Fascination pour une ombre - Michelle Paganon - E-Book

Fascination pour une ombre E-Book

Michelle Paganon

0,0

Beschreibung

A la fin des années 1980, Alice. un peu désabusée, mène une existence sans surprise à Chambéry et n'attend plus grand-chose d'important dans sa vie. Mais un jour. une amie lui parle de sa fille, Carola, qui a su mener sa barque et réussit dans tous les domaines. L'image de Carola s'impose alors de plus en plus à Alice, captivée par les récits qui lui sont faits sur "La Star du Marketing". Elle rêve de lui ressembler, au point de modifier peu à peu son mode d'existence et de ressentir pour celle qui reste une inconnue une véritable fascination. Mais elle connaîtra un jour une désillusion...


À PROPOS DE L'AUTRICE

Après des études de gestion et de lettres, Michelle Paganon a eu l’occasion, au cours de sa carrière professionnelle, de vivre dans des lieux différents, comme Chambéry, où se déroule ce roman. Ainsi que le personnage principal du récit, elle a travaillé quelque temps dans une compagnie d’assurances en qualité de rédactrice, mais là s’arrête la ressemblance.
Originaire de l’Isère, elle est installée à Lyon depuis plusieurs années : elle y participe régulièrement à des Ateliers d’Ecriture, afin de rencontrer des personnes qui aiment écrire et aussi pour découvrir des styles divers. Elle apprécie également la peinture, la musique moderne, ainsi que les petits voyages qui permettent de découvrir « d’autres décors ».
L’auteur cherche à étudier le caractère de ses personnages, dans un style vivant, non dénué de fantaisie.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 145

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



 

 

FASCINATION

 

 

 

 

 

de MICHELLE PAGANON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vahé-Vahé : Définition

 

Fleur Tropicale aux couleurs bariolées. Certains ambitieux sont prêts à traverser des eaux bleues et glacées pour aller la cueillir, mais ils disparaissent bientôt dans des tourbillons, bien avant d’avoir atteint l’île où ces fleurs croissent. Elles brûlent, si par hasard on les touche. Elles donnent des maux de tête lancinants à ceux comme à celles qui prétendent les apprivoiser, voire leur ressembler en arborant leurs couleurs.

La fleur de vahé est à l’opposé du Dodo -gros oiseau stupide, dixit le dictionnaire- qui se laissa approcher de trop près voilà deux siècles et disparut à jamais de la surface de la terre. La Vahé ne se laisse pas aborder et peut même vous assassiner de son regard ou de son parfum. Ne cherchez pas à l’approcher, elle vous décevrait. Elle n’existe guère que par le récit des uns et des autres, un récit tissé de mensonges.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De quelle ville, de quelle région étais-je originaire ?

Je l’ignorais, je ne me sentais de nulle part en particulier, et cela n’avait guère d’importance. Un jour déjà lointain mon père était venu s’installer à Chambéry, un peu par hasard. Il y avait fondé une agence d’assurances sans beaucoup d’envergure, qui vivotait tant bien que mal. Il avait ensuite rencontré ma mère, entrée un jour dans l’agence pour souscrire un contrat. Ils s’étaient plu, au premier regard peut être, et avaient après leur mariage travaillé ensemble pendant quelques années. Mais l’agence périclitait, mon père n’avait guère le sens des affaires, il faut le dire, et pas davantage de disposition pour les contacts. Il aimait lire, des romans policiers ou des ouvrages consacrés à l’astronomie, univers qui lui permettait à sa façon de s’évader, rêvassait volontiers, ne savait pas bricoler et laissait le plus souvent ma mère conduire la voiture, une Simca d’occasion.

 

Nous étions repartis un jour, mon père ayant réussi en travaillant le soir après dîner avec une certaine persévérance un concours de bibliothécaire municipal. Il fut nommé à Bourges, ce qui tombait bien car il avait un peu de famille dans les environs. Ainsi mon oncle Blaise et ma tante Lise chez qui j’allais parfois me ressourcer ne vivaient pas loin, à Montargis. Mon père avait gardé tout de même quelques contacts à Chambéry, notamment avec le responsable d’une société d’assurances assez importante, qui venait de se créer et s’appelait La Luciole : c’est là que je fis un beau matin mes débuts professionnels, sans savoir ce qui m’attendrait plus tard. Je m’installai donc à nouveau à Chambéry, plusieurs années après notre départ, seule cette fois. Aussi, par le simple fait d’avoir quitté ma famille afin de gagner ma vie, je me sentais une sorte d’aventurière et je n’étais pas peu fière de ce statut.

Il est vrai qu’il n’était pas très difficile à l’époque de trouver un travail dans un bureau, mais le salaire n’était pas mirobolant. Je vivotais un peu, il faut dire, avant de rencontrer Gérald.

J’aimais alors me promener dans les villes environnantes, des villes de préférence situées au bord d’un lac, comme Annecy, Aix Les Bains ou encore Nantua, lieux que j’avais découverts et appréciés au fil de mes pérégrinations. J’étais une fille des lacs, me dit un jour Gérald, une fille qui aime s’aventurer sur ses rives et contempler les roseaux. Ou encore qui se promène, en Eté, lorsque le soir commence à tomber, le long d’un canal devenu sombre, dans un relent douteux d’eau dormante. Des façades de maisons anciennes s’y reflètent, et sur de petits balcons où sèche du linge des familles se reposent, discutant paisiblement et regardant l’eau s’écouler.

Lorsque nous vivions ensemble, Gérald et moi, et que le temps le permettait, nous louions une barque, le dimanche matin, petite embarcation de bois, fragile esquif qui ne nous menait jamais bien loin, sinon par le jeu de l’imagination. Des cygnes s’approchaient, parfois nous menaçaient, alors nous leur lancions des morceaux de pain que nous avions apportés. Ils fouillaient vivement l’eau, y plongeant un long cou tortueux, s’emparaient du pain devenu spongieux puis s’en allaient plus loin, déjà oublieux, même pas reconnaissants. Un condensé de la nature humaine, en somme.

Nous allions parfois déguster une friture, le Dimanche, choisissant un des petits restaurants situé sur les hauteurs surplombant le lac. Nous nous aventurions ensuite sur des chemins en pente qui menaient à une petite plage, nous risquions dans l’eau, puis étendus sur l’herbe, nous percevions les rayons du soleil qui passaient au travers des branches des hauts arbres et s’en venaient nous réchauffer.

Telle fut ma vie, au début, pas si désagréable en apparence. Mais les jours revenaient, se suivaient, et j’attendais je ne savais quoi, pas vraiment satisfaite de mon mode d’existence, sans avoir pourtant lieu de m’en plaindre.

D’autres fois, le samedi, nous sortions avec un couple d’amis, nous allions dans un dancing, écoutions les derniers airs à la mode et dansions, il me semblait que la plupart des gens de notre âge menaient à peu de détails près un genre de vie identique.

Travail et sorties, distractions et promenades. Projets de voyage, rêve d’une voiture neuve…Invitations à un mariage, mais parfois annonce d’une séparation, nouvelle qui nous laissait pantois.

Ainsi s’écoulèrent plusieurs années de ma vie, et un jour, songeuse et nostalgique, alors que dorénavant je vivais seule dans mon petit appartement, étendue sur mon lit, je fis une sorte de bilan de ma vie. Je tenais aussi à réfléchir, à faire le point sur ce que je considérais, à tort ou à raison, comme un événement, survenu quelques années plus tôt et qui devait avoir pour moi plus d’importance que prévu.

J’allais avoir trente six ans, en effet, et l’approche de cet âge important à mes yeux car semblant marquer une étape, par avance m’impressionnait. Il me semblait souvent paraître trop sérieuse et mure, dans mon esprit comme dans mon apparence, manquant de la légèreté, de la superficialité que l’on attribue à la jeunesse. Bientôt, comme si l’étape franchie dans le temps m’en conférait désormais le droit, je pourrais enfin ressembler à ce qu’à tort ou à raison j’estimais être : une personne tranquille, sans ambition véritable ni projets dignes de ce nom, résignée à une existence un peu terne, sans surprise ni anicroche d’aucune sorte, et par là même rassurante.

Après tout les jours se suivaient, sans rien m’apporter d’exceptionnel. Je me sentais trop dépourvue d’enthousiasme déjà pour chercher à imprimer un cours différent à mon quotidien, modifier des habitudes, entreprendre par exemple un voyage lointain, sans armes ni bagages ou presque, et voir ainsi ce que je vaudrais réellement, parvenue à l’autre bout du monde, forcément désorientée, démunie, privée de mes repères habituels. Mais rien de tel ne se produirait, je le savais, le quotidien où j’évoluais avec un mélange de nonchalance et de prudence me suffisait. Il apportait, selon les jours, sa dose d’aléas et de surprises agréables, et je me laissais comme engourdir par ce mode de vie, me disant que je n’étais pas la seule dans ce cas. Pourtant mon existence serait, sans que je m’en doute encore, bientôt modifiée, et d’une façon que je n’aurais su imaginer…

Me flattant d’apparaître dans la vie courante d’une humeur égale, sans tourments apparents, ni satisfactions véritables, j’avais décidé de prendre dorénavant les choses comme elles se présentaient, et j’ avais estimé que je n’attendais plus rien de particulier, ce qui au moins ne m’apporterait pas de déceptions.

Pourtant, j’éprouvais souvent une sourde insatisfaction, une crainte que plus rien ne survienne d’intéressant pour moi.

J’estimais avoir complètement raté ma vie de couple, en faisant dix ans auparavant une rencontre qui ne s’avéra pas celle que j’avais espérée.

Je revoyais parfois le jour de mon mariage comme une image floue et sans grand intérêt. La cérémonie avait était réussie, pourtant. Après avoir longtemps hésité entre un ensemble fuchsia assorti d’un vaste chapeau noir, tenue qui m’apparaissait le comble de l’audace pour un si grand jour, j’avais finalement opté, comme prise d’une lubie, pour une classique robe blanche.

Virevolter dans des flots de satin blanc, tenir un bouquet de fleurs fragiles à la main pour le lancer alentour afin qu’une des invitées puisse l’attraper au vol, se laisser entraîner dans des danses tour à tour rapides ou lentes, admirer la pièce montée, marcher par mégarde sur ma traîne, tant de choses diverses en une seule après-midi.

La journée en fait fut une sorte de mauvais rêve et ne ressembla en rien à l’idée que je m’en étais faite.

La veille de la cérémonie, je dormis mal et me réveillai en proie à un violent mal de tête. Je pris deux aspirines qui me donnèrent la nausée et l’air contrarié. Oppressée, loin de ressentir le sentiment aérien d’euphorie que l’on prête par avance aux jeunes mariées, il me tardait d’être au soir et d’en avoir fini. Mais la journée se termina tôt, finalement. Des enfants couraient partout en piaillant dans la salle du restaurant et il était impossible de leur suggérer d’aller jouer dans le petit parc, car une pluie tombant depuis le matin semblait prendre un malin plaisir à contredire les prédictions très optimistes du bulletin météo de la veille. Je voyais des gens se resservir de tous les plats apportés sur la table, sans paraître las de se repaître, à la fois pour se consoler du mauvais temps et profiter d’un déjeuner gratuit. Des dames commençaient à parler de leur prochain régime, tout en dégrafant la ceinture de leur jupe de velours noir ou de satin vieux rose. Les hommes s’adossaient sur leur chaise, heureux d’être là, de ce jour de fête qui les libérait de leurs soucis habituels. De temps à autre, des silhouettes se rapprochaient, des chuchotements plus ou moins discrets échangés entre certains des convives -la parentèle de Gérard, surtout- me faisaient comprendre que l’on parlait de l’avenir de notre couple, de ce que nous allions devenir, et si nous étions vraiment faits l’un pour l’autre. Des questions de ce genre, des riens, de menus propos sans grand intérêt qui s’envolaient dans l’atmosphère de la salle du restaurant comme de ternes papillons gris.            

On apporta la pièce montée, au centre de la table. Il y eut des applaudissements, les enfants reprirent place. Chacun reçut une belle portion du mythique dessert, dont comme il convient j’avais découpé la première part, plutôt maladroitement. Du champagne fut servi, les conversations se poursuivirent, de plus en plus alanguies. Un air de musique se perdait dans la pièce. Puis peu à peu les invités commencèrent à se lever, et disparurent à mes yeux, la plupart pour toujours.

Des paquets, des cadeaux, non encore déballés, étaient amoncelés dans un angle de la vaste salle, comme autant de lots de consolation.

J’avais rencontré Gérald à un cours du soir, un cours plutôt austère et assommant de comptabilité. Il travaillait dans une banque et souhaitait améliorer sa situation, ce qui m’avait paru de bon augure. Un homme sérieux, qui ne prenait pas l’avenir à la légère. C’était devenu un spécimen rare, surtout dans les dancings que je fréquentais, à l’occasion, à cette période de ma vie.

Quatre années de mariage, seulement, de l’ennui, beaucoup d’ennui, et Gérald, qui semblait s’ennuyer autant que moi, prenant un beau matin ses cliques et ses claques, pour partir, même pas avec une autre, mais dans une autre ville, pour voir autre chose, rencontrer d’autres gens, changer d’existence.

Un désir d’ailleurs, en somme. Je le comprenais tout à fait. J’avais le même souhait, mais moins aventureuse, je restais accrochée à mon quotidien, à mon cadre de vie.

J’avais quitté l’appartement que nous avions occupé en commun pendant ces brèves années, et ne pouvant rester dans ce lieu devenu pour moi trop vaste et trop coûteux, et surtout symbole d’une existence déjà gâchée, je fixai mon choix sur un quartier verdoyant de Chambéry, situé sur une hauteur, un peu en dehors de la ville. Depuis six ans, je demeurais donc Rue des Platanes. La plupart des rues alentour portait des noms d’arbres, comme pour apporter un peu de fraîcheur, de fantaisie à un lieu où se mêlaient de petits immeubles de trois ou quatre étages –tel celui où je vivais-, des maisonnettes au toit en pente, avec sur le devant un petit jardin bien entretenu et protégé par une clôture de fer plus ou moins ouvragé et surtout des immeubles plus hauts, une tour évoquant un nougat géant surplombant la colline. J’avais pu récupérer la plus grande partie du mobilier.

Gérald ayant quitté la ville dans un état d’esprit de vagabond n’avait guère emporté que des affaires très personnelles.

Musique, livres, deux ou trois beaux objets de décoration. Et, tout de même, une photographie nous représentant tous deux, côte à côte, l’air très unis et vraiment heureux de s’être rencontrés.

Je vendis ou donnai quelques uns des meubles, confortables et solides, et j’aménageai mon appartement de façon agréable.

Malgré le vide, j’aimais le soir tourner la clé dans la serrure, rentrer chez moi, reprendre possession des lieux.

 

Je m’installai dans ma nouvelle existence, qui ressemblait plus ou moins à ce que j’avais connu avant mon mariage. Je sortais parfois avec deux ou trois amies que j’avais un peu perdues de vue, j’allais voir des films, je faisais les magasins, ou, prise comme Gérald d’un goût d’aventure certes moins prononcé je prenais le train, choisissais au hasard une destination, rarement lointaine. Je me disais qu’en me déplaçant vers d’autres lieux, quelque chose de vraiment intéressant finirait par m’arriver.

 

Afin de rompre avec la monotonie de la semaine que j’estimais voulue, je continuais à aller m’aventurer, le dimanche, dans les rues blanches et un peu hors du temps d’Aix les Bains, ou sur les rives verdoyantes du Lac d’Annecy.

Sur les eaux lisses du lac, des cygnes d’un blanc crémeux continuaient à se pavaner, se laissant glisser sans effort dans le parfum un peu fade des feuilles flétries qui flottait aux alentours.

Le calme se reflétait dans ces eaux comme si aucun tourment ou tragédie quelconque ne pourrait jamais y laisser son empreinte. Les branches des arbres, en arceaux, s’épandaient au dessus du canal, formant une voûte. Leur ombre diluait les couleurs de l’eau. Au loin s’éloignaient des bateaux, partis pour un semblant d’aventure.

Mais lorsque je regagnais mon appartement, le soir, je devais bien reconnaître que rien n’avait changé. Je rapportais simplement une impression de tournis de mes pérégrinations et la nuit je rêvais que je voyageais dans un train vide, où j’étais la seule voyageuse, un train qui roulait très lentement, ne s’arrêtait jamais et ne conduisait nulle part.

Parfois, je me contemplais devant la glace, évaluant mon physique. De taille moyenne, pas vraiment mince sans être enrobée. Je portais les cheveux mi longs et lisses, d’un châtain soutenu. J’avais le teint légèrement hâlé et des yeux gris. Vêtue avec davantage de recherche, et de moyens, j’aurais pu paraître élégante, ou sportive, selon le choix de mes vêtements. Mais je m’habillais de façon plutôt classique, car je n’aimais pas me faire remarquer. Mon style me vieillissait sans nul doute, et mon apparence sobre n’attirait guère d’éventuels prétendants.

 

La seule rencontre que je fis, quelques années après mon installation rue des Platanes, fut celle d’une autre habitante du quartier, Monika Bertaud.

C’était un samedi matin, dans le petit centre commercial du coin. Prosaïque rencontre, devant un étal de légumes, mais qui allait être, à mes yeux du moins, déterminante. Car un observateur passant par là et informé de ce qui allait se produire aurait haussé les épaules, trouvant tout cela bien banal…

Monika Bertaud et moi nous étions déjà croisées, vaguement saluées au détour d’une rue, mais ne nous connaissions pas.

Ce jour là, nous retrouvant par hasard, attendant notre tour, nous engageâmes une conversation des plus banales, puis nos paniers au bras, une fois nos courses faites, nous fîmes quelques pas ensemble.

Arrivée au pied de son immeuble –Mme Bertaud habitait rue des Tilleuls et semblait tirer de cette adresse une certaine fierté- ma voisine de quartier me convia à venir prendre un verre pour bavarder et faire, selon la classique formule, plus ample connaissance.

J’acceptai volontiers, n’ayant rien prévu de particulier ce matin-là.

 

Mme Bertaud était une femme assez grande, l’air avenant. Ses cheveux d’un blond foncé étaient toujours apprêtés, comme si elle sortait de chez le coiffeur. Elle s’habillait avec une certaine recherche, portait généralement, je le découvrirais au cours de mes visites, des vêtements de coupe classique, comme les miennes, mais de meilleure qualité. Certaines de ses tenues imitaient assez bien des modèles de haute couture, et tout en bavardant, il lui arrivait, saisissant d’un geste déterminé un flacon de verre posé sur la table basse devant nous, de s’asperger d’un parfum ou d’une eau de toilette de bonne marque, comme pour se donner une once d’élégance supplémentaire

 

Sans doute disposait-elle de davantage de moyens, en temps et en argent, pour faire les magasins, et se vêtir de façon à mettre en valeur sa silhouette. Elle marchait vite, à grands pas, et cela lui donnait l’air d’une personne dynamique, sportive même, ce qu’en réalité elle n’était pas du tout.