Et un qui fait treize ! - Florence Halluin - E-Book

Et un qui fait treize ! E-Book

Florence Halluin

0,0

Beschreibung

Maxime Campbell, en s’attaquant à Ramon Salves, proxénète et trafiquant notoire, avait tout perdu, son ami et coéquipier, et même son travail. Si sa première réaction avait été de refuser cette opportunité offerte par Charly, aujourd’hui, Maxime revient avec la ferme intention de clôturer ce chapitre de sa vie ouvert depuis plus de cinq ans. Retrouver Salves, bien que compliqué, s’avère plus captivant qu’il ne l’avait pensé. Son retour n’était peut-être pas une si mauvaise idée…


À PROPOS DE L'AUTEURE


Après avoir longtemps apprécié les histoires et les personnages de ses multiples lectures, Florence Halluin, comme une évidence, a pris la plume pour faire vivre ses propres personnages dans des aventures extraordinaires.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 514

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Florence Halluin

Et un qui fait treize !

Roman

© Lys Bleu Éditions – Florence Halluin

ISBN :979-10-377-8664-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Max, au volant de son véhicule, commençait à perdre patience, et vu qu’il n’en avait pas trop en stock, ce n’était pas très compliqué d’atteindre la zone rouge. Il faisait une chaleur étouffante, pas de clim dans ce foutu pick-up !

Il avait dû se rendre à l’évidence, il faudrait braver le centre-ville aux heures de sortie des bureaux. Son renseignement, bien que peu fiable, ne pouvait être négligé.

Cela faisait quelques semaines qu’il pistait Ramon, ce type était pire qu’un poisson visqueux, il lui filait entre les doigts, et cette fois-ci, il espérait qu’il n’en serait pas de même.

Ramon Salves. Toutes les polices du département et même du pays espéraient lui mettre le grappin dessus.

La trentaine à peine sonnée, il avait un sacré pedigree.

Drogue, armes, prostitution, il commençait déjà à avoir la main mise sur des hommes influents, pas un domaine qu’il ne dirigeait en maître.

Le pire était que même les filles, qu’il faisait travailler, ne le balançaient pas. Il était respecté dans son milieu. Pourtant, il s’en servait d’appât, elles devaient répondre à toutes ses exigences, mais en retour, il les protégeait, ainsi que leur famille restée au pays.

Car comme lui, tous ceux qui l’entouraient étaient presque en totalité originaires du sud, ces pays où éventuellement on veut bien aller passer des vacances, mais où l’on est surtout bien content de ne pas y avoir vu le jour. D’autant plus si c’était pour vivre dans ces taudis des bas quartiers.

C’était là-bas qu’il recrutait toutes ces jeunes filles, certaines n’étaient même pas majeures, beaucoup de promesses, quelques billets aux parents et elles arrivaient ici, obéissantes et résignées. Mais, il les protégeait d’une certaine manière, jamais de brutalité, ni ses hommes ni les clients ne devaient toucher à ses filles. La punition en aurait très certainement été fatale.

Il n’avait pas de demi-mesure. Avec ou contre lui, aucun autre choix n’était envisageable.

C’était grâce à ce réseau de prostituées, et accessoirement de consommation de drogue, qu’il tenait dans sa main ferme une bonne partie de la gent masculine importante de cette ville.

Hommes d’affaires et même certains politiques se trouvaient pris dans ses filets, ce qui expliquait parfois le fait que cet homme soit toujours en liberté, et menait une bonne partie de la cité à sa guise.

Il régnait aussi sur les boîtes de nuit, certains bars et restaurants. Impossible de savoir dans quel domaine il n’imposait pas ses règles.

Tous ses hommes paraissaient comme les filles, fidèles à Ramon. À les voir, l’argent coulait à flots, ils vivaient tous pareils à des princes. Mais cela justifiait-il que jusqu’à ce jour aucun jamais ne l’avait trahi ?

Il y avait eu quelques fois des approches qui semblaient fructueuses, mais au dernier moment, cela s’était transformé en piège pour les forces de l’ordre, comme cette fameuse soirée.

C’était il y a maintenant un peu plus de cinq ans.

Max, à cette époque, portait l’uniforme de policier, il patrouillait avec Sam, son coéquipier et surtout meilleur ami.

Ce renseignement paraissait sérieux, l’indic était fiable.

L’entrepôt à la sortie de la ville servait de plaque tournante, tout le monde s’en doutait, mais là, il allait y avoir une grosse arrivée de drogue.

Les deux agents ne se trouvaient pas loin du lieu-dit, l’entrepôt aurait dû être vide, mais le nombre de voitures stationnées en indiquait le contraire.

Leur supérieur devait contacter le juge afin d’obtenir l’autorisation d’intervenir.

Ce soir-là, il n’y avait pas de renfort, les autres équipes étaient toutes sorties, comme par hasard, la ville semblait en effervescence. C’était du moins la réponse de leur supérieur.

Max insistait auprès de son rond-de-cuir de chef. L’entente entre ces deux hommes n’était pas au beau fixe. Max lui reprochait sans cesse son manque de professionnalisme, ce n’était qu’un gros planqué derrière son bureau.

Il se demandait parfois s’il avait été flic un jour, et surtout s’il s’en souvenait.

Il ne se sentait pas totalement couvert, toute demande obtenait des refus. Mais cette fois-ci, il ne manquait rien, tout concordait. Cette descente allait être fructueuse. Il suffisait d’avoir l’accord du juge, mais pour cela, il fallait le contacter. C’était sur ce point que ça pêchait. De toute évidence, l’appel téléphonique n’avait pas été donné.

Max l’aurait bien fait lui-même, mais c’était impossible.

Il ne cessait donc de harceler son supérieur. C’était le moment d’agir ! Les réponses étaient toutes négatives.

Puis, à la grande surprise des deux policiers, l’ordre arriva enfin. La radio toujours en main, Max, étonné, regardait son partenaire.

— T’as entendu ? Je rêve ? Il nous a dit d’y aller ?

Sam semblait aussi surpris, mais avant de sortir, il demanda confirmation. La réponse fut éloquente.

— Allez-y, bon sang !

Max insista, cela ressemblait tellement peu au boss, et puis sa voix paraissait bien moins hésitante que d’ordinaire.

Assurément, il pouvait donner des ordres sans trembler.

— Vous avez contacté le juge ? À cette heure ?

— Tout est OK ! Filez et coffrez-moi ce P* de Ramon !

Bien sûr, c’est ce qu’ils espéraient tous, que Salves assiste à cette transaction.

Sans se poser plus de questions, ils s’étaient rapprochés de l’entrepôt. Ils avaient pourtant agi avec beaucoup de précautions, mais en fait, le piège était bien monté. Ils n’avaient même pas atteint la porte que des tirs avaient retenti.

Les hommes de Ramon se trouvaient partout, sur les toits, dans les voitures. Les portes du bâtiment s’étaient finalement ouvertes, mais là aussi, une dizaine d’individus, minimum, armes en main, ne se tenaient pas devant eux que pour leur souhaiter la bienvenue.

En quelques minutes, le parking s’était transformé en un stand de tir. La cible : les deux policiers. Ils s’étaient jetés, tête la première, dans ce gigantesque guet-apens.

Sam s’écroula le premier, Max ne résista pas beaucoup plus longtemps.

Lorsqu’il se réveilla deux semaines plus tard, toute sa petite vie si paisible allait se transformer peu à peu en un véritable enfer.

En tout premier lieu, Sam, son meilleur ami, son frère d’armes, ne s’était pas réveillé.

Deuxième coup au cœur, il avait raté les obsèques.

Lucie… Il fallait qu’il l’appelle tout de suite.

Lucie ? C’était la femme de Sam, après plusieurs années de vie commune, elle avait enfin consenti à l’épouser.

Jusqu’à maintenant, elle avait refusé, femme de policier s’avérait bien plus difficile que petite amie.

Bien sûr, Max avait été leur témoin, et il se souvenait très bien de sa promesse.

— Je vais veiller sur lui, je te le ramènerai tous les soirs. La seule fois où il ne rentrera pas, c’est que ce sera toi qui l’auras mis dehors.

Ils en avaient bien ri tous les trois.

Avec beaucoup de mal, il avait retrouvé son téléphone, une fois allumé, il ne vit que le message de Lucie. Il n’y en avait qu’un, mais il crut recevoir un coup de poignard en le lisant.

— Tu n’as pas tenu ta promesse. Adieu.

Il essaya et réessaya un nombre incalculable de fois d’obtenir le numéro de Lucie, mais il n’était plus attribué. Il savait très bien que cela ne servait à rien. Mais il composait sans cesse les mêmes chiffres pour n’avoir, encore et toujours, que la même réponse négative.

Dès sa sortie de l’hôpital, il s’était rendu à son domicile, et là aussi, personne, elle possédait une petite boutique de vêtements en ville, mais les locaux portaient l’écriteau « vendu ».

Lucie avait tout simplement disparu.

Et le sort allait continuer à s’acharner sur lui.

Il n’y avait pas que ce message, les autres émanaient de son supérieur et le dernier en date :

— Dès que tu peux poser un pied devant l’autre, ramène tes fesses. Tu me dois des explications !

Aussi, à peine avait-il quitté son lit d’hôpital que Max se présenta devant le bureau de monsieur le chef. La porte était tout juste fermée que celui-ci l’avait accueilli rudement.

— Pourquoi a-t-il fallu que tu n’en fasses qu’à ta tête ? Et tu as emmené le pauvre Sam.

— Pardon ?

Max se retenait de ne pas retourner le bureau, il se contenta d’y poser violemment les poings.

L’homme, surpris, faillit tomber de son fauteuil, puis Max, en le pointant du doigt, continua :

— VOUS nous avez donné cet ordre. Je VOUS l’ai fait répéter plusieurs fois, je n’y croyais pas. Vous voulez que je vous répète vos dernières paroles ? « Coffrez-moi ce P* de Ramon ». Cela dit, pas très professionnel pour passer sur toutes les radios des voitures…

— Jamais je n’ai pu te donner cet ordre !

Max regardait son chef, jusqu’ici, il ne s’était jamais retranché derrière un mensonge aussi immonde.

— Tu sais pourquoi ? Parce que je n’ai jamais appelé le juge !

— Mais alors, qui ? Qui a bien pu nous envoyer là-bas !

— Personne ! Tu la voulais tellement cette affaire ! Tu étais si sûr de toi ! Et Sam t’aurait suivi n’importe où.

— Je vous interdis de parler de Sam ! Je n’aurai pas assez de toute ma vie pour me reprocher sa mort. Mais cet ordre, je… nous l’avons entendu. Quelqu’un nous a jetés dans ce piège. Parce que c’est clair, ils nous attendaient, et vu la réception, ils espéraient plus que deux invités.

— Tu dis vraiment n’importe quoi ! Accepte les faits, reconnais tes erreurs, ça ne ramènera pas Sam, mais tu ne foutras pas ta carrière en l’air, une petite suspension tout au plus. Mais…

— Non, ha non… Je reste sur mes positions, j’ai répondu ce soir-là à un ordre. Soit, vous aussi vous êtes impliqué, soit on trouve le responsable de ce carnage.

Sur ce, Max sortit du bureau sans même fermer la porte.

Les jours qui suivirent furent difficiles. Les interrogatoires se succédèrent. Aucune version ne changeait.

Cependant, personne ne pouvait ne serait-ce qu’imaginer que quelqu’un avait pu pirater la radio de la police, dans un film peut-être, et encore, cela paraissait tellement grotesque.

Et puis, un dernier rendez-vous dans le bureau du chef.

Avec lui se trouvait une jeune recrue, Allan. Max l’avait eu une fois en formation, il avait du potentiel. Au grand étonnement de tous, ce jeune homme corroborait les dires de Max. Quelle surprise !

Lors de cette soirée, il était resté dans la voiture, son formateur était parti pour le ravitaillement. Il avait changé sa fréquence radio, voir si les collègues avaient une soirée un peu plus captivante que la sienne.

Il avait reconnu la voix de Max, Sam et lui étaient sur un coup. La joute verbale entre les agents et le chef l’amusait, il avait toujours admiré ces deux-là, leur amitié, leur façon de travailler. Il voulait les prendre en modèle.

Les deux hommes commençaient à s’impatienter.

Il s’excusa tout d’abord, ensuite, il reprit son récit.

En tout premier, le refus catégorique, pas d’intervention.

Et enfin, il n’en crut pas ses oreilles, l’ordre était arrivé, ses collègues avaient gagné. D’ailleurs, eux aussi n’en étaient pas convaincus, ils avaient demandé confirmation, par deux fois.

Et puis… bah… la suite, tout le monde la connaissait, pas besoin d’y revenir. Le chef semblait accablé.

Avant cet entretien, le supérieur l’avait fait répéter un bon nombre de fois, mais Allan n’avait jamais voulu se rétracter. Même au tribunal, s’il le fallait, il dirait cette vérité parce qu’il n’y en avait pas d’autre.

Le tribunal, personne n’y était allé. Le témoignage d’Allan avait fait que ce dossier avait été classé.

Mais, bien que Max pouvait reprendre son poste, pour lui, tout était fini. La seule fois qu’il y réapparut, il avait les bras chargés.

Sur le bureau du chef, il avait déposé ses uniformes, par-dessus, sa plaque et son arme, sans aucune parole, il était reparti.

Le peu de temps qu’il avait mis pour effectuer cet acte lui avait confirmé qu’il venait de faire le bon choix. Le regard de beaucoup de ses collègues était lourd de reproches.

Pour tous, il restait « le » responsable. Il n’avait plus qu’à partir.

Alors, il déposa dans le pick-up toutes les affaires nécessaires à son départ, ferma sa porte, il ne pouvait se résigner à vendre cette belle maison, c’était celle de ses parents, il y était né.

Il enfouit la clé bien au fond de la boîte à gant, puis démarra.

Sa fuite dura cinq longues années, il s’arrêtait dans des motels sur la route, un petit boulot en chassait un autre, juste de quoi assumer ses besoins journaliers. Il ne se fixait jamais nulle part.

Le plus dur étant les nuits, pas une ne se passait sans ces affreux cauchemars.

Et puis, il y a quelques semaines, ce coup de téléphone inattendu. Charly, un ex-confrère. Il avait enfin réalisé son objectif, depuis peu, il était à la retraite, il avait monté sa petite affaire. Une agence : protection rapprochée, police privée, etc.

Quelquefois, il travaillait avec certains services de police, il faisait les premières recherches souvent fastidieuses, mais qu’il aimait bien, trouver des pistes, débusquer le gibier pour que ses anciens collègues puissent intervenir.

Il avait reçu la mission de pister Ramon Salves, le suivre comme son ombre, noter tous ses faits et gestes.

Donc, il avait pensé à lui.

Sa première réponse avait été négative, il en avait fini avec tout ça.

Et puis, au réveil d’une nuit bien plus mouvementée que les autres, il avait pris sa décision.

Il avait refait le chemin en sens inverse, retrouvé sa clé dans la boîte à gants.

Et le voilà aujourd’hui, coincé entre toutes ces voitures, bloqué à ce feu rouge qui n’en finissait pas. La photo de Ramon dans la poche.

Il s’était dit que c’était peut-être le moyen de tourner définitivement cette page du livre de sa vie.

Il venait d’avoir ce précieux renseignement, Ramon était depuis quelques jours au Royal palace, un des hôtels les plus prestigieux de la ville.

Tous les panneaux publicitaires annonçaient que toute la semaine avait lieu la convention d’on ne sait trop quoi, mais tous les grands pontes de la ville et du département, sans aucun doute, allaient s’y rendre, ce qui confirmait pour Max la valeur de cette information.

Quel endroit rêvé pour agrandir son terrain de chasse, et quelle cachette facile, se noyer dans cette foule immense, de quoi passer inaperçu.

Mais avant tout, il fallait y arriver à ce fichu hôtel. Pourquoi fallait-il toujours construire ces édifices au beau milieu de la ville ? Et à cette heure, tout était bloqué.

C’était comme passer un char d’assaut dans un trou de souris.

Un coup de klaxon rageur, une petite voiture, un peu plus pressée que les autres, venait de lui couper la route, celui-là avait eu énormément de chance que Max ne voulait pas rater son éventuel rendez-vous. Quelques années plus tôt, c’était certain, ce véhicule n’aurait pas continué sa route folle. Il l’aurait suivi, stoppé, et fait regretter au chauffard ce geste inconscient.

Mais aujourd’hui, il ne pouvait s’arrêter.

Enfin, il s’engageait rue Royal.

Quelle imagination ! Le palace Royal se trouvait à la rue Royal.

Surtout qu’il était impossible de passer devant sans le voir, ce bâtiment était immense, il prenait toute la longueur du trottoir.

Bien sûr, aucune place de stationnement, seuls les cars et les taxis pouvaient s’arrêter le temps d’une dépose ou d’une prise de clients.

Il fallait se rendre au parking souterrain, le panneau, minuscule, lui apparut trop tard, il venait de rater l’entrée. Il allait devoir refaire tout le tour du pâté de maisons.

Il s’engagea donc pour la deuxième fois dans cette rue, et là, il eut plus de chance, devant lui, deux taxis attendaient, pour se garer devant l’hôtel, que leurs collègues leur libèrent la place.

Ce ralentissement inespéré lui permit de prendre cette ridicule voie qui l’emmènera au sous-sol. Les rétroviseurs frôlaient les murs. Encore une aberration. Pourquoi toutes ces descentes de parking étaient-elles toujours aussi étroites et en virage constant ? On se serait cru dans un escalier en colimaçon.

Les marques tout le long du parcours portaient les traces des voitures précédentes. Max avait ouvert les deux fenêtres, il descendait au pas, se demandant combien de millimètres se trouvaient entre la carrosserie et les parois qui semblaient se rapprocher de plus en plus. Finalement, cela n’avait pas grande importance, aucun bruit suspect ne lui parvenait.

Papa avait été un très bon moniteur de conduite.

En effet, Max avait, très jeune, appris à manœuvrer ce gros véhicule, bien avant d’avoir l’âge de passer le permis, et par la suite, en tant que policier, il s’était porté volontaire pour tous les stages, surtout ceux sur la conduite rapide.

Alors peut-être que son père avait été un bon professeur, mais lui, avait été un excellent élève.

Il lui avait fallu descendre jusqu’au troisième sous-sol, l’hôtel allait être blindé, la partie semblait bien mal engagée. Comment retrouver un homme au milieu de centaines d’autres ?

Enfin, un peu de chance, une place de libre et pas très loin des escaliers. Par contre, impossible de les emprunter. Un grand panneau, fermé pour cause de travaux, bloquait la porte d’accès. Il allait être obligé de prendre l’ascenseur. Il s’engagea dans le sas se trouvant derrière. Il n’aimait pas ces lieux confinés, mais impossible de faire autrement. Les portes s’ouvrirent, le silence d’un coup avait disparu.

Quatre énergumènes, jeunes, prenaient possession de tout l’espace vide. Un rapide coup d’œil, la tenue, l’allure, tout puait l’argent facile. Les fils à papa !

À les voir, ils avaient le monde entre leurs mains.

Les cheveux encore humides, grâce à la notoriété de leur géniteur, ils avaient passé leur journée aux abords de la piscine, le palace devenait leur club privé. Maintenant, ils allaient monter dans une ou plusieurs voitures de sport, faire hurler les chevaux puissants qui se cachaient sous le capot et finir la soirée dans la boîte de nuit la mieux cotée de la ville. Alcool, femmes et certainement drogue.

Tout bien réfléchi, c’était peut-être à eux qu’il devrait montrer la photo de Ramon, quoiqu’il en doutait un peu, leurs pères seraient plus indiqués, ces quatre-là étaient bien trop jeunes, ils n’avaient pas sur leurs épaules toutes ces responsabilités d’adultes, si ce n’était que celle de dilapider l’argent qu’ils ne gagnaient pas encore.

Les portes se refermèrent. Enfin, le silence.

Quelques secondes d’attente et le voilà dans le hall d’accueil.

Un rapide tour d’horizon, le bar vers la gauche, les petits salons privés, visibles de l’entrée, personne d’intéressant. La piscine droit devant, trop de monde pour pouvoir y reconnaître quelqu’un, seule la réceptionniste allait pouvoir l’aider.

Sans même se soucier de la longue file d’attente, Max se rapprocha du comptoir, le couple qui prenait toute l’attention de la jeune femme qui, sans conteste, approchait de la crise de nerfs, lui semblait invisible.

L’homme paraissait bien énervé, avec son épouse, ils avaient fait nombre de kilomètres et voulaient à tout prix une chambre. La jeune femme invariablement leur expliquait que l’hôtel était complet. Le client était certain qu’il devait en rester une, il se trouvait toujours une chambre de libre pour les dernières urgences, et là, il estimait que sa femme et lui étaient cette urgence.

Max posa, pas très délicatement, la photo sur le registre de l’hôtel, annonçant la fin de cette conversation stérile.

Cette interruption, bien qu’inespérée, fit réagir les clients qui commençaient à manquer de patience.

Max souleva simplement le pan de son blouson qu’il avait enfilé malgré la chaleur, ne serait-ce que pour cacher son arme. Il laissa entrevoir sa plaque, celle qu’il n’avait jamais rendue, la toute première. Il l’avait conservée comme un trophée, fier d’avoir réussi à intégrer les forces de l’ordre. Bien sûr, il n’avait plus ce privilège qu’elle lui donnait, mais ici, personne ne pouvait le savoir. Ce métal doré eut l’effet escompté, le calme était revenu dans la file d’attente. Les regards s’étaient même détournés.

Max posa sa main sur la photo :

— Alors ?

La jeune femme interrogée jouait la surprise. Bien qu’elle fut soulagée de cette interruption, elle ne paraissait pas très coopérative, peut-être, était-il vraiment temps qu’elle parte en pause, elle semblait sur le point de s’effondrer. Pas assez blindée pour ce genre de travail ?

— Alors quoi ?

Max souleva la photo, lui présenta, juste au niveau de nez, elle allait ainsi peut-être comprendre sa question.

— Cet homme doit avoir une suite ici, ou un appartement, je voudrais, pourquoi pas, obtenir son numéro.

La jeune femme restait figée, à se demander si elle voyait clair. Il avait fallu qu’il tombe sur la potiche de service.

— Alors ! Vous le reconnaissez ?

Et subitement, eurêka ! Elle venait de retrouver sa voix.

Elle partit dans une tirade dont Max se serait bien passé. Il eut du mal à la stopper.

— Cet homme ne me dit rien, pourtant avec autant de charme, il ne passe pas inaperçu… Non… Je m’en souviendrais si je l’avais vu. Mais… Bah… Vous savez, je ne suis pas toujours à ce poste, et surtout… Je suis nouvelle dans cet établissement… Si vous pouvez attendre un peu, mes collègues vont revenir de pause, vous pourrez voir avec eux. En plus, je serai libre après…

Là, Max saturait, elle devait se taire. En plus, elle était mignonne certes, mais pas du tout son style. Un peu trop Maryline à son goût.

De toute évidence, elle rentrait bien dans le cadre. La blonde parfaite. Trop peu pour lui.

— Dans combien de temps ?

Le sourire engageant lui annonça qu’il y avait méprise sur sa demande, il répondit sur un ton qui ne laissait la place à aucun espoir.

— Pas votre pause, le retour de vos collègues !

La réponse fut courte, le message était passé.

— Une petite heure, peut-être moins.

— Pas le temps d’attendre.

Max avait repris son portrait de papier et sans un regard pour quiconque, retournait vers l’ascenseur. Il rageait, tout ce temps de perdu pour rien.

Il allait le retrouver, ce fameux José, ses renseignements, c’était du vent. Il allait comprendre à qui il avait affaire.

Charly aussi n’allait pas apprécier…

***

Au moment où il mettait la clé dans le démarreur, une voiture venait de pénétrer sur le niveau. Une décapotable, Max n’avait jamais apprécié ce style de voiture, il devinait le personnage, et… grosse erreur, une jeune femme était au volant.

Il n’aperçut que la chevelure. Malgré la lumière artificielle, il en devinait la couleur, ce beau roux foncé, presque noir, mais qui s’illumine au soleil.

Bien plus joli que le blond platine de la réceptionniste.

C’était clair que la pause proposée tout à l’heure deviendrait bien plus acceptable avec cette fille.

Le cours de ses pensées fut interrompu par une série de détonations, là sur le parking.

Finalement, José ne s’était peut-être pas trompé.

Dire que beaucoup confondaient ce bruit avec une pétarade d’un pot d’échappement, cela l’avait toujours fait rire. Impossible de se tromper. Mais aucun doute, même dans ce lieu confiné, et avec un écho démesuré, c’était du lourd !

Il ouvrit sa fenêtre, silence total… étrange !

Il attendit quelques minutes puis, une nouvelle salve.

Tous ces tirs semblaient n’avoir pas de cible précise. Aucun bruit d’impact. Ils étaient tirés bien trop haut.

En tout premier réflexe, il avait pris son meilleur ami en main, il ne se sentait pas visé, mais la prudence était de rigueur. Il avait même récupéré un chargeur de secours.

Ensuite, sans fermer sa portière, il fallait ne pas faire de bruit, il s’était accroupi.

Il se dirigeait vers l’endroit où il pensait que les balles étaient destinées. Pas facile, ce lieu faisait comme une caisse de résonance.

Max cherchait dans un premier temps, en regardant sous les véhicules, la présence éventuelle des tireurs ou de la victime.

Ce qui continuait de le surprendre, c’était ce calme entre les détonations.

Il persista lentement à évoluer entre les voitures. Inévitablement, il se trouva nez à nez avec une adorable créature, pas de doute, la conductrice de la décapotable.

Pareillement à lui, elle se trouvait dans cette position. Une large jupe rouge l’entourait comme une corolle, une ceinture enserrait sa taille fine, un joli pull en vé achevait sa tenue.

Mais quelque chose le taquinait.

Sa coiffure courte, assez sportive ne collait pas avec ses vêtements, très sexy pourtant, mais il se l’imaginait autrement, plutôt pantalon toile ou jeans, blazer ou blouson et bottines, pour les chaussures bien évidement la jupe les cachait, mais il devinait les talons qui en ce moment ne facilitaient pas son équilibre.

La jeune femme ne semblait pas plus perturbée que ça, elle attendait. Comme si c’était naturel, lorsque l’on se trouve sur un parking d’hôtel, d’entendre des détonations de fusils mitrailleurs. Même son arrivée ne paraissait pas la surprendre.

Pourtant, elle l’avait entendu.

Caroll-Ann venait juste de sortir de sa voiture. Les premiers tirs se faisaient entendre. Impossible de deviner leur origine, mais sans savoir pourquoi, elle savait qu’ils lui étaient destinés.

Étrangement, les balles ne semblaient pas être dangereuses, bien trop hautes, même debout, il n’y aurait eu aucun danger.

Sa petite visite dans le bureau de Ramon n’était a priori, pas passée aussi inaperçue que ça. Pourtant, ses rapports avec lui commençaient à prendre une bonne tournure, en d’autres circonstances, ils auraient même pu devenir amis.

Cependant, on parlait tout de même de Ramon Salves !

Il voulait peut-être d’une certaine manière lui faire comprendre qu’elle avait un peu profité de la situation, de toute façon, elle n’avait rien trouvé de bien intéressant dans son antre.

Mais, comment en être absolument certaine, la liste commençait à s’allonger lourdement, il n’y avait forcément pas que ce monsieur qui, aujourd’hui, rêvait de la voir disparaître prématurément.

C’était très certainement pour cela, qu’elle se retrouvait dos à la carrosserie de ce fichu bolide, Ramon le lui avait prêté. Tous ses amis pensaient qu’elle était sa dernière conquête, elle devait donc le montrer, d’où le véhicule et cet accoutrement qui ne lui convenait pas vraiment. Mais il fallait bien donner le change.

Il lui semblait que quelqu’un s’approchait, alors, un coup d’œil rapide au-dessus de la voiture, mais elle n’avait rien vu. Si elle ne se trompait pas, cette personne, tout comme elle, ne voulait pas se faire remarquer. Elle avait, elle aussi, opté pour la position accroupie.

Même si les tirs ne paraissaient pas trop dangereux, une arme restait toujours une arme.

Elle venait d’essayer de faire le tour du véhicule, les escarpins ne l’aidaient pas beaucoup, et elle se retrouvait en face d’un homme, assez mignon d’ailleurs. Les épaules larges, à moins que le blouson ne l’avantage, mais les cuisses dans le jeans serré confirmaient ses pensées. Monsieur était bien musclé.

Sa tenue ne correspondait pas avec celle de ses présumés assaillants, pourtant la main de cet individu se terminait sur une arme. Il apparaissait qu’à la façon de la tenir, il en connaissait le maniement.

Lui aussi prenait visiblement un certain plaisir à la détailler, comme elle ne se gênait pas de le faire. Elle avait l’intention de lui demander si le spectacle était à son goût, mais il fut plus rapide qu’elle.

— Tout ceci est en votre honneur ? Vous allez faire une entrée triomphale !

Bon déjà un bon point, il n’était pas avec les tireurs, où alors c’était un sacré comédien.

— Je leur avais expressément demandé de rester discrets.

Cette petite boutade, elle n’avait pas pu l’éviter.

Non seulement elle était jolie, mais en, plus elle avait de l’humour.

Au moment où il voulait continuer cette conversation quelque peu surprenante, un couple venait de sortir de l’ascenseur. Les jeunes gens, vraisemblablement très amoureux, ne les remarquèrent même pas.

Dès qu’il les avait entendus, son arme avait rapidement retrouvé sa place, sous le blouson, Caroll-Ann nota le geste rapide. Cet homme avait de bons réflexes. Flic ? Soldat ?

Elle avait du mal à se faire une idée, mais il gérait, aussi bien qu’elle, et même très bien, ce genre de situation.

Elle en profita pour faire le tour de la voiture, il lui avait semblé deviner l’origine des tirs. Si comme elle le présumait, ils allaient continuer leur pétarade, elle pourrait peut-être intervenir. Comment ? Elle ne le savait pas encore, mais il fallait bien trouver une solution.

La voiture démarra enfin, les câlins n’en finissaient pas.

Et au moment où ils pensaient que les tireurs avaient finalement lâché l’affaire, les tirs redoublèrent.

Cette fois-ci, Max pensa qu’ils vidaient les chargeurs, les balles ne devaient pas leur coûter cher.

Caroll-Ann avait bien fait de changer de place, elle les localisait maintenant. D’un geste précis, elle indiqua à Max où les tireurs se postaient, il acquiesça d’un mouvement de tête, tous les deux se comportaient comme s’ils étaient en équipe.

Max, de plus en plus, pensait que cette femme devait être dans la police. Il ne l’imaginait pas en tenue, bien qu’elle aurait été irrésistible, non, plus exactement, inspecteur ou un grade supérieur, oui, il était prêt à le parier.

Caroll-Ann venait de se décider à agir, elle s’approcha de Max, lui souffla cette phrase, comme si sa demande découlait de source.

— Donnez-moi votre arme !

Max ne s’en surprit pas plus que ça. Mais son signe de tête allait à l’encontre de la réponse escomptée.

Pour Caroll-Ann, tout ça n’avait aucune importance, elle voulait cette arme et elle l’aurait, ce ne serait pas le premier à qui elle confisquerait ce genre d’objet. Elle le frôla à peine, mais une main vigoureuse stoppa son bras au moment où elle s’emparait du revolver. Leurs regards se croisèrent, Max se retrouva aimanté par cette couleur incroyable. Ses yeux n’étaient ni bleus ni gris, ils faisaient penser à cette couleur des grands glaciers en plein soleil.

Caroll-Ann n’avait pas compris le changement de comportement du jeune homme, mais ça l’arrangeait bien que durant quelques secondes, il semblât à mille lieues d’ici.

Il avait failli lui broyer le bras, pourtant, maintenant, elle sentait la pression se relâcher. Elle lui assena un magnifique coup de genou dans le bas ventre, ce n’était pas très fair-play, mais… très efficace. Max tomba en mode prière, bien qu’il était loin d’être croyant.

Sa respiration s’en était trouvée coupée. Il avait lâché le bras de la jeune femme. Ce coup-là, il ne l’avait pas vu venir.

Et maintenant, il ne pouvait que la voir partir en courant, les escarpins avaient, quant à eux, volé en sens inverse.

Et en plus, elle avait son arme.

Charly n’allait vraiment pas apprécier la tournure des évènements…

***

Avec beaucoup de mal, Max réussit à s’asseoir.

Décidément, quelle rencontre !

Jolie, beaucoup d’humour, pas trop de patience et bagarreuse.

Il commençait à avoir envie d’approfondir leur relation, même si à ce moment très précis, il la maudissait, et si elle lui présentait son joli petit cou, il le lui serrerait bien volontiers.

Caroll-Ann semblait avoir trouvé l’emplacement idéal, elle attendait patiemment que les tirs reprennent. Mais, rien.

Il fallait peut-être un peu les titiller.

— Qu’est-ce que vous voulez à la fin ? Et ! Au fait ! Je ne mesure qu’un mètre soixante-dix et non pas, deux mètres ou plus.

La seule réponse fut ce qu’elle attendait, une nouvelle salve.

Max eut un léger sourire, pas patiente du tout !

Il attendait maintenant une autre attaque de sa part, l’attente fut rapide. Juste un tir, cette fois, il entendit l’impact. La balle était partie dans la bonne direction. De toute évidence, la jeune femme cherchait une cible potentielle.

Sans savoir pourquoi, il devinait qu’elle voulait juste blesser un des agresseurs. En savait-elle un peu plus qu’il n’y paraissait ?

Du coup, de quel côté était-elle ? Est-ce qu’il ne se trouvait pas tout simplement au milieu d’un règlement de compte entre deux gangs rivaux ?

En tout cas, elle avait fait bouger les choses, cette fois-ci un seul tir partait du côté agresseur. Un des hommes semblait trouver le duel à son goût. Le tir était déjà plus ajusté, et il était clair que le tireur avait changé d’arme.

Caroll-Ann avait vu l’individu sortir de la voiture, à présent, ils patientaient face à face, ce tir, c’était la réponse qu’elle attendait, l’invitation à la confrontation. Elle le tenait là, pile dans sa ligne de mire, elle se doutait bien qu’il partageait la même pensée.

Le plus rapide allait l’emporter, mais elle était confiante. Le stand de tir était son terrain de jeu depuis de longues années.

Une courte respiration, et que le meilleur gagne. Il n’y eut qu’une seule détonation.

Max entendit le corps tombé, des jurons suivirent, des voix d’hommes sans conteste. Les portières claquèrent, deux voitures quittèrent les lieux.

Avec beaucoup de mal et des grimaces horribles, Max se releva. Il devait retourner à sa voiture. Le champ était maintenant libre. Jamais quelques pas n’avaient été aussi difficiles.

Elle allait payer cher cette agression !

Lentement, le pick-up s’engagea dans l’allée, il n’avait pas vraiment vu où la jeune femme s’était postée.

Il passait maintenant devant la décapotable, elle avait dû s’en éloigner un peu. Encore quelques mètres, il stoppa la voiture, elle ne devait plus être très loin. Il laissa tourner le moteur, vieille habitude, il n’eut pas beaucoup à chercher.

À peine avait-il dépassé deux voitures qu’il la retrouvait, assise, le dos contre la roue. Ses deux mains posées sur les cuisses, elle tenait toujours son revolver.

Elle était totalement immobile, le regard fixe, juste sa poitrine, se gonflant à chaque respiration, prouvait qu’elle était toujours en vie.

Il lui prit délicatement l’arme des mains, elle la lâcha sans aucune réaction. Il la remit rapidement dans son étui.

Les paroles de Max sortirent malgré lui, alors qu’il voulait être cinglant, sa voix se transforma vite en un murmure.

— Eh bien bravo ! Vous voilà bien avancée. Vous êtes responsable d’une belle pagaille ! En tout cas, beau tir, en plein dans le mille. Vous les avez au moins fait fuir.

Mais, il regretta chaque mot qu’il prononçait.

Sur le joli pull en vé, une tache rouge sombre se dessinait.

Il passa ses bras sous celui de la jeune femme, puis sous ses jambes, il grimaça légèrement, mais elle était bien plus légère qu’il le pensait.

Et, étonnement, dès qu’elle fut contre lui, sa douleur s’était envolée.

La balle n’était pas ressortie, elle avait dû se loger dans l’os de l’épaule, il connaissait ce genre de blessure, il se souvenait de cette horrible souffrance, il avait cru, alors, que son bras avait quitté son corps.

La jeune femme ne bougeait toujours pas, même pas un gémissement, elle venait juste de poser sa tête dans le creux de son épaule. Il la déposa doucement sur le siège passager, sortit de sa poche un mouchoir immaculé.

Très bon conseil de son père, toujours en porter un propre sur soi. Celui-là, il l’avait pris ce matin. Étrange coïncidence, jusque à aujourd’hui, il ne l’avait jamais utilisé. Il le plia, le posa sur la plaie, très délicatement, il prit la main gauche de la jeune femme.

— Il faut appuyer fort. Surtout, n’enlevez pas votre main.

La jeune inconnue, tel un automate, se laissait faire.

Il vérifia, mais oui, elle avait entendu, sa main tenait fermement le tissu. Il lui passa la ceinture de sécurité, bloquant ainsi l’ensemble.

Une dernière vérification, tout semblait correct, la sangle l’aidait à faire pression.

Mais Max s’attardait plus que de raison, il luttait contre cette envie irrésistible de l’embrasser. Tout son corps réclamait ce baiser, alors que son cerveau lui commandait de garder ses distances.

Il se mordit les lèvres, puis le changement de couleur du tissu fin le ramena rapidement à la réalité.

Une fois derrière le volant, un rapide coup d’œil vers sa passagère, toujours aucune réaction. Elle se trouvait à ses côtés, telle qu’il l’avait posée.

Elle paraissait consciente, juste choquée.

Il serra fortement son volant, comment avait-il pu laisser cette situation dégénérer de la sorte ?

Dans l’une des deux voitures parties tout à l’heure, il y avait aussi un blessé, et celui-là, la balle qui l’avait touché venait de son arme.

Oh non, Charly n’allait vraiment pas apprécier…

***

En s’engageant sur l’allée Royale, tout d’abord, Max nota qu’ils avaient passé plusieurs heures dans ce foutu parking, la nuit commençait à tomber. L’avantage, et pas le moindre, c’était le moment du dîner, et donc, par conséquent, les rues seraient quasi désertes.

Il ne lui fallut, en effet, qu’une dizaine de minutes pour se rendre devant l’hôpital.

En d’autres circonstances, il aurait mis moins de temps, mais il avait conscience de l’importance que prenait, minute après minute, cette jeune femme. Il voulait la mettre en sécurité, sans prendre aucun risque.

Il avait tout juste stoppé son véhicule devant les urgences, que deux infirmiers, poussant un brancard, se présentaient en courant. Ils allongèrent la blessée. Max tout naturellement avait posé sa main sur celle de la jeune fille. À peine s’étaient-ils frôlés, qu’elle avait refermé ses doigts sur les siens.

Max sentit les larmes brouiller sa vue.

— Tout va bien se passer, ne t’inquiète pas, je suis là. Je ne te laisse pas.

Le tutoiement lui était venu naturellement, mais surtout, si les infirmiers pouvaient penser qu’ils se connaissaient aussi bien, il pourrait enfin savoir qui elle était. Il devait au moins connaître son prénom.

Ils traversèrent le hall désert, Max ne remarqua même pas l’attention particulière de l’infirmière de nuit, préposée à l’accueil.

Ses yeux ne se détachaient pas de cette jeune femme.

Le brancard ouvrit les deux battants, démarquant la limite à ne pas franchir. Une main sur l’épaule lui fit lâcher celle qu’il tenait, une sensation de froid l’envahit. Il croisa le regard de l’infirmier, il réalisa qu’en fait depuis son entrée dans l’hôpital, il ne cessait de répéter les mêmes phrases :

— On lui a tiré dessus, c’est une blessure par balle, on lui a tiré dessus…

— Monsieur, vous devez attendre ici, nous emmenons votre fiancée. Vous ne pouvez aller plus loin.

Max, laissa partir le brancard, subitement, il venait de réaliser vraiment ce qu’il se passait, cela le ramenait cinq ans en arrière, mais cette fois, il était conscient.

Au moment où les deux battants se refermèrent, il eut l’impression qu’une partie de lui venait de le quitter à tout jamais. Il restait debout, les bras ballants devant cette porte fermée.

Combien de temps était-il resté comme cela, immobile, ne regardant pour tout dire, rien du tout ? Il aurait été incapable de le préciser.

Le monde venait de s’arrêter autour de lui. Mais une voix lentement le ramenait à la réalité. Elle lui parvenait de très loin, en fait elle venait juste de quelques mètres seulement, derrière lui.

— Dites donc mon chou ? Il va falloir vous bouger. Si mes collègues reviennent, c’est vous que l’on va mettre sur le brancard.

Max entendait les mots, mais leur signification s’envolait, ce n’était pour le moment que des sons. Puis, il se retourna :

— Mon chou ? C’est moi que vous appelez mon chou ?

Il avait enfin réagi. Comme l’avait escompté l’infirmière, il s’était laissé gagner par ce trait d’humour. Elle venait de lui offrir l’aide dont il avait besoin.

Il se rapprocha d’elle, son visage s’était transformé, un large sourire venait de s’afficher, laissant ressortir tout son charme naturel.

L’infirmière, un joli visage, cinquante ans bien sonnés, type afro-américain, bien plus que rondelette, l’avait observé, elle avait l’âme romantique et avait descellé, qu’entre ces deux-là, il y avait ce lien sacré.

La façon qu’ils avaient de se tenir la main… Ce jeune homme désappointé… Pourtant, il y avait autre chose, un phénomène qu’elle ne comprenait pas.

Alors, vu que cette nuit s’annonçait calme, elle venait de décider qu’il fallait sortir de sa torpeur ce garçon tout mignon et connaître leur histoire.

Sans savoir pourquoi, elle avait deviné en lui un caractère bien trempé, elle allait opter pour un dialogue léger, il fallait avant tout le faire revenir parmi les vivants.

Et puis, c’était vrai que si, maintenant, les portes s’ouvraient, il risquait un bel envol.

Dès qu’il vit son regard pétillant de malice, Max se sentit d’un coup plus léger. Il se rapprocha du comptoir.

Un rapide coup d’œil lui confirma ce qu’il avait remarqué en entrant sur le parking, il n’y avait personne d’autre que lui et cette infirmière très sympathique, qui venait de l’aborder bien chaleureusement.

Elle lui rendit son sourire.

— Ne vous faites pas de soucis, elle est dans de bonnes mains. Mais vous, je vous garde un petit peu auprès de moi, j’ai un travail pour vous.

Max la regarda, mi-étonné, mi-amusé.

— De toute façon, vous ne pouvez pas partir, votre amie a été blessée par balle, alors forcément…

Max termina sa phrase.

— La police va débarquer… Je sais… je connais la procédure. Que puis-je faire pour vous, ma jolie dame ?

Décidément, ce sympathique et de plus bel homme ressemblait tout à fait à ce qu’elle s’était imaginé. Cette jeune femme avait beaucoup de chance.

Elle présenta à Max une tablette sur laquelle était bloqué, par une pince, un formulaire d’où pendait une chaîne, avec à son bout un stylo.

Évidemment, il fallait que l’on en vienne là, Max aurait voulu continuer un peu la conversation, laisser son charme agir quelques minutes de plus, essayer d’amadouer cette femme, même s’il avait la sensation qu’en ce moment, c’était elle qui menait la danse.

À contrecœur, il prit la tablette, il savait très bien qu’il ne pouvait pas remplir ce formulaire, il tenta une esquive.

— De toutes ces questions, dit-il en reposant l’ensemble devant cette gentille Mama.

— Il n’y a que celle-ci à laquelle je puisse répondre sans me tromper.

Il posa son doigt sur la ligne, celle qui indiquait : sexe.

— Je crois, non, je l’affirme : féminin.

L’infirmière retint un fou rire, elle continua pourtant très sérieusement :

— Vous êtes sûr de vous ?

— Affirmatif.

Mais il fallait tout de même être sérieux. Elle retourna la tablette :

— Allez, un petit effort, vous devez au moins savoir comment elle s’appelle.

— « Ma petite rouquine ».

C’était la seule réponse qui lui venait. Alors que ces mots avaient formulé sa réplique, là, devant lui, la belle image de cette femme lui était réapparue. Cette chevelure flamboyante !

Que pouvait-il répondre d’autre ?

Le stylo tapant sur la tablette stoppa d’un coup son voyage dans l’imaginaire.

— C’est pas un prénom, allez, soyez un peu sérieux !

— Bah, en fait, elle a dû me le dire un jour, mais j’ai complètement oublié. Je l’ai toujours appelé comme ça, « ma petite rouquine », et croyez-moi, cela lui va à merveille.

— Oui, mais moi, je ne suis pas plus avancée. Finalement, vous n’allez pas me servir à grand-chose !

— Vous le croyez vraiment ?

Cette joute verbale aurait pu durer assez longtemps encore, les deux protagonistes avaient toute la nuit devant eux. Mais dehors, une lumière bleue tournoyante accompagnait un bruit de moteur. Une voiture de police se stationnait devant l’entrée.

Max reconnut tout de suite le passager, Ray. Son ancien collègue avait rejoint, il y a cinq ans, le camp extrêmement restreint de ceux qui le croyaient et ne l’avaient jamais dénigré, par contre, le conducteur, qui ne lui laissait que de vagues souvenirs, ne semblait pas dans les mêmes dispositions.

— Alors, Max, c’est à toi que l’on doit tout ce ramdam !

Ray était rentré le premier, difficile de savoir si cette phrase signifiait bienvenue ou le contraire.

— Salut, Ray. Content de te revoir. Mais tu sais, je ne suis en rien impliqué, je ne suis qu’un témoin dans toute cette histoire.

Ray avait juste répondu par un signe de la tête, suivi d’un haussement d’épaules, mais son coéquipier avait rapidement pris la parole :

— Si ça ne te dérange pas, cette conclusion est de notre ressort. Mais comme d’habitude, lorsqu’il y a un blessé par balle, tu n’es pas très loin, et surtout bien en vie, ceux qui t’approchent n’ont pas souvent la même chance !

Max serra les poings, si la discussion partait dans ce sens, cet individu, dont il ne se souvenait plus du nom, risquait de se retrouver lui aussi sur un brancard.

Ray intervint rapidement.

— Tu te souviens de Francis ?

La réponse fut juste un hochement de tête, mais le policier sentait qu’à la moindre étincelle, Max allait exploser. Il fallait rapidement éloigner ces deux-là.

Ray indiqua à son collègue que la voiture ne devait pas rester devant la porte. En pleine nuit, une voiture de patrouille devant l’entrée des urgences ne pouvait qu’augmenter le stress des personnes qui y amenaient un malade. Il valait mieux la stationner un plus loin, et surtout, éteindre toutes ces lumières. Bizarrement, les gens n’associaient pas forcément, police et sécurité.

Francis sortit donc. Ray de toute évidence était le plus gradé des deux, l’autre devait obtempérer.

Max se décontracta immédiatement.

— Cette histoire à un quelque rapport avec Ramon ?

Ray n’avait pas attendu pour rentrer dans le vif du sujet.

— Pardon ?

— Oh, ça va, on sait tous que ça fait pas très longtemps que t’es revenu, et que tu bosses pour Charly.

Ce n’était pas une question, juste une constatation.

— T’es bien renseigné, chapeau !

— Tu sais, c’est pas très compliqué, Charly travaille souvent pour les bureaux de haut. Et… Comme il doit donner l’identité des gars qu’il désigne pour ses planques, ton nom est vite redevenu le centre des conversations. Les secrets ne le restent pas longtemps chez nous.

Max en convint.

Il lui raconta donc tout d’abord, pourquoi il se trouvait dans cet hôtel, là effectivement, il s’agissait de Ramon.

Pour le reste, il détailla absolument toute sa soirée, du moment où il était sorti de l’ascenseur jusqu’à l’arrivée de la voiture de patrouille. Il se permit de faire une seule omission, le contact un peu brutal du genou d’une belle rouquine et une partie intime de son anatomie. Pas besoin de susciter de nouvelles railleries.

La conversation entre les deux hommes tenait plus d’un entretien amical entre personnes de connaissance qui se retrouvaient après une longue absence, que d’un interrogatoire.

L’infirmière ne ratait rien de cet échange, tous les morceaux du puzzle qui lui manquaient s’ajoutaient un à un, elle comprenait maintenant ce qui l’avait interpellé tout à l’heure.

L’amour se dégageait de ces deux jeunes gens, mais ils n’en avaient pas encore conscience. Leur histoire avait commencé avec une telle intensité, ce serait dommage qu’elle se termine si vite.

La conversation se concentrait beaucoup sur cette jeune femme, Max aurait voulu que Ray lui confirme ce qu’il espérait depuis le début. Qu’elle était bien un flic !

Tout allait dans ce sens, même la façon dont elle lui avait pris son arme.

Autre moment qu’au final, il avait bien fallu raconter.

Le seul fait qui allait lui être reproché était que son révolver avait blessé un quidam, même si ce n’était pas lui le tireur, il se trouvait dans une mauvaise posture.

Pour le moment, aucune autre blessure par balle n’avait été signalée sur la région, c’était déjà un point positif. S’il y avait bien eu crime, pas de cadavre retrouvé, pas de meurtrier potentiel.

De toute façon, si comme il le soupçonnait, c’étaient les gars de Ramon ou d’un quelconque gang, il n’était pas dans leur intérêt d’emmener le blessé dans un hôpital, généralement, ils avaient un médecin à leurs ordres qui arrangeait ce genre de désagrément.

Visiblement, Ray sembla approuver le fait que Max ne lui cache pas cette partie de l’histoire.

Le policier allait maintenant discuter avec l’infirmière, elle avait éventuellement eu des renseignements qu’elle n’avait pas communiqués à Max, et puis le personnel médical, ayant l’habitude de ce genre d’interventions, notait souvent des détails que les témoins avaient oubliés ou omis volontairement de mentionner.

Avec Max, c’était peu probable, mais il en disait peut-être un peu moins qu’il en savait.

Profitant d’être à nouveau seul, Max entreprit un combat avec le distributeur de boissons, après une deuxième tentative, un liquide ressemblant à un café tombait enfin dans un gobelet jusque-là récalcitrant.

Il ne faisait pas plus attention que cela à l’échange en cours, il retint juste que la ligne interne du téléphone venait de sonner. Il espérait de très bonnes nouvelles.

Cette boisson était infecte, mais la chaleur lui fit du bien. Il se cala dans un fauteuil.

L’entretien entre Ray et l’infirmière n’allait pas s’éterniser. Comme personne n’était encore rentré, il espérait pouvoir continuer cette discussion engageante avec la douce et sympathique Mama. Si la chance s’en mêlait, elle en aurait peut-être appris un peu plus sur cette belle rouquine.

Il se souvenait, maintenant, qu’il avait remarqué les mains de cette adorable créature. Pourquoi avait-il cherché à bien les voir ? Tout simplement pour vérifier si elle portait une bague ou une alliance.

Et rien, même pas une trace d’un bijou que l’on aurait ôté récemment, donc elle n’était pas mariée.

Libre ? Il ne pouvait pas le savoir, mais pas d’alliance : c’était un bon début.

Pas de doute, il allait torturer cette brave dame pour qu’elle lui avoue tout, parce qu’en ce moment, l’infirmière était de nouveau au téléphone et elle remplissait le formulaire. Elle essayait d’être discrète, mais qu’est-ce qu’elle aurait bien pu écrire comme ça ? De plus, la tablette n’était plus en vue, elle l’avait posée juste à l’endroit où elle notait tous les renseignements donnés.

Et puis Ray semblait, lui aussi bien curieux. Il ne perdait rien de ce qu’elle inscrivait.

Au pire, son ancien collègue pourrait être utile.

Loin d’être discret, Francis venait de rentrer, ils devaient repartir immédiatement, Ray salua l’infirmière.

Il se stoppa devant Max :

— Évidemment, tu ne t’éloignes pas, j’aurai besoin de toi dans les jours à venir. Mais là, le boulot n’attend pas, tu t’en souviens certainement.

Il salua son ancien collègue et partit.

Max patienta quelques minutes, et au moment où il allait rejoindre l’infirmière, celle-ci releva enfin le nez de son comptoir et reprit la conversation.

— J’ai de bonnes nouvelles beau gosse, votre petite rouquine est sortie du bloc, tout va bien.

— Je vous remercie… Marie…

Max avait marqué un temps d’arrêt, il venait de lire le badge de l’infirmière, et surtout, il voulait se montrer très, très, très gentil. Après tout, si elle pouvait se permettre des « mon petit chou » et des « beau gosse », il pouvait bien l’appeler par son prénom.

D’ailleurs, elle ne semblait pas s’en offusquer, bien au contraire.

— D’accord, vous me paraissez bien malin, monsieur ?

Le ton était toujours bien enlevé. Max se sentit obligé d’aller dans son sens.

— Maxime, mais pour vous, Max suffira. Alors comme cela, vous avez eu des nouvelles de ma compagne ?

Max savait qu’il démarrait fort, mais tout à l’heure, les infirmiers l’avaient bien fiancé, et puis l’intervention du policier avait peut-être fait oublier à cette femme le fait qu’ils ne se connaissaient pas vraiment, la blessée et lui. Cependant, le sourire bien marqué lui annonçait tout le contraire. Elle n’était pas dupe.

— Ah, parce que maintenant, c’est votre compagne ?

— Vous n’aviez pas remarqué quand nous sommes arrivés comment nous nous tenions la main. Vos collègues l’ont même appelée ma fiancée. Alors, pourquoi jouer l’étonnée ?

— Tout simplement, peut-être parce qu’aussi je n’ai rien perdu de votre conversation avec votre ancien collègue, mon cher Max. Je trouve que vous vous êtes fiancé bien rapidement, vous ne la connaissiez même pas il y a quelques heures. Je crois au coup de foudre, mais alors là, vous, vous êtes vraiment un champion. Et la belle rouquine, elle le sait que vous êtes fiancés et que vous vivez ensemble !

Elle avait réussi à parler malgré le fou rire qu’elle essayait de retenir. Le jeune homme qui se trouvait devant elle dansait d’un pied sur l’autre, comme les jeunes enfants pris en flagrant délit de mensonge.

Max afficha un air confus, puis il posa ses coudes sur le comptoir, laissant tomber son menton sur ses mains. Il présenta alors, un tout nouveau visage, le plus expressif qu’il pouvait. Son triste regard de cocker !

Il allait bien réussir à la faire craquer, en tout cas, il faisait vraiment tout pour y parvenir.

— Ne me faites pas vous supplier, s’il vous plaît, donnez-moi juste un petit renseignement.

— Je vous en prie, demandez.

— Pourrais-je avoir l’identité de ma présumée fiancée ? De toute façon, ce n’est qu’un demi-mensonge, je suis sûr que ce sera vrai dans quelques mois. Je ne fais qu’anticiper.

— Vous êtes réellement adorable… Vous allez faire un couple magnifique. D’après votre description, elle a l’air très jolie. Mais vous allez devoir vous y prendre autrement pour lier connaissance avec cette jeune fille. Je n’ai pas son identité.

— Vous osez me mentir, là maintenant ! Oh, Marie, vous me décevez beaucoup. Laissez-moi jeter juste un léger coup d’œil sur votre formulaire. Comme cela vous ne m’aurez rien dit…

L’infirmière parut hésiter, pourtant, même la gentillesse de Max et son charme irrésistible ne lui firent franchir la limite autorisée. Elle n’avait pas le droit de lui rendre ce service.

— Vraiment désolée, je ne peux pas répondre à votre requête. Le règlement de l’hôpital est très strict. Peut-être, si vous tentiez votre chance auprès de votre ancien collègue, il a l’air de bien vous apprécier. Lui, il sait qui se trouvait sur le brancard.

Max ne put se retenir, il posa à plat ses mains sur le comptoir, et déposa un énorme baiser sur la joue rebondie de l’infirmière, qui ne sembla pas surprise par ce geste.

— Vous, je vous adore, prenez bien soin de ma future femme !

***

Max regagna sa voiture. Dans un premier temps, il fallait s’entretenir avec Charly, la conversation risquait d’être houleuse, mais une petite lueur d’espoir, lui, il connaissait certainement l’identité de cette mystérieuse inconnue.

Comme prévu, Charly n’accueillit pas son rapport de bon cœur :

— Dans quel foutoir es-tu allé te mettre ? Elle t’a pris ton arme…

Étrangement, le ton ne dénonçait pas que de la colère, il annonçait une suite style : tu me prends pour un imbécile ou pire.

Donc, Max lâcha la triste vérité, il devait être franc avec son employeur. Il lui raconta péniblement comment il s’était retrouvé à genoux, incapable de la retenir.

Charly ne pouvait plus s’arrêter de rire. Finalement, Max avait bien fait de l’appeler, il ne s’était pas autant amusé depuis longtemps. C’était surtout qu’il s’imaginait la scène, en son for intérieur, il félicita cette jeune ingénue. Réussir à mettre KO, Monsieur Maxime Campbell, peu d’hommes y était arrivé.

— Donne-moi le nom de superwoman, je vais lui faire porter des fleurs, un coup pareil cela se fête !

— Ça y est, tu t’es bien régalé ? Le hic, c’est pas le coup qu’elle m’ait donné, mais le pourquoi et comment elle s’y est prise. Elle est super entraînée. Elle sait se battre, elle sait tirer.

— Un Max en jupon quoi ?

— Charly ! Sois sérieux cinq minutes. Je pense vraiment que c’est un flic !

S’en suivit un grand silence. Max crut un instant que la ligne avait été coupée :

— Allô, Charly ? T’es toujours là ?

— Ouais, ouais, qu’est-ce qui te fait penser ça ?

— Tout mon vieux, absolument tout ! En revanche, je crois qu’elle a commis une belle erreur en blessant ce type, si en plus c’est un des gars de Ramon, tu sais ce qu’elle risque. Et ça, je ne le veux pas. Il faut que je l’en empêche. Maintenant, j’ai besoin de toi, si elle fait partie des forces de l’ordre, tu peux le savoir.

— Je vais faire de mon mieux. Mais toi, pour le moment, reste en retrait, tu es déjà un peu trop impliqué dans cette affaire. De plus, tu n’es pas en odeur de sainteté dans le coin.

— Non Charly, ne m’écarte pas !

— Continue à pister Ramon, si tu veux, mais fais-toi le plus discret possible, et surtout aucune initiative. Et Max ? Promets-moi une chose.

— Demande toujours, je verrai ce que je peux faire.

— Non, Max, je ne plaisante pas, si je te demande de te retirer tu devras le faire. Promets-le-moi !

— Oh, ça va…

— Non ! Max, promets-le-moi. Si comme tu le penses, un flic est infiltré, ça risque de péter à un moment où à un autre, et alors, crois-moi, il vaudra mieux être le plus loin possible. Souviens-toi de Sam. Tu sais de quoi ils sont capables. Alors, Max ?

— D’accord…

Un long soupir s’entendit dans le combiné.

Charly venait d’appuyer sur le point sensible.

Max eut du mal à faire le sermon demandé, mais le fantôme de son ami venait le hanter toutes nuits, il ne s’en souvenait que trop.

— Tu as ma promesse…

La conversation se termina sur ces mots, Max venait d’éteindre son téléphone, en fin de compte, cela s’était avéré plus difficile à gérer qu’il ne l’avait pensé.

Pourquoi fallait-il toujours lui rappeler cette soirée ? Toute sa vie avait basculé. Il le payait cher, très cher et même trop cher.

Et pourtant, ce soir-là, avec Sam, ils avaient fait leur travail, ils n’avaient commis aucune faute.

Pourquoi se retrouvait-il le seul à continuer à le croire ?

Bien souvent, il avait voulu que les places soient inversées.

Sam aurait continué avec Lucie, lui n’avait personne.

Il aurait tant voulu être mort à sa place.

Max resta un long moment, assis dans son véhicule, les yeux fermés.

Mentalement, il était revenu à cette soirée, son investigation l’avait amené dans ce parking.

Bien sûr, la réceptionniste ne se souvenait pas de l’homme sur la photo, mais elle ne semblait non plus pas très efficace. Il aurait pu aussi bien lui montrer n’importe qui.

Ou alors, au contraire, elle cachait son savoir derrière sa couverture de potiche, rôle dans lequel, bravo, elle excellait.

Tout comme Marie à l’hôpital, elle respectait ces fichus règlements.

De plus, dans ce genre d’hôtel, la clientèle était triée sur le volet, peu importe la notoriété, seul le compte bancaire assurait l’anonymat.

En ce qui concernait Ramon, l’argent n’était pas un problème, il en avait à ne pas savoir quoi en faire.

Ce qui gênait Max, c’était comment il le gagnait. Cet homme le répugnait. Il détruisait toute cette jeunesse, ceux qui ne se droguaient pas, s’entre-tuaient ici et partout dans le monde, et toutes ces filles dont il volait leur vie en leur imposant la sienne.

De plus, pour tous ces meurtres, dont celui de Sam, bien sûr, ce n’était jamais lui qui appuyait sur la détente, mais il était à la tête de tout ce royaume.

C’était pourquoi il était temps de le faire tomber de son trône.

Il allait donc continuer à le traquer, il finirait forcément par trouver une piste, il avait tout son temps. Il devait revenir où tout avait commencé. L’hôtel, le parking, les tueurs, cette fille…

Ramon et la belle rouquine, ça ne collait pas bien, pourtant il avait ce pressentiment, il y avait forcément un lien. Mais pour tout démêler, il fallait qu’il sache dans quel camp se trouvait cette femme. Et pour cela, pas de doute, il devait savoir qui elle était.