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Entre Myrtille et Austin, c’est une évidence. Quant au secret qui semble avoir réuni leurs deux familles, ils sont bien décidés à le découvrir…
Comme tous les étés, Myrtille et sa famille passent les vacances en Ardèche, dans la maison de ses grands-parents. Cette année, sa grand-mère a également convié un couple d’amis et leurs deux fils, Duncan et Austin, dont elle est la marraine, à les rejoindre. Ce dernier a l’âge de Myrtille et tout de suite, le courant passe entre les deux adolescents. De fil en aiguille, ils se découvrent une passion commune pour la musique et planifient un concert pour la fin des vacances. Mais entre deux chansons, ils s’interrogent sur la relation si particulière entre Adam, le père d’Austin, et la grand-mère de Myrtille, de vingt ans son aînée…
Débordant de douceur, « Retrouvailles », raconte l’histoire d’un premier amour, dans ce qu’il a de plus beau et de plus tendre…
CE QUE PENSE LA CRITIQUE DES PREMIERS TOMES
"C’est un récit très érotique avec un langage parfois cru mais qui ne m’a pas dérangé. L’écriture de l’auteure est très belle, simple et fluide. " -
Infinity Books
À PROPOS DE L'AUTEURE
Bleue est une artiste qui s’exprime en chansons depuis longtemps et qui n’a pris la plume que très récemment. Elle a un amour immodéré pour les mots, et elle considère que, lorsqu’ils sont lus à haute voix, cela leur donne une profondeur supplémentaire.
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Seitenzahl: 292
Veröffentlichungsjahr: 2021
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La joyeuse bande de cousins s’était retrouvée pour la… dixième fois au moins. On ne les comptait plus, en fait, les vacances qu’ils avaient déjà passées tous ensemble. Ils étaient au nombre de 6 : Alice et Clarisse, un peu plus de 21 ans et 19 ans, les jumeaux Myrtille et Marin de 15 ans et les deux derniers, Aloÿs et Apolline, 16 et 14 ans. Chaque été depuis une quinzaine d’années, les grands-parents invitaient enfants et petits-enfants dans leur « grande maison » en Ardèche, et ceux-ci débarquaient à tour de rôle. Parfois, deux familles occupaient l’habitation – elle était assez vaste pour accueillir dix personnes –, et quand on dépassait le nombre, il suffisait, au choix, de monter une tente dans le jardin ou d’ajouter matelas pneumatiques ou lits de camp dans une des chambres les plus grandes.
Cette année, Papou et Mamou avaient proposé à un couple de les rejoindre. Les invités étaient à peu près de l’âge de leurs enfants. Leurs « amis » avaient deux fils de l’âge d’Aloÿs et d’Apolline. Mamou était la marraine du plus âgé, Austin. Cette histoire de filleul était un peu mystérieuse. Qu’est-ce qui reliait cette famille à la leur ? Seuls les grands-parents et le couple en question le savaient.
Quand Adam et Mary atterrirent à Lyon-Saint-Exupéry avec leurs fils, Austin et Duncan, il leur restait encore pratiquement deux heures de voiture à faire pour rejoindre la « grande maison ». Il avait été convenu avec Papou qu’il viendrait les chercher à l’aéroport.
Les invités vivaient dans la banlieue de Londres depuis longtemps. Ils avaient déménagé une dizaine d’années plus tôt pour le travail d’Adam. Les enfants avaient peu de souvenirs de leur vie en Belgique. Nous apprendrons plus tard comment les choses avaient commencé, mais pour le moment, l’important était de récupérer les voyageurs et de les mener à bon port.
Quand Papou les aperçut, il fut frappé par la ressemblance d’Austin avec son père. Il reconnaissait les yeux clairs, vert écume, et l’allure de chat un peu effarouché qui caractérisaient Adam quand il avait une vingtaine d’années. Duncan, quant à lui, était le portrait craché de sa maman : menu, avec des cheveux châtains et de minuscules taches de rousseur. Ils étaient très différents, et si on n’avait pas connu leurs parents, il aurait été impossible de les prendre pour des frères…
Les retrouvailles entre les deux hommes furent chaleureuses. De tempérament assez introverti l’un comme l’autre, ils s’étreignirent tout de même quelques secondes. Comme les années avaient passé depuis le temps où ils s’étaient rencontrés. Papou salua Mary et les garçons. Il jetait des coups d’œil fréquents à Austin tant il était troublé par les similitudes physiques entre l’adolescent et son père pratiquement au même âge. Il se demandait comme allait réagir Mamou : ce serait sûrement quelque chose d’émouvant et de très fort.
Avec l’aide d’Adam, il mit les valises dans le coffre de la voiture. Il fit ensuite entrer ce beau monde dans le véhicule et s’installa derrière le volant. Deux heures, et ils auraient rejoint la « grande maison ».
Pour le moment, c’était la famille d’Elisabeth et d’Alexandre qui occupait la bâtisse avec les grands-parents. Elisabeth et son mari étaient ceux qui connaissaient le mieux Adam. Il y avait pas mal d’années, Adam et Alexandre avaient fréquenté la même école et leur profession les avait mis en présence à plusieurs reprises. Elisabeth se souvenait très bien d’Adam : elle était encore ado et lui pas vraiment encore un homme, même s’il avait une vingtaine d’années quand ils avaient fait connaissance. Mais bon, tout cela datait.
Mamou, Elisabeth et Alexandre sortirent de la maison pour accueillir les invités. Papou avait donné un petit coup de klaxon pour signaler leur arrivée. Il faisait beau. Quand Adam sortit de la voiture, il chercha immédiatement son hôtesse des yeux. Il la retrouvait, pratiquement telle qu’elle était dans son souvenir. Peut-être les rides un peu plus profondes, la silhouette un peu moins fine mais… les yeux toujours aussi brillants de cette fièvre un peu audacieuse. Lui n’avait pas beaucoup changé non plus : il ne s’était pas épaissi, avait toujours ces petits cheveux châtain clair fous, cette démarche de chat. Ils se regardèrent sans oser vraiment laisser parler leurs yeux ou leur corps. Qui aurait pu deviner que la vie les avait déjà rapprochés de manière très intime ? Et pourtant… Elisabeth eut un petit sourire en contemplant le visage de sa maman et celui d’Adam. Elle était heureuse qu’ils se retrouvent.
Mamou et Mary tombèrent dans les bras l’une de l’autre.
— Comment s’est passé le voyage ?
— On ne peut mieux, répondit la jeune femme avec un petit accent britannique. Les garçons se sont mieux tenus que ce que nous avions imaginé !
Elles ne se connaissaient pas bien, mais quelque chose d’étrange les liait. Mamou proposa à l’épouse d’Adam de visiter la « grande maison » et demanda à Alexandre d’installer leurs bagages dans la chambre qui était réservée au couple. Celle-ci se trouvait au premier étage, exposée plein est. C’était parfait. Le soleil la baignerait dès le matin, et le soir, elle serait plus fraîche. Elle était peinte en vert amande. Les rideaux étaient de la même couleur, de même que le linge de lit. Il y avait une petite salle de bain avec douche et toilettes. Austin et Duncan les accompagnaient. Ils avaient hâte de savoir où ils seraient logés.
— Dans l’aile des ados. On préfère leur réserver un couloir. Comme ça, s’ils veulent changer de chambre ou veiller plus tard et faire… un peu de bruit, cela ne nous empêchera pas de dormir !
Les ados se regardèrent en souriant. Elle était chouette, Mamou. Elle leur laissait une certaine liberté, tout en fixant des règles. Cela les mit à l’aise immédiatement. Ils patientèrent jusqu’à ce que Mary dise à Mamou qu’elle saurait se débrouiller seule pour défaire leurs valises. Ils suivirent donc la sexagénaire.
Papou, par contre, avait accaparé Adam.
— Viens voir mon studio photo. Je l’ai équipé de….
Ses mots se perdirent dans les cris de Myrtille et Marin qui étaient heureux de trouver des gens de leur âge !
Tout cela annonçait des moments joyeux mais peut-être un peu nostalgiques. Quoiqu’il en fût, tout ce petit monde était prêt à passer une semaine riche en émotions, en découvertes et en redécouvertes. Il fallait en profiter.
— Dis, M’man, on peut dormir avec les faux cousins ?
C’était la voix de Myrtille, un peu fluette, qui avait tinté aux oreilles d’Elisabeth.
— Que pense leur maman ? Pour moi, il n’y a aucun problème, mais je compte sur vous pour que ce ne soit pas le chambard, hein !
On voyait d’où la jeune femme tenait ce ton définitif et cette volonté de fixer des limites !
Myrtille jeta un coup d’œil à Austin et Duncan
— Voilà, je vous avais bien dit que…
Elle fut interrompue par la voix bien timbrée de sa maman.
— Et puis, qu’est-ce que c’est que ce nom de… faux cousins ?
— Ben, comme Austin est le filleul de Mamou, on s’est dit que quelque part, il était peut- être notre cousin… Il est trop jeune pour être notre oncle, aussi, donc…
— Et bien, sache que je n’aime pas trop ça.
Quand Elisabeth prenait ce ton, c’était, en général, le signe que le chapitre était clos et que toute autre réflexion n’était pas souhaitée. Myrtille abandonna donc l’affaire. Elle regarda sa maman en haussant les épaules et rejoignit son frère et les fils d’Adam.
C’était étrange, tout de même, cette histoire de filleul. Visiblement, il y avait quelque chose de mystérieux là-dedans. Mais d’où venait ce secret ? De ses parents ? Non, sans doute pas, sinon, cela aurait été l’un ou l’autre qui aurait eu Austin comme filleul. De ses grands-parents, alors ? Oui, cela devait être ça. C’était Mamou, la marraine. Et puis, au fait, pourquoi Adam et sa grand-mère avaient-ils paru si troublés quand ils s’étaient revus ? Encore un mystère à éclaircir… En attendant, quand Austin était descendu de la voiture de Papou, elle avait remarqué les coups d’œil de son grand-père en direction de sa grand-mère… Cette dernière semblait émue au plus haut point. Tout cela était vraiment très bizarre. Et puis, pourquoi celui-ci avait-il attrapé le bras d’Adam pour le mener à son… studio photo. Il était photographe, Adam ? Mais non : son père à elle lui avait dit qu’ils avaient fait leurs études dans la même école. « Pas en même temps », mais c’était bien dans une boîte où on apprenait les « arts de diffusion » : la lumière, le son, le théâtre… Adam était-il comédien ? Mais s’il était parti à Londres pour son boulot, cela voulait dire qu’il parlait… anglais ? Pourtant, il parlait le français sans aucun accent. Alors que son épouse, Mary… Oh, c’était vraiment trop compliqué.
Elle décida de ne plus trop se poser de questions au sujet d’Adam et reprit ses réflexions concernant Austin. D’abord, elle se demandait quel âge il pouvait avoir… Il devait être un peu plus âgé qu’elle, non ? En tout cas, il ressemblait à son papa. Presque aussi grand, les yeux de la même couleur, la même allure, une fossette au menton, des sourcils très expressifs. Il n’était pas vraiment son type, mais il avait tout de même pas mal de charme… Enfin, elle savait comment ses histoires de cœur tournaient, en général : comme elle était d’un tempérament plutôt franc, elle se précipitait sur celui qu’elle convoitait, et elle se faisait remballer aussi sec. Ici, elle n’allait pas faire pareil : elle n’avait pas envie de se faire jeter. Et de toute manière, peut-être qu’en Angleterre, les filles laissaient aux garçons l’honneur de faire le premier pas. Elle allait donc observer, prendre son temps. Et si Austin faisait une tentative d’approche, elle se… laisserait faire…
Elle n’avait jamais eu véritablement d’amoureux. Juste des petits flirts. Qui commençaient calmement et se terminaient de la même manière. Pas de grands élans passionnés. Elle ne s’était jamais sentie éprise, d’ailleurs. Pour elle, il s’agissait d’un jeu : celui de la séduction, de la parade précédant les embrasements. Mais jamais il n’y avait d’embrasements, en fait, de son côté. Ils la faisaient rire, ces jeunes gens, avec leurs mines déconfites, quand ils étaient éconduits. Quant à elle, ses tentatives restaient souvent vaines. Maintenant, elle attendrait et… verrait venir. Cela ne tarderait pas, elle le sentait très bien. Il suffisait qu’elle voie les regards vert écume que lui lançait Austin pour être convaincue que…
***
Silencieusement, il la regardait. Quel joli sourire elle avait. Et cette voix, aussi légère que celle d’un petit oiseau. Elle avait hérité des yeux de sa grand-mère, Mamou, comme elle l’appelait.
Parfois, il entendait son papa parler de cette dernière. Elle devait avoir compté pour lui, il y a longtemps. Il était incapable de dire si c’était encore le cas à présent, mais ce qui avait existé avait laissé des traces très profondes. Il racontait qu’ils s’étaient rencontrés de nombreuses années auparavant, qu’ils avaient travaillé ensemble – à quoi, il ne le savait pas, mais peu importait –, que Papou prenait des photos, à l’époque, et parlait de tous les concerts où son papa jouait du sax. Il ne le sortait plus souvent, son instrument. Depuis que toute la famille avait fait ses valises et émigré en Angleterre pour le travail d’Adam, l’étui de sax restait fermé. Ce temps, cela devait être « il y a longtemps » ; Papou avait les cheveux gris, il ne se déplaçait plus avec facilité. Il devait être… vieux. Sans doute pas autant que son grand-père à lui, mais… Mamou, quant à elle, était encore alerte pour son âge.
Cela n’expliquait pas, tout de même, ce qui liait Papou et Mamou à ses parents… Il fallait qu’il trouve, même si cela l’empêchait de dormir. Il s’occuperait du « mystère » dès demain. Il s’adjoindrait l’aide de Myrtille. Elle donnait l’impression d’avoir l’esprit vif et curieux. Et puis, elle était enjouée, amusante et… pas mal mignonne, en fait. Des cheveux châtain foncé, des yeux tirant sur le vert, un nez en trompette, une bouche souriante et très expressive sur laquelle passaient alternativement une moue interrogative ou une esquisse de sourire. Il la trouvait intéressante, et il ne doutait pas qu’elle serait partante pour élucider toute cette histoire.
Il griffonna quelques questions sur un papier. Chacune était précédée d’un chiffre.
1. Comment Papou, Mamou, papa et maman se sont-ils rencontrés ?
2. Pourquoi Mamou est-elle ma marraine alors qu’elle n’est pas de notre famille ?
3. Que s’est- il passé entre eux, et pourquoi ?
Il s’arrêta ; c’était un bon début ! Il en parlerait avec Myrtille. Il lui montrerait la liste : elle saurait peut-être répondre aux questions ou l’aiguiller. Elle devait probablement savoir certaines choses. Ce serait un bon prétexte pour passer du temps avec elle.
Il avait repéré une piscine extérieure. Il savait qu’il nageait comme un poisson. Il comptait sur son aptitude à « fendre l’eau » pour l’impressionner et l’intéresser. Dans son ventre, quelque chose frétilla. Il eut un petit sourire, se mordilla la lèvre inférieure et respira un grand coup, comme pour reprendre ses esprits. La semaine de vacances dans la « grande maison » s’annonçait passionnante : d’abord, résoudre ce mystère concernant ses parents, et ensuite, conquérir Myrtille…
Londres – Septembre (onze ans auparavant – flashback 1)
Le couple avait débarqué du Thalys en fin de matinée. Leurs bagages les attendaient déjà sur place. Mary était enchantée : elle avait trouvé une école française pas loin de Londres. Elle pourrait y conduire Austin, son fils de cinq ans, et Duncan, celui de trois ans, tous les matins, enseigner jusque quatorze heures sur place et reprendre le chemin du retour. Adam, lui, bossait à Londres même, pour un studio de post-production audio réputé. Il avait été repéré à la suite d’une de ses réalisations imaginatives et très pointues : de la musique pour un court-métrage sur laquelle il avait posé son sax… Un artiste anglais, auteur-compositeur et pianiste, avait fait appel à lui ; il voulait enregistrer un album dans les conditions d’un live. Habituellement, il faisait tout lui-même : prise de « son », traitement, mixage et mastering. Comme il était connu en Angleterre, les musiciens avec lesquels il travaillait lui avaient renseigné un studio à Londres : les Olympic Studios. Au final, l’album n’avait pas eu le succès escompté, mais Adam avait été demandé par d’autres musiciens, compositeurs et sound-designer. Il avait fait son trou à Londres, comme on dit. Mary et Adam coulaient donc une petite vie tranquille et heureuse, dans un cottage des environs de la capitale britannique.
Ils s’étaient rencontrés quelques années auparavant. C’était des amis communs qui les avaient présentés l’un à l’autre. Ça avait collé assez vite entre eux, et depuis, ils ne s’étaient plus quittés. Mary travaillait alors pour une école de formation, et Adam pour la radio. La passion de la musique de ce dernier était toujours présente. Il avait fait partie de plusieurs groupes depuis son adolescence. Il était difficile de dire s’il préférait tel ou tel autre genre de musique. Non, ce qui lui plaisait, c’était de jouer, et encore jouer : du rock, un peu de pop, du jazz, de la chanson française, du funk… Vraiment, c’était très diversifié. On l’appelait, à l’époque, pour des jingles ou des génériques d’émissions radio, pour des mix et mastering d’enregistrements faits par d’autres, et de temps en temps, pour poser son sax sur des compos de groupes variés. Il aimait assez cela, cette palette d’activités qui lui était offerte grâce à ses études et à ses talents.
De temps en temps, il donnait un petit signe de vie à la Belgique. Parfois à Apolline1, cette artiste découverte par Simon2, un de ses anciens profs, et qu’il avait eu l’occasion de sonoriser plusieurs fois en concert. Elle avait sorti un album, d’ailleurs, avec des compos personnelles. À son image, elles parlaient d’amour, d’étreintes douces, de tourments. C’était assez nostalgique, mais très beau. Parfois, c’était Marine3 qui se rappelait à son bon souvenir. Leur aventure avait duré « un peu », et l’un et l’autre avaient gardé énormément de tendresse pour leur ancien complice. Celle-ci avait été repérée par Audible, ce site où l’on pouvait se procurer des livres audio, et enregistrait à présent régulièrement pour eux. Elle travaillait aussi pour une radio nationale. Elle lisait toujours des nouvelles érotiques à l’antenne, et il arrivait à Adam et Mary d’écouter sa voix en début de nuit, blottis l’un contre l’autre. De temps en temps, l’animatrice radio transmettait un petit message à l’attention du couple. C’était toujours « en sous-entendus », mais Adam était tout à fait conscient que ces allusions les concernaient eux, et pas l’homme et son épouse.
Parfois, Simon lui faisait un coucou discret. Quand il était de passage à Londres pour présenter l’un ou l’autre de ses essais, ils en profitaient pour se retrouver et dîner ensemble. Ils évoquaient les vieux souvenirs, leur jeunesse, et cela les replongeait tous deux une petite vingtaine d’années auparavant. Quel chemin ils avaient parcouru !
Et pour terminer, il y avait Papou et Mamou, toujours attentifs à lui et à sa petite famille. Adam avait tenu à avertir lui-même le couple qu’il s’exilait en Angleterre. Il avait vu les yeux de Mamou briller de larmes. Bien sûr, elle était contente que sa carrière prenne son envol, mais il savait combien il comptait encore pour elle… Il était reparti de chez eux, lui aussi, très ému et, au volant de sa petite voiture grise, celle qu’il possédait depuis des années, et qu’il bichonnait avec amour. Il avait la gorge très serrée. Il s’était promis d’écrire à Mamou régulièrement, mais au final, c’était elle qui lui envoyait un mail tous les lundis, pour s’inquiéter de sa santé, de comment la vie se passait pour eux là-bas. Mamou aimait écrire, il le savait. Les mails s’étaient espacés : quand il songeait aux premières années, c’était chaque semaine. À présent, s’il en recevait une dizaine par an… Ce qui était étrange, c’est que maintenant, il ne l’appelait plus que rarement par son prénom…
La « grande maison » – aujourd’hui (un lundi de juillet)
Adam et Papou étaient sur la terrasse. Les transats étaient ouverts, de même qu’un grand parasol. Les deux hommes se taisaient. Les longs discours concernant le passé, ce n’était pas pour eux. Avec leur esprit cartésien, ils préféraient parler de technique photographique, de son. Les sentiments, les émotions… non. Ils profitaient de la fraîcheur de la soirée et de la tranquillité relative du jardin. Les ados avaient fini par se calmer : leurs jeux bruyants dans la piscine les avaient fatigués. Mamou leur avait demandé d’aller se doucher et de s’habiller « décemment », comme elle disait, pour le souper. Pendant ce temps, Elisabeth, Mary et Mamou étaient en train de cuisiner. Alexandre avait dû repartir en Belgique pour son travail.
C’est donc à neuf qu’ils s’assirent autour de la table. Mary s’était occupée de l’apéro : cela permettrait à chacun de terminer ce qu’il était en train de faire, et d’arriver à peu près quand il le souhaitait. Elisabeth s’était vu confier la cuisson des légumes, de la viande et des pommes de terre. Mamou, fidèle à elle-même, avait préparé deux desserts. Cela semblait… un festin royal. La discussion durant le repas fut fort animée. Mamou demandait à chacun des ados des nouvelles de leur scolarité et de leurs activités. Elle savait grosso modo ce qu’il en était des jumeaux, par contre, elle n’était pas au fait des études en Angleterre. Adam et Mary souriaient en regardant Austin et Duncan qui s’animaient !
Ils parlèrent de l’école, oui. De plus, Austin avait commencé l’apprentissage du piano deux ans auparavant, et comme il savait que Mamou s’y entendait dans ce domaine, il lui parla de Miss Bee, une jeune femme d’une trentaine d’années. Celle-ci était son professeur particulier, et visiblement, elle s’y prenait bien. Impossible, à ce moment, de savoir si ses cours étaient efficaces, mais en tous cas, elle avait pu susciter l’intérêt de l’ado, et il faut dire qu’à cet âge, c’était parfois mission impossible. Il expliqua donc comment son père l’avait embauchée à la suite d’un de ses passages aux studios où il travaillait. Elle était pianiste de studio et enregistrait régulièrement pour des artistes assez différents. Il avait repéré sa simplicité alors qu’elle assurait vraiment, et cela dans tous les styles. Ils avaient un peu discuté : il lui avait présenté la situation. Son aîné, Austin, aurait voulu commencer l’étude de cet instrument assez complexe. Aurait-elle été d’accord de lui donner quelques cours ? Elle n’avait jamais vraiment enseigné, mais cette mission lui plut. Et depuis, elle venait tous les quinze jours pendant une heure. Les progrès d’Austin étaient plutôt rapides. Il avait une bonne oreille, comprenait rapidement les explications et avait à cœur de travailler son instrument régulièrement…
Myrtille était bouche bée ! Elle n’aurait jamais imaginé cela. Elle voyait Austin comme quelqu’un d’un peu dans la retenue, et là, il tenait le crachoir depuis pratiquement dix minutes avec ses explications concernant ses cours de piano… Et Mamou qui le regardait, qui souriait en plissant les yeux, qui hochait la tête… C’était… « spécial » comme situation. Elle se mit à rêver qu’il l’accompagnerait quand il serait un peu plus avancé et recommença de l’écouter. Les yeux vert écume du jeune homme brillaient d’un feu particulier. Mary le contemplait tendrement avec un petit sourire retenu. Adam, fier de son fils, était conscient du fait qu’il était le centre d’intérêt, et cela lui faisait vraiment plaisir. Il se souvenait de ces duos qu’il avait faits il y a longtemps avec Mamou, quand il l’appelait encore par son prénom. Cela datait de… deux décennies, environ. Il débarquait chez elle, avec son sax, et pendant une heure ou deux, ils enregistraient dans sa « petite pièce bleue », la chambre, inoccupée à présent, d’un de ses enfants, dans laquelle étaient installés un clavier, un micro et tout un système d’amplification et d’enregistrement. Peu de gens, à présent, savaient encore qu’une grande histoire les avait liés et que cela n’avait pas simplement à voir avec la musique…
1. On fait la connaissance de ce personnage dans le premier tome.
2. Ibid.
3. Ibid.
Namur – Octobre (vingt ans auparavant – flashback 2)
Il était pratiquement dix-huit heures. Elle l’attendait, le cœur battant, ne sachant où se « poster ». Sur la troisième marche de l’escalier faisant face à une petite fenêtre donnant sur l’avant de la maison ? Dans la cuisine ? Dans le bureau, dans sa pièce bleue ? Chaque endroit avait son avantage. Le premier lui permettrait de voir quand il garerait sa petite voiture grise. Dans la deuxième, elle pourrait vérifier si tout était en ordre du côté du repas. Mais finalement, c’est le bureau qui retint les suffrages. Elle pourrait laisser courir ses doigts sur le piano en chantonnant et si elle entendait le bruit d’une porte d’auto qu’on claque, elle saurait qu’il était… là !
Les trois petits coups attendus retentirent. Elle eut une bouffée de désir : dans moins de dix secondes, elle pourrait le voir. Lui, grand, radieux, comme d’habitude, se serait penché vers elle pour lui effleurer la joue d’un baiser en lui disant « Salut, ça va ? », un sourcil relevé. Elle se serait sentie comme une petite chose un peu perdue dans le bonheur et l’aurait dévoré des yeux à la dérobée…
— Il est là, ton….
Elle ne se ferait jamais au détachement de son mari qui savait depuis des années que le cœur de son épouse battait pour un autre que lui, et qui accueillait « cet autre » de manière très courtoise et aimable. Ils étaient même devenus… amis, par la force des choses : leurs passions, leur rigueur, le fait qu’ils soient aussi discrets sur leurs sentiments et leurs émotions…
Elle se précipita, ouvrit la porte toute grande. Ce que ces dix minutes avaient été longues depuis le SMS d’Adam disant « Je pars de chez mes parents ». Il était là, beau à tomber, ses yeux vert écume brillants, ses longs cils châtain clair battants. Baiser rapide.
— Entre…, ce qu’il fit de bonne grâce.
Il connaissait le rez-de-chaussée de la maison.
— Assieds-toi dans le canapé. Je vais chercher quelque chose à boire, tu veux ?
Le mari était toujours dans le bureau… Il leur laissait le temps de se retrouver. À elle de reprendre pied après ce grand trouble de l’arrivée d’Adam, et au jeune homme de se rassurer : non, personne n’allait lui casser la gueule ni lui sauter dessus !
Il aimait cela, le mari, de se sentir maître de la situation. Comme elle devait être mal à l’aise. Mais au final, c’était elle qui le cherchait, on est bien d’accord ? Quant à leur invité, ce n’était pas les regards énamourés de l’épouse qui le dérideraient ou quelque chose du genre. Alors, pourquoi se méfier ?
La situation avait beau se reproduire assez souvent, il y avait toujours un peu d’angoisse, d’interrogations. Aujourd’hui, elle avait décidé d’enregistrer Si tendrement. C’était une chanson qui parlait de déshabillage lent, très, très lent. Elle avait envoyé la grille d’accords à Adam, une prise non traitée d’une première version. Elle savait qu’il n’avait pas besoin de… notes précises ou d’une quelconque partition. Il avait juste à se plonger dans le morceau, son ambiance, son harmonie et son talent pour l’impro feraient le reste.
Le matériel était installé : le clavier, un micro chant et un casque dans la pièce bleue, un micro sur pied et un casque dans le hall d’entrée et la table de mixage branchée dans le bureau. Chacun serait à son poste. Elle en haut, lui en bas, et le mari devant la console.
Après avoir bu un verre d’eau, il sortit son instrument de son étui. Elle rejoignit sa place à l’étage et les premiers essais commencèrent. Prises de niveaux, équilibre, compresseur très léger sur sa voix.
Ils se mirent d’accord sur la structure du morceau. Il griffonna quelques notes sur la feuille avec la grille d’accords qu’elle lui avait préparée et la mit sur le pupitre face à lui.
Elle avait dans l’idée une intro assez sourde : juste une percu et sa voix chantonnante. Ensuite, elle jouerait simplement un accompagnement en basses à la main gauche, en chantant le premier couplet.
D’abord, je retarderais le moment
Où je te verrais totalement
Totalement nu
Parce que, parce que c’est très excitant
De dévêtir quelqu’un lentement
Si lentement
Je le ferais en m’arrêtant souvent
Pour te regarder
Pour t’entendre respirer
Et reprendre ton souffle
Je ne voudrais pas que tu m’aides
Juste que tu profites de mes doigts
Et j’embrasserais chaque petite partie
Découverte
Tendrement
Si tendrement, si tendrement
Au deuxième, elle ajouterait des petits accords à la main droite.
Et, et quand tu serais nu
Je ne te demanderais rien d’autre
Que de te laisser faire
Je t’embrasserais, je te caresserais
Et je m’occuperais avec adresse
De ton corps de rêve
Je voudrais que tu te répandes partout
Que tu te liquéfies
Que tu t’essouffles sous mes doigts
Que tu perdes la tête
Que tu me murmures que tu aurais dû
Me faire confiance
Depuis tout ce que temps
Que tu m’aimes
Si tendrement, si tendrement
Ensuite, une modulation en majeur au troisième et dernier couplet, plus court.
Et quand tu aurais joui une fois, deux fois
Je te dirais que j’ai envie
Qu’on mélange nos notes
On prendrait un verre de vin ensemble
Et puis, on recommencerait de s’aimer
Moins calmement
Mais tendrement
Si tendrement, si tendrement
La fin, c’était juste une partie pianistique avec des arpèges dans l’aigu. Ce qu’elle aurait voulu, c’était des impros d’Adam, peu importait quand il les faisait. Elle savait qu’ensuite, il « arrangerait » le tout pour que cela ait de la gueule. Il distillerait ses petits fragments de sax, ses effets, et tout à coup, la composition prendrait une dimension tout à fait différente.
Se rendait-il compte, lui, que les mots de cette chanson, c’était ceux qu’elle aurait eu envie de lui dire ? Peut-être n’avait-il pas envie de vraiment réaliser… Toujours est-il que cela leur prit moins d’une heure pour emballer tout cela. Le mari avait l’air satisfait. Il mit les fichiers sur une clé USB et la donna à Adam afin que celui-ci puisse mixer la chanson chez lui.
Il était l’heure de passer à table… C’était souvent très bon, ce qu’elle préparait. Ce qui l’était surtout, c’étaient les desserts. Aujourd’hui, du tiramisu et des verrines de mousse au chocolat…
La « grande maison » – aujourd’hui (lundi soir)
On ne pouvait pas dire qu’elle n’était pas douée, Mamou, avec ses desserts… Tiramisu et mousse au chocolat. Les enfants, petits-enfants, Adam et, à présent, sa famille, tous raffolaient de ses recettes.
Austin et Myrtille – qui devaient être les plus gourmands – prirent « un peu de chaque » et se régalèrent. Mamou ne lésinait pas sur l’Amaretto dans le dessert italien, et même s’il était impossible que cela monte à la tête de qui que ce soit, les deux ados étaient légèrement grisés. Par les conversations ? L’air chaud ? La nuit qui commençait à tomber ?
Les soirées étaient longues. On était au début de l’été, le solstice de juin venait à peine de passer. Il commençait seulement de faire noir vers vingt-et-une heures trente… Tout le monde en profitait au maximum.
— Mamou, on peut aller un peu se promener avec les… cousins ? demanda timidement Myrtille.
Décidément, c’était elle la meneuse de la petite bande. Mamou la regarda d’un œil attendri :
— Mais oui… Soyez de retour avant vingt-deux heures trente, tout de même…
Ni une, ni deux, Austin, Duncan, Myrtille et Marin se mirent en route. Austin était si pressé qu’il ne se frotta même pas la bouche en sortant de table. Les commissures de ses lèvres gardaient des traces de chocolat. Myrtille et lui entamèrent une discussion au sujet de ce qu’ils avaient comme projets pour la suite de la semaine. Duncan et Marin, autant portés sur le sport l’un que l’autre, discutaient de leur côté des dernières performances des athlètes belges en judo…
Myrtille entra dans le vif du sujet et de ses questions avec Adam :
— Tu ne trouves pas ça étrange, toi, ces histoires de filleul, de faux cousins… Et puis, comme maman a eu l’air contrariée quand j’ai employé cette expression…
Oui, c’est vrai que c’était bizarre. Et puis, d’habitude, Elisabeth, elle n’était pas aussi piquante, même quand elle faisait une remarque à l’un ou l’autre des jumeaux.
— Tu as vu comme Mamou et ton papa se sont regardés quand vous êtes arrivés tout à l’heure ?
Oui, aussi : c’était… curieux. On aurait dit qu’ils avaient envie de se tomber dans les bras l’un de l’autre, mais que quelque chose les en empêchait.
— Et puis, toi, même si tu n’as rien à voir avec notre famille, je trouve que tu ressembles à Mamou : la couleur de tes cheveux, par exemple. Je suis certaine que quand Mamou était plus jeune et qu’elle avait moins de cheveux gris… Et puis, tu as le même nez et la même bouche qu’elle…
Oui, pour la troisième fois, Myrtille disait juste. Bien sûr, les cheveux de l’aïeule étaient à présent beaucoup plus argentés que châtain, mais… C’était vraiment très insolite tout ça…
C’est de cette manière qu’Austin parla de sa fameuse liste à Myrtille. Il vit ses yeux s’éclairer, littéralement, s’éclairer. Oh oui, qu’ils allaient enquêter… Cela valait vraiment la peine. Ils se regardèrent en souriant : il y avait la même petite lueur dans leurs prunelles. La semaine qu’ils passeraient ensemble dans la « grande maison » serait mise à profit de cette manière !
— Hey, Myrtille, il est déjà presque vingt-deux heures trente… Il faut pas qu’on traîne.
Ils prirent donc le chemin du retour. Ce soir, ils dormiraient entre frères et sœurs, mais demain…
Au domaine d’O. – Août (vingt-quatre ans auparavant – flashback 3)
— Passe-moi la confiture, tu veux ?
Une petite table, semblable à celles qu’on utilise quand on fait du camping – vous voyez ? –, trois chaises pliantes. Sur la table un pot de confiture, du pain emballé dans son sachet papier, du beurre, deux couteaux, des mies éparses sur le bois brut du plateau. Autour de la table, trois jeunes gens réunis par le bonheur d’être ensemble, souriants, les yeux vifs, les lèvres entrouvertes. Ils devaient avoir une bonne vingtaine d’années et donnaient l’impression de se connaître depuis toujours…
Mais non, ces messieurs ne se connaissaient pas depuis si longtemps, quoique. Dix-huit balais, c’est l’âge de faire des rencontres qui marquent. Et dans leur cas, c’était ça. Ils avaient commencé leurs études supérieures ensemble, le plus jeune, Adam, avait bissé sa première. Tom et John avaient donc continué sans lui. Cependant, leur passion pour la musique les avait réunis. C’est donc tout naturellement qu’Adam avait rejoint, après avoir été batteur et guitariste dans d’autres groupes, la formation un peu jazzy des deux autres avec son sax. Ils avaient fait appel à une chanteuse et là, c’était le premier week-end où des enregistrements étaient prévus.
Elle était arrivée… « d’ailleurs », c’était le cas de le dire. Pas très grande, avec des cheveux châtain foncé raides, un petit visage tout fin, très fluette. Elle ne parlait pas le français correctement, mais bon, ce n’était pas ce qui comptait. Toutes les finances des musiciens y étaient passées : c’était eux qui avaient pris en charge le coût de son trajet en avion. Et là, on en était aux premières prises. Malheureusement, ce n’était pas très convaincant… On la sentait très jeune, et dans ce cas, ce n’était pas un compliment. Elle était un peu fofolle et sa voix n’était pas à la hauteur de leurs attentes. On allait voir ce qu’il serait possible de faire avec les petits morceaux qu’elle avait déjà enregistrés, mais tant qu’elle était là, autant en « profiter ». Adam s’était senti pousser des ailes : des trois messieurs, c’était le seul à être célibataire. Et comme la demoiselle était tout à fait à son goût…