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De sa nature et de son enfance, où il reçut une éducation très sévère, Martin Luther avait contracté une attitude craintive vis-à-vis de Dieu, qu'il imaginait constamment en colère contre ses péchés. Devenu moine, ses angoisses religieuses s'accrurent jusqu'à l'amener au voisinage de la folie et du tombeau. Enfin brilla sur lui la grande vérité centrale de la Bible, celle qui fut à la base de la Réforme : La justification de l'homme auprès de Dieu, s'obtient par la foi seule, sans que ses oeuvres y apportent aucune contribution. Toute l'exégèse de Luther restera marquée par l'expérience dramatique de cette révélation ; ainsi c'est spontanément, que dans le psaume 51, il s'identifie avec David, roi adultère et assassin, mais pécheur brisé et repentant, qui ne plaide que la pure miséricorde de Dieu. La foi des croyants de l'Ancienne alliance se portait sur le Messie à venir, celle de ceux de la Nouvelle regarde au Messie déjà venu : Jésus-Christ ; les uns et les autres sont donc sauvés par lui de la même manière. Composé en latin en 1532, imprimé en 1545, ce livre du Réformateur sur le Psaume de la repentance de David n'est pas à proprement parler un Commentaire : il va au-delà du texte, en appliquant de manière spirituelle les pensées du psalmiste à la vie chrétienne. Luther explique l'Écriture comme il prêche, son Explication du Psaume 51, est en somme une collection de vingt sermons portant sur chacun des versets. Jean-Frédéric Nardin (1687-1728), qui l'a traduit en français, a été un prédicateur piétiste remarquable du pays de Montbéliard. La traduction du Psaume figurant en tête est de Armand de Mestral (1815-1873), pasteur suisse ; celle placée à la fin, et en vers, de Clément Marot (1496-1544), fameux poète de la cour de Marguerite de Navarre. ette reproduction ThéoTeX reprend le texte de l'édition de 1842.
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Seitenzahl: 306
Veröffentlichungsjahr: 2023
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THÉOTEX
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Psaume 51
Introduction
§ 1. Le Psaume Miséricorde.
§ 2. L’utilité de ce Psaume.
§ 3. C’est un psaume pénitentiel.
§ 4. Il ne faut pas seulement s’arrêter au péché actuel ; car cela ferait qu’on oublierait la grâce et qu’on aurait recours aux bonnes œuvres.
§ 5. La fausse repentance des hypocrites.
§ 6. Le fruit qu’on retirera de l’intelligence de ce Psaume.
§ 7. La matière de ce Psaume, c’est le péché et la grâce.
§ 8. Le titre de ce Psaume.
§ 9. La racine du péché. L’énormité du péché de David.
§ 10. Une puissante leçon de la corruption de toute la nature.
§ 11. Comment nous devons profiter des péchés des saints.
§ 12. L’adultère de David a donné occasion à ce Psaume.
§ 13. Ce que c’est que le péché, selon ce Psaume.
§ 14. Les idées erronées que la nature se forme du péché.
§ 15. Quelle corruption est survenue par la chute.
§ 16. Les productions et les effets de cette corruption.
§ 17. L’impuissance de l’homme même dans les choses extérieures.
§ 18. Tout ce que la nature semble faire de bon, vient d’un fond corrompu.
§ 19. Nous ne sommes que pécheurs.
§ 20. Le péché originel et la source du mal sont ignorés de la raison.
§ 21. Ce que c’est que la connaissance du péché.
§ 22. L’homme pécheur est l’objet de la théologie.
§ 23. La connaissance de la grâce doit suivre la connaissance du péché.
§ 24. La connaissance véritable de soi-même et de Dieu constitue la pure théologie.
Verset 1
§ 25. Quand il dit : Ô Dieu! David entend un Dieu manifesté, révélé et revêtu de promesses.
§ 26. Il ne s’agit pas d’un Dieu vague et considéré absolument et purement comme tel.
§ 27. Les sentiments que la nature a de Dieu, conviennent avec ce qu’en dit la loi, mais non avec ce qu’en enseigne la foi.
§ 28. Une doctrine céleste et cachée.
§ 29. Le sentiment du péché nous éloigne de Dieu, mais il faut prier au milieu même de la mer des péchés.
§ 30. Quels sont les pécheurs que Dieu hait et dont les prières sont inutiles.
§ 31. A ces pécheurs-là, impénitents, il faut faire sentir leur misère.
§ 32. Les pécheurs qui sentent leurs péchés ont droit à Dieu et à la prière, en vertu des promesses.
§ 33. Un conseil pour les consciences affligées. Quels pécheurs la doctrine évangélique console et relève.
§ 34. Dieu et l’homme pécheur sont deux choses bien éloignées ; il faut la foi pour les joindre.
§ 35. Les combats d’un pécheur sensible à ses péchés : il faut une grande violence pour prier au milieu du sentiment de ses péchés.
§ 36. Il faut prier quand on se sent le plus tenté au péché.
§ 37. Ceux qui diffèrent la prière quand ils sont tentés au péché, laissent fortifier Satan. Ce qu’il faut faire quand on est tombé dans le péché.
§ 38. Comment les pécheurs sensibles doivent prier.
§ 39. L’expérience apprend mieux que beaucoup de paroles.
§ 40. La miséricorde est le seul refuge du pécheur.
§ 41. Comment un fidèle garde les commandements de Dieu.
§ 42. Seul Christ a des mérites, et c’est par pure miséricorde qu’il nous y associe.
§ 43. Dieu ne veut point la mort du pécheur.
§ 44. Il nous faut aller résolument à Dieu, auprès de qui est le pardon.
§ 45. La multitude des compassions de Dieu.
§ 46. Les compassions de Dieu sont plus grandes que nos péchés.
§ 47. Il n’y a de saints que les sanctifiés en Jésus-Christ.
§ 48. Ce qu’il faut entendre par : « efface mes péchés. »
Verset 2
§ 49. La coulpe ôtée, il reste encore en nous des liens et des semences de péché.
§ 50. Une fois justifiés, nous avons toujours besoin de l’Esprit-Saint pour ne pas tomber dans le péché.
§ 51. L’évidence des restes du péché en notre chair doit nous pousser à réclamer comme David d’être lavé et purgé.
Verset 3
§ 52. Ce n’est pas la connaissance de nos péchés qui nous vaut le pardon, mais la pure miséricorde de Dieu.
§ 53. Ne pas reconnaître son péché est plus dangereux que de pécher grossièrement.
§ 54. David n’est pas seulement affligé de son péché actuel mais de sa nature corrompue.
Verset 4
§ 55. Un verset difficile.
§ 56. Comprendre l’étendue du péché dans la nature humaine, c’est comprendre que Dieu seul est juste ainsi s’explique le « afin que »
§ 57. Les papistes et les pharisiens ne reconnaissent pas la corruption totale de l’homme.
§ 58. L’idée de pardon gratuit répugne à l’orgueil humain.
Verset 5
§ 59. Nous ne sommes pas pécheurs parce que nous péchons, mais nous péchons parce que nous sommes pécheurs.
§ 60. Le péché originel n’est pas aboli par le baptême.
Verset 6
§ 61. La vérité cachée s’oppose à l’hypocrisie du pécheur.
§ 62. Même si Dieu récompense souvent par des biens temporels une moralité relative, la vérité cachée est indispensable pour le salut.
§ 63. Pourquoi ce verset doit être aussi notre prière.
Verset 7
§ 64. Les cérémonies du clergé romain sont des singeries des rites de l’Ancienne alliance.
§ 65. Dans la Nouvelle Alliance nous n’avons qu’un sacrifice.
§ 66. David réclame ici une autre hysope que celle des purifications mosaïques.
§ 67. Ce que signifie plus blanc que neige.
Verset 8
§ 68. La foi vient de ce que l’on entend.
§ 69. L’efficace de la Parole ne dépend pas de la contrition.
§ 70. la vraie contrition.
Verset 9
§ 71. La doctrine de la justification doit être constamment méditée.
Verset 10
§ 72. Les dons de l’Esprit qui suivent la justification.
§ 73. Premier don : un cœur pur, un esprit bien remis.
Verset 11
§ 74. Deuxième don : la sanctification de la vie quotidienne.
Verset 12
§ 75. Troisième don : l’allégresse.
Verset 13
§ 76. Une œuvre de la foi : le témoignage.
Verset 14
§ 77. La réputation du croyant devant les hommes.
Verset 15
§ 78. Les sacrifices de louange.
Verset 16
§ 79. Déjà dans l’Ancienne alliance, les cérémonies avaient été déclarées sans valeur aux yeux de Dieu.
Verset 17
§ 80. Apprendre de l’Esprit de Dieu, à relever et à instruire les cœurs affligés.
Verset 18
§ 81. Les âmes affermies dans la saine doctrine sont des murs fortifiés de la Jérusalem spirituelle.
Verset 19
§ 82. Deux sortes de sacrifices.
Mis en vers par Clément Marot
Psaume pour David, lorsque Nathan le prophète vint vers lui, après qu’il se fût approché de Bathsébah.
Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta miséricorde !
selon la grandeur de tes compassions,
efface mes rebellions !
Lave-moi, lave-moi encore de mon iniquité,
et nettoie-moi de mon péché.
Car je connais mes rebellions
et mon péché est devant moi continuellement.
C’est contre toi, contre toi seul que j’ai péché,
et ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait ;
afin que tu sois reconnu juste quand tu parles
et pur quand tu juges.
Voici, c’est dans l’iniquité que j’ai été engendré,
et c’est dans le péché que ma mère m’a conçu.
Voici tu prends plaisir à la vérité dans l’intérieur
et tu me feras connaître la sagesse dans le lieu caché.
Enlève mon péché par l’hysope et je serai net,
lave-moi et je serai plus blanc que la neige.
Fais-moi connaître l’allégresse et la joie,
que les os que tu as brisés se réjouissent.
Détourne ta face de mes péchés
et efface toutes mes iniquités.
Crée en moi un cœur pur, ô Dieu,
et rétablis en moi un esprit ferme!
Ne me rejette pas de devant ta face
et ne me retire pas l’Esprit de ta sainteté.
Rends-moi la joie de ton salut,
et soutiens-moi par un esprit bien disposé.
J’enseignerai tes voies aux rebelles
et les pécheurs reviendront à toi.
Décharge-moi des meurtres,
ô Dieu, Dieu de mon salut !
Ma langue chantera hautement ta justice.
Seigneur ! ouvre mes lèvres !
et ma bouche publiera ta louange !
Car tu ne prends pas plaisir aux sacrifices,
sinon, j’en offrirais ;
l’holocauste n’est pas ce qui t’est agréable.
Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé :
Ô Dieu, tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.
Fais du bien à Sion, selon ta bienveillance,
bâtis les murs de Jérusalem.
Alors tu prendras plaisir aux sacrifices de justice,
à l’holocauste, à la victime entière ;
alors on fera monter des taureaux sur ton autel.
Traduction ARMAND DE MESTRAL
Nous avons expliqué, il n’y a pas longtemps, le second psaume qui traite de la royauté de Jésus, et de son règne spirituel et céleste, où nous avons vu comment ce règne et ce Roi sont reçus du monde, comment ils sont persécutés et combattus par les grands, les rois et les peuples de la terre, et comment pourtant ils triomphent enfin, et surmontent tous leurs ennemis. Maintenant, nous avons résolu de vous expliquer, avec la grâce de Dieu, le psaume, Miséricorde, qui est le 51e, et une excellente doctrine touchant la vraie repentance. Je ne promets, et je ne me flatte pas d’expliquer ces excellentes vérités aussi dignement qu’elles le mériteraient, car j’avoue que je n’ai pas encore atteint ni compris cette plénitude et cette onction de l’Esprit qui parle dans ce saint psaume, mais nous prendrons seulement matière et occasion de méditer sur ces grandes choses, de les apprendre de plus en plus de la bouche du Saint-Esprit, le disciple duquel je me mets volontiers avec vous, attendant et lui demandant sa direction et sa lumière, laquelle venant nous enseigner, nous recevrons avec reconnaissance ce qu’il lui plaira de nous découvrir dans cette matière importante.
Il est très important de lire, de savoir et de méditer ce psaume, parce qu’il contient une excellente doctrine sur les principaux points de la Religion Chrétienne ; les articles de la vraie repentance, du péché, de la grâce, et de la justification, aussi bien que du vrai culte du cœur que Dieu demande de nous, y sont excellemment et divinement traités. Ce sont là des doctrines célestes qu’il n’est pas possible que l’homme sache, si le Saint-Esprit ne les lui révèle et ne les lui apprend.
C’est pourquoi nous voyons que chez nos adversaires, ils ont agité toutes ces questions dans des volumes entiers, et cependant il n’y en a pas un qui entende et qui dise bien ce que c’est que la repentance, que le péché, que la grâce ; toutes ces choses-là ne leur sont que comme des songes, dont il ne reste dans l’esprit que quelques idées chimériques après qu’on s’est réveillé, sans qu’il y soit demeuré rien de réel et de solide. La cause de cette ignorance est que ces divines vérités et leur connaissance véritable ne dépendent point des forces de la sagesse et de la raison humaine; elles ne se trouvent point chez nous et dans nos cœurs par la nature et par la naissance, mais elles viennent d’en haut et doivent être révélées par le Père céleste. Qui pourrait jamais par ses lumières parler de la repentance et de la rémission des péchés, comme le Saint-Esprit en parle et le détaille dans cet excellent psaume pénitentiel ?
Ce psaume est communément appelé un psaume pénitentiel, ou un psaume de repentance, et il est très usité dans tous les temples et dans les prières ; et je crois que celui qui a donné le premier ce titre de pénitentiel à ce psaume, entendait quelque chose de la matière qu’il renferme. Mais le peuple ignorant qui le chante, le prie, et le récite pour satisfaire seulement au culte extérieur qui lui est enjoint par les évêques, n’y entend et n’y comprend rien : car ils ont appliqué ce psaume simplement aux repentances des grossiers péchés actuels qu’ils disent être ce qu’on fait, ce qu’on dit, ou ce qu’on pense de contraire à la loi de Dieu : mais cette définition est beaucoup trop rétrécie pour pouvoir comprendre toute la grandeur du péché, et pour en bien mettre toute la force sous les yeux d’une âme. Ah! il faut chercher le péché plus à fond, il faut montrer la racine de l’impiété et du péché, et ne pas s’en tenir aux actes et aux productions simplement comme ils le font.
De cette erreur qu’on ne connaît pas bien ce que c’est que le péché, en naît une autre qui est, qu’on n’apprend jamais bien non plus ce que c’est que la Grâce. Voilà pourquoi ils sont dans l’impuissance de consoler efficacement une âme, et de la soutenir contre les frayeurs de la mort et du jugement de Dieu; car comment celui qui ignore ce que c’est que la Grâce, pourrait-il consoler une âme affligée ? C’est ce qui a fait qu au lieu de solides consolations, ils ont renvoyé les pauvres consciences affligées aux œuvres extérieures et extraordinaires, comme d’entrer dans un couvent, d’embrasser une telle règle, de vivre d’une telle et telle manière, et à de semblables inepties, par lesquelles ils croyaient que Dieu pouvait être apaisé. Ne sont-ce pas là des témoignages convaincants qu’ils n’entendaient ni ce que c’était que le péché, ni la vraie nature de la grâce, et qu’ils n’enseignaient aux pauvres âmes qu’une théologie naturelle sans parole de Dieu et sans fondement.
C’est aussi de la sorte qu’ils instruisaient les hommes sur le fait de la repentance ; ils leur apprenaient à faire un amas des péchés qu’ils avaient commis pendant toute l’année, d’en concevoir quelque douleur, de les confesser et de les expier par quelque satisfaction. Mais, je vous prie, qu’est-ce que cela ? Un juge exemptera-t-il un voleur d’être pendu, parce qu’il verra ce voleur confesser son crime et en avoir de la douleur? C’est ainsi pourtant qu’ils croyaient satisfaire à Dieu, en faisant paraître quelque douleur, en se vêtant, en marchant et en mangeant autrement qu’ils ne le faisaient autrefois.
Ainsi l’explication de ce psaume nous procurera cet avantage, que nous y apprendrons ces principaux points de notre religion, et que par la solide connaissance que nous y puiserons, nous serons en état de rejeter les erreurs de nos adversaires qui ont des sentiments si impurs et si erronés sur ces matières et sur ces doctrines si nécessaires et si importantes ; car j’ai éprouvé moi-même, que ma conscience dans ses agitations et dans ses troubles n’a point trouvé de soulagement dans ces doctrines profanes. C’est pourquoi j’exhorte souvent l’Église de Dieu, à lui rendre grâces de l’excellent don qu’il lui fait de sa parole et de sa vérité, de ce qu’ayant dissipé ces grossières ténèbres, il a rétabli au milieu de nous la pureté de sa parole et de son Évangile.
Mais venons au psaume : il nous propose la doctrine de la vraie repentance, et dans la vraie repentance il y a ces deux choses : la connaissance du péché et la connaissance de la grâce, ou pour me servir de termes plus connus, il y a la crainte et l’appréhension de la colère de Dieu; et ensuite la confiance en sa miséricorde. Ce sont là les deux choses que David nous représente dans ce psaume comme dans un illustre et excellent tableau. Car au commencement de son psaume, nous le voyons travaillé par la connaissance de son péché, et affligé et chargé dans sa conscience. Mais sur la fin, nous le voyons qu’il se console par l’assurance et la confiance en la bonté et en la miséricorde de Dieu; et dans cette confiance il promet qu’il enseignera les pécheurs afin qu’ils se convertissent aussi à Dieu. Ainsi il paraît que le prophète par une singulière conduite de l’Esprit de Dieu, a voulu nous laisser dans ce psaume, un sommaire de la vraie sagesse et de la nature de la religion céleste et divine, qui soit développée dans des termes clairs, et dans un sens intelligible, afin que nous puissions y apprendre ce que c’est que le péché, que la grâce, et toute la vraie et sincère repentance qui nous ramène à Dieu.
Il y a encore d’autres psaumes qui traitent de la même matière, comme le 32e, le 130e, etc., parce que David, quoique excellent maître dans cette céleste doctrine, demeure pourtant encore le disciple du Saint-Esprit, dans la pratique et dans l’exercice de ces grandes choses : car tous les hommes les plus éclairés et illuminés du Saint-Esprit sont pourtant toujours écoliers et apprentis dans la parole de Dieu, ils sont encore bien au dessous de toute la hauteur de cette divine parole, et’ils éprouvent et sentent qu’à peine ils ont puisé une petite goutte de cet océan et de cette mer abondante de l’Esprit de Dieu.
Voilà en peu de mots quelle est la matière et quel est l’ordre de ce psaume; nous devons maintenant dire aussi quelque chose du titre qu’il porte. L’histoire de l’adultère de David et du meurtre qu’il fit d’Urie, qui est rapportée au 12e chapitre du deuxième livre de Samuel est assez connue; et je ne doute point que le titre que ce psaume porte, n’ait donné occasion aux docteurs scolastiques d’expliquer ce psaume seulement de la personne de David, et des grossiers péchés qu’il commit en cette occasion. Car il semble que David parle de lui et de sa propre personne seulement, et en particulier du crime d’adultère et d’homicide qu’il avait commis, et c’est miracle qu’ils n’aient pas enseigné aux hommes de ne prier dans les paroles de ce psaume que dans le seul cas d’adultère et d’homicide, et qu’ils aient permis que ce psaume fut appliqué à toutes sortes de grossiers péchés ; mais ce en quoi ils s’écartent de la vérité, c’est qu’ils le restreignent seulement aux péchés actuels à cause du titre qu’il porte.
Mais nous ne devons pas nous arrêter là et regarder seulement aux péchés grossiers et extérieurs ; il faut faire attention et envisager toute la nature du péché, sa source et son origine, car ce psaume parle du péché tout entier et de sa racine, et non pas uniquement des actes extérieurs qui sont comme les fruits qui naissent de la main et qui sont produits par l’arbre du péché! Car ce que David confesse qu’il a été conçu dans l’iniquité, ne regarde pas son adultère et son homicide, mais toute sa nature qui avait été corrompue par le péché. Cependant, nous admettons volontiers que ce péché de David est ici proposé comme un exemple de la grande corruption de l’homme, car dans ce péché, on découvre beaucoup d’abominations, outre son adultère avec Bathsébah; car à son adultère il ajoute l’homicide, et encore avec cela, il tombe dans l’aveuglement ; il prononce un jugement rigoureux de mort contre celui qui avait ravi la brebis à son voisin pauvre et indigent, et il ne voit pas le péché digne de mort qu’il avait commis dans l’homicide d’Urie (qui était sans doute un homme de bien et d’une grande fidélité envers son roi) et dans le rapt qu’il avait fait de Bathsébah; il voulait encore paraître saint et ami de la justice et de l’équité, en faisant voir son zèle contre celui qui avait ravi cette brebis à son voisin : c’était là sans doute aggraver son péché; d’ailleurs, il procure non seulement la mort d’Urie, mais il est aussi la cause que plusieurs autres Israélites meurent dans l’action où Urie est tué ; il est la cause que le nom de Dieu est blasphémé, et outre les péchés commis contre le sixième et le septième commandement, il pèche aussi contre le premier, le dixième et le troisième; et il n’aurait pas manqué de violer aussi le cinquième commandement touchant l’honneur dû à père et à mère, s’il eût été de quelque obstacle à l’assouvissement de sa passion.
Et le péché que Dieu lui fait particulièrement reprocher, c’est celui-ci : tu as fait que les enfants de hammon ont blasphémé mon nom; car par l’échec que les enfants d’Israël eurent dans cette rencontre où Urie fut tué, les ennemis du peuple de Dieu furent enflés de leur succès, ils crièrent sans doute victoire à l’honneur de leurs faux dieux et au déshonneur du Dieu d’Israël comme d’un dieu impuissant qui ne pouvait délivrer ses adorateurs. Ainsi David est ici un éclatant exemple d’un pécheur qui a violé presque tous les commandements de Dieu, et qui pourtant n’aurait pas reconnu son péché, si Nathan ne fut venu auprès de lui, mais il voulait encore passer pour un roi juste et saint.
Ainsi le péché de David mis dans toute sa laideur est un puissante exemple notable de la grâce, aussi bien que de la nature du péché. Et il est vrai que si l’Écriture Sainte ne nous rapportait cette histoire avec toutes ses circonstances, personne n’aurait pu croire qu’un homme si saint et si favorisé de Dieu eût pu tomber dans de si énormes péchés ; c’était lui qui avait établi et bien ordonné le service de Dieu par ses soins religieux, et par le mouvement et la conduite du Saint-Esprit ; c’était lui qui avait composé pour embellir ce service tant de si beaux et si excellents hymnes spirituels ; il avait conduit les guerres de l’Éternel avec succès et bénédiction, de sorte que Dieu lui avait rendu lui-même ce témoignage, qu’il était un homme selon le cœur de l’Éternel. Et même nous n’hésiterons pas à le comparer et à l’égaler àMoïse, à Samuel, et aux plus grands hommes de l’ancienne alliance. Pourtant, voilà cet homme si grand, si saint, qui tombe, non dans un léger péché, mais dans un abîme et dans un labyrinthe de plusieurs péchés compliqués l’un dans l’autre, et ce qu’il y a de plus dangereux, c’est qu’il s’endurcit dans son péché, il tombe dans la sécurité et dans l’impénitence, de sorte que si Nathan n’était venu le réveiller, il serait sans doute tombé dans le péché contre le Saint-Esprit.
Quand donc nous voyons une telle âme favorisée, qui était remplie du Saint-Esprit, illustre par une infinité d’œuvres excellentes de piété, et par une sagesse incomparable, qui même avait le don et l’Esprit de prophétie dans une abondante mesure ; quand, dis-je, nous voyons cette âme-là tomber si honteusement, cela nous doit servir d’exemple et de leçon et nous donner cette consolation, que si nous venions à être préoccupés et surmontés de quelques péchés, ou à être affligés par le sentiment de la colère et du jugement de Dieu, nous ne désespérions pas de sa grâce qui s’étend sur les plus grands pécheurs. Car ici paraît magnifiquement la grandeur de la grâce et de la miséricorde de Dieu, qui est toujours prête à pardonner et à justifier les pauvres pécheurs pénitents et affligés, pourvu seulement que nous ne prenions pas cette grâce pour couvrir nos péchés, et pour nous flatter dans nos iniquités, mais que nous les reconnaissions et que nous les avouions sincèrement. Comme il paraît aussi dans l’histoire de Saül, qui, quoiqu’il eût péché contre le commandement exprès de Dieu, en aurait eu le pardon, s’il n’avait encore voulu défendre et légitimer son péché, et s’il n’avait dit : J’ai exécuté la parole de l’Éternel ; ce qu’il répète pour la seconde fois lorsqu’il est repris par Samuel; j’ai, dit-il, pourtant obéi à la voix de l’Éternel, et je suis allé par le chemin par lequel l’Éternel m’avait envoyé (1 Sam. ch. 15). C’est cette opiniâtreté qui fait qu’il entend de la bouche de Samuel cette triste sentence : Parce que tu as rejeté la parole de l’Éternel, aussi l’Éternel t’a-t-il rejeté afin que tu ne sois plus roi. Comme s’il eût voulu dire : Il est vrai que Dieu est toujours prêt à pardonner les péchés, mais à ceux qui les reconnaissent, et qui dans cette reconnaissance ne désespèrent pas, mais croient qu’il leur reste encore un accès auprès de ce Dieu qui a promis la rémission des péchés à ceux qui se repentiraient sérieusement de leurs péchés.
Ainsi, quoique nous établissions que ce psaume traite de tout péché en général, de sa source et de sa racine, nous n’excluons pourtant pas celui qui a donné occasion au titre de ce psaume, savoir l’adultère, et l’homicide commis sur la personne d’Urie ; car c’est dans le miroir de ces énormes péchés que David a occasion de connaître et de dépeindre toute la corruption de la nature, c’est ce qui lui donne matière et sujet de faire ces réflexions ; voilà, moi qui ai conduit si sagement le royaume de l’Éternel, qui ai établi un si bon ordre dans l’église de Dieu, de sorte que j’ai conduit ce peuple d’Israël en l’intelligence de mes mains (Psa. 78), j’ai été capable de tomber dans des crimes si honteux; et par le souvenir de ces péchés grossiers, il était conduit à la connaissance de toute la masse de la corruption qui était en lui, comme s’il eût voulu dire, si donc moi, qui étais un homme si gratifié de Dieu, suis tombé comme du ciel aux enfers, n’est-ce pas à moi et aux autres un témoignage convaincant qu’il n’y a rien de bon en ma chair et en toute ma nature corrompue?
C’est une grande science que de savoir que nous ne sommes rien que péché, afin que nous n’ayons pas des idées si froides et si relâchées sur le péché, que les docteurs du pape, qui ne tiennent pour péché que ce qu’on fait, que ce qu’on dit, que ce qu’on pense de contraire à la volonté de Dieu; mais toi, chère âme, définis ainsi le péché; dis, que le péché est toute cette masse corrompue qui est mise dans l’homme par les pères et mères avant même qu’il soit capable de rien faire, de rien dire ou de rien penser. Voilà la racine du mal, et de cette mauvaise racine, il ne saurait venir rien de bon, qui soit tenu tel devant Dieu; d’après cela, il est facile de faire la distinction du péché ; savoir, qu’il y a un péché par lequel toute la nature est corrompue et infectée et soumise à la colère de Dieu. Ensuite, il y a une autre espèce de péché que l’homme peut en quelque façon connaître ; ayant la loi qui lui indique le bien et le mal, il peut savoir que les vols, les adultères, les meurtres sont des péchés. C’est de ce dernier genre de péché que les lois politiques parlent, et contre lequel elles agissent aussi, quoique souvent d’une manière bien peu efficace.
Il est évident d’après cela que ce que disent les docteurs de l’école, que la nature de l’homme (pura naturalia) en elle-même est pure et droite, est un grand blasphème, quoique c’en soit encore un plus grand de l’assurer aussi de la nature des diables. Car si la nature était pure, qu’aurions-nous besoin de Jésus ? D’ailleurs, si l’homme de sa nature a une bonne volonté, s’il a un entendement droit d’après lequel et sur lequel la volonté peut se régler, si elle le veut, qu’aurions-nous donc perdu par la chute, et qu’est-ce que le Fils de Dieu est venu rétablir et restituer ? C’est pourtant là un sentiment que plusieurs docteurs, et de ceux qui veulent passer pour des maîtres, défendent et soutiennent que la nature et ses facultés sont dans l’intégrité et la droiture en elles-mêmes, que la volonté est bonne, quoiqu’elle pense et qu’elle embrasse quelquefois par malice, ce qui n’est pas véritablement bon et droit ; ils attribuent cette mauvaise disposition de la volonté à une malice survenante, et non à la volonté en elle-même.
C’est contre ces opinions dangereuses qu’il bien faut nous munir, afin que nous puissions conserver la doctrine de la grâce dans sa pureté ; ce qui est impossible, si nous avons ces pensées erronées sur la nature de l’homme, et que nous ignorions le déplorable état dans lequel elle est tombée, car toutes les opinions monstrueuses de ces docteurs de l’ignorance ne sont venues que de ce qu’ils n’ont pas su ce que c’est que le péché, et quel mal profond et universel c’est !
Mais nous, nous disons que toute la nature, avec toutes ses facultés est absolument corrompue. Adam, par la création, avait reçu une volonté droite et un entendement éclairé et juste dans tous ses jugements ; dans tout ce qu’il faisait, disait, voyait et entendait, il n’y avait que droiture, il s’occupait des œuvres extérieures et temporelles avec droiture et avec foi en son Créateur : mais par la chute, cette volonté droite, cet entendement droit et toutes les puissances et les facultés de sa nature ont été corrompus, de sorte que l’homme n’est plus droit, mais il a été gâté par le péché, il a perdu la justesse et la droiture de son jugement sur les choses célestes, il n’est plus capable de rien connaître, de juger de rien que d’une manière contraire à la volonté et à la loi de Dieu. Maintenant l’homme ne connaît plus Dieu, ne l’aime plus, mais le fuit, le craint, le hait, et le regarde, non comme Dieu, c’est-à-dire, comme miséricordieux et bon, mais comme un juge et un tyran.
De cette perte que l’homme a faite de la connaissance de son Dieu naissent une infinité de péchés; quand l’homme est dans la prospérité, il vit dans la sécurité et dans un repos charnel, comme font nos adversaires qui persécutent la vérité dans la confiance qu’ils ont en leur puissance, croyant après cela que Dieu est disposé à se laisser fléchir et adoucir par leurs dévotions volontaires et par les peines qu’ils se donnent.
C’est de là que sont venus les fondations des monastères, les établissements de tant de différentes règles et de tant de cérémonies, de messes, de pèlerinages, et d’autres choses insensées que la nature destituée de la lumière et de la connaissance de Dieu, s’est forgée, contre et sans la volonté et la parole de Dieu.
Ne sont-ce pas là des indices bien certains que les puissances de l’âme sont absolument corrompues et aveugles dans ce qui regarde Dieu et son service ? Comme aussi dans l’Ancien Testament, on a des preuves de cette corruption de la nature, dans les différents cultes idolâtres qu’ils se forgeaient, dans le mépris qu’ils faisaient de la parole de Dieu et des vrais prophètes, et dans beaucoup d’autres péchés que Dieu par ses prophètes condamne dans son peuple ingrat.
Nous ne pouvons pas même assurer que les forces de la nature et ses facultés soient droites dans l’administration des choses civiles ; nous voyons quel mépris on fait des lois qui prescrivent le bien, quelle dissolution dans la discipline pour le maintien de laquelle Dieu a pourtant voulu qu’il y eut des lois et des magistrats.
Un médecin se trompe souvent dans le mélange de ses drogues et de différents ingrédients, et tue quelquefois par son ignorance le malade qu’il traite ; et même tous les membres de nos corps, nos yeux, nos oreilles et les autres organes de nos sens ont contracté des défauts par le péché, et ne sont plus si parfaits, si purs, si entiers qu’ils étaient en Adam avant la chute : cette corruption de nos sens, même extérieure, est visible ; que n’est-ce donc point par rapport au spirituel ?
Nous sommes donc par le péché entièrement détournés, éloignés et ennemis de Dieu, et nous n’avons plus de lui aucun sentiment que comme d’une idole morte. Si vous considérez Cicéron et ces autres grands hommes dans les républiques, vous trouverez sans doute qu’ils ont conduit les choses et qu’ils se sont acquittés de leurs devoirs d’une manière louable ; mais si vous entrez dans leurs cœurs et dans leurs intentions, vous remarquerez qu’ils n’ont fait tout cela que par le désir de la gloire, selon cette devise commune parmi eux : le désir de la gloire est le seul beau feu qui puisse brûler une âme. N’est-ce pas là encore une triste marque du défaut de connaissance d’un Dieu, qui est le seul que nous devrions servir par pure obéissance dans notre vocation, et non pas chercher notre propre gloire. Mais tout le contraire se fait, nous ne cherchons pas la gloire de Dieu, mais la nôtre propre, non seulement dans toutes les créatures, mais en Dieu même et dans les choses divines. Tout de même, ceux qui vivaient dans une grande continence et tempérance, avaient pour but d’établir leur propre gloire et non pas de suivre la volonté de Dieu.
Ainsi, voilà notre état ; c’est que nous sommes nés dans le péché, et que nous y avons été conçus ; c’est ce que dit David et ce qu’il avait appris par son expérience ; c’est pourquoi il dépeint le péché comme une corruption de toutes les facultés et les puissances intérieures et extérieures de l’homme, de sorte qu’il n’y a pas un seul membre dans l’homme qui fasse son devoir comme avant la chute : mais étant déchus de l’union avec Dieu, notre conscience est devenue entièrement mauvaise, nous sommes tombés sous la puissance de la mort, des maladies et des misères, selon la menace que Dieu avait faite à l’homme : Dès le jour que tu mangeras du fruit défendu, tu mourras de mort.
Mais cette doctrine et cette science ne s’apprend que par la parole de Dieu; les nations privées de cette parole, quoiqu’elles aient été au milieu de toutes ces misères qui sont les fruits du péché, n’ont pourtant rien su de cela ; elles regardaient la mort comme une nécessité naturelle, et non comme une peine du péché ; de sorte que ne connaissant point la source, elles ne pouvaient pas juger de l’état de l’homme et de sa nature, ni ne savaient pas d’où venaient toutes ces misères et ces calamités.Mais c’est de cette corruption profonde de toute la nature que notre psaume traite ; il ne parle pas seulement de cet exemple du grossier péché de David, mais il renferme toute la doctrine céleste et spirituelle de la vraie connaissance de Dieu, de la connaissance de nous-mêmes et de notre nature, aussi bien que de la nature de la grâce, du péché, etc. C’est pourquoi nous devons croire que ce psaume est une doctrine générale pour tout le peuple de Dieu, depuis le commencement du monde jusques à maintenant, dans laquelle David ou plutôt le Saint-Esprit, nous instruit de la vraie connaissance de Dieu et de nous-mêmes; il étale cette double connaissance d’une manière magnifique, car 1o il nous dépeint le péché sous ses vraies couleurs ; 2o il montre ce qu’est la grâce sans laquelle le désespoir suivrait la connaissance du péché.