournée et l’auteur prend là un risque réel dans la mesure où il n’est pas certain que le public du Jump se reconnaisse dans un personnage plus vieux qui ne pourra guère se livrer à ses facéties habituelles. Qui plus est, la fille de Gyumao n’a pas oublié la promesse que lui avait faite Goku enfant, et c’est une Chichi adulte que notre héros s’apprête à épouser sans tout à fait comprendre ce qui est en train de lui arriver.

Bien que ce vingt-troisième tournoi implique de multiples rebondissements, on retiendra surtout que, pour la première fois, l’enjeu de la finale est bien réel car il déterminera si le monde va sombrer ou non dans le chaos. En vérité, seul Goku semble davantage préoccupé par l’idée de gagner à la régulière que de débarrasser la Terre de ce démon, redoublant d’inventivité pour l’éjecter à la loyale de la surface de combat en prenant soin d’épargner sa vie. Il faut dire que l’auteur n’a pas l’intention de laisser filer un personnage aussi précieux que Piccolo, premier adversaire charismatique appelé à rejoindre le camp de Son Goku bien avant le prince Vegeta, mais nous y reviendrons.

L’histoire aurait d’ailleurs tellement pu se terminer là que Toriyama se sent obligé de rajouter une case pour préciser, par l’intermédiaire de Kamé Sennin, qu’il ne s’agit pas du dernier chapitre et que sa série va continuer encore un peu ! Avec le recul, il est amusant de se dire que l’auteur est alors très loin d’imaginer qu’il n’a pas encore parcouru la moitié du chemin.

La bonne nouvelle, c’est qu’à travers les débuts de la période Dragon Ball Z, qui correspond comme nous l’avons dit au chapitre 195 du manga, l’intrigue va pouvoir s’intéresser davantage aux origines de Son Goku, dont on ignore à peu près tout. La porte est ouverte à de nouvelles pistes narratives qui feront la force des débuts de Dragon Ball Z, période de la maturité censée apporter un dénouement à l’histoire et caractérisée par une escalade croissante dans la démesure et la violence des combats. Créée initialement en référence au personnage du roi des singes du Saiyûki, puis utilisée comme ressort narratif lors de sa transformation en oozaru, la queue de singe de Goku devient finalement l’un des signes distinctifs de la race saiyan. Et c’est par l’intermédiaire de Raditz, adversaire qui prétend être lié à lui par le sang, que notre héros découvre qu’il est l’un des derniers survivants d’un peuple de combattants venu d’une autre planète. Loin d’être chaleureuse, la rencontre entre les deux frangins vire au règlement de compte sanglant et le manga franchit un nouveau cap en matière d’images brutales lorsque les deux Saiyans sont mortellement transpercés par le Makanko Sappo de Piccolo.

Cette entrée en matière définit assez clairement ce qu’annonce la période DBZ, tout comme le pseudo-tournoi à l’ambiance glaciale organisé par Nappa et Végéta qui verra nos héros confrontés à une souffrance inimaginable jusqu’alors. Il suffit d’ailleurs de comparer l’évolution du dessin de certains personnages, et notamment la dureté du visage de Krilin, pour se rendre compte que l’atmosphère de Dragon Ball Z n’a désormais plus rien à voir avec celle de Dragon Ball Et pourtant, les enjeux sont d’autant plus grands que Son Goku a désormais une famille à protéger et donc de nouvelles responsabilités. Une chose est sûre, on sait à présent qu’il faut s’attendre à tout et que l’auteur n’épargnera plus ses protagonistes, même si la perspective de les voir ressusciter via les boules du dragon atténue tout de même grandement le risque qu’ils ne disparaissent définitivement de la série.

Dragon Ball versus DBZ

Dans sa globalité, du chapitre 195 au chapitre final 519, l’histoire de Dragon Ball Z ne regroupe pas moins de trois grands arcs narratifs relatant successivement l’arrivée des Saiyans et l’affrontement contre Freezer, puis l’apparition de Cell et des humains artificiels, et enfin la période Majin Boo. Bien sûr, à plusieurs reprises, Toriyama aura recours à l’ellipse temporelle pour faire évoluer ses personnages tout en enrichissant leur histoire personnelle afin de donner un sens aux combats apocalyptiques qui n’auront de cesse de rythmer le manga. Une dimension générationnelle qui sera d’ailleurs l’une des composantes les plus efficaces de la série.

Mais si celle-ci tient en haleine des fans de plus en plus nombreux, l’auteur, lui, n’a jamais caché sa préférence pour les comédies absurdes de ses débuts de mangaka, déplorant l’escalade de la violence vers laquelle il a dû faire basculer ce qui n’était au départ qu’une simple réécriture du Saiyûki. De fil en aiguille, l’influence de ce conte populaire, qui était si manifeste au début de Dragon Ball à travers le nuage Kinto-un, le bâton Nyoï Bo ou même la queue de singe, disparaîtra quasiment en totalité lorsque démarreront les événements de Dragon Ball Z. Et plus on avance dans le temps, moins l’auteur va se reconnaître dans son œuvre, allant jusqu’à tenter d’y mettre fin plusieurs fois, comme nous le verrons un peu plus loin dans cet ouvrage.

De manière assez similaire, le public va lui aussi se scinder en deux écoles : les pro-Dragon Ball Z d’un côté et, de l’autre, ceux qui n’auront de cesse de regretter la naïveté des histoires du jeune Son Goku. Pour ces derniers, c’est d’abord à travers ses gags délicieusement idiots que Toriyama excelle, les combats de DBZ versant beaucoup trop facilement dans une surenchère de violence sans intérêt. Mais cela n’empêche pas la grande majorité du public de se captiver pour ce déferlement de puissance, révolutionnaire à l’époque, aussi bien dans les pages du manga qu’à la télévision, Dragon Ball Z enflammant l’imagination de futurs grands auteurs de shônen à succès. Indéniablement, jamais la série n’aurait atteint un tel degré de popularité si elle n’avait pas versé dans ce choix de l’action exacerbée, quand bien même celui-ci finira par la desservir peu à peu.

L’explosion du succès et l’exportation de la série

À quel moment peut-on considérer que Dragon Ball est parvenu à s’extirper de la norme des mangas prépubliés dans le Shônen Jump pour devenir un véritable phénomène de société au Japon, puis à l’échelle mondiale ? Comment expliquer un succès aussi phénoménal dans un laps de temps aussi court à une période où l’Occident ignore encore à peu près tout de la bande dessinée japonaise et voit d’un œil méfiant l’arrivée de l’animation nippone sur ses chaînes hertziennes ?

Le fait est que la licence Dragon Ball va très vite pouvoir s’appuyer sur un atout considérable, encore relativement inédit à l’époque, en s’affichant très tôt comme une œuvre à caractère transmédia. Cette problématique faisant l’objet d’un chapitre à part entière un peu plus loin dans cet ouvrage2, retenons pour l’heure simplement que la diffusion de l’adaptation animée ainsi que la distribution massive de produits dérivés en tout genre dans la foulée (cartes, figurines, jouets, jeux vidéo...) vont être en grande partie responsables de l’explosion phénoménale du succès de Dragon Ball à travers le monde.

Une version animée qui cartonne

Bien que la publication du manga Dragon Ball s’échelonne sur plus d’une décennie (de fin 1984 à l’été 1995 au Japon), Toei Animation ne perd pas de temps pour mettre en chantier l’adaptation animée du nouveau succès de Toriyama. La série est diffusée dès le 26 février 1986 sur Fuji TV et prend le relais de DrSlump avec une pression non négligeable, les 243 épisodes de l’anime DrSlump ayant obtenu des scores d’audience assez spectaculaires. Car même si une bonne partie du staff aux commandes de l’adaptation de Dragon Ball a déjà fait ses preuves sur l’anime DrSlump, le succès de cette nouvelle série auprès du public n’est pas garanti. Néanmoins, les premiers résultats d’audience s’avèrent très satisfaisants et relancent même les ventes du manga auprès de ceux qui découvrent Dragon Ball par le biais de la série animée.

En toute logique, les bons retours de l’anime se répercutent de manière encourageante dans les salles de cinéma où sont diffusés les trois premiers films d’animation, sortis respectivement en décembre 1986 (La Légende de Shenron), en juillet 1987 (Le Château du démon) et en juillet 1988 (L’Aventure mystique). Mais il faut attendre avril 1989 pour que la franchise prenne réellement son envol avec la diffusion des premiers épisodes de Dragon Ball Z à la télévision. Comme nous l’avons déjà souligné, ce sont les responsables de la série animée qui ont pris l’initiative de rajouter la lettre Z afin de bien marquer la rupture entre les événements dépeignant la fin de la lutte contre Piccolo et l’arrivée des Saiyans sur Terre (comme cela a pu être le cas plus récemment avec Naruto et Naruto Shippuden). Car, dans le manga tout comme dans l’anime, une ellipse temporelle de cinq ans a vu le personnage de Goku passer à l’âge adulte et construire sa propre famille. Une évolution qui, nous l’avons vu, s’est matérialisée par un virage brutal en termes d’ambiance avec une recrudescence très nette de la violence des combats qui semble faire mouche auprès du public.

Il faut dire que la mise en scène pesante des épisodes renforce la tension des duels dont les enjeux sont désormais on ne peut plus sérieux, scotchant littéralement le public à l’écran et propulsant dans le même temps les ventes du Jump à des sommets encore jamais atteints. L’auteur acquiert même une telle notoriété que certains le considèrent déjà comme le digne successeur d’Osamu Tezuka (Astro Boy, Black jack). Et c’est toute la chaîne transmédia de Dragon Ball qui accélère le mouvement avec une production tentaculaire de films et de produits dérivés surfant sur la vague de l’anime. Et pourtant, nous ne sommes encore qu’au début de la diffusion de DBZ sur les écrans nippons ! Dans sa globalité, l’anime Dragon Ball Z comptera pas moins de 291 épisodes (couvrant les chapitres 195 à 519 du manga), contre 153 épisodes pour la partie Dragon Ball qui développe les 194 premiers chapitres de l’histoire.

Diffusion et réception en France, l’impensable polémique

Devant le potentiel colossal de la franchise Dragon Ball et le succès de la série animée, l’exportation du phénomène en Occident devient très vite une évidence pour Toei Animation qui entame rapidement les négociations avec les chaînes étrangères en vue d’une diffusion hors du Japon. Comme la plupart des autres pays occidentaux, la France va donc prendre connaissance de l’existence de Dragon Ball par le biais de la série animée avant d’en découvrir les origines premières dans sa version papier. En mars 1988, lorsque démarre sur TF1 la diffusion du dessin animé Dragon Ball dans le Club Dorothée, l’impact de la série auprès du public prend de court l’ensemble de la sphère audiovisuelle. La chaîne, les animateurs du Club Do’, les parents, tout le monde est littéralement dépassé par la manière dont les jeunes spectateurs sont happés par cette « chose » dont ils ne parviennent pas à déceler l’intérêt.

Car si Dragon Ball n’est pas la seule série venue du Japon à captiver le jeune public par son caractère feuilletonnant et ses rebondissements inépuisables, elle n’en apparaît pas moins comme une exception. Ni les méfaits de la censure, ni la qualité discutable du doublage français (en comparaison de l’original) ne parviennent à ternir l’efficacité de ce programme qui s’approprie les parts d’audience les plus folles, au mépris des critiques virulentes de ses détracteurs.

À partir de décembre 1990 avec la diffusion du segment Dragon BallZ, toujours dans le Club Dorothée, l’impact auprès des jeunes est tel que, dans les cours de récré, enfants et ados ne parlent plus que de « Sangoku » et des « Super Guerriers ». Car, en Europe aussi, la folie DBZ se traduit par un raz-de-marée transmédia comprenant vignettes, figurines, jeux vidéo et autres goodies indispensables pour toute cette génération de « gagaballiens » (terme péjoratif inventé pour désigner les personnes gagas de Dragon Ball). Il faut dire que, comme tout phénomène à succès incompris, Dragon Ball génère son lot de détracteurs tenaces qui n’hésitent pas à caricaturer et montrer du doigt ces fans de la première heure.

Mais ils sont trop nombreux ces enfants passionnés par les dessins animés nippons et ce qui n’était au départ que l’exportation d’un dessin animé étranger prend, aux yeux des personnes bien pensantes, des allures d’invasion. On assiste alors à un véritable lynchage public de ce monstre venu du Japon par toutes ces personnes-là (le CSA, les politiques, la presse), qui se lancent dans ce qu’elles considèrent comme une croisade salvatrice dont le but à peine masqué est d’effrayer les parents bien attentionnés.

Dans son livre Le ras-le-bol des bébés zappeurs, publié en 1989, Ségolène Royal attaque ainsi directement le Club Dorothée et l’ensemble des programmes jeunesse qui ont le mauvais goût de diffuser de l’animation japonaise. Elle dénonce le caractère « violent », « commercial », « laid », de séries telles que Dragon Ball, Ken le Survivant, Les Chevaliers du Zodiaque ou encore Muscleman, suscitant autant de polémiques ravageuses. Selon elle, ces séries ne sont que « coups, meurtres, têtes arrachées, corps électrocutés, masques répugnants, bêtes horribles, démons rugissants. La peur, la violence, le bruit. Avec une animation minimale. Des scénarios réduits à leur plus simple expression. »

De son côté, la presse respectable (Télérama, Libération) se charge de qualifier ces séries de « japoniaiseries » avec tout le mépris que l’on imagine. S’ensuivent des censures systématiques, des déprogrammations sauvages et des doublages s’autorisant toutes les fantaisies.

Sous la pression, TF1 finit par stopper la diffusion de Dragon Ball Z dans le Club Dorothée en novembre 1996, las de subir les attaques du CSA et d’associations, telle que Les Pieds dans le PAF, visiblement choquées par « la violence et le sadisme » dont font preuve certaines scènes de la série. Autrement dit, les spectateurs se voient brutalement privés de toute la fin de la série, c’est-à-dire des épisodes 275 à 291, qui ne seront accessibles qu’en 1998 par le biais des VHS éditées par TF1 Vidéo, puis beaucoup plus tard sur les chaînes du câble et du satellite. Quant au Club Dorothée lui-même, l’émission prend fin peu de temps après l’arrêt de la diffusion de DBZ, le 30 août 1997...

S’il est évident que le manque de cohérence dans l’enchaînement de séries pouvant viser des publics très différents est imputable aux programmateurs de ces émissions, il apparaît comme tout aussi incongru de la part de ces bien-pensants d’avoir versé dans l’amalgame pour tout ce qui touchait à l’animation japonaise. Aujourd’hui, c’est justement cette immense diversité de dessins animés venus du Japon que la « génération Club Dorothée » se félicite d’avoir eu la chance de découvrir dans le paysage audiovisuel français. Avec le recul, on n’hésite d’ailleurs plus à parler de véritable révolution culturelle, n’en déplaise à tous ceux qui résistent encore et toujours à l’attrait du manga et de l’animation nippone sous ses formes les plus diverses.

DBZ : L’ambassadeur du manga en France