Du devenir - Bertrand Louru - E-Book

Du devenir E-Book

Bertrand Louru

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Beschreibung

Errance dans le brouillard autant que poésie furtive, sombre cavalcade autant que contemplation méditative. Littérature pleine de reflets et d’éclats, pamphlet, prose ou micro-nouvelle, les cadres n’existent plus entre ces pages et tout se fond dans les antagonismes comme dans les ententes que les mots trouvent entre eux. Des soleils et des lunes, des hurlements dans la nuit et des murmures au matin. De la vie avant tout, furieuse ou blessée, mais de la vie surtout, dans ses plus intimes tressaillements comme dans ses démences les plus vives. Quelques visions aussi, du magnifique au sordide et puis l’amour, plus qu’il n’en faut pour embraser le monde, pour le retrouver, authentique, à feu et à sang.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bertrand Louro - Après avoir publié un premier livre ayant remporté le prix Michel Burg à Molsheim, 10 ans se sont écoulés. Quelques collaborations et préfaces ont vu le jour entre-temps et aujourd'hui, un autre livre.

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Bertrand Louro

Du devenir

 

 

Où allons-nous ? Où sommes-nous ? Où étions-nous ?

 

Je ne sais qu’une chose

 

Nous sommes perdus

 

I.

Ex Nihilo

 

Langueurs

 

Des cavaliers de nuages tombent du ciel et sont piétinés par des sangliers d’argent. Des rideaux de pluie et de feuilles dansent ensemble et tout le monde a peur. Lueurs chaudes dans le vent froid, langueurs des crânes éclatés qui jouissent d’une dernière quiétude. Tout ça pour quel devenir ? Celui que l’on veut bien se donner.

 

Saccage

 

Laisse l’envolée pénétrer ton cœur, car elle est magnifique. Laisse leurs becs te déchirer pour sentir la douce chaleur remplacer le froid constant, inaltérable, de ces jours de soleil blanc. Ce ne sont que plumes et étouffements noirs de suie, éclaboussant les murs comme une mer de cheminées écroulées, encore fumantes. Qu’ils sont beaux les décors détruits des nouveaux venus, laissant d’immenses plaies aux anciennes pierres, jadis souveraines. Il ne faut plus mourir pour rien, non, il faut lutter et rappeler combien c’était beau, au diable le saccage.

 

Equilibrium

 

Des hommes en costume, à tête de champignon, avalés par leurs grandes entreprises qui hallucinent des profits, des crises, des licenciements économiques et des croissances inespérées. Au fil des jours, sur le fil des jours même, comme un équilibriste qui finira par tomber à force d’enchaîner les pirouettes, les demi-tours et les changements de costume. À chacun de ses mouvements, des spores s’échappent de son corps et nous paralysent, tout en contractant les muscles de notre mâchoire, pour que nous ne puissions pas parler, crier ou nous insurger. Mais ce qui est invraisemblable, c’est cette hypnose du spectacle, nous empêchant de penser et réfléchir.

Le vent a cessé de pousser les nuages, le soleil a cessé de disparaître à l’horizon, la pluie a cessé de tomber, le temps même semble avoir cessé de passer. Tout est en équilibre, équilibre ne demandant qu’à être rompu. Au loin, une unique note de mandoline, diffuse, bientôt arrêtée.

 

Nature intrinsèque

 

Les restes du soleil trônent sur la grand place, je les vois de ma fenêtre. Ils sont ce que les nuages n’ont pas dévoré et éclairent, d’un faible éclat mort doré, les bâtiments alentour. Dans les rues, les gens se poursuivent avec des drapeaux, déchirés pour la plupart, au milieu des cris et des violences. Que se passe-t-il dans cette époque ? Je n’y comprends rien, ce que les gens deviennent m’apparaît aussi incompréhensible que mon indifférence, naturelle. L’instinct guerrier refoulé tant d’années ne pouvait qu’amener ce déchaînement. Excité par la religion, les médias, la peur, les idéologies, la volonté d’appartenance, l’individualisme, les réminiscences grégaires, toutes ces choses contradictoires et complémentaires à la fois. Son apogée sous forme de guerre civile, tous contre tous était prévisible. Il serait facile de blâmer la société pour ce qu’elle a fait de nous, mais nous n’avons pas eu besoin d’elle, nous étions dans une léthargie malsaine devant cesser, à un moment ou un autre. Ce qui était en nous, cette rage naturelle et conquérante de l’homme, devait un jour briser ses chaînes de morale et de tolérance pour s’exprimer pleinement. Voyez comme nous sommes étincelants dans le chaos, comme nous sommes beaux, baignés par les lueurs vives de l’extinction.

 

Et au loin, la perdition

 

D’une mélancolie sourde et aveugle, je fume à ma fenêtre, comme fait tant de fois, comme écrit tant de fois. Le froid s’insinue doucement en moi, jusque dans mon indifférence, alors que mon regard balayé par la lumière métallique des réverbères, s’attarde sur quelques arbres battus par le vent et la maison stoïque des voisins, occultant la forêt dont la contemplation m’apaisait. Je ne suis plus qu’une proie déchiquetée par l’angoisse, à nouveau, tel Prométhée dont le feu me manque. J’aspire à la brume, à l’évanescence, afin de disparaître sous quelques rayons d’une aube encore ensommeillée, sans laisser de trace. Puis reparaître furtivement, le soir venu, comme un souvenir qui consolerait de ma perte, ceux qui devraient l’être.

 

Suite en verres majeurs N° 1

 

Les visages se succèdent, dérangent et effraient plus que des chouettes. Eux aussi hululent dans la nuit, racontent leurs misères et boivent pour oublier que tout est vain, leurs plaintes surtout. Elles se perdent dans ce rade de campagne, enchâssé dans les champs morts de l’hiver. Ils me font de la peine, ces oiseaux sans ailes, tout comme je m’attriste aussi, cloué avec eux. Le désœuvrement est pour tous un fardeau sans lequel nous ne saurions pas quoi faire, bien qu’avec lui nous soyons livrés en pâture aux mêmes affres.

 

Feeding life

 

La vie enfle de tous ces évènements, se transforme en horreur de chair inerte, tremblotante d’excitation, à chaque chose nouvelle qui lui est présentée, avalée sans peine puis digérée en souvenir. Mais qui est le nourrisseur ? Ce ne peut être nous, qui subissons avec elle. Mais est-ce un dieu ? Est-ce un démon ? Ou la vie elle-même, se gavant de tout ce qui passe à sa portée, saupoudré de nos grasses erreurs ? Nous sommes noyés, écrasés par tous ces bourrelets de l’existence, jusqu’à n’en devenir qu’une incrustation. Un catalyseur de la douleur, évitant les étouffements lorsqu’elle avale de trop gros morceaux.

 

« Exhume to consume »

 

Il m’apparaît, après une réflexion aussi légère qu’elle est sans prétention, que la « sur-consommation » est quelque chose de très subjectif. À partir de quel moment peut-on déterminer que nous passons au-delà de la simple consommation ? Si l’on veut être strict en ce qui concerne les termes, c’est lorsque l’on consomme (achète donc) des produits dont on peut se passer. Par exemple, il est inutile d’acheter une plus grande télévision, sachant que l’ancienne fonctionne parfaitement. Mais, si l’on pousse un peu plus loin dans cette direction, il est même inutile de posséder un tel objet, nos ancêtres vivaient très bien sans. Suivant le même schéma, on pourrait vivre sans eau courante et sans électricité. Nos besoins vitaux n’en souffriraient pas nécessairement. Cependant, les besoins ont évolué au fil du temps, il a donc fallu les satisfaire pour que l’épanouissement individuel puisse garder une certaine stabilité. Ce que nous appelons sur-consommation est à mon sens, hors dérive pathologique, une simple consommation répondant aux besoins créés par l’époque. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Ce n’est pas mon propos, mais il est certain que chacun y trouve son compte, d’une manière ou d’une autre.

 

Métro de haine dans ce monde

 

Le métro parisien, c’est un peu un avant-goût de l’enfer, surtout le matin. La foule nous agresse avec sa sale gueule mal réveillée, mécontente et au sein de laquelle, des bourgeoises tètent leurs saloperies de barres de céréales bio qui empestent la noix de coco. Ils doivent tous suivre la mode aussi, ils portent des fringues qu’on ne voit pas ailleurs. Bien sûr, je ne suis pas le mieux placé pour en parler, mais quand même, quand même… Je me demande comment les touristes voient ça, moi ils me font un peu peur, comme si la décrépitude humaine s’habillait en Prada, au milieu des relents d’urine des couloirs.

 

Puissent-ils échouer

 

Puissent-ils échouer dans leurs tentatives cauchemardesques de nous changer, de nous transformer en ce qu’ils veulent, ce qui leur convient. J’emploie à tort « ils », car c’est une entité plus que des personnes, persuadée d’agir au nom du Bien, avec une majuscule évidemment. Aussi implacable qu’un mal éradiqué depuis longtemps, ou peut-être pas, mais tellement transformé lui aussi qu’il ne ressemble plus à rien. Ce n’est plus qu’une mascarade, un extrémisme symptomatique d’un combat que personne n’a demandé à livrer. Tout le monde veut dynamiter, exploser les fondations, tout refaire, se réapproprier ce qu’on nous a soi-disant volé, tout le monde veut faire dans la démolition, quel dommage qu’il n’y ait que les boulets qui y pensent. Ils font autant de mal que des scientifiques fous, des docteurs Folamour en puissance, livrés à eux-mêmes sous la bannière bienveillante de la société moderne. Je suis contre, sans combattre car ce serait puéril. Vous pouvez tout changer, vous y viendrez, il est même déjà trop tard pour des sauvetages, mais puissiez-vous échouer.

 

Bandeau

 

Sous la coupole d’un ciel noir serti d’éclairage public, la plage semble un long bandeau de sable ne donnant sur rien. Il y flotte quelques lumières, les feux follets mécaniques d’un navire dont l’équipage, je me plais à le croire, savoure les lueurs vives de la ville. Eux, comme moi, ne font que passer, cherchant des visages arc-en-ciel auxquels accrocher un regard.

J’en ai trouvé un, il était peint ; un cadre dans un bar bruyant, une image paisible perdue dans la cacophonie ambiante. Dehors, je savais que le vent m’appelait, mais en ce temple aussi assourdissant que l’enfer, je me sentais en paix sans être à ma place. Curieuse sensation que celle procurée par le repos de l’âme, dans les méandres de ce que l’on juge méprisable.

La terrasse semble un long bandeau de pavés ne donnant sur rien.

 

Peur de muse

 

Éclair soudain dans le ciel doré de l’automne, reniant l’inspiration, faisant voleter quelques feuilles sur le trottoir et me laissant face à d’autres, désespérément blanches. Il semblerait que ma muse soit effrayée par les éclairs, me laissant nu sur le champ de bataille du papier. Quelle malchance ! Mes boucliers sont restés auprès d’une amoureuse, attendant une autre guerre, moins surprenante mais ô combien plus acharnée.

 

Graine

 

Je germe et rêve seul dans ma propre jungle, toujours plus inextricable, faisant naître sans cesse des fleurs merveilleuses ou des aberrations vénéneuses. Je ne sais d’où viennent toutes ces graines, mais elles s’implantent si bien en moi et si profondément, qu’il me semble impossible de les chasser. Elles germent alors au chant des ombres, se propageant toujours plus, jusqu’à percer ma peau pour retrouver la lumière. Un jour j’en récolterai les fruits. J’espère leur goût plus agréable, que les racines amères de ceux qui les ont portés.

 

Aske

 

J’attends ton arrivée, comme Platon la compréhension des hommes, enfermé dans sa caverne. Avant qu’un souffle ne m’emporte puis me disperse.

Je suis si volatil que mon enfermement prend tout son sens. Dehors, les gens me regardent de travers, au travers, mais je n’y peux rien et je m’en fiche. J’ai de sombres trônes à ériger, qui ne seront jamais occupés que par des fantômes. Fais-moi disparaître, que je me reconstitue, que je me rassemble une dernière fois.

 

F.F.

Au travers de la fenêtre, tu regardes la lune découpée dans un ciel noir. Peux-tu t’enfuir ?

 

Des manèges tournent tout autour de farandoles de folie, l’herbe rouge a fané mais il reste encore des montagnes à croquer, loin des arbres qui écrivent la discontinuité. Dans les villes qui marchent toutes vers le sud, les reptiles habillés de couleurs inconvenables, jettent sur toi des habits empressés de critiquer ta nudité. Des rapaces creusent les sillons de tes chemins impulsifs qui tressaillent à chaque battement de paupière.

 

Les hiboux te parlent et t’invitent à manger de la confiture de haricot rouge.

 

Ici les sorcières sont des princesses à libérer et les parapluies parlent en suédois. Ici, ce n’est pas même mon imagination. C’est une échappatoire insensée dans laquelle tu t’es engouffrée comme une dernière chance. Dans ce royaume, tu marches pieds nus, libérée d’un fétichisme que dans la réalité tu dévores. Tu te laisses pourtant toucher les seins par de tout jeunes animaux aux yeux exorbités, des obsédés qui ramènent ta stupide évasion à son contexte d’absurdité cauchemardesque. Tu n’es rien, tu n’existes pas.

 

Mais qui êtes-vous ?

 

W.A.W.

 

J’érige des murs de papier sur lesquels j’écris des histoires, pour qu’ils deviennent plus forts, des remparts de mots. Il y a bien longtemps que j’ai commencé l’ouvrage de ce temple. Aujourd’hui c’est une imposante construction labyrinthique, explorant sans cesse de nouveaux chemins, en étayant d’autres, en perpétuel mouvement. Parfois, quelques visiteurs viennent s’y perdre mais toujours ils se dissipent, telle une brume, avant que je ne puisse les trouver. Comme s’ils avaient peur de me croiser ou peut-être est-ce moi ? J’érige des murs de papier sur lesquels j’écris des histoires, car c’est tout ce que je sais faire.

 

Toy Story

 

Partout, des écrans de fumée, des chambres d’hôtel jusqu’aux refuges isolés, laissant des écrits vains se gorger de mots superflus. Partout, des illusions de talent entretenues au café et aux délires d’artiste, sans que personne ne puisse rien y changer. Partout, des vies insuffisantes qui en obligent d’autres à en créer, par nécessité ou par vanité. Partout, ces phrases qui s’amoncellent au point de devenir des textes, partout ces choses qui ne veulent rien dire, sauf pour ceux qui les comprennent.

 

Cacheté

 

Ce sera une lettre qui se perdra, une lettre que vous ne recevrez jamais, chargée d’amour et de crainte. Dans cette missive vous auriez trouvé quelques jours de bonheur, faisant d’un amour fantasmé, irréel et impossible, celui que je vous porte, la plus douce des brises caressant votre visage. Par ces mots vous sauriez combien il m’est pénible d’être loin de vous, bien que je n’eusse jamais l’occasion d’être à vos côtés. Combien cette autre lettre que je vous ai envoyée, ne représente que peu, face à l’océan de contradictions que vous m’inspirez. C’est une lettre que vous ne recevrez jamais, une lettre passionnée, où tout fini brutalement, comme une peur.

 

Bunker

 

Je suis une voile déchirée dans le ciel, insaisissable, une blessure entraînant avec certitude la gangrène. Je n’ai personne à qui confier mes actes, je vois en toi, lecteur, comme un tribunal m’accusant des pires choses devant lequel je n’ai pas même l’envie de me défendre. Je me lasse du vent, de la mer et du sang, j’aurai voulu être un bunker, hermétique aux autres mondes.

 

Au cœur de la tourmente

 

Au centre du tourbillon, paraît-il, réside le calme. Mais qu’en est-il de cette peur inextricable dont s’accompagne la présence en un tel endroit ? Cette horreur de la conscience d’être au cœur de quelque chose qui peut et va, de toute évidence, nous engloutir ? Ce calme, c’est celui du maelstrom, pas celui de l’âme piégée.

Comme pour tant de choses, on nous vante une fausse paix, réelle aux yeux seuls de ceux qui n’y sont jamais allés, qui n’ont jamais été contemplés par le regard noir du cyclone.

 

Invisible

 

Enterré sous les feuilles mortes, je vis d’un éveil caché. Mes cheveux sont des racines qui frémissent aux pâleurs nocturnes et mon corps se dessèche sous la décomposition du monde. Les promeneurs viennent mourir devant mes yeux, au pied de l’arbre marquant l’endroit de ma réclusion.

 

Le monde ne doit pas me voir, sans savoir pourquoi.

 

Invisible II

 

La glace est venue me recouvrir hier, j’ai entendu la pluie lancer des épées pour me délivrer. Les bruits m’angoissent et les mots me rongent. Tout me paraît fascinant et douloureux alors que j’avais fait vœu d’insensibilité.

 

J’entends un musicien fou jouer des ballades fantomatiques, comme j’aimerais l’applaudir…

 

Forêts

 

La lumière se terre doucement à l’horizon et les chemins d’asphalte des forêts se parent d’ombres et de voiles. Dans le ciel, des nuages tissent encore quelques rêves fantasmagoriques. Aucun mot ne peut décrire les émotions de ce spectacle, seul des yeux, accrochés à la terre et au ciel peuvent entrevoir la beauté de ce moment. Nous devenons des drogués de l’émerveillement sans même nous en apercevoir. Nous sommes de plus en plus sollicités par des agressions de couleurs vives et peu à peu, le magnifique du passé devient le fade d’aujourd’hui.

 

Cigarette

 

J’ai craché suffisamment de volutes enchanteresses, pour enfumer tous les bars et cabarets de Paris, à l’époque où l’on pouvait encore le faire.

C’est un peu facile de comparer la vie à une cigarette, je sais bien, mais se consumer jusqu’à s’éteindre, c’est tout de même très proche de la réalité, comme des tas d’autres choses je le concède. Comme le sucre dans le café qui se désagrège lentement ou la course du soleil, du lever à l’apogée, jusqu’au déclin. Il me semble que tout a été fait ou presque sur ce sujet, métaphoriquement parlant. Il faut dire que c’est plaisant de s’interroger sur la vie, ça évite de la vivre un moment.

Mais je reprends, nombre de ces sucettes à cancer furent consommées dans l’attente, parce que les gens ne savent plus être à l’heure.

C’est d’ailleurs quelque chose qui me hérisse, sauf si c’est une femme, car elles, on leur donne tous les droits et le bon Dieu sans confession, du moins au début. Évidemment, on pourrait me rétorquer que c’est s’affliger de bien peu de choses, « la ponctualité est la politesse des rois » mais il y a belle lurette qu’on n’est plus en monarchie. C’est certain, cela dit j’ai été nanti d’une bonne éducation, du moins chacun a fait ce qu’il a pu avec moi, et si aujourd’hui il ne m’en reste peut-être pas grand-chose, je fais ce que je peux avec ce que j’ai retenu.

Il ne me reste plus qu’à fumer en attendant, en grommelant que tout se perd, ma bonne dame.

 

17

 

Des tournesols électriques, comme des perce-ténèbres, flamboient dans l’ombre d’une fin d’après-midi, avec à l’horizon, un granité de lumières jaunes et blafardes. Des filaments lumineux plus proches, ornent des érections sociales à la gloire du confort, nécessaires. Même des formes semi-folkloriques s’introduisent en cachette dans les maisons, parmi le goût peu sûr des fêtes de fin d’année. Dix-sept décembre, une fin du monde promise, imminente, et tant à faire encore, tant à voir, à découvrir. Si tout devait se terminer sur la fainéantise d’un préposé aux calendriers, ne serait-ce pas une fin du monde de pacotille ?

 

20

 

Le jour d’avant, la dernière fois c’était en 1999 je crois, pour le jour de l’an 2000. Rien n’annonce la fin, soit dieu fait la gueule et ne daigne même pas nous donner quelques signes annonciateurs, soit les dieux mayas ne s’encombrent pas des politesses monothéistes. Je me vois déjà écrire demain, « Il ne se passe rien », certainement parce que je serai un peu occupé en cas de pluie de météorites ou que sais-je encore.

 

21

 

Comme prévu, il ne se passe rien, ce qui paraît évident sinon, comme je l’ai dit hier, j’aurais certainement autre chose à faire qu’écrire ces lignes. Où est le cataclysme ? Je demande réparation. Où sont les flammes, les astéroïdes, les cavaliers de l’apocalypse, les tempêtes ? ! Enfin quoi ! Un peu de spectacle que diable ! Mais non, rien, le commun désespérant d’une journée de décembre, avec son ciel plombé aux rares éclaircies, laissant entrevoir ce magnifique bleu, si typique à l’hiver. Une phrase me semble résumer fort bien la situation : « Le malheur nous tombe dessus lorsqu’on ne s’y attend pas. » Alors prédisez la fin du monde chaque jour, ce sera une chose en moins dont nous aurons à nous soucier.

 

Draps en bataille

 

L’hélicoptère filait à l’horizon et s’apprêtait à disparaître derrière d’épais nuages. Je ne me souvenais de rien, si ce n’est la phrase que ces hommes cagoulés m’avaient dite, avant de me jeter de l’appareil. « On ne veut plus de vous ici. » Me laissant seul dans une campagne glacée et inconnue. Pourtant, je connaissais la langue utilisée sur le panneau placé non loin de mon point de chute, c’était du finnois, je n’y comprenais rien mais au moins je savais dans quel pays j’étais. Je décidai de suivre la direction qu’indiquait le panneau, tout en espérant qu’il s’agissait d’une ville, plus propice à la survie que la campagne. Sur le chemin, je tentai de rassembler mes souvenirs, décidés à jouer à cache-cache, ce fut évidemment un échec. Par chance, l’agglomération n’était pas loin mais n’avait rien à voir avec quoi que ce soit de finlandais. C’était une espèce de Londres en modèle réduit parlant une langue qui m’était complètement inconnue. Les rues étaient étroites et mon lit, à mon réveil, se souvint pour moi de cet étrange endroit.

 

Déluge symphonique