Fight For Me - Tome 2 - Brenda C.M. - E-Book

Fight For Me - Tome 2 E-Book

Brenda C.M.

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Beschreibung

Après plusieurs années à se haïr, ils se retrouvent à vivre ensemble.

Après son exclusion de sa sororité, Evy squatte chez des amis en attendant de trouver un logement. Mais, en plein milieu d’année, tous les logements étudiants sont pris. L’agence immobilière lui trouve la solution parfaite : prendre une colocation. Evy était séduite par l’idée jusqu’à ce que le coloc proposé soit Trez, le fils de l’ancienne compagne de son père, à qui elle n’adresse plus la parole depuis quelques années. Depuis, ils s’ignorent sur le campus. Mais depuis qu’ils vivent ensemble, il semble trouver un malin plaisir à être sur son dos constamment et à contrôler ses fréquentations...

Avec ce deuxième tome, Brenda C.M. resigne pour un récit fort et poignant. Par sa plume addictive, elle traite à nouveau de sujets durs avec réalisme et sensibilité.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Une lecture que j'ai littéralement adoré et dévoré. La plume de l'auteure est fluide, addictive et captivante." @mes_petites_lectures_a_moi
"Une lecture dure et très touchante. Avec des thèmes très compliqués à aborder, mais l’autrice a su trouver les bons mots pour aborder le tout avec réalité et simplicité." @kimietsespages
"Coup de coeur garanti ! J’adore sa plume, j’adore cette histoire." @helene_teller

À PROPOS DE L'AUTEURE

Depuis l'adolescence, Brenda C.M est passionnée par l'écriture. Entre son travail, son fiancé, sa famille et ses amis, elle garde toujours du temps pour développer ses personnages et créer des histoires passionnelles,

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Note de l’auteure

Ce tome traite de sujets sensibles, il met en scène des jeunes adultes en présence de sexe, de drogues et d’alcool. Ceci est une fiction, notez bien que je n’approuve pas tout le temps le comportement de mes personnages… Des fois, ils ne me facilitent pas les choses, mais ça rend leurs histoires plus profondes.

N’oubliez pas que cette jeunesse américaine sort de mon imagination !

Prologue

Quand Maman est morte, j’ai su que Papa referait sa vie rapidement.

Il n’est pas très sociable, mais il ne supporte pas la solitude. Tous les matins, il contemplait la rue calme et je l’entendais soupirer : « Encore une journée sans toi, amour de ma vie ». Je savais qu’il ne resterait pas célibataire. Même Maman le savait. Donc quand il m’a dit qu’il avait rencontré une femme charmante que j’allais adorer, j’ai fait l’effort de ne pas éclater en sanglots devant lui. Pour moi, Maman est irremplaçable, et au fond de moi, je suis persuadée qu’elle l’est également pour mon père, mais voilà, il y a des choses que je ne peux pas lui apporter, donc je suis forte et j’accepte la fatalité.

Une femme va emménager à la maison.

Une femme va dormir dans le lit de ma mère.

Avec mon père.

Pour la fille de seize ans que je suis, c’est juste super dégueulasse.

— Tout va bien, Evy chérie, n’est-ce pas ?

Je ne sais pas lequel de nous deux mon père veut rassurer, mais j’acquiesce avec un sourire qui se veut réconfortant. Il m’embrasse le front et ouvre la porte d’entrée au moment où une Jeep noire brillante entre dans notre allée. Je reste en retrait, je ne suis pas spécialement avide d’attention. Je suis plutôt du genre à me cacher dans ma chambre, mon PC sur les genoux et des écouteurs dans les oreilles.

— Approche, me dit mon père. J’ai besoin de toi.

— On dirait que tu ne l’as jamais rencontrée, pouffé-je.

— C’est aussi l’effet que ça me fait, marmonne-t-il.

J’attrape sa grande main rugueuse et embrasse ses jointures.

— Tu es prêt papa, assuré-je avec ma voix d’adulte. Nous le sommes tous les deux.

— Je ne la trahis pas, chuchote Papa quand la portière du conducteur s’ouvre.

— Non, confirmé-je, tu embellis sa mémoire en vivant pour toi.

— Et pour toi.

J’aurais aimé lui répondre, mais je ne partage pas son avis. Si vraiment, il pensait à moi, il ne m’aurait pas imposé cette figure féminine ; je n’en ai aucun besoin. Maman est décédée deux ans auparavant, sept cent trente jours que je me bats pour maintenir ce bout de famille que nous sommes, Papa et moi. J’ai sûrement pris cinq ans de maturité d’un coup, et c’est ce dont Papa avait besoin.

Nous nous appuyons l’un sur l’autre, comme à cet instant.

— Bonjour, Laurent, chantonne une jolie voix.

— Solène, salue mon père à son tour.

Ils se regardent avec un sourire, gênés par ma présence. Je voudrais leur faciliter la tâche, mais c’est la première fois que je vois cette femme et elle arrive avec une voiture chargée de cartons.

Excusez-moi, si je ne suis pas emballé à cent pour cent par le projet.

— Enchantée, dis-je finalement en tendant ma main, je suis Evy.

Solène, la copine de mon père – et remplaçante intérimaire de ma mère jusqu’à ce que mes parents se retrouvent au paradis –, me sourit gentiment et me serre contre elle. Son parfum épicé me chatouille les narines, malgré ses hauts talons, elle reste petite et je la dépasse de quelques centimètres. Son élégance n’est plus à prouver et ses yeux bleus pétillent de malice.

— Je suis tellement heureuse de te rencontrer ! Ton père m’a beaucoup parlé de toi.

Quelle chance, j’ai appris ton existence il y a deux semaines.

Évidemment, je ne me montre pas grossière et lui souris simplement en commençant à tourner les talons pour me réfugier dans ma chambre.

— Trez ! Descends de cette voiture.

Une portière claque, des pas lents font craquer le gravier et ma curiosité est beaucoup trop titillée pour que je puisse y échapper. Je me retourne au moment où le fameux Trez monte les marches du perron. Sa carrure est la première chose que je remarque. Ses bras sont aussi gros que mes cuisses – et je suis une adepte du nutella à toute heure de la journée – et ses jambes sont interminables. Je termine mon inspection par son visage carré où domine un début de barbe brune, ses cheveux bouclés vrillent de tous les côtés et quelques mèches cachent l’un de ses yeux bleus. Aussi profond que sa mère, ses pupilles ne me quittent plus depuis qu’il est en face de moi.

— Bonjour, dit-il simplement en tendant sa main à mon père.

— Content de te revoir, Trez.

Ah, d’accord, tout le monde se connaît sauf moi.

— Ma fille, Evy, balance Papa en me souriant. Vous allez être dans le même lycée à partir de demain.

Le couple entre dans la maison, sans faire attention à nous. Le vide que je ressens en voyant mon père entrer dans la maison avec une autre femme que Maman est bouleversant.

— Tu t’y habitueras, me dit Trez dans un chuchotement.

— Quoi ?

— Voir ton père avec quelqu’un d’autre, m’explique-t-il en enfonçant ses mains dans son sweat. Après, tu n’en auras plus rien à foutre.

— Ça m’étonnerait, marmonné-je mauvaise.

Trez m’observe en silence, il m’inspecte de haut en bas avec un sourire narquois sur les lèvres.

— Tu es une miss je-sais-tout ?

— N’importe quoi, grogné-je en entrant dans ma maison.

Notre maison.

— Je suis sûr que tu es une miss je-sais-tout mieux que tout le monde, s’esclaffe-t-il dans mon dos.

— Et toi, un sportif sans cervelle, répliqué-je.

— Qui a dit que j’étais sportif ?

Son sourcil brun se relève et accentue son regard azur.

— Ton…

Je balaie ma main vers son corps, impossible de décrire son physique sans baver.

— Mon corps ? Mon charme ? demande-t-il en s’approchant dangereusement. Mon sex-appeal ?

Je me tourne vers lui doucement. Sa posture pourrait m’intimider si je ne me trouvais pas sur mon propre territoire.

— Attends, t’es sérieux là ? m’esclaffé-je. Tu es vraiment en train de draguer ta sœur par alliance ?

Trez fronce les sourcils, très certainement peu habitué à être recalé par une fille.

— Je suis fils unique, et ça restera comme ça. Même si ma mère est amoureuse de ton père, toi et moi n’avons rien en commun. Tu n’es pas ma sœur, tu ne le seras jamais.

— Jamais, confirmé-je. Nous sommes d’accord là-dessus.

Je monte quelques marches de l’escalier avant de jeter un dernier coup d’œil dans sa direction.

— Bienvenue chez moi, Trez Williams.

Chapitre 1

Evy

Je suis réveillée par les premières lueurs du jour qui filtrent à travers les rideaux que j’ai oublié de tirer la veille. Tout en me relevant difficilement, je lève les bras au ciel pour faire craquer mon dos et ma nuque.

Ce canapé est une horreur, mais c’est ma seule issue pour le moment.

Un coup d’œil sur mon téléphone m’indique qu’il n’est que sept heures trente du matin. Je sors difficilement du canapé, ouvre les rideaux en grand et observe la rue commerçante encore silencieuse. Boston est une ville bruyante, à l’image des plus grandes métropoles des États-Unis, mais je ne quitterai pas le Massachusetts pour autant. Dehors, le soleil peine à filtrer la brume hivernale et certains passants se cachent derrière leur grosse écharpe pour échapper aux températures négatives. Février s’annonce encore plus froid que janvier, peut-être même que la neige fera son apparition prochainement.

— Du café ?

Je sursaute en me tournant vers Tom qui débarque de sa chambre, un t-shirt Marvel sur le dos et son sourire joueur scotché sur le visage. Il est ravi de m’avoir surprise, alors je lui tire la langue.

— Un thé, merci.

— Tout va bien ? me demande-t-il en s’activant derrière la cuisine.

Je range la couverture correctement, replace les coussins sur le canapé et fourre mes vêtements de la veille dans mon gros sac de sport à l’entrée. L’appartement de Luna et Tom n’est pas immense, deux chambres aussi petites qu’un placard, un salon qui se mélange à la cuisine et une table basse qui fait office de table à manger la plupart du temps.

Malgré le peu de place dont ils disposent, ils acceptent de m’héberger juste le temps que je reprenne mes marques.

— Très bien, lui souris-je un peu bancal.

— Tu as bien dormi ?

— Comme un bébé.

Il sait que c’est faux, mais il ne fait aucun commentaire. J’aime la discrétion de Tom, il ne s’épanche jamais sur ce qui ne le regarde pas et il m’accepte dans son appartement sans poser de question. La première nuit où je suis arrivée, il m’a proposé sa chambre, mais j’ai refusé. Déjà que je m’impose, je ne veux pas en rajouter.

— J’ai rendez-vous dans une agence immobilière ce matin, lui expliqué-je.

— Tu sais que tu peux rester autant que tu veux, me dit-il en haussant les épaules.

— Ça fait déjà trop longtemps que je suis là.

— L’agence immobilière va te prendre la totalité d’un loyer juste pour la signature de bail, soupire Tom. Ton entretien avec le doyen n’a rien donné ?

Malheureusement, il est trop tard pour récupérer les clefs d’une chambre alors que nous sommes en plein milieu de l’année. La liste d’attente est aussi grande que mon désespoir, et même s’il semblait réellement peiné pour moi, le doyen n’a rien pu faire pour me trouver un logement convenable.

— Nada, répliqué-je en attrapant un cookie.

— Si ça peut te rassurer, tu n’es pas la seule à chercher un logement en février, plaisante Tom.

Je n’ai pas le temps de lui demander plus de détails, Luna arrive dans le salon et attire notre attention avec son grand sourire. Nous sommes affreusement opposées, mais nous nous aimons comme des sœurs. Ses cheveux blonds sont attachés en longue queue de cheval derrière sa tête, son pyjama est un ensemble en soie noire qui contraste avec sa peau laiteuse.

Luna Spencer est toujours sublime, peu importe l’heure de la journée.

Tom ne la quitte pas des yeux derrière son mug de café, et je cache mon sourire moqueur en buvant une gorgée de mon thé bouillant.

— J’ai une super nouvelle ! s’exclame la blonde après nous avoir embrassé sur la joue chacun à notre tour.

— Tu as gagné au loto et tu vas m’acheter une maison ? proposé-je.

— Tu as gagné au loto et je vais pouvoir vivre à tes crochets ? surenchérit Tom.

Luna lève les yeux au ciel, en nous traitant d’imbéciles et pointe son téléphone vers moi.

— Tu as deux heures pour te préparer et nous allons voir une amie de ma mère qui tient une agence immobilière dans le centre. Elle a peut-être un appartement à te faire visiter.

— Quoi ?

Luna hoche la tête plusieurs fois pour me faire comprendre que je n’ai pas rêvé ; c’est la fin de mon calvaire. Je saute vers elle pour encercler son corps.

— Tu es définitivement ma sauveuse.

— C’est ça, pouffe-t-elle. Va à la douche, tu pues.

— C’est ce canapé qui pue, répliqué-je.

— Eh, s’indigne Tom, ce canapé est vintage !

— Évidemment, répondis-je en même temps que Luna.

Je laisse les deux colocataires dans le salon pour m’empresser d’entrer dans la salle de bain. Aussi petite que le reste de l’appartement, il y a tout juste assez de place pour ma masse graisseuse. Seulement équipée d’un meuble, d’un miroir, d’un lavabo et d’une cabine de couche ridicule, cette salle d’eau est plus fonctionnelle que design.

Aujourd’hui, je ne m’en plains pas, j’aurais pu prendre ma douche dans les toilettes publiques.

J’ouvre le robinet au maximum pour faire couler l’eau chaude, j’enlève précipitamment mes vêtements et attache mes cheveux sur le haut de mon crâne. Dès que les premières gouttes brûlantes touchent ma peau, je fonds sous le jet et laisse mes muscles se détendre après une énième nuit compliquée.

Ça fait deux mois que je suis à la recherche d’un appartement, et je ne pensais pas que le marché de l’immobilier était aussi saturé à Boston. Je n’ai pas un budget exorbitant et ça, tous les agents immobiliers ont bien pris le temps de me le faire comprendre.

Je suis étudiante à l’université de Boston, j’étudie la littérature sans réellement savoir dans quoi je me lancerai plus tard. Il me reste encore deux ans, et normalement, ma bourse était supposée prendre en charge tous les frais de scolarité. Sauf qu’après une année catastrophique, le conseil d’administration a jugé bon de baisser ma bourse pour ne plus prendre en charge mon logement.

Comprenez que mes déboires au sein d’une sororité ne sont pas restés secrets.

La salle commune des Red Rose est toujours en réparation depuis des mois.

J’ai intégré cette sororité dès mon arrivée à l’université ; malgré les réticences de Luna, j’étais très excitée de faire partie d’une famille d’étudiants. Ceux qui disent que les années lycée sont les plus inoubliables ne sont jamais allés à la fac. Il existe une vraie ambiance ici, on ne se sent jamais seul, c’est toujours en effervescence et on se comprend tous plus ou moins.

Les soirées, les réveils compliqués, les heures de cours interminables.

Ouais, on est tous en symbiose.

Je n’ai pas de passé difficile ni de problèmes familiaux. Ma mère est décédée quand j’avais quatorze ans, un cancer aussi long que douloureux, mais je suis en paix avec ça, nous avons fait notre possible et elle est mieux là où elle est plutôt que de souffrir le martyre dans son lit.

Mon père est génial, je ne peux rien lui reprocher et je suis son plus grand trésor.

Non, décidément, tout va bien côté passif, mais en ce qui concerne le présent…

Mes sales habitudes ont débarqué en même temps que mes valises à l’université de Boston et mon entrée dans la sororité n’a rien arrangé. Alcool, drogues, fumettes… Tout est passé dans mon corps, et les cours sont rapidement devenus un détail insignifiant de mon quotidien.

Mon renvoi définitif des Red Roses a été un électrochoc et j’essaie de remonter la pente du mieux que je peux.

Mes sœurs des Red Roses ne se sont pas gênées pour mettre mes affaires sur la pelouse dans des sacs poubelles, elles ont même gardé l’une des mes parkas que j’avais payées une blinde.

J’aurais mieux fait de rester fille unique.

Luna me sort de mes pensées en tapant sur la porte en bois, je me dépêche d’enfiler des vêtements propres et sors de la salle de bain en libérant mes cheveux. Je passe rapidement une crème sur mon visage, cache mes cernes creusés sous une couche de correcteur et applique un rouge à lèvre pour essayer d’apporter un peu d’éclat à mon visage.

C’est de plus en plus difficile de faire semblant de ne pas être en manque.

Une fois que Luna est prête à son tour, nous partons de l’appartement en balançant mon sac de fringues dans le coffre de sa Coccinelle. Je refuse de laisser mes affaires, pas que je n’ai pas confiance en Tom, mais surtout parce que j’espère un miracle qui me ferait passer la nuit loin de chez ma meilleure amie. Quelques soirs par semaine, j’arrive à trouver une chambre d’hôtel, mais c’est compliqué de trouver un établissement décent disponible, surtout pendant la période de Noël. Maintenant que février pointe le bout de son nez, j’espère avoir un peu plus de chance.

— Ton sac peut rester dans ma chambre, gronde Luna en passant la première vitesse.

— Je dors à l’hôtel ce soir.

— Tu dis ça tous les jours, pouffe-t-elle.

— Je suis sérieuse, marmonné-je. Tu en fais assez pour moi. C’est de ma faute si je suis à la rue, donc je dois me débrouiller toute seule.

— N’importe quoi. Je suis ton amie, donc je t’aide. C’est aussi simple que ça.

— Peut-être que je devrais appeler mon père ? commencé-je à paniquer.

— Et l’inquiéter encore plus ? Il ne sait même pas que tu as rompu avec Ashton… Déjà qu’il était réticent à te laisser vivre avec un garçon. Ce n’est pas une bonne idée, nous allons trouver une solution.

Après mon exclusion du campus, j’ai installé mes pauvres affaires chez Ashton, mon petit-ami depuis quelques mois. Je n’avais pas l’intention d’investir les lieux, je cherchais juste un toit pour pouvoir dormir tranquille, mais après de longues disputes, des mains baladeuses qui n’avaient rien à faire sur mon corps et un ultimatum digne du Moyen-âge, j’ai pris mon sac de sport et j’ai claqué la porte de son horrible appartement. En cherchant une chambre d’hôtel dans le centre, je suis tombée sur Tom qui rentrait des courses et mon visage larmoyant lui a fait tellement pitié qu’il m’a accueilli les bras ouverts chez lui et Luna.

— Je t’avais dit que c’était une mauvaise idée, me dit Luna. Ashton est un abruti.

— Je n’avais que ça comme solution de secours.

— Non, tu m’as moi.

Luna est arrivée dans ma vie à la rentrée de ma terminale, elle était au conservatoire de danse près de chez moi et nous sommes tombées l’une sur l’autre, littéralement. Je ne regardais pas où je marchais et elle s’entraînait à faire des pirouettes devant la fontaine du parc public. J’ai pris son pied en plein visage, elle s’est excusée vingt fois et m’a offert un sachet de carottes surgelées dans son appartement. Nous avons fini la soirée autour d’une série Netflix à nous plaindre de garçons et de fonds de teint trop foncés pour notre peau.

— Ma sauveuse, soupiré-je avec un sourire.

Elle me lance un clin d’œil et monte le son de la radio.

C’est en hurlant les paroles de Zoé Wees que nous arrivons près de l’agence immobilière, trente minutes plus tard. Un peu reculé du centre-ville, le bâtiment entièrement vitré est recouvert d’annonces d’appartement et de maison. En sortant de la voiture, je ne peux pas m’empêcher de jeter un coup d’œil sur les prix et mon moral descend rapidement.

C’est hors de prix.

Hors de mes prix.

— Tu es sûre que nous sommes à la bonne adresse ? demandé-je en ricanant. Si je veux un appartement ici, je dois aller vendre un poumon au coin de la rue.

— Entrons, rit Luna.

Sauf que je suis sérieuse, ce n’est clairement pas pour moi.

À l’intérieur, deux tables basses accompagnées de leurs gros fauteuils en cuir sont installées de part et d’autre de la pièce créant une ambiance cosy et chaleureuse. Un fond de musique domine la pièce, deux femmes discutent en silence autour d’un café et se tournent vers nous dès que nous entrons.

— Luna, s’exclame une petite blonde très élégante, comme tu as grandi !

— Bonjour, Sylvia. Je te présente Evy, ma meilleure amie.

— Enchantée, sourit l’agent. Installez-vous, j’arrive tout de suite.

Nous saluons sa collègue avec un sourire et nous prenons place sur les fauteuils. Je m’enfonce dedans, un peu pour me cacher puisque je vais clairement lui faire perdre son temps avec le peu de revenus que j’ai.

— Arrête de manger tes ongles, souffle Luna dans ma direction.

Je ne m’en suis pas rendu compte. J’esquisse un petit sourire gêné et me redresse quand Sylvia revient vers nous avec un dossier épais.

— J’ai fait le tri dans ce que j’avais à te proposer, me dit-elle. J’ai cru comprendre que c’était une année difficile pour toi et j’ai fait au mieux pour trouver quelque chose qui pourrait convenir à tes besoins.

— Et à mon compte en banque ? essayé-je de plaisanter.

À côté de moi, Luna lève les yeux et ignore ma remarque alors que Sylvia me sourit gentiment.

— Ne te fie pas aux annonces sur internet ou sur ma vitrine, j’ai quelques appartements qui sont confortables, géographiquement et financièrement.

Pendant une heure, nous feuilletons son dossier avec un nombre incalculable d’appartements qui n’attendent que des locataires. Certains sont encore trop chers, mais je réussis à en sélectionner quelques-uns pour les étudier au mieux. Chaque critère à prendre en compte me permet de faire le tri plus facilement. Il ne faut pas que ce soit un appartement trop loin d’université car je n’ai pas le permis de conduire, il faut une rue assez vivante pour me sentir en sécurité et le prix doit entrer dans mon budget sans que je me sente obligée de faire payer mes services à la fin du mois pour avoir à manger dans mon réfrigérateur.

— Nous pouvons aller visiter ces deux-là aujourd’hui, me dit Sylvia. J’ai les clefs et nous pourrons être fixées à la fin de la journée.

J’acquiesce, un peu nauséeuse de me rendre compte que, finalement, je ne suis pas là pour rien. Rapidement, nous prenons la route du premier appartement qui se trouve près du centre-ville et dont les briques rouges me charment tout de suite. Sécurisé par un code d’entrée, nous passons les lourdes portes en métal et montons les quelques marches pour arriver au premier palier. Sylvia ouvre la première porte sur notre gauche avant de nous laisser entrer.

La première chose que je remarque est la clarté du salon, son parquet en bois brille sous les rayons du pauvre soleil qui essaie de se faire une place parmi les nuages. Ce n’est pas spécialement grand, mais ça l’est déjà plus que l’appartement de Luna et Tom où nous commençons à manquer de place. La cuisine se trouve derrière une porte vacante, style saloon de western ; petite mais fonctionnelle avec ses plaques vitrocéramique et la place pour mettre un réfrigérateur assez haut.

Dans le couloir, une porte dessert la salle de bain puis deux autres portes donnent sur deux chambres dont une avec une salle d’eau, un petit coin lavabo avec un meuble à pharmacie.

— Deux chambres ? m’étonné-je.

— L’autre pièce est à la limite des réglementations pour une chambre à coucher, donc nous ne pouvons pas la présenter comme telle. À toi de juger si c’est assez grand pour toi ou pas.

Ladite pièce est assez grande pour accueillir mon lit et ma console en bois qui me sert de bureau pour écrire. Sylvia s’apprête à nous parler quand son téléphone se met à sonner, elle s’éclipse dans le salon pendant que nous inspectons les chambres avec Luna.

— Qu’est-ce que tu en penses ?

— C’est plus que ce à quoi je m’attendais, affirmé-je en jetant un coup d’œil par la fenêtre.

— J’aime beaucoup le coin, me dit Luna. Tu n’es pas loin de la bibliothèque et nous savons toutes les deux que c’est un point important pour toi.

J’aime me perdre pendant des heures dans les allées d’une bibliothèque, et je travaille toujours mieux dans un endroit neutre.

Vu le retard que j’ai accumulé, je dois vite reprendre mes vieilles habitudes de lycéenne exemplaire.

— Il semblerait que je me sois trompée pour l’autre appartement, il est déjà passé en commission pour des locataires, s’excuse Sylvia en revenant près de nous.

— Donc, il ne reste plus que celui-ci sur le marché ? couiné-je.

— C’est ça. Je dois le faire visiter à un autre étudiant cet après-midi, mais je garde dans un coin de ma tête que tu es intéressée.

— Tu l’es ? me demande Luna avec un sourire.

— Évidemment ! m’exclamé-je.

— Pour le moment, je ne pourrai pas te trouver autre chose d’aussi accessible financièrement… Je te laisse réfléchir. Si jamais l’autre étudiant est intéressé, peut-on envisager une colocation ? J’ai déjà fait des partages de dossiers, et vu le loyer, ça passerait plus facilement auprès du propriétaire.

— Bien sûr.

Je réponds rapidement, sans réfléchir à ce que tout ça implique. Je suis fatiguée de devoir dormir sur le canapé poussiéreux de Tom, de m’imposer chez eux et de supporter leur regard attristé à chaque fois que je reviens bredouille de ma chasse aux appart’. Si je dois partager mon espace de vie avec un autre étudiant, alors je le ferai, c’est assez courant et j’ai déjà survécu à une grosse colocation avec des dizaines de filles dans une maison.

Ça ne peut pas être pire.

Chapitre 2

Trez

Ma tête va exploser.

Je geins comme un animal blessé en me redressant dans un lit que je ne connais pas. Mes bras flanchent un peu sous mon poids, mais je réussis à stabiliser mon corps pour regarder autour de moi. Cette chambre étudiante est banale, légèrement plus rose que ce à quoi je m’attendais hier soir, mais ça n’a pas empêché ma bite de se manifester.

Kamila gigote à côté de moi, elle soupire de bien-être et se redresse avec une main, me laissant tout le champ libre sur sa peau caramel et ses seins rebondis. Ça fait des mois que nous fricotons ensemble, et ce que j’aime le plus chez elle est justement qu’elle ne m’aime pas. Kamila n’est pas du genre à s’imposer une étiquette, elle se laisse guider par ses désirs et ses pulsions les plus intimes. Généralement, nous finissons nos soirées ensemble quand nous ne trouvons rien de mieux à faire.

C’est aussi une amie fidèle qui est toujours prête à me donner un petit coup de main quand je n’ai plus ce qu’il faut.

— Il est encore tôt, marmonne-t-elle.

— Je crois que ta colocataire de chambre s’est barrée dans la nuit, plaisanté-je en voyant le lit vide.

— À quel moment ? me répond la brune aux cheveux courts. Quand tu avais ta tête entre mes cuisses ou quand j’ai failli me prendre la table de chevet tellement tu y allais fort ?

Des images floues et brouillées s’incrustent dans mon esprit. Ce n’est pas très clair dans ma tête, mais je suis content de savoir que Kamila garde de bons souvenirs de notre nuit passée.

— Quand tu criais dans l’oreiller, répondis-je en me levant.

Je m’attends à entendre son rire, mais quand je me tourne vers elle, Kamila m’observe en silence.

— Je n’avais pas d’oreiller cette nuit, souffle-t-elle simplement.

— Ça devait être le drap.

Je sais ce qu’elle se dit.

Kamila n’est jamais aussi mal en point que moi, elle garde toute sa lucidité même si nous planons à des kilomètres de la terre ferme. Ça fait déjà quelques nuits que j’essaie de me souvenir de nos ébats, mais je mélange toutes les images pour en créer de nouvelles. Là où je vois de nouveaux fantasmes, Kamila s’inquiète de plus en plus de mon état de santé.

Ce qui est ridicule et légèrement hypocrite quand on sait que c’est elle qui m’appelle à deux heures du matin pour que je ramène ma came.

— Un sermon, Kami ? Dès le matin, c’est cruel, plaisanté-je en attrapant mon short.

— Tu es un grand garçon, tu fais ce que tu veux.

Je me penche vers elle, encore torse nu. Son ongle manucuré griffe mon pectoral gauche, là où réside le peu de cœur qu’il me reste. Je plante un baiser sur ses lèvres, attrape mon sweat à capuche, mon portable et mes écouteurs.

— À plus tard, sweetie.

Le couloir du dortoir commence à se remplir. Je croise plusieurs étudiantes en serviettes de bain, tout en ricanant de me trouver là. Certaines sont déjà prêtes à partir en cours, d’autres font le ménage dans leur chambre, les portes grandes ouvertes et des musiques différentes créent un bruit assourdissant qui réveille tout de suite mon mal de crâne.

La résidence des Red Roses est immense.

Une sororité remplie de nanas plein aux as qui bénéficient des dons de plusieurs actionnaires de Boston, dont leurs parents doivent certainement faire partie. Nous n’avons clairement pas la même vie, elles sont beaucoup trop raffinées pour un mec comme moi, mais parmi ces petites roses, je peux trouver des épines comme Kamila.

Dès que j’arrive au rez-de-chaussée, je tombe sur une marée humaine de filles habillées avec un foulard rouge autour du cou. Sur leur t-shirt, une rose noire est brodée au niveau du sein gauche et je sais de source sûre qu’un tatouage à l’effigie de leur communauté est gravé sur la peau de leur bras.

Kamila n’exhibe jamais le sien, elle est déjà recouverte de tatouages discrets, donc une rose de plus ou de moins, ça ne changerait pas grand-chose, mais nous sommes assez intimes pour que je remarque le dessin à l’intérieur de son avant-bras.

— Trez ! m’accueille Daphné, la cheffe de toute cette cohue.

— Salut, marmonné-je. Je ne voulais pas déranger votre réunion, je m’en vais.

— Tu es toujours le bienvenu, me répond-elle. Et pas seulement dans le lit de Kamila…

Son sous-entendu déclenche une vague de rires stridents, je mets ma capuche et tourne les talons.

— C’est le seul qui m’intéresse ici, répliqué-je avant de fermer la porte.

Boston en février est aussi frais qu’un congélateur, on se les caille du matin au soir, et même si je suis un grand gaillard, mes poils se hérissent.

Je réussis à avoir la première navette qui se balade sur le campus pour emmener les étudiants à leurs bâtiments scolaires.

Je suis un parcours commun, mon seul objectif est de finir premier et de me faire repérer par le recruteur d’une grande équipe nationale de hockey. Idéalement les Bruins de Boston, pour rester près de ma mère.

La pression est intense, il ne me reste plus qu’un an et je serais fixé sur mon avenir pour le reste de ma vie. Si je me loupe, je retourne en bas de l’échelle et je devrai recommencer à zéro.

Dans le bus, je serre quelques mains et je m’enfonce dans un coin, les écouteurs dans les oreilles en essayant d’oublier la boîte en métal qui tape contre mes clefs dans ma poche. J’arrive rapidement au gymnase spécialement consacré à la boxe, à l’opposé de la patinoire que je fréquente tous les jours, le hangar a entièrement été rénové après les dons de Davis. Le club de boxe n’est pas aussi développé que certaines personnes peuvent penser, nous nous en servons juste un soir par mois pour notre activité extrascolaire.

— Tu es matinal, m’accueille Chris derrière le bureau.

— Besoin de me défouler.

— Et d’une douche, plaisante Tom derrière moi.

Je lève mon majeur dans sa direction et me dirige vers les vestiaires privés.

Après une douche rapide, je trouve des vêtements propres dans mon casier et enfile une tenue pour m’entraîner avant de commencer ma journée officiellement, je suis encore à moitié à poil quand mon téléphone vibre sur le banc.

— Allo, grogné-je en ne reconnaissant pas le numéro.

— Monsieur William ? Sylvia de l’agence immobilière, vous avez une minute ?

— Oui, balbutié-je en me réveillant. Il y a un problème avec le dossier ?

J’ai visité un appartement récemment et j’ose espérer qu’elle m’appelle pour me dire que le propriétaire a accepté ma demande de logement. Les aller-retour chez ma mère me saoulent et son nouveau petit-ami ne m’apprécie pas – ce qui est largement réciproque. Je passe la plupart de mes nuits chez Kamila, ce qui augmente ma fatigue et ma consommation.

— Ce n’est pas ce que j’appellerais un problème, continue l’agent dans mon oreille. Le propriétaire veut une garantie financière et il me semble que votre situation est un peu bancale.

— Je suis à la recherche d’un travail.

Je ne sais pas quand je vais pouvoir travailler entre les entraînements et les matchs de hockey, et la préparation du Tournoi qui me prend cinquante pour cent de mon temps.

— Je sais, Trez, me rassure la petite blonde. J’ai peut-être une solution qui conviendrait à tout le monde. Est-ce que nous pouvons nous rencontrer ? Aujourd’hui ?

Je réfléchis rapidement, mon cerveau est encore au ralenti, alors j’accepte d’une voix incertaine.

— Passez à l’agence à la fin de votre entraînement, confirme-t-elle. Nous trouverons un bon compromis.

Tout en raccrochant, je passe une main dans mes cheveux bouclés.

Je n’ai pas de plan B ; il faut que ce soit accepté coute que coute.

Davis débarque juste avant que je termine mon entraînement avec Zack et Luca. Les deux premiers sont aussi calmes que d’habitude, mais le troisième semble prêt à tuer quelqu’un.

— Ça va, mec ? lui demande Tom.

— Tu as vu ma sœur ce matin ? rétorque Luca, sur les nerfs.

— Vite fait, répond le geek, elle est partie rapidement avec Evy pour faire des achats avant de commencer les cours.

Evy Jones.

Nous nous sommes croisés plus d’une fois à l’appartement de Tom et Luna, mais nous faisons comme si nous ne nous connaissions pas, comme si les deux ans où nous avons habité sous le même toit ne comptaient pas.

— Quelqu’un m’explique ce qu’il se passe ? demande Chris, perdu.

— Luca a rencontré un fantôme, explique Zack.

— Qui ça ? demandé-je.

J’ai rencontré Luca à l’université et nous ne nous attardons pas sur nos passés donc je n’ai pas la prétention de dire que je comprends ce qu’il ressent, mais vu son état, ça doit être une personne très importante.

— Une ex ultra canon, continue Zack. Nous l’avons croisée au parc ce matin pendant notre footing.

— La ferme, grogne le Viking en attachant ses cheveux longs au-dessus de sa tête. Je dois appeler Luna.

— Plus tard, tonne Davis. Nous avons un combat bientôt, je veux que vous soyez prêts à deux cents pour cent, on est ok ?

— Est-ce qu’un jour je pourrai montrer ce que je vaux ? rigole Tom. À chaque fois tout est pour Luca et Trez.

— J’ai un grand appétit, répondis-je en donnant une tape sur sa casquette. Arrête de pleurer le geek.

— Tu pourrais en laisser pour les copains, surenchérit Zack.

— La dernière fois, tu t’es fait bousiller par les mecs de Framingham, se moque Chris.

C’était notre premier combat officiel pour le Tournoi, nous ne savions pas encore comment établir notre stratégie et finalement, nous avions sous-estimé l’autre équipe. Zack était ressorti avec trois points de suture à l’arcade et une côte fêlée.

— Tant que je gagne de l’argent, fait simplement Tom finalement.

— Ça, c’est mon domaine, sourit Davis.

— Je vous laisse, j’ai rendez-vous à l’agence immobilière ce soir, donc je ne suis pas sûr d’être là à l’heure.

— Kamila t’a déjà viré ? s’amuse Zack.

— Pourquoi ? Tu veux un bout du lit ?

Depuis que nous nous connaissons, j’ai appris à connaître Zack et comprendre qu’il a besoin de se mettre en compétition avec toute la gent masculine. Il ne le fait pas qu’avec moi, donc je ne le prends pas personnellement, mais son arrogance lui coûtera beaucoup un jour ou l’autre. Il n’est pas intéressé par Kamila, il me provoque simplement pour le plaisir.

— Tu veux son numéro ? lui demandé-je.

— Depuis quand tu partages tes jouets, Trez ?

Tom fronce les sourcils. Il déteste qu’on parle des femmes de cette manière, il a grandi avec deux grandes sœurs féministes et une mère attentionnée qui attendait le retour de son mari militaire.

— Et depuis quand tu es un tel connard ?

— Depuis toujours, si tu veux mon avis, éclate de rire Chris pour détendre l’atmosphère.

Zack répond par un petit sourire amusé et tourne les talons pour se préparer pour sa séance d’entraînement. Je fais un geste vers Tom pour lui dire de ne pas faire attention à son comportement, attrape mes affaires et pars prendre une douche.

La journée s’éternise, les cours ne me passionnent pas, mais je dois faire acte de présence et au moins valider mes matières principales pour être sûr de n’avoir aucun obstacle à mon recrutement. Je sèche l’entraînement de hockey en prévenant mon coach que j’ai un rendez-vous administratif important. Je lui rappelle que je suis son meilleur joueur et il finit par arrêter de râler pour me dire que je ne dois pas relâcher mes efforts.

Je ne fais que ça.

Toujours plus loin, toujours plus fort.

Toujours plus.

Le bus me dépose directement au coin de la rue où se trouve l’agence immobilière de Sylvia. Je redonne un peu d’ordre à mes cheveux, mais les boucles brunes ne veulent rien savoir, cachent l’un de mon œil sans que je puisse rien y faire et je souffle sur mes mains pour les réchauffer.

En entrant, je remarque tout de suite que les conversations ont cessé dès mon arrivée. Je lève les yeux vers Sylvia qui me sourit gentiment, puis mon regard tombe sur deux filles que je n’avais pas prévues.

Luna Spencer est la première à se lever du fauteuil, surprise et curieuse de la tournure des évènements. Elle vient m’embrasser la joue, mais je ne réagis pas, obnubilé par la jeune femme qui refuse de venir à ma rencontre.

Evy Jones.

Deux fois que son nom complet s’imprime dans mon esprit aujourd’hui, et c’est déjà trop.

— Quelle surprise, pouffe Luna.

La sœur jumelle de Luca s’amuse de la situation, mais je ne trouve rien à dire.

— Installez-vous, Trez, me dit Sylvia en poussant un troisième fauteuil vers la table. Je vous sers une boisson chaude ?

— Un café. Noir, sans sucre.

Evy tique devant mon ton, elle renifle d’un air dédaigneux.

— S’il vous plaît, rajouté-je à Sylvia.

Pendant que la cafetière crache mon breuvage, un silence gênant s’installe.

Qu’est-ce qu’elles foutent là, bordel ?

— Tu n’as pas entraînement ? me demande Luna. Tom m’a dit que vous prépariez un gros match pour samedi.

Je me tourne vers la blonde. Ses yeux verts, similaires à ceux de Luca, sont aussi perturbants que sa beauté naturelle. Luna est sublime, douce et élégante, mais aucun mec saint d’esprit n’oserait l’approcher en sachant que son frère jumeau est Luca Spencer.

— J’avais rendez-vous avec Sylvia.

Je n’ajoute rien de plus et Evy continue d’esquiver mon regard.

Ses cheveux ont poussé, une multitude de couleurs se mélange dans ses mèches. Brun, blond, caramel ; une cascade de chocolat qui attire tout de suite l’œil. Derrière son chemisier en satin et son jean brut, ses formes se sont encore plus affirmées et sa silhouette de femme me met l’eau à la bouche.

Là où Luna est raffinée, Evy est sexy sans le savoir.

Son petit nez se trémousse quand elle est agacée, comme à cet instant. Elle semble avoir compris ce que je refuse d’imposer à mon esprit déjà brouillé.

— Bien, les jeunes, commence Sylvia en déposant mon café sur la table en bois. Je vous ai réunis pour que nous puissions trouver une solution quant à cet appartement qui vous intéresse tous les deux.

Évidemment.

Je risque un coup d’œil vers Evy, qui en fait de même. Ses pupilles marron clair me désarment deux secondes, puis elle se concentre sur Sylvia qui se lance dans un grand discours sur nos responsabilités, le paiement du loyer et les charges à payer tous les mois.

Pincez-moi, je n’ai rien accepté encore !

— Excusez-moi, Sylvia, la coupe Evy. J’ai peur de ne pas saisir où vous voulez en venir…

— Moi non plus, marmonné-je derrière mon café.

— Le propriétaire a examiné vos dossiers et il est tombé d’accord avec moi, cet appartement est parfait pour une colocation. Il s’assure d’avoir le loyer tous les mois et vous partagez tous les frais. C’est un bon compromis pour vous.

Sérieusement ?

Ma réaction se fait la malle, je ne sais pas comment lui dire poliment qu’il est hors de question que je partage mon espace vital avec Evy.

Evy Jones, bordel !

Miss je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde !

Cette dernière éclate de rire, et Luna ne sait plus où se mettre. Nous savons très bien ce que veut dire ce rire, la tempête Evy est à deux doigts de frapper à Boston.

— Non, rit-elle. Sylvia, je suis reconnaissante de toutes vos recherches, mais je ne vivrai pas avec lui.

— « Lui » a un nom, rétorqué-je.

— Vous voyez ? s’exclame la brune. Nous ne sommes pas en bons termes.

— Je lui ai mis un râteau quand nous avions dix-sept ans, expliqué-je à Sylvia qui ne comprend rien. Du coup, elle m’en veut.

Evy se tourne brusquement vers moi, me fusille du regard et se lève en emportant son sac avec elle. Luna essaie de la retenir, mais les fesses de sa meilleure amie sont déjà près de la sortie. Elles quittent précipitamment l’agence et je reste deux secondes, abasourdi par ce qu’il vient de se passer.

— D’accord, souffle-t-elle. Je ne savais pas que vous vous connaissiez.

— Nos parents sont sortis ensemble, continué-je en posant mon café. Ce n’était pas une histoire importante, mais nous avons fréquenté le même lycée pendant deux ans. J’imagine qu’elle m’en veut encore pour cette histoire de râteau.

Je hausse les épaules en me levant, je tends ma main vers Sylvia qui l’accepte, un peu sonnée.

— Dites au propriétaire que j’accepte l’appartement avec toutes les charges.

— Bien, je reviens vers vous dans ce cas.

— Au plaisir, Sylvia.

Je ressors de l’agence, serein d’avoir enfin trouvé la perle rare.

Et je ne parle pas de Evy Jones, cette tempête incontrôlable.

Chapitre 3

Evy

— Hors de question, grogné-je en continuant mon chemin.

— Ralentis un peu, s’essouffle Luna.

Je me retourne brusquement vers elle, nos corps se percutent et nous explosons de rire. J’oublie quelques secondes ma mauvaise humeur, puis le visage de Trez apparaît au coin de la rue. Dès qu’il nous remarque, il s’empresse de venir vers nous à petites foulées. Son corps gigantesque me cache des rayons du soleil et je regrette tout de suite de ne pas avoir mis des talons hauts pour ne pas me sentir si petite.

— Toi, le pointé-je du doigt, forcément, il fallait que tu me voles mon appartement.

— Arrêtes d’en faire une affaire d’État, miss je-sais-tout, balance-t-il avec un sourire. Nous l’avons visité tous les deux, j’ai autant de droits que toi dessus.

Si j’avais su que c’était Trez le deuxième étudiant, je n’aurais jamais accepté une colocation. Je ne le déteste pas, pas vraiment, mais je n’ai aucune envie de partager mon espace vital avec lui.

Pas Trez William, hors de question.

Non, non, non.

— Je vous laisse, les filles, nous dit ce crétin. Si jamais tu changes d’avis, n’hésite pas à ployer le genou pour me supplier de te laisser une place dans le placard.

Luna n’a pas le temps d’intervenir qu’il prend déjà la direction du bus, je râle en piétinant le trottoir, telle une enfant en pleine crise. J’attrape un caillou rapidement et lève le bras pour le lancer dans le dos de Trez, mais ma meilleure amie stoppe mon geste, les yeux grands ouverts.

— Tu te calmes, s’esclaffe Luna. Premièrement, je ne suis pas sûre que tu sois en droit de le lapider sur la place publique.

Ce n’est pas l’envie qui manque.

— Deuxièmement, je pense que tu devrais prendre un peu de temps pour y réfléchir.

Tout en parlant, Luna me ramène à la voiture et nous nous dirigeons vers le campus sans un mot. Je marmonne quelques phrases incompréhensibles, la blonde les ignore et quand nous arrivons devant le bâtiment des lettres, je saute de la voiture pour allumer une cigarette.

La nicotine calme tout de suite mes ardeurs, je prends le temps de bien apprécier chaque bouffée et lève les yeux vers le ciel pour regarder ma fumée se perdre dans l’air.

— Ce n’est pas une raison de te niquer la santé.

— Ma vie est fichue, balancé-je en même temps que ma fumée.

— Évidemment.

Luna lève les yeux au ciel, me tire vers un banc et nous nous assoyons dans un bruit sourd. La fraîcheur du bois me fait sursauter, maintenant que j’ai les fesses gelées, je peux confirmer que ma vie est entièrement fichue.

Putain de karma.

Qu’est-ce que j’ai fait de si mal dans ma vie pour mériter ce bordel ?

— Écoute, soupire-t-elle, je crois qu’à ce stade de l’année, tu n’auras pas de meilleure proposition. Tout le monde a quasiment investi les chambres du campus et les appartements sont tous occupés. À moins que tu veuilles rester sur mon canapé pourri…

— Il n’est pas si mal, marmonné-je, de mauvaise foi.

Ok, il est affreux.

Les ressorts rentrent dans ma peau à chacun de mes mouvements et une odeur de tabac froid se dégage du velours. Si c’est ma seule solution, je suis prête à tout faire pour tomber amoureuse de ce vieux canapé.

— Chérie, même moi, je n’ose pas m’asseoir sur ce vieux bordel.

— Pourquoi est-il chez toi alors ?

— Tom n’a pas réussi à dire non à son père, me répond Luna en passant une main dans ses cheveux dorés.

— Eh bien, moi, je n’ai aucun mal à te dire non, souris-je.

— Tu as aimé cet appartement, ne dis pas le contraire.

Ça serait malvenu de ma part de faire la difficile à ce stade de l’année, mais les conditions derrière cet appartement sont au-dessus de mes forces. Tout ça était trop beau, il fallait forcément qu’une ombre vienne s’ajouter sur ce rêve éveillé.

— Le loyer est élevé, continue Luna. Tu ne peux pas le payer seule et ce serait débile de ta part d’essayer.

— Je sais, grommelé-je. Mais Luna, il est si…

— Evy, ça fait quoi ? Trois ans ? Même plus que ça si on pense qu’il est parti plus tôt du lycée pour faire son stage de hockey. On ne sait pas réellement ce qu’il est devenu. Crois-moi, tu pourrais être surprise.

— Toi, sifflé-je, crois-moi quand je te dis que ce genre de connard, ça ne change pas, ça empire.

Je la regarde, mauvaise. Mon sang bouillonne quand je pense que je devrais partager cet appartement avec Trez, si je le veux. Sylvia s’est démenée pour me trouver un logement aussi confortable et accessible financièrement ; évidemment j’aurais dû piocher dans mes réserves d’argent pour m’installer et sans doute chercher un travail pour être sûre de bien terminer les fins de mois, mais je l’aurais fait, de bonnes grâces, pour avoir enfin un toit officiel au-dessus ma tête.

— Je parie que tu te répètes son nom en boucle dans ta tête, plaisante Luna.

— Sur tous les mecs de la ville, je suis tombée sur Trez William.

— Le destin.

— La ferme, marmonné-je en allumant une deuxième cigarette.

De toutes mes mauvaises habitudes, c’est la seule que je ne compte pas arrêter. Pas tout de suite, alors que la vie s’amuse à me mettre des bâtons dans les roues. L’idée de prendre quelques gélules m’a bien traversé l’esprit, mais ça serait choisir la facilité encore une fois.

— Est-ce que c’est si important que ça ? me demande Luna. Je vis avec Tom, et avant cette colocation, nous n’étions pas les meilleurs amis du monde.

— Ton frère l’a menacé, ricané-je.

— Sûrement, sourit Luna, mais il a accepté car il sait que Tom est quelqu’un de bien. Je te l’ai déjà dit, et tu connais Luca, il ne perdrait pas son temps avec des imbéciles.

— Comme Ashton, par exemple.

— Exactement !

Nous rions toutes les deux, j’éteins ma cigarette au sol et me lève pour la jeter dans une poubelle. Mon regard est tout de suite attiré par la chevelure sombre de Zola, toujours accompagnée de Paola qui se dirigent vers nous. Si l’une est blonde comme le soleil avec un carré long, l’autre a une cascade de cheveux noirs lisses qui tombent dans le creux de ses reins. Elles sont totalement différentes. Paola sourit à tout le monde, tout le temps, elle dégage une bienveillance intense tout autour d’elle. Zola est plus renfermée, à l’image de ses vêtements noirs principalement et de son maquillage osé. Une vraie pin-up gothique, si belle et si sombre.

— Les filles, crie Luna près de moi.

Le temps qu’elles arrivent près de nous, je reprends ma place sur le banc et sors mon carnet noir pour écrire quelques phrases brouillonnes qui se baladent dans mon crâne depuis ce matin. Mon échappatoire devient rapidement le sujet de conversation, et je laisse les filles imaginer mes prochains personnages sans jamais leur dévoiler quoi que ce soit.

Leur parler de ma passion est aussi gênant que nécessaire. Elles savent ce que je fais, mais pas comment je le fais et ça me convient pour le moment.

— Tout va bien ? me demande Paola, tu es toute pâle.

— J’ai froid, balancé-je sans raison.

— Ce rendez-vous à l’agence ? s’interroge Zola jouant avec son briquet.

Dans ce groupe, il est difficile d’avoir une intimité et les nouvelles vont aussi vite que les nouvelles frasques de Kylie Jenner sur les réseaux sociaux. Sans surprise, les filles connaissent tout de notre entretien ce matin, mais elles ignorent que mon rêve est devenu un cauchemar au moment où j’ai aperçu Trez dans la rue.

Les vitres de l’agence laissent une vue imprenable sur la rue et j’ai rapidement remarqué le brun descendre du bus. Sous ses vêtements d’hiver, sa carrure et sa façon de marcher n’ont laissé aucun doute dans ma tête. J’ai espéré qu’il tourne dans une rue adjacente et qu’il s’éloigne le plus possible de l’agence, mais au fond de moi, je savais ce qu’il venait faire ici. Dès son entrée, tous mes espoirs s’étaient reposés sur la collègue de Sylvia qui attendait un client… Sauf que ce n’était pas Trez, lui-même attendu par Sylvia.

— Intéressant, s’amuse Luna.

— Parle pour toi, répliqué-je.

— Tu n’as rien trouvé ? s’inquiète Paola avec une moue triste.

— Ah si !

— Ce n’est pas comme si tu avais le choix, m’indique Zola. Tu ne vas pas squatter le canapé de Luna et Tom toute l’année et nous ne pouvons pas t’accueillir.

Les filles habitent dans la résidence universitaire, un studio pour deux. J’ai déjà dormi chez elles, mais le gardien du dortoir m’a fait la leçon et je n’ai plus le droit de mettre un pied dans le dortoir après vingt et une heures.

— Merci de me le rappeler, grogné-je mauvaise.

— Qu’est-ce qui te gêne dans cet appart’ ? Me demande Paola avec ses grands yeux vert pomme.

— Je dois le partager.

— Si ce n’est que ça, intervient Zola. C’est courant à la fac.

— Je sais, mais je connais le colocataire.

Est-ce que je dois préciser que je le déteste ? Que la simple idée de partager mon air avec cette personne me donne envie de vomir ?

J’exagère à peine.

— Encore mieux ! s’exclame Paola.

— Génial, marmonné-je. Sortez la fanfare.

Alors que Zola se moque éperdument de mon comportement, l’ange du groupe décide de nous offrir des milkshakes et nous partons tous les quatre vers un petit café style dîner vintage. Je m’écroule littéralement sur la banquette en esquivant le regard courroucé de Luna.

— Alors ? s’impatiente Zola. Qui est-ce ?

— Trez, chantonne ma meilleure et détestable amie.

— Le joueur de hockey ?

Trez est populaire sur le campus, sans qu’il soit vénéré comme un dieu. Nous suivons tous le championnat de hockey interuniversitaire, donc il est normal que tout le monde connaisse le grand brun. Sa carrure, ses yeux bleus et ses cheveux bouclés font tomber autant de petites culottes qu’il met de palets dans les buts pendant un match. Il est indéniable qu’il maîtrise son sport, c’est son domaine depuis des années et il ne fait aucun doute qu’il terminera sa carrière dans une grande équipe nationale.

Ça ne fait pas de lui quelqu’un d’appréciable pour autant.

— Ça peut être amusant d’avoir ce grand bébé comme colocataire, sourit la gothique.

Son visage affiche rarement ce genre d’expression, nous y sommes tellement peu habituées qu’il m’arrache un frisson d’horreur. Zola est sublime, dans le genre poupée de cire habillée toute en noir avec un rouge à lèvre aussi rouge que le sang. En revanche, sa peau naturellement bronzée lui donne, malgré elle, un charisme chaleureux. Ses yeux en amande, légèrement étirés vers l’extérieur, se braquent sur moi en penchant la tête sur le côté.

— Prends ma place, je t’en prie, Zo’ et j’emménage de ce pas avec Paola !

— Tu n’as plus de bourse pour un logement universitaire, me rappelle-t-elle en levant son sourcil parfaitement maquillé.

— Merci d’enfoncer le couteau, pleuré-je à moitié.

— Avec plaisir, tu sais à quel point j’aime le sang.

Cette fille est aussi canon que flippante.

Nos milkshakes arrivent rapidement, j’engloutis la moitié du mien et mange tous les bonbons que je trouve sur les pailles de mes amies. Elles ne disent rien, habituées à cette affreuse manie que j’ai de me venger sur le sucre quand plus rien ne va.

Avant je me vengeais sur la poudre blanche, mais Luna m’a assuré que ce n’était pas aussi bon que le sucre.

À voir.

— Tu vas refuser alors ? me demande Paola.

— Je ne sais pas ce que je pourrais faire de plus.

Zola enfile ses lunettes de soleil alors que nous sommes dans le restaurant, mais comme elle oublie que je mange ses bonbons, je ne fais pas de commentaire et accepte les extravagances de mon amie sans broncher. La petite fille bien élevée qui se ronge les ongles en moi aimerait lui balancer ses lunettes ; nous sommes dans un lieu public, ce n’est pas le moment de jouer les divas. Zola est tellement secrète sur sa vie de manière générale, j’ose espérer que son geste n’est pas sa manière de dire fuck au reste du monde.

— Une amie d’enfance est revenue à Boston, nous dit Luna. Ça fait si longtemps… Et elle a beaucoup changé.

Je pourrais être jalouse, ce n’est plus un secret que si j’aime une personne, je l’aime sans limites, mais Luna semble réellement perturbée par le retour d’Angie. Nous en avons déjà discuté, son retour est encore plus flou puisqu’elle refuse de parler avec Luca.

— Mon frère est dans tous ses états, sourit-elle finalement. Vous n’imaginez pas l’amour qu’il a pour cette fille. Depuis que nous sommes gamins, ils sont inséparables.

— Pourtant, c’est toi sa jumelle, dit gentiment Paola.

— Ouais, mais cet amour-là…, soupire Luna. Même moi, je n’étais pas à la hauteur.

— Ça fait peur, grimacé-je.

Nous sommes toutes les quatre célibataires. Paola est aussi vierge que la Sainte Marie, et Zola est beaucoup trop mystérieuse pour qu’on puisse deviner quoi que ce soit.

Personnellement, ma dernière histoire s’est très mal terminée et je ne suis pas prête à retenter l’expérience.

— J’ai rencontré quelqu’un, balance Luna.

Luna attire l’attention sur elle en me faisant un clin d’œil. Je la remercie d’un sourire, mais ce qu’elle vient de dire rentre enfin dans mon cerveau.

— Quoi ? m’exclamé-je.

— C’est tout récent, il n’y a rien à dire pour l’instant, mais je ne veux pas que vous m’en vouliez si je ne suis pas disponible ces temps-ci.

— J’aurais aimé le savoir plus tôt, boudé-je.

Je suis capricieuse, et un rien me vexe, mais Luna et moi sommes tellement connectées qu’elle sait que je ne peux pas lui en vouloir longtemps.

Elle bouge ses mèches blondes vers moi en frottant son nez contre le mien. Je n’ai jamais quitté Luna depuis que nous nous connaissons. Luna est arrivée en terminale dans mon lycée, nous sommes tout de suite devenues amies et elle faisait partie de ces rares personnes qui ne succombaient pas au charme de Trez, demi-frère malgré moi. Luna a obtenu une bourse grâce à son don pour la danse, mais elle s’est réorientée après une mauvaise chute en première année universitaire. Je me souviens encore de son état psychologique à l’hôpital ; elle nous avait fait jurer, à Luca et moi, de ne jamais parler de ce qu’il s’était passé et d’oublier tout ce qui concerne la danse classique.

— Grand gaillard en approche, me dit Zola en baissant deux secondes ses lunettes.