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Montagnes, forêts, océans, sources, limons, écorces, lames, schistes, concrétions, grains, humus, chairs en tout genre, traces en tout genre, effacées aussitôt qu’aperçues dont les décoctions fournissent aux univers les dualités propres à l’existence.
"Échologies".
À PROPOS DE L'AUTEUR
Julien Kohlmann a pu au cours de ses années d'études parcourir la littérature au sens large, avec un goût prononcé pour la poésie et la philosophie. Il a rédigé ses travaux universitaires sur Rimbaud, Apollinaire, Antonin Artaud, Victor Segalen ou encore Nietzche et les expressionnistes allemands. C'est l'expression artistique dans toutes ces formes qui le passionnent.
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Seitenzahl: 77
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Julien KOHLMANN
ÉCHOLOGIES
Il est des forêts à même de porter les nuits froides, d’habiter les horizons aphones.Est-ce ici, m’étais-je dit à plusieurs moments, que là-bas commence?Yves Bonnefoy
Je referme le livre.
Sur lelac,
Le vent porte en lui à la fois le scintillement du soleil foisonnant
Et la fausse légèreté du courant.
L’eau, comme les cimes,
S’accrochent sur l’horizon lointain,
S’accroche
L’eau, celle-là même qui étire chaque forme, chaque mouvement
Celle-là qui craquelle le ciel et l’ombre et l’air invisible
Et qui jamais ne les rend à la terre ferme.
Clapotis, coques oscillantes, digues vieillissantes.
Je referme le livre.
Le soir tombe. C’est l’eau qui demeure en son obscurité la plus profonde.
Le livre fermé, se tait. Et les pensées sillonnent sa tranche.
Où est l’éclat, où se trouve la pénombre, son royaume ?
Le livre se referme. Et dans un scintillement soudain, me rend ses mots et les étire tel un astre arraché au ciel, submergé de paroles.
Je me referme. Et se glissent tout autour les déferlantes ahuries de simples courants.
Profondeur ? Le paysage tisse sans cesse songeste
En moi la nuit, en eux lejour.
Pour que jamais rien ne se referme.
De demain matin, rien.
Ni la pesanteur del’air
Ni les masses sombres du courant.
Ni les reflets évanescents des arbres lointains.
Ni la course futile de la lumière.
Ni l’envert ou le gris des oliviers.
Mais un rêve m’aura porté sur d’anciens paysages et se retournent en moi
Aussi tortueux et millénaires que l’écorce.
Qu’importe la face éprouvée par les feux, les regards. C’est l’écho mémoriel qui affronte sans cesse les pages déchirées des nuits.
Et se réveille. Avec ou sansmoi.
Particules égarées. Fracassées contre des éléments plus profonds que l’âme humaine.
Accroché à la sueur du vent,
L’air invisible a les joues rougies de froid et de rayons éclatés.
in Wildness is the preservation of the world.
Thoreau
Dans les promenades aléatoires du réel, il y a l’imperfection, les sommes de poches pleines, pleines mais vides de lumière.
Et lorsque le réel se met à paître un peu plus loin encore, un peu plus en amont, là où la peau et la gorge se frottent contre des écorces anciennes, dans des forêts plus vastes, sous des cieux plus denses, il y a ce qui ne fait finalement que s’émietter, il y a, et les intensités de ce qui reste toujours en retrait, de ce qui jamais ne se fait prendre, de celles qui dessineront bientôt le grain maculé de nos corps.
À rebours.
Tout autour, autour des troncs usés de bois frottés, maintenant que le monde s’est laissé parcourir, que les morts sont aux morts, que les vivants s’installent dociles sur les échines de terres abandonnées,
Maintenant, que l’avare vision a tué son hôte, qu’il n’y a plus que moi et seulement la peine d’être considéré comme moi, que les autres ne sont à peine plus haut que les bourgeons infinis d’arbres écorchés, maintenant que l’on a compris que de la forêt il n’y a que la course effrénée qui profite,
Et que ceux qui en ont déjà profité tendent leurs pieds bleus puis s’installent dans les fanges de mémoires étriquées,
Dans chaque parole, autour de moi, comme sur chaque écorce, il y a, croyez-le ou non, la somme radieuse d’angles écorchés, d’yeux fatigués, il y a, comme toujours, la différence profonde entre l’arbre et ses racines.
De leurs racines j’ai appris à ensorceler le monde afin d’y survivre,
De leurs troncs, j’ai appris à décupler les âges pour faire face à l’éclair.
Et si un jour d’une forêt naît le nom de corps disparus
Ce sera celui de ce qui illumine en pleine nuit les branches endormies
Ce sera le fruit de l’éclair, la nuit, l’éclair, et ses trombes sonores,
La nuit l’éclair, la pesanteur d’où s’arrachent d’elles-mêmes les ombres conquises.
Dans les forêts, l’intense, le vivant obscur décuplant ce qui jaillit de rage et de lumière
Mais toujours l’éclat incandescent qui orne d’écorces déchirées les troncs trop vieux cherche les visages endormis de quelques faunes, de quelques silhouettes écorchées, sans jamais comprendre que sous cette forêt, de celle-là même où nous avons appris à serpenter entre les roches et les feuilles, fêlures anciennes, il n’y a jamais rien eu d’autre que cette unique différence qui se répète chaque instant, cette différence qui fait bâiller les morts, hurler les vivants, de celle qui se fard le visage de sommeil au point d’en éveiller les pores,
Celle de l’intense choisissant son moment : celui, présent, qui s’éprend de tous les autres.
Sous les râles infernaux du tonnerre, la lutte émerge profonde du sol, irruptions tanniques. À travers l’encre même des blessures, de celles qui résistent aux variations absurdes du jour de la nuit,
On ne sait jamais si c’est le mot qui obstrue la plaie ou si, jamais tarie, sa profondeur fait vaciller sans cesse la moindre tentative.
Et comme à naviguer sur les cales sèches de tempêtes béantes, il y a, sur l’anneau de lumière qui forme le regard, mille détails qui fourmillent de rumeur et de sang, et qui forment, bien plus qu’autre chose, les limites d’un corps. Le nôtre.
La tête déjà prompte, la tête déjà enracinée et ensorcelée de mousse et d’humus noir, la tête prompte à jaillir au dehors de l’humide incantation, là où elle ne voit que très peu la lumière, là où se forgent liquides les gestes des arbres, d’elle la surface apparaît et s’anime, d’elle-même parfois elle y retourne, indétermine sa chute et sombre à nouveau dans l’indifférence.
Seuls de l’écorce jailliront un jour ses traits.
Dans les forêts, aucun visage ne semble présupposé. Et lorsque l’on se plie au regard des arbres, lorsque simplement entre deux traces c’est l’éclair qui nous surprend, lorsque d’une nuit les traits s’efforcent à être aussi disparates que les lamelles de ciel percutant les branches,
et si l’on voit aux limites des cimes une imperfection, c’est que cette nuit n’a pas de fin, qu’elle n’est qu’une roue dont les sillons sont creusés pour la faire chavirer.
À faire chavirer la nuit, c’est l’intense aux portes du regard.
Se perdre n’est pas s’enfermer dans le feu profond d’une roche percée, ce n’est pas non plus voir émaner de ses propres traits le tortueux d’un arbre fini à la poudre, ce n’est pas arrimer au chaos les élans disparates d’une souffrance ou d’une larme, se perdre c’est prendre contre soi l’éclair qui semble nous illuminer, puis se perdre deux fois, c’est revoir cet éclair alors même qu’il nous brûle le visage.
Car se perdre n’est jamais sans retour. C’est l’éclair affiché au front des forêts. Sans retour.
Un arbre est une étoile si jamais il bruisse toujours un peu plus loin que le souffle le permet. Et l’étoile répondra que plus jamais elle ne baignera la terre si elle n’immisce pas son souffle dans le souffle d’autres sphères.
Et là-haut, une fois que l’on est montévoir,
Voir si dans l’entrejambe du ciel quelques cimes touchaient
De leurs voiles vrombissants les doigts de lanuit,
Une fois que le repos a creusé nos yeux, un souffle,
Celui qui s’élance des terres, une réponse, le jeu des chutes stellaires.
Et dans les sèves réside le fleuve qui parcourt les mondes,
Il est des fleuves en amont du monde me disait ce vieil arbre, Il est des paroles qui agissent comme des champs d’arbres immenses, me répétait-il,
Près des marais, peupliers, il y a une forêt empêtrée dans des sources lointaines, Dans les vents bruissant de plis infinis, je m’en suis déraciné, je n’étais pas prêt, m’a-t-il dit ; combien de siècles donnerait-il à présent pour feuilleter à nouveau son être contre l’image de ce souffle puissant.
Parfois les cimes agissent en vagues innocentes et se baignent en elles-mêmes comme des pendules stellaires,
Il est des forêts comme des caresses, je les ai vues, qui recouvrent totalement les anneaux de terres projetées, nos yeux élancés par-delà nos corps,
Et qui susurrent seulement à qui veut l’entendre que lorsque celui qui arracha le premier corps de la terre disparut,
Il confia à tous les fourmillements du monde l’intégralité disparate de la profondeur.
Des couleurs en jaillissent, perles irisées de fleuves perdus, elles sont nos pupilles et le feu tout autour.
Et dans les corps d’une forêt projetée, de celle que l’on retrouve sur les ports suspendus aux collines,
Dans le corps mâché de secousses profondes, à l’abri de gestes trop brusques, de brumes trop pesantes, il y a l’écorce répétée d’un même passage, de ceux que l’on voit en ronde sauvage arrimer leciel,
De ceux qui annoncent les houles du soir, des écorces comme des corps qui s’alimentent et se passent jusqu’à la proue du monde l’haleine écarlate de cimes déchirées.
Des pas se pressent encore.
Un éclair face à la nuit.
L’homme et sa face profonde.
Et dans le scintillement bruissant, dans le bruissement scintillant des allers et reverts du feuillage, qu’il soit la main caressante ou les nervures retroussées du ciel, ce n’est pas l’arbre qui s’agite, mais bien le tournoiement d’astres plantés là, arborescents, au creux de leurs paumes fragiles.
Sous le couvert, l’immensité plongeante. Sous son couvert, le revers du ciel, la canopée se déchirant avec l’océan l’accroissement immobile de ce qui fléchit l’horizon.
Une onde, un revert. Et la lenteur du ressac, qu’il soit d’ombre ou d’écume, qu’il soit, autre, intensément.
Puis, dans les feuilles chutant la vengeance du ciel.
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