Duo Sudarenes : Développement Personnel - Thalia Darnanville - E-Book

Duo Sudarenes : Développement Personnel E-Book

Thalia Darnanville

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Beschreibung

L'origine des Maux

Deux personnages voient leurs vies qui s’entremêlent contre leur gré.
L’un se débat avec une mémoire défaillante et l’autre avec une disparition énigmatique. Leur quête de vérité, menée dans une étrange réalité et associée à d’inquiétantes rencontres, les poussera jusqu’aux limites de leur personnalité. Tout en cherchant à démêler les fils de leur vie, nous partagerons leurs blessures, leurs émotions et leur besoin d’être aimés et reconnus.
Une réflexion sur l’identité, les influences familiales et notre place dans le monde.
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Le voyage de Nambu

Le voyage intérieur peut commencer...
Ceci n’est pas un roman ordinaire… Découvrant une quête de soi et de paix dans un univers asiatique aux contours discrets, Le voyage de Nambu se révèle être une œuvre à méditer, un récit au message spirituel qui ne demande qu’à vous imprégner, vous ouvrir les yeux sur votre moi et vos capacités. Entre le héros et vous, les frontières iront donc en s’amenuisant. L’auteur ponctue le roman d’exercices de méditation que le lecteur aura loisir à pratiquer au fil de l’histoire. Un roman initiatique qui emmène le lecteur dans l'univers de la spiritualité et de la méditation.



À PROPOS DES AUTEURS


L’écriture est depuis l'enfance de Thalia Darnanville une source de jeu, d’émerveillement et de liberté. Elle a toujours été portée par les arts et leur pratique à travers la danse, le théâtre et l’écriture. Intuitive et curieuse, elle a eu à cœur de s’initier à l’art-thérapie, à la méditation, au tantra et plus récemment, à la danse soufie qu’elle pratique également sur scène. Chacune de ces expériences lui permettant de découvrir, avec un regard différent et sans cesse renouvelé, la diversité du monde qui nous entoure.


De part ses expériences d'éveil, Tony Hemery est un voyageur de l'esprit, sensibilisé par la compréhension des énergies profondes en lien avec nos émotions. Ses recherches se portent sur les états modifiés de conscience et le voyage de l'esprit.


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Les Duos Sudarenes

LE VOYAGE DE NAMBU

Tome 1

TONY HEMERY

« Le voyage intérieur peut commencer »

PROLOGUE

LE PREMIER PAS

Une pierre, posée là. Sa couleur craie contraste avec la terre rougeâtre de la montagne. Elle semble avoir été péniblement roulée puis abandonnée en cet endroit avant d’atteindre les hauteurs. Les hommes se lassent d’efforts improbables.

Sur cette pierre, Nambu, un jeune homme presque ordinaire, scrute l’horizon. Déterminé, il sait maintenant qu’il doit reprendre la route. Aujourd’hui, sa jambe ne le fait plus souffrir. Pour se donner confiance, il la balance un peu, là, au-dessus du vide. Mais non, ce n’est pas la peine. Il se sait déjà guéri depuis longtemps.

« Cela fait maintenant deux ans que je suis ici, beaucoup de choses ont changé. Je ne peux continuer ainsi… »

Son regard se porte sur ce qui l’environne. Un arbrisseau, planté l’année précédente, offre déjà un feuillage fourni. Son tronc, quoique encore frêle, s’enracine d’une certaine confiance, comme la promesse d’un avenir bien assuré. Cet instant lui paraît étrange… Cette croissance est-elle la récompense d’une assistance portée jour après jour ou, simplement, le développement normal promis à ce végétal, en quelque sorte l’accomplissement de sa destinée ? « Quoi qu’il en soit, cet arbuste semble totalement libre de toute interrogation et poursuit sa croissance loin de la main de l’homme. » Voulant échapper à ses pensées, Nambu saute de son rocher et s’élance en direction de la maison de son vieil ami. « Lui, saura sûrement m’apporter la réponse que j’attends ! » Le raccourci qui mène chez Oktan est fait de chemins rocailleux, entrecoupés de forêts de pins. La journée s’annonce. Le soleil matinal fait des siennes, kaléidoscope d’ombres et de lumières que contrôlent les nuages. Le vent quant à lui, ne semble pas, pour l’instant, disposé à les chasser. C’est ainsi que Nambu voit sa vie.

Tout en marchant il se dit : « En ce moment une visite chez mon ami me fera le plus grand bien. Probablement saura-t-il me dire ce que je dois faire… » Une autre pensée traverse son corps, éclatant comme une évidence qu’il se serait jusqu’à ce jour cachée : « De toutes façons, je ne peux plus rester ici. Une destinée m’attend. »Son pas témoigne d'impatience. Arriver chez son ami, c’est changer sa vie. Comme un écho musical de son ventre plaintif, le bruit du cours d’eau connu lui annonce que sa demeure est proche. « Je suis mort de faim ! Je n’ai même pas prévu d’en-cas pour la route. Oh ! Après tout, la prévoyance ne fait pas partie des gens de mon âge… » Ainsi absous par lui-même, Nambu arrive en vue de la maison d’Oktan.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE CHEMINEMENT

 

 

par Nambu

 

 

 

 

Récit et dialogues, méditations

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le jardin d'Oktan

 

« Le talent et l’intuition utilisent la même source, quand tu les découvres et les laisses s’exprimer, la vie prend tout son sens».

Oktan n’était pas seul. Un jeune homme de dos, que je distinguais mal, conversait avec lui dans une gestuelle que je désapprouvai. « Le monde lui appartient ! » fut ma première pensée. Ce qui me dérangeait le plus, c’était qu’à ce moment précis, je cherchais celui auquel j’appartenais, c’était cette quête qui justifiait ma venue.

Le regard d’Oktan en ma direction fit retourner l’homme alerte. Mes pensées se turent en une salutation. Je m’inclinai, saluant tout d’abord Oktan, puis d’un air intentionnellement neutre, celui que je savais se prénommer Teso. Oktan m’invita à m’asseoir. Sans me laisser le temps de m’installer, comme investi d'une mission et emporté par sa parole, Teso reprit de plus belle sa gestuelle ample et saccadée : « Kenata a absolument besoin de vous ! Vous seul pouvez la sauver. Dame ne sait plus vers quel esprit se tourner, elle vous sera d’une grande reconnaissance».

Pour faire aboutir cette demande, sa parole mêlait urgence et indignation.

Teso oubliait ainsi, que depuis longtemps Oktan n’avait plus besoin de reconnaissance…

Teso n’avait pas changé. Parti d’un caractère juste affiné, il connaissait à présent les bonnes manières et l’art de converser. Son attitude habillait son caractère insolent d’un air supérieur. Oktan faisait mine de ne pas relever tous ces détails.

Comme si lui-même pouvait comprendre et accéder à cet étage où ce que l'on dit relève de la plus haute importance et que seuls les initiés à cet art peuvent comprendre.

A cet instant, je me sentais bien loin de cet état. Les seules connaissances que j’avais développées durant les deux dernières années ne souffraient pas la comparaison face au spectacle qui se déroulait devant moi. Tout me semblait irréel. Oktan finit par se lever pour s’éloigner vers la pièce principale. Teso se tourna dans ma direction et fit mine de s’intéresser enfin à ma venue. Il me demanda d’un air affecté ce que je devenais. Évidemment, je ne sus que répondre.

Prenant un maigre petit air souriant, ma bouche troublée bredouilla : « toujours pareil». 

Il avança un peu son visage, comme s’il voulait aiguiser son verbe contre moi.

D'une confiance à peine dissimulée, son plaisir montait. Il percevait ma précarité et savourait cet instant en me questionnant davantage.

Mes réponses furent hasardeuses. Lisant entre mes mots, il dégustait ce moment. Teso plantait le doigt sur mon incertitude et se délectait de me récurer, jusqu’au déshonneur.

Ma colère montait: le regard troublé, je me revis porter le poing sur sa bouche quelques années auparavant.

Il en avait encore la marque : sa lèvre supérieure gardait la mémoire de cet instant douloureux.

Il lut dans mon regard. Comme saisi, son corps recula. Le retour d’Oktan mit un terme à notre conversation. Il faisait apporter des plats chauds.

Nous fîmes mutuellement mine d’être de bonne compagnie, et chacun reprit sa place d’invité, comme deux guépards enchaînés que le maître sépare.

L’exaltation des mets ravit mon estomac gonflé comme un ballon. Cet intérêt trivial n’échappa pas à Teso qui s’empressa de tenter un sourire d’entente auprès d’Oktan. Mais celui-ci ne réagit pas, pressé de voir finir notre attablée de fortune pour relancer notre sujet du jour : Dame Kenata.

Comme à son habitude, il ne mangea presque pas tandis que je m’assurais que rien ne fut perdu. Les plats vidés mirent fin à ma goinfrerie. Nous pûmes débarrasser notre repas.

Oktan nous invita alors à prendre place dans la pièce centrale. Mon estomac rassasié imposa à mon corps un balancement vers l’arrière. Mes deux coudes en maintien et porteurs de mon ventre, j’entamai ma digestion. Rien de corporel n’entravait plus le juste développement de ma pensée : j’étais prêt.

Teso, outré, me regardait bouche bée. Il tourna deux yeux ronds en direction d’Oktan qui y répondit par un large sourire. Puis Oktan nous proposa du thé d’une herbe du jardin. C’était celle dont je raffolais, pour l’avoir plantée. Au moment ou Teso le porta à sa bouche, je rappelai ce détail à Oktan, mais il passa outre en ravivant le sujet du jour.

- Depuis combien de temps dame Kenata est-elle souffrante?

- Cela fait maintenant plusieurs mois. Au début, personne n’avait rien remarqué. Dame a toujours eu un caractère fort, propice à ses hautes responsabilités. Depuis le décès de son époux, elle gère la province.

Mais, au fil du temps, son moral s’est émoussé sous le poids de ses nouvelles responsabilités. Maintenant son mal-être s’est répandu à tout le personnel qui est très inquiet. Le moral du château est au plus bas et personne ne sait combien de temps cela pourra durer ni ce que chacun doit faire.

Dame Kenata est maintenant régulièrement anémiée, gérant ses affaires depuis son lit. Sa fille fait de son mieux pour la seconder, mais elle est encore jeune pour prendre en charge les domaines stratégiques et ne s’occupe que des affaires courantes.

- Qu’en est-il des provinces environnantes?

- Dame Kenata possède des alliés de longue date sur les petites provinces du nord. Mais la grande province du sud, gouvernée depuis trois ans par un jeune seigneur semble maintenant prendre un essor considérable, du fait d’alliances militaires rivales. Nous craignons que Dame ne sombre dans une maladie dévorante et finisse par ne plus faire face à ses obligations. Les provinces du sud se réjouiraient et pourraient largement profiter de cette faiblesse, si cette information venait à être divulguée.

Oktan, secret, gardait un visage grave, adapté aux circonstances pour le moins délicates que lui rapportait le jeune homme.

Par sa venue, la servante interrompit le silence.

Elle annonça l’arrivée de la garde de ce dernier, ce qui précipita son départ. Après les salutations d’usage, Teso fit savoir qu’il reviendrait dans trois jours pour recevoir les conseils d’Oktan.

 

De mon coté, il m’était délicat de parler maintenant à Oktan et d’encombrer son esprit de mes ennuis personnels qui semblaient dénués d’intérêt, du fait qu’ils n’engageaient que ma propre personne et non l’avenir d’une province. Mais, je me rappelais aussi que c’est en chaque homme que sommeille et commence une destinée. Je restai là, planté à regarder au-dehors.

Teso, accompagné de sa garde, s’éloignait lentement. Laissant sur son passage un long sillon, une charrette tirée par deux chevaux les suivait. Il devait bientôt revenir…

J’étais impatient d’en savoir un peu plus. Tout d’abord, la solution qu’Oktan allait apporter au problème de dame Kenata puis la nature des liens de Teso avec cette province. Enfin, pourquoi, à chaque rencontre nous comportions-nous comme des enfants?

Nous entretenions les petites querelles passées, comme si elles dataient d’hier, alors que nous avions maintenant dix-neuf ans. Chacun prenait à cœur de cultiver cette différence qui en réalité nous unissait. «Aujourd’hui, pensai-je, Teso a un avantage certain sur moi.

Il se dégage de lui une assise que je ne possède pas encore. Il sait où est sa place et entretient son histoire.»

Je décidai: «quand il reviendra, je lui parlerai pour mettre fin à nos enfantillages et nous libérer du passé».

Oktan mit un terme à mes pensées et me demanda mon avis sur tout ce qui venait de se dire. J’entamai ma réponse par une question.

- Depuis combien de temps le mari de dame Kenata est-il décédé?

- En fait, personne ne sait ce qu’il est devenu. Depuis trois ans, il a disparu dans les provinces du sud avec sa garde en pleine nuit, alors qu’il rentrait au château après de longues campagnes. La nouvelle a été difficilement acceptable pour dame Kenata. Jour après jour, elle a entretenu l’espoir que son mari revienne mais, malgré tout ce temps, et bien qu’elle ait pris beaucoup sur sa personne, elle n’a pu accomplir son deuil.

Ses affaires se compliquent et aujourd’hui, son corps lui demande de se reposer.

Malheureusement, prisonnière de sa propre attente, elle n’envisage plus l’avenir. C’est probablement la principale raison de son tourment.

- J’y vois maintenant plus clair. Dame Kenata et moi nous ressemblons un peu par notre nature singulière. Nous avons besoin de temps pour savoir et attendons. Pourtant, la vie, impatiente, est comme sourde à ce tourment et nous pousse vers l'avant. Dans l’incertitude, nous devons cependant prendre des décisions.

- Tu as préservé ton potentiel Nambu. L'heure n’était pas venue. Ta vision te porte maintenant dans une nouvelle direction. C’est ce qui fera que vous vous rencontrerez, car vous avez mutuellement beaucoup à vous apporter.

Par cette réponse sereine, mon existence prit subitement un tournant, un peu comme si une nouvelle source de vie cherchait à m’habiter.

Mon impatience voulait faire un pas pour emprunter ce chemin. Oktan précisa: « Le moment venu, Teso te facilitera l’ouverture, mais vous devez d’abord faire la paix en vous rappelant d’où vous venez. Vous êtes amis depuis l’enfance».

Oktan souhaitait en finir avec ce sujet. Je le compris en voyant apparaître sur son visage un large sourire que je lui rendis aussitôt.

- Maître, je suis venu ici afin de te poser une question me concernant. La présence de Teso m’en a imposé une autre, mais tu as répondu à ces deux questions.

- Tu attends beaucoup de demain et je suis aussi ici pour t’être utile. A mon tour, j’aimerais te poser une petite question : t’intéresses- tu au talent ?

- Pour moi, le talent est l’expression de l’Homme qui manifeste sur terre ce qui réside du plus profond de lui.

-Bien. Dis-moi maintenant : ce talent s’accomplit-il au travers d’une action ou est-il une présence par nature ?

- Je pense qu’il est lié à l’inné et s’accomplit sans l’aide de la réflexion. Le talent ne s’apprend pas par le travail mais se découvre au moyen de celui-ci.

- Allons plus loin. Crois-tu que le talent soit entier en chacun et n’attende que son moment pour vivre au grand jour ?

- Oui. Le plus difficile est de libérer ce qui entrave son expression.

Le talent en soi se découvre lorsque l’on se voit accomplir quelque chose avec légèreté, un peu comme si on ne le faisait pas. Tout le reste, c’est du travail.

- Est-ce que tu penses que l’on a des talents non découverts en soi ?

- L’homme découvre sa nature véritable au moment où sa destinée se révèle.

Il apprend aussi la vie à travers les desseins qui s’expriment autour de lui. Lorsque son génie ne se manifeste pas, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’espace vide en lui pour lui permettre d’émerger.

Oktan apporta des précisions :

- Le talent que nous exprimons élargit notre vision sur notre vie intérieure. Par ailleurs, le talent extérieur qui se révèle autour de nous, amène à une meilleure compréhension de la vie. Nous sommes d’accord Nambu. Que comptes-tu faire pour laisser vivre le tien ?

- Je vais m’intéresser à ce que je suis réellement et m'ouvrir sur ce qui m’entoure.

- Ne devrais-tu pas d’abord te libérer de ce qui t’intéresse et ce dont tu crois avoir besoin pour permettre à ta destinée d’exister ?

- Maître, que veux-tu dire par là ?

- Prendre conscience de ne pas être à sa place amène une réflexion, mais celle-ci doit ensuite laisser place à l’observation.

La claire vision a besoin d’espace: elle s’acquiert par la pratique du silence intérieur. Il s’agit de faire confiance à notre force initiale afin qu'elle nous montre le chemin.

- Lorsque l’eau s’agite en face de nous, on ne peut voir le reflet de notre vrai visage.

- C’est exact, Nambu !

- Mais comment s’acquiert la présence du silence intérieur ?

- Par l’écoute de ce qui se passe en soi. Par manque de pratique, cette présence paraît vide et sans intérêt. Aussi cherche-t-on la plupart du temps à y échapper pour combler notre vie. Mais pourtant, c’est bien de là que découle le secret. Sans l’essence initiale, toute action est inutile, pure perte de temps ! Va dans un endroit calme où tu peux te retrouver. Ensuite,tu pourras com-mencer à écouter…

- Mais que dois-je entendre ?

-Ton corps vit. Écoute-le et tu comprendras ce qu’il est. La première étape consiste à prendre réellement conscience de notre existence.

- Mais, que vais-je entendre?

- Ce que tu es réellement s’exprime bien au-delà de tes pensées. Ton corps t’expliquera pourquoi il est ainsi. Peu à peu, tu commenceras à comprendre ton essence et l’origine de ses vibrations. Ton corps est réactif à ce que tu lui fais vivre. Certes, tout cela prend du temps, mais lorsque tu sais aller au fond des choses, tu en comprends les raisons.

Laisser s’exprimer l’essence de ton être te libère de ce que tu n’es pas.

- Ce que tu dis paraît facile, mais l’expérimenter dans ma vie est vraiment difficile. Je ne sais pas si j’en aurai le courage et la capacité…

- La vie n’a pas de notion de capacité ou de courage, elle n’est que l’expression de ce qui existe initialement.

- Je crois que je me perds dans cette réflexion...

- Tu crois te perdre parce que tu n’arrives pas à faire référence à ton vécu. Je vais t’éclairer un peu…Connais-tu l’intuition ?

-L’intuition… N’est-ce pas une connaissance que nous avons au-delà de la raison ?

- En effet. Aussi dois-tu te libérer de la raison pour comprendre ce que je te dis. Le talent et l’intuition utilisent la même source, ils sont les effets de ton essence initiale.

Quand tu les découvres et les laisses s’exprimer, la vie prend tout son sens.

- Cet après-midi, j’aimerais m’asseoir dans la forêt et laisser vivre ces réalités en moi.

- Très bien Nambu, prends note de ce que tu en retireras. Demande à Nemi qu’elle te donne des provisions, le corps aussi a besoin de nourriture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'arbre centenaire

 

« Sans questions ni réponses, exprimer simplement ma nature ».      

Mon esprit était secoué par cette conversation. Jusque-là, j’avais cohabité avec moi-même sans jamais vivre réellement. Je possédais désormais les connaissances nécessaires pour me découvrir. Suivant le chemin qui menait à mon lieu préféré de méditation, je m’enfonçai dans la forêt en suivant le cours d’eau. Les paroles échangées avec Oktan coulaient encore en moi. L’endroit était propice à la recherche, j’arrivai au pied de l’arbre centenaire. Il existait entre nous une grande complicité. Je grimpai sur les premières branches et m’installai tranquillement. Adossé à son tronc, je pris mes notes et j'écrivis ce qui me venait à l’esprit : « afin que se remplisse ma vie de ce que je suis ».

Cette phrase ressemblait à une prière. Je décidai d’en simplifier le contenu : « ce que je suis », car c’était maintenant ma question; il me fallait y répondre ou plutôt me laisser découvrir.

Les yeux fermés, bercé par cette phrase, je décidai de porter mon attention sur chaque partie de mon corps.

Toutes ses parcelles semblaient contenir en elles une mémoire, comme si le simple fait de les regarder intérieurement libérait leur histoire. « Sont-elles ce que je suis ? » Ne voulant pas répondre sur le moment, je laissai vivre l’instant et restai ainsi un long moment.

L’air ambiant de l’après-midi annonçant la soirée commençait à croître en fraîcheur. Je bougeai lentement mes membres afin de reprendre contact avec mon corps.

J'étais intrigué par cette nouvelle expérience qui vivait maintenant en moi, indépendamment de ma volonté et que seule mon attention avait laissé dévoiler. Avant de repartir, j’enlaçai l’arbre et y posai doucement mon front. Si seulement je pouvais être comme lui, sans questions ni réponses, exprimant simplement ma nature !

Durant un moment, je m’oubliai. À son contact, je ressentis une présence réconfortante. Ému de vivre cet instant de rencontre comme si mon cœur devenu un peu plus libre pouvait maintenant l’entendre. Pourtant, il avait toujours été là.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Méditation

« Afin que s’exprime l’essence de mon être ».

 

Dans un lieu paisible, je me détends.

Mon corps mémorise l’histoire de ma vie.

Je le laisse s’exprimer.

J’écoute et accède à ma connaissance intérieure, mon unité.

Je prends mon temps :

1/ Je porte mon attention sur chacune des parties de mon corps, en remontant lentement : mes pieds, mes jambes, mon ventre, mon dos, mon torse, mes épaules, ma tête, mes bras, mes mains.

2/ J’affine cette observation et je différencie chacune des parties : mon bras, mon avant-bras, ma main et chaque doigt. Ainsi sur toutes les parties du corps.

3/ Dans un troisième temps j’approfondis mon écoute : je choisis une seule partie du corps où je laisse simplement mon attention s’attarder sur un endroit qui me retient le plus.

A la fin de l’échange, je pose une main en présence sur un lieu d’introspection, par exemple au niveau du ventre, en donnant ce que je suis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au fond de soi

 

 

« Laisse vivre tes rêves ; Ils t’ouvrent la voie sur ce que tu vas réaliser».

Chemin faisant, à travers la nuit naissante, j’aperçus la maison d’Oktan. Des lanternes disposées par Nemi accompagnaient maintenant mes pas jusqu'à l’entrée principale. Au moment où je franchissais le seuil, la porte coulissa. Nemi m’attendait et semblait impatiente.

- Tu rentres tard Nambu, aurais-tu rencontré une demoiselle en chemin ?

Avec un air discret dont j’avais le secret, j’insistai :

- Pourquoi ? Nous attendons quelqu’un d’autre ?

Sans me répondre, montrant le désespoir d’y réveiller l’intelligence qui se trouvait derrière, elle tapota son index pointé au centre de mon front. J’aimais beaucoup Nemi. Elle me traitait comme une mère et l’affronter me rappelait l’évidence de la simplicité.

Je pris place au repas. Oktan m’attendait d’un air complice. J’étais impatient de lui exposer mes premières impressions sur ce nouvel exercice.

Une foule de questions naissaient en moi et je souhaitais les partager avec lui. Il lança la conversation :

- Comment s’est passée ta journée Nambu ?

- J’ai commencé à réfléchir et je me suis attardé à détendre mon corps pour écouter ce qu’il avait à me dire. Oktan, j’aimerais en savoir plus sur ce que je suis.

- La question que tu te poses est fondamentale pour l’homme. Chaque action le rapproche un peu plus de ce qu’il est, mais en même temps l’interroge un peu plus. Pour savoir qui tu es, apprends à t’écouter.

- Je m’interroge tous les jours à ce sujet… Sans trouver la moindre réponse !

- Tu recherches probablement ce que tu es en réfléchissant à ce que tu veux, mais ce que tu veux ne correspond pas à ce que tu crois vouloir. Ce que tu es se trouve plus profondément enfoui, tu dois le laisser s’exprimer. Ce que tu es réellement ne prend pas sa référence dans ce que tu connais. C’est l’aspect créatif de ton être qui s’exprime par des sources qui ne sont pas posées ici-bas. Ta tête ne t’apportera aucune réponse. La nouveauté ne s’appuie pas sur des choses connues et déjà réalisées, ton chemin est neuf. Connais-tu le rêve ?

Sais-tu d’où il vient, et quel est ton état d’esprit au moment où il s’exprime ?

- Cela fait maintenant bien longtemps que je n’ai pas rêvé…

- Tu te contentes de regarder ce qu’il y a autour de toi en voulant l’assimiler à ton rêve, mais ce n’est pas lui.

C’est pour cela que rien ne se réalise, tu tournes en rond.

- Comment dois-je faire pour laisser vivre mon rêve?

- Tu viens de répondre à ta question, laisse le vivre. Prends ton temps et apprends à écouter ta source. Tout d’abord, laisse vivre tes rêves au fond de toi, ils t’ouvrent la voie sur ce que tu vas réaliser. Ensuite viennent les interrogations, les peurs, les doutes. Tu dois acquérir plus de confiance en développant ton enthousiasme, c’est le début de la création. Sans confiance, tu n’accomplis rien. En réfléchissant, tu auras toutes les bonnes raisons pour ne pas réaliser ta destinée. La pensée est peureuse et cherche toujours le moyen de se rassurer en se justifiant par ce qui existe autour d’elle. Ce qui est étrange chez l’homme, c’est qu’une mauvaise histoire développe la volonté de s’en sortir par le rêve mais, quand on s’en est enfin extirpé, ne reste plus que le besoin de se rassurer. La peur de retomber prend de nouveau toute la place et nous empêche d’avancer.

- Mais est-il normal de ressentir pour le moins de la tristesse suite à une mauvaise histoire personnelle ou après une déception avec quelqu’un?

- Beaucoup de ceux qui pratiquent les voies de l’esprit pensent que le passé ne compte pas et qu’il faut vivre l’instant présent. La tristesse, au contraire, développe ta sensibilité et ouvre ton cœur.

Elle te permet de t’arrêter et de ressentir, pour comprendre ce qui existe, C’est une vraie richesse. Ensuite, tu peux reprendre le cours de ta vie librement.

- J’ai une montagne de travail à faire pour avancer dans ce domaine!

- Peut-être ne devrais-tu pas penser en terme de travail… Tu peux laisser faire les choses, elles te montreront le chemin. Laisse-leur le temps.

Je décidai de dévoiler le fond de mon cœur.

- Il faut que je te raconte… Ce soir, j’ai vécu une expérience intrigante. Alors que je méditais près d’un arbre, j’ai ressenti mon corps s’alourdir.

Puis, au lieu de porter mon attention sur mon centre, j’ai déplacé ma conscience en diverses parties de mon corps.

Ce qui s’est passé alors est très étrange. J’ai commencé à ressentir que ma présence pouvait être déplacée à n’importe quel endroit. A ce moment-là, une chose intéressante s’est produite. En portant mon attention plus profondément, j’ai eu l’impression qu’une vie s’exprimait, comme s’il existait une autre vie à l’intérieur de moi-même. Des parties de mon corps ressentaient de la peine ou de la tristesse, d’autres de la joie, d’autres encore exprimaient simplement ma conscience. Quel est le sens de cette expérience ?

Visiblement intéressé, Oktan posa ses mains sur ses genoux.

- Nambu, ce que tu me présentes là est primordial pour la voie de l’éclaireur. La plus petite partie de ton corps garde en mémoire son histoire. Certaines sont déjà vécues et d’autres sont en devenir. Quand une partie de ton corps te raconte son histoire, laisse-la s’exprimer, ensuite tu pourras lui donner ta lumière en posant ta main à l’endroit où tu souhaites lui apporter de la compréhension ou du réconfort. Avec le temps, tu pourras y transporter simplement un fragment de conscience. Voilà quelle est l’une des missions de l’éclaireur.

Mais il faut de l’expérience et une grande compréhension de ce que tu es, une parfaite écoute de ce qui t’entoure. C’est une clé essentielle de la voie.

- Oktan, est-ce que tu pourrais me donner un exercice à pratiquer ce soir pour avancer?

- Je pratique régulièrement celui de la lumière, je vais te le décrire. Je commence par fermer les yeux. Ensuite je regarde devant moi. Ce que je vois est l’origine de ma vision de la vie. Elle peut être sombre, floue ou avec des couleurs parfois être très nettes.

Ce qui m’intéresse, c’est de regarder les filtres de mes yeux pour savoir comment va se dérouler ma journée.

- Comment ça, les filtres de tes yeux?

- La vie qui t’entoure n’est pas bonne ou mauvaise, elle est filtrée par tes schémas de pensée. Tu peux laisser descendre en toi la lumière pour éclairer ta vision. Quand tu les ouvriras, tu ne verras plus le monde avec un regard affecté. Retrouve ton essence, elle remplit ton champ visuel pour purifier ta perception. Voilà un entraînement très intéressant pour avancer de façon claire et déployer ton essence de vie.

- Oktan, je vais prendre note de cet exercice pour le pratiquer dès ce soir.

Je commençai ma soirée en écrivant ce qui suit dans mes notes personnelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Méditation

 

«Laisser vivre la lumière intérieure».

 

 

 

C’est le chemin de la connaissance d’un monde, où toutes les essences de la vie viennent à moi, sans blocage.

 

Je ferme les yeux et regarde l’espace devant moi.

Il peut être clair ou sombre, flou, net suivant les jours.

Il peut y avoir des couleurs, être restreint ou large.

La lumière se rapproche et descend en moi.

Elle m'éclaire progressivement et remplit mon champ de vision.

Sans effort, je deviens la lumière.

Je me contente de la regarder, j’y porte toute mon attention.

Après un certain moment de pratique, ma perception s’affine encore.

Je remarque comme une ouverture, une voie s’ouvre et s’éclaircit.

Je suis confiant.

 

Quand j’augmente mon espace de vision,

j’augmente ma confiance en moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'essence de la vie

 

 

 

« Il y a quelque chose d'immuable en moi, c'est vers cet endroit que je dois regarder ».

Cette nuit-là, je restais dormir chez Oktan, dans la petite chambre de passage. Je l’utilisais un peu comme la mienne pour y avoir séjourné très souvent. J’avais conscience de devoir rester ici quelques jours. Sans en connaître la destination, l’impression naissait qu’après ce moment je prendrai enfin mon envol. Maintenant détermine mon futur. Avant de m’endormir, je consultai mes notes pour y glaner des idées complémentaires. Après un instant, assis sur ma natte je regardai la bougie face à moi. Derrière elle, quelque chose avait changé, se distinguait. Il y avait un livre supplémentaire sur l’étagère, il ressortait à peine des autres.

Il semblait posé là pour qu’on le regarde, comme s’il s’impatientait de m’appeler. Je me relevai et le pris.Sur la première page était marqué « L’éclaireur » et en dessous, « les secrets ». Par respect, à la vue du titre, je n'osai à peine le consulter. Oktan ne pouvait pas avoir posé ce livre par hasard; il l’avait laissé intentionnellement, c’était évident, et ça ne pouvait être que pour moi.

J’ouvris le livre mais la première page était vide, puis la deuxième, et ainsi de suite. Il ne contenait rien, juste un titre et un sous-titre en couverture.

« Je ne comprends pas, on dirait un livre qui n’a pas encore été écrit… »

Puis des pensées vinrent à moi, des souvenirs… « Quand c’est le moment, l’éclaireur est l’homme qui nous met en relation avec notre source.

Il peut aussi nous éveiller au monde d’en haut. Il réveille nos qualités et s’en va lorsqu'il pense avoir rempli sa mission. Dans ce pays, il a un rôle très particulier.

On peut le rencontrer partout, à tous les niveaux de la société. Il éclaire et donne un sens nouveau à notre vie. Sa présence procure de grands changements intérieurs. »

La présence de ce livre, entre mes mains, m’interrogeait sur ma venue ce jour-là, et, surtout, sur la volonté d’Oktan à mon égard. Souhaitait-il m’enseigner et donner un nouveau sens à ma vie ou bien davantage, me destiner à la vie d’éclaireur? La venue de Teso n’était pas le fruit du hasard: quelque chose allait se décider pour moi à son retour. Peut-être changer de ville ou trouver une activité.

Une multitude de questions me submergeait.

Quand un virage se prépare dans notre vie, notre pensée s’active et recherche ce qui pourrait arriver pour se rassurer, elle n’aime pas l’inconnu. Ce que je ne sais pas est inconnu et par manque de confiance, je n’entends pas ce qui se dit en moi-même. Aussi dois-je apprendre à écouter, mais pour entendre quoi?

Spontanément, j’écrivis ces quelques lignes: « Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas toujours ce que je fais, mais j’essaierai de le faire, pour devenir celui que je suis. »

Ce qui m’entourait allait changer: «  il y a en moi quelque chose d’immuable et c’est vers cet endroit que je dois regarder. »

L’après-midi qui avait précédé, j’avais médité sur la mémoire de mon corps. A présent j’allais observer ma nature profonde.

« Quand, détendu, je regarde à l’intérieur de moi-même, j’y trouve tout d’abord des questions et des réponses. Mais je peux rentrer plus profondément, comme si je regardais celui qui regarde. J’y perçois cette nature profonde, sans question, ni réponse. Simplement ce que je suis. Un lieu immuable, de calme et de paix, l’endroit où j’existe, l’essence de toute chose. Ce que je découvre, c’est qu’au-delà de la pensée, quel que soit l’endroit d’où je regarde, j’y retrouve toujours mon essence. Ce que je suis ne s’exprime pas. Il est simplement là! »

Un moment passa. J’écoutais et je commençais à comprendre: « La vie est une essence qui libère son parfum. Quand celui-ci n’est pas dénaturé, il génère l'harmonie».

 

 

Méditation

 

« L’évidence ».

 

D’ici, d’où que je sois, maintenant, je m’arrête et j’écoute.

Une destinée m’attend, que je l’appelle bonne ou mauvaise ne me concerne pas. Je suis à l’écoute de ce qui vit en moi, j’ai confiance.

D’ici, je commence et accomplis ce que je ressens.

Le meilleur pour ce que je dois faire est là, je n’ai pas d’inquiétude pour maintenant.

Je suis en paix dans l'action et dans l’inaction.

Désormais, je ne fuis pas par de multiples pensées, je ne cherche pas d’excuses à ce que j’ai vécu ou ce que je ferai, je suis clair avec moi-même.

Paisible et réceptif à ce nouvel élan de vie qui m’habite, loin de l’interpréter, je le laisse vivre et accomplis ma destinée.

Je continue le cours de ma vie, dans l’esprit serein et la connaissance de l’évidence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le livre blanc

 

 

« Poursuivre ses rêves dans la difficulté est une grandeur de l'homme »

Le réveil fut un peu pénible. Le soleil matinal semblait me percer de ses rayons. « J’ai encore beaucoup à apprendre, me dis-je. Il me manque quelque chose d’essentiel pour laisser vivre ma conscience naturellement. »

Oktan, finissait déjà le jardin et ratissait les quelques feuilles tombées durant la nuit. Alors que Nemi m’apportait le déjeuner, je réfléchissais à ma question du jour: « que vais-je écrire sur mes notes? J’ai tant de questions à poser à Oktan, vivement qu’il abandonne son râteau…»

En le regardant ainsi travailler j’avais l’impression d’effectuer en moi la même tache; je ratissais, enlevant l’inutile pour laisser place à l’essence. Oktan arriva.

- Bonjour Nambu. As-tu bien dormi?

- Je me suis endormi tard, j’essayais de remplir mes notes pour progresser, mais ma plume relâche son encre sans vraiment avancer.

- Peut-être devrais-tu ouvrir ta porte pour laisser l’air caresser les cils de ta plume?

- …Hier soir, j’ai regardé le livre sur les éclaireurs. Mais pourquoi donc les pages sont-elles blanches?

- Tout simplement parce que c’est à toi de les remplir.

Oktan était tout souriant. Je m’inclinai en signe de profond respect. Il souhaitait donc en effet m’orienter dans cette voie.

- C’est un grand honneur que tu m'accordes, maître.

- C’est pourquoi tu peux rester ici jusqu’au retour de Teso. Ensuite nous partirons pour Noga.

- Es-tu sûr que je serais digne d’emprunter ce chemin?

Oktan répondit sans hésitation:

- Ce chemin a commencé bien avant ta naissance.

- …

- C’est ton chemin de vie, ce que tu as décidé de réaliser ici-bas.

- Si j’ai décidé de le réaliser en ce monde, comment a-t-il pu commencer avant ma naissance ?

- Cette compréhension viendra lorsque tu seras éclaireur. Mais d’abord, emprunte la lumière qui te mènera jusqu'à ta naissance.

- Comment faire pour la reconnaître?

- Tu as deux principes à connaître pour ce voyage: l'enthousiasme et l’intention. Le premier, lumineux, est l’énergie qui élèvera ton esprit et te délivrera aussi de la pensée, ce qui n’est pas le moindre. L’intention est la direction où tu souhaites la mener, le dessein de ton enthousiasme.

- Mais cela ne me dit toujours pas où je suis censé aller?

- Tu devras te libérer de ton corps et accepter de mourir pour renaître en tant qu’esprit. Cela peut se produire avec beaucoup d’entraînement ou s’effectuer spontanément. Mais, de ce voyage, on ne ressort jamais le même, la vie prend alors un sens nouveau. Elle devient intense quand on en comprend l’utilité. Tout s’accomplit par étapes. Tu dois prendre ton temps.

- Est-ce que je serai prêt pour aller à Noga?

- Ce n’est pas à moi d'en décider.

Puis, pour me rassurer, Oktan ajouta:

- Ne t’inquiète pas, tout se fera au bon moment. C’est toujours le bon moment.

- Je ne suis donc même pas responsable de cela?

- Mais si! Complètement!

- Mais… n’est-ce pas une contradiction?

- Pas du tout. Les événements à un certain niveau semblent déjà inscrits mais les fondations s'édifient par la main de l’homme et c’est par ton enthousiasme que l’on reconnaîtra ta volonté de t’élever !

- Penses-tu que je manque d’enthousiasme?

- Les douleurs de ta destinée ont amoindri ta flamme d’espoir. Pourtant, c’est cette lumière de vie qui provoque l’élan. Ton esprit progressera par cette énergie qui te semblait préalablement néfaste. Poursuivre ses rêves dans la difficulté est une grandeur de l’homme.

- Des événements peuvent ruiner la vie d’un homme. Comment songer à l’espoir dans ces moments?

- C’est le rôle d’un éclaireur: redonner l’espoir.

- Est-ce forcément dans la joie?

- C’est avant tout dans la compréhension.

Ton attention face aux situations t’amènera la clarté dont tu as besoin.

- Être éclaireur demande l’exercice d’une vie… Il y a tellement de choses à apprendre!

- C’est ce qui fait la variété de la vie et son intérêt. Mais tu n’as pas besoin de chercher à comprendre tout ce qui se passe autour de toi. En regardant en toi, bien des choses qui t’entourent te deviendront compréhensibles le moment venu.

 

 

Méditation

 

« Ce que je suis ».

Des pensées ou des questions surgissent : je les laisse passer et j'observe.

Je rentre de plus en plus profondément en moi.

Je n’analyse pas ce que je ressens, je le laisse libre.

Après un moment de tranquillité : je me remémore simplement les différents souvenirs ou les grandes étapes que j’ai franchies.

Lorsque je suis né, mon corps s’est construit jour après jour.

Je me demande parfois de quoi j’ai besoin et pourtant, je suis là.

Tout s’est-il fait naturellement ?

Tout ce qu’il y a autour de moi a été fait de la même façon.

Je prends le temps d’observer.

Je lève les yeux, le ciel. Je les baisse, la terre et ce qui la contient.

Est-ce que tout cela s’est fait avec ma conscience ordinaire ?

Ce dont j’ai besoin est-il aussi difficile à réaliser que ce qui existe déjà autour de moi ?

Qu’est-ce qui peut bloquer le processus de mon épanouissement, si ce n’est moi ?

Qu’est-ce qui pourrait faire que je sois heureux, si ce n’est moi ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La nature du souffle

 

 

« C'est enrichissant de comprendre ce que tu as fait de ce que tu as reçu ».

Je revins vers mon idée première.

- Cet après-midi, je vais poursuivre mon entraînement. Pourrais-tu m’indiquer encore un exercice?

- Il n’y a pas de méthode spécifique pour devenir éclaireur. C’est pourquoi, initialement, il lui est toujours remis un livre blanc, dont le titre seulement est écrit de la main de celui qui le transmet. Il n’y a aucune directive imposée, ni aucun esprit particulier à rechercher. De même que nous ne sommes pas figés, nous échangeons ensemble nos expériences avec un grand plaisir. Cet après-midi, avant que tu ne partes en forêt, je te donnerai un exercice que beaucoup d’éclaireurs pratiquent tout au long de leur vie. Cela concerne l’étude de la respiration.

C’est une expérience très importante pour celui qui veut pénétrer sa nature. A priori, respirer n’a rien de bien extraordinaire. Pourtant, le souffle permet de déceler beaucoup de secrets, si tu accordes un temps nécessaire à cette observation.

- Quels genres de secrets pourrais-je découvrir?

Oktan s’appliqua à me répondre. Avec ses mains, il mima sur sa poitrine le trajet de l’air lorsqu’on respire:

- Les premières respirations t’apportent le calme et te permettent de rentrer en toi, en suivant simplement l’air qui circule. Écoute avec toute ton attention. Ensuite, tu pourras différencier l’inspire de l’expire.

C’est le début du voyage. L’inspire représente ta disponibilité face à ce qui t’entoure. C’est aussi ta façon de percevoir le monde, ce que tu ressens face à un événement, ou face à ce qui existe simplement à côté de toi et comment tu te situes par rapport à elle.

L’air que tu inspires est chargé d’histoires et d’énergie, il est très intéressant de comprendre comment tu l’accueilles. A cet instant tu découvres beaucoup sur toi. Inspirer te permet de te différencier de ce qui existe. L'air est filtré par ton corps. C'est enrichissant de savoir ce que tu as fait de ce que tu as reçu, que reste t-il de la nature de l'air expulsé? Découvre-le en écoutant en toi, au moment où l’air s’échappe. Tu apprendras ce que ta nature laisse percevoir. Par ce simple exercice, tu vas apprendre beaucoup sur toi-même et sur ton interdépendance avec ce qui t’entoure, sur la façon dont tu acceptes ou non les situations et sur la nature des échanges. Celui qui pratique cet exercice effectue en lui un grand pèlerinage à travers la vie.»

Mes conceptions avaient été ébranlées:

- Oktan, lui dis-je, je n’avais jamais vu le simple fait de respirer comme un voyage…

- Les choses les plus simples, ajouta-t-il, sont souvent difficiles à percevoir et la raison en est évidente: le profane est souvent dirigé par ses sens, ce qui en soi n’est pas mauvais. Malheureusement, il y ajoute souvent la volonté de posséder, l’envie et l’insatisfaction. Il est si intéressé par ce qui l’entoure qu’il en oublie sa nature, alors que c’est elle qui l’acheminerait vers ce qu’il veut réellement, c’est-à-dire ce qui est en rapport avec ce qu’il est. Quand on a réellement compris cela, s’ensuit naturellement la voie du non effort. Tu attires à toi ce que tu es réellement. Rien de moins.

Je restai étonné.

- Dois-je par conséquent apprendre à ne rien faire?

- La notion de ne pas faire d’effort est sans rapport avec la fainéantise. La paresse est souvent chargée d’envies, tellement envahie qu’elle n’a plus la force de bouger.

C’est pour cette raison qu’elle convoite et cherche à posséder ce qu’il l’entoure. Le fainéant par défaut accomplit des actions qui sont liées aux besoins, et cela souvent dans l’urgence car il se sentait trop fatigué avant. Mais, par nécessité, il s’exécute.

- Parfois, c’est un peu mon cas…

- Avant tout, Nambu, j’aimerais me rendre au palais afin d’informer le Seigneur Teki de mon départ pour Noga. Cela lui laissera le temps de rédiger une lettre de rétablissement pour Dame Kenata. Veux-tu que Nemi te ramène quelque chose?

- Oui, une nouvelle plume!

Oktan, complice, demanda: « Avec de plus longs cils?»

Ma réponse fut tout aussi espiègle: 

« Non, je laisserai ma porte ouverte».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bassin d'Oktan

 

 

« Lorsque la vie s'installe, une destinée commence ».

Deux jours passèrent, les idées ne venaient toujours pas. Je pensai: «  Autour de moi, rien ne parle, ne se passe, pas de magie. Je cherche quelque chose qui n’existe pas pour le moment. Mon corps sait ce que je cherche mais je ne suis pas assez disponible pour le manifester. Ma vie sait ce dont j’ai besoin. Elle m’apportera la réponse au moment voulu, quand je ne m’y attendrai pas. Pour l’instant, je dois oublier tout cela, laisser l’espace intérieur exister et s’exprimer en moi. Je vais me divertir et penser à d’autre chose. »

Je m’exécutai de ce nouvel élan et me dirigeai vers le jardin ratissé par Oktan.

« Il y a longtemps que je ne suis pas allé au point d’eau.

Cet endroit très particulier est une idée d’Oktan, produit d’une imagination manifeste. Il l’a mis au point à mon arrivée afin de faciliter d'autres part, la rééducation de ma jambe. Il y a deux ans, on ne donnait pas cher de ce qui restait de ma peau. J’ai été amené ici en piteux état… »

Le bassin jouxtait la rivière et profitait de son courant pour épurer l’espace intérieur. Sur ses appareillages fabriqués en bambous, j’avais effectué des mouvements dans l’eau en sollicitant mon corps de façon naturelle. Ce procédé très efficace m’avait permis une rééducation inespérée. Revoir cet endroit me rappela de nombreux souvenirs couplés à de longs mois d’efforts pour recouvrer un bien-être tant physique que moral.

Me rapprocher de ces moments me rappela que l’homme exerce en lui les tensions nécessaires pour se procurer ce dont il a besoin.

Une fois le désir assouvi, il s’en libère pour laisser la place à de nouveaux rêves.

Je restai ainsi à remuer ces idées. Mon passé, si pénible fut-il, me laissait dans un état nostalgique. Il avait si bien répondu à mes nécessités du moment…

Lorsque la vie s'installe, une destinée commence, c'est inévitable. Ce qui reste sous notre contrôle, s'effectue jour après jour. Notre vie reste dépendante de cette grande existence. L'effort prend toute sa dimension lorsque nous nous différencions de ce qui nous entoure.

L’affluent, dans sa trajectoire, emporte les gouttes laissées çà et là.

Leurs qualités respectives composent la rivière, elles ne font qu’un. Il suffit de trouver en nous cette immensité pour le comprendre. La rivière n’est pas différente de la goutte. Ainsi en est-il de nous et de la vie, une petite vie dans une grande vie, en pleine expansion.

Nous sommes tout, à la fois goutte et rivière. L’art consiste à faire le vide en soi pour connaître cette expérience.

A la fin de cette journée, Oktan m’emmena avec lui informer le seigneur Teki de son départ pour Noga. Teso n’était pas revenu mais nous ne l’attendrions pas.

Nous partirions nous-mêmes à la rencontre de Dame Kenata.

Nambu hyegesa

 

 

« Chaque homme garde en mémoire son histoire ».

Depuis la cinquième génération, Nambu était le digne descendant d’une famille de guerriers formés à l’école du palais de l’empereur Teki.

Son père, Oda Hyegesa, commandant de l’armée de l’empereur, s’était brillamment illustré en jouant un rôle déterminant lors du grand conflit qui opposait le royaume Teki à son rival Zoraki.

A la fin de cette bataille sanglante qui avait duré plus de cinq ans, il s’était retiré et goûta une retraite paisible qui ne dura que trois années. La discrétion dont fit preuve sa famille n’avait pas suffit à éloigner le mauvais œil.

Après cette défaite, Kera, le général des armées adverses, fut dépouillé de ses immenses possessions que l’empereur Zoraki remit, entre autres, en tribut de guerre au royaume Teki. Il fut ensuite expulsé du royaume Zoraki sous le courroux de son empereur.

Après cette déshonorante débâcle, il était de coutume qu’un homme put retrouver son honneur en mettant fin à ses jours.

Mais une destinée malicieuse, désireuse de le voir accomplir encore quelque temps ses œuvres funestes, mit sur son chemin une opportunité favorable que Kera, grand stratège, sut saisir aussitôt.

La vengeance de Kera fut simple et expéditive. Il fit tout d’abord assassiner un cousin de la famille Hyegesa, éloigné géographiquement de la maison de l’ancien général. Oda, accablé par cette nouvelle et ignorant la machination qui se tramait jusqu'à son étreinte, se rendit, accompagné de sa famille, aux funérailles de son cousin.

L’expédition leur fut fatale. Comme ils longeaient les falaises sur le chemin du retour, ils furent victimes de Kera qui les y attendait.

Il désirait accomplir sa vengeance et, de ce fait, tenter de rétablir son honneur.

Réunis autour de ce festin humain, ses fidèles serviteurs furent les pitoyables témoins de cette histoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les trois branches

 

 

 

 

Le troisième jour de notre arrivée au palais du seigneur Teki eut lieu une visite plutôt insolite. Une délégation de trois moines fit son apparition. Ils marchaient sur une même ligne, aucun ne dépassant l’autre. C’était, de toute évidence, une visite officielle. Un enfant, vêtu de toute neutralité, devançait le cortège. Ses petit bras portaient un coussin habillé d’une toile de soie verte à motifs, frôlant le sol, et sur laquelle était posé un petit coffre de bois finement verni. Au-dessus attendait un parchemin que mon savoir-vivre ne m’autorisait pas à ouvrir, puisqu’il ne m’était pas destiné. Mais ma curiosité s’en trouva accrue. Gardant la distance d’usage, les trois moines saluèrent Oktan et restèrent un instant le visage contre le bas de leurs robes qu’ils regardaient cérémonieusement avant de se redresser.

Oktan fit de même, je m’empressai de m’exécuter à mon tour, de crainte de troubler l’ordre qui s’installait au fur et à mesure que commençait la cérémonie. Car c’était bien de cela dont il s’agissait, d’une cérémonie.

Après quelques instants, Oktan se redressa. Il brillait d’un regard qui laissait comprendre que la magie venait d’opérer dans cette relation où le silence avait laissé place aux plus grandes émotions. Lentement, il tendit le bras et saisit le parchemin. Il le déroula avec un intérêt marqué, bien ouvert. Les trois moines, gardèrent simplement la tête baissée, en attente de la réponse.

Ma curiosité brûlait. Ils ne me regardaient pas et il m’aurait été facile de survoler le contenu du parchemin mais, une fois de plus, la bienséance me l’interdisait. Je baissai moi aussi doucement la tête.

Après sa lecture silencieuse, Oktan enroula le parchemin et le glissa soigneusement dans sa ceinture en signe d’acceptation. Il s’avança encore d’un demi-pas et, délicatement, ouvrit le coffret. Les yeux de bille de l’enfant qui le tenait contre lui n’étaient pas plantés suffisamment haut pour en apprécier le contenu, ce qui lui faisait exécuter une danse indiscrète pour tenter d’en voir le trésor.

A ce spectacle innocent, Oktan rit immédiatement par à-coups joyeux. L’enfant, découvert dans sa curiosité indélicate, se mit à rougir et prit l’expression d’un coupable que son âge gardait effectivement innocent.

Oktan, de la main gauche, abaissa doucement le coffre au niveau de l’enfant pour lui permettre d’en regarder le contenu.

Ce dernier, d’une intarissable curiosité, descendit immédiatement son regard et y planta deux yeux ronds. Mais à la vue des trois simples branchages disposés en ligne dans le coffre, il plongea complètement la tête pour chercher. « Vraisemblablement, se disait-il, il doit y avoir autre chose! » Déçue, sa petite tête sembla se visser à nouveau sur ses épaules et disparut derrière le coffret.

Oktan, en signe d’une respectueuse salutation, s’inclina. Les moines l’imitèrent aussitôt et je m’exécutai identiquement. Les moines, sans se retourner, exécutèrent quelques pas en arrière puis firent un demi-tour en règle pour reprendre le chemin de leur venue.

L’enfant restait toujours tête baissée. Oktan, après un moment de silence, lui fit signe de le suivre et l’invita à poser dans la pièce principale le fameux colis contenant ces trois branchages. Je les avais aperçus au moment où Oktan avait ouvert le coffre, et vraiment, ils attisaient aussi ma curiosité.

J’avais hâte que le petit garçon, seul témoin restant de la cérémonie, quitte les lieux pour pouvoir lancer mon évidente question à Oktan.

Très rapidement, après s’être agenouillé et avoir salué les quatre coins de la pièce, le porteur du trésor alla vers la sortie.

Presque immédiatement, je demandai à Oktan :

- Qu’est-ce que c’était? 

- C’est quelque chose que tu vas aimer, Nambu.

 

Évidemment, ce n’était pas du tout la réponse que j’attendais et je tentai une approche arrondie, le regard légèrement courbé en direction du parchemin.

- Hum… Oktan, à quoi correspondent ces trois branches?

Afin de lui éviter une réponse volontairement évasive, j’ajoutai maladroitement: « c’est du thé? »

A ma grande surprise, Oktan répondit: «oui. »

 

Et ce fut tout. Il baissa légèrement la tête, signifiant que sa réponse était, selon lui, complète pour l’instant. Je ne pus que suivre son geste et maîtriser mon indiscrétion. Oktan prenait un plaisir certain à nourrir cette curiosité, un demi-sourire accompagnant son vœu de silence. C'est à cet instant, que Nemi amena le thé...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Inuka

 

 

 

Ce matin-là, autour des doux bols de thé, nous discutâmes de la beauté du château qui nous accueillait. Bien déterminé, j’essayais sournoisement d’orienter notre conversation sur le jardin afin d’amener Oktan, par le détour d’une remarque arboricole que je croyais assez fine, à m’en dire davantage sur les trois branchages.

Il fit mine de ne pas comprendre mes allusions et me parla bien en effet des magnifiques fleurs qui habillaient cette propriété, sans rien me dire sur le mystérieux parchemin…

 

Trois jours passèrent encore avant que put enfin s’écarter le voile du secret. Nous partîmes après le repas du matin pour nous rendre à Inuka, une grande province voisine de notre ville d’accueil, nouvelle étape dans notre périple pour Noga.

Les chevaux nous attendaient ainsi qu’une petite escorte de trois hommes et Ina, une dame de vie. Tous devaient nous accompagner jusqu'à notre destination. Noga aux grands mystères, province aux mille guerres et aux cent pierreries. Dame Kenata nous attendait derrière les lourdes tentures de sa chambre de deuil. La ville désemparée cherchait l’appui d’un éclaireur.

Le départ tant attendu eut enfin lieu. Un éclaireur devançait le cortège, à l’horizon.

Les feuilles, annonçant l’automne, exécutaient leurs dernières rondes et venaient adoucir le pas des chevaux. Nous devions arriver à Inuka en début d’après midi. Quelques jours encore… L’attente ne serait plus très longue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De terre et de feu

 

 

Il était d’usage qu’un homme invité officiellement, soit accompagné lors de ces déplacements d’une dame de présence royale et c’était le cas d’Oktan avec Ina.

D’un caractère bien trempé, Ina avait été remarquée et achetée par le château, dès l’âge de quatre ans. Posséder l’énergie de la terre amène une nature respectueuse et généreuse. Elle progresse par son travail régulier et bénéficie de multiples possibilités. Elle avance paisiblement par l’apprentissage et s’affermit dans ses acquis, la terre a le sens des traditions. L'esprit du feu caractérisait aussi Ina, ajoutant cette petite touche de charme et d’enthousiasme, réchauffant cette terre par la richesse de ses émotions. Son panache ne me laissait pas indifférent. Ina avait d’abord appris l’essentiel de l’éducation. L’expression verbale, corporelle, l’attitude, l’information, l’art de la guerre, jusqu’aux principes essentiels de survie. Rien n’était laissé au hasard.

Son rôle consistait à assister un invité, le protéger, quelquefois le surveiller. Elle devait s’adapter à toutes les nouvelles venues importantes du château, et représentait l’image du pays en mettant en valeur la culture, les goûts de son hôte. Le pays n’avait pour elle aucun secret et Ina disposait d’un laissez-passer royal à travers tout le territoire. Son savoir-faire et son éducation l’incitaient cependant à ne pas en abuser ce qui aurait été, selon l’école, un signe d’échec et une faute de goût. Tout l’art consistait dans la reconnaissance et l’attitude où le talent primait, ce qui donnait une apparente légèreté à nos périples. C’est ainsi qu’elle avait commencé sa vie et avait construit cette enveloppe terrestre durant quinze années.

La fleur de l’âge en commun permit un échange. De par son éducation elle restait discrète, mais son regard en disait long sur sa force et inspirait le respect. Mêlé de terre et de feu, son corps ressemblait à une terre tranquille à l’intérieur duquel sommeillait de la lave en fusion. Sa présence m’enchantait. J’aurais aimé la questionner sur le motif de cette journée mais, afin de garder cette porte ouverte entre nous, je préférais converser légèrement.

Le trajet passa très vite. Nous arrivâmes sur une route droite où un temple semblait flotter sur l’eau. Nous descendîmes de cheval, seul Oktan, Ina et moi-même empruntâmes le pont à pied où nous attendaient une centaine de moines, parmi lesquels se trouvaient les trois moines, à l’entrée. Malgré l’imposante demeure, l'accueil ne fut pas cérémonieux.

Les trois hommes nous avaient préparé une réception chaleureuse et nous aidèrent à nous installer en donnant à chacun de nous une chambre.

Nous devions probablement rester plusieurs jours.

L’endroit était magnifique. J’appris par la suite que l’architecture représentait symboliquement la rencontre d’Oktan avec les trois moines, par quatre ponts reliés en forme de croix. Était posé en son centre le temple, sur deux étages, symbolisant l’union.

Le niveau d’eau sur lequel semblait reposer la bâtisse était surélevé et maintenu dans un cadre de forme carrée et permettait ainsi d’alimenter l’ensemble des jardins et les forêts avoisinantes.

Le jardin contenait une multitude de plantes parfumées et d’arbres servant à l’élaboration des tisanes. Le parfum très agréable de l’air ambiant était source d’inspiration. Je me laissai transporter par ces senteurs et mon esprit, tout naturellement, me porta vers Ina, dame de vie qui était entrée dans la mienne…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Méditation

 

« Lorsque je comprends l’autre ».

 

Je reviens vers moi en prenant une inspiration tranquille.

Les yeux fermés, simplement, je m’installe dans ce cycle intérieur.

Lorsque ce moment est entier.

Je tourne mon attention sur une personne proche. Je me dis :« Ce que je ressens réellement de toi … ».

J’écoute ce que je ressens, je ne pense pas.

Je laisse vivre le moment.

Avec l’expérience, j’ai constaté que ce que je ressens est souvent différent de ce que je pense, parfois même le contraire.

Je reste dans ce vécu et j'apprécie profondément le moment.

 

Au début, je commence ce travail avec une personne assez neutre, afin de comprendre l’approche sans me sentir envahi de pensées ou d’émotions trop fortes.

Lorsque tout se mélange, il devient difficile de laisser la place à ce que l’on ressent réellement.

 

Avec la pratique, je pourrai orienter progressivement mon regard vers des personnes avec lesquelles je vis une histoire plus délicate.

Mais je dois d’abord trouver le chemin intérieur. C’est le plus important, sinon l’exercice n’est d’aucune utilité. Au pire, il pourrait aggraver les difficultés, si je les ressasse continuellement, au lieu d’écouter ce que je ressens profondément.