Fuir pour survivre - Solange Marie - E-Book

Fuir pour survivre E-Book

Solange Marie

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Beschreibung

Claire parviendra-t-elle à échapper aux dangers qui la guettent ?

Victime de violences conjugales, Claire vit dans la peur permanente. Une existence dévorée qu’elle subit en attendant des jours meilleurs, jusqu’à ce que son mari commette l’impardonnable. La jeune femme prend alors conscience qu’elle n’a plus qu’une solution, fuir. À travers les forêts et les villages, elle espère atteindre la Suisse pour se mettre à l’abri, persuadée que s’il la retrouve, il la tuera. Cependant, un autre fugitif sème la terreur dans la région, et elle pourrait se retrouver face à un tueur aussi charismatique que dangereux. Entraînée dans un tête-à-tête mortel, Claire devra ruser pour survivre jusqu’à l’arrivée d’une âme providentielle qui peut-être, changera sa vie à jamais.

Plongez au coeur du destin de Claire, femme battue qui se démmène pour survivre et enfin échapper à la violence qui l'entoure.

EXTRAIT

Mes parents n’étaient pas informés bien sûr, je leur cachais la vérité, tout d’abord parce que j’avais honte, et aussi parce que je croyais que ça allait s’arranger. Maman le trouvait charmant, tellement galant, tellement stylé. « Ton mari est un ange », disait-elle en souriant, quand il lui offrait un bouquet de fleurs, lors d’une invitation à Brie-Comte-Robert. Papa lui donnait une tape sur l’épaule en le remerciant pour la bonne bouteille de vin millésimé qu’il venait de lui remettre. Oui, un ange en effet qui se transformait en démon sitôt passé le pas de notre porte.L’année d’après notre mariage, nous étions partis en vacances. Paul aimait surtout la montagne, les balades, et il m’emmenait camper dans les Vosges. C’était assez agréable, de plus pendant les vacances Paul était plus calme, sans doute parce que j’étais en permanence avec lui, et qu’il pouvait me surveiller. Mais une fois de retour la scène d’avant les vacances se répéta bien sûr plusieurs fois dans le mois, toujours pour des raisons absurdes, ensuite ce fut la première gifle. Je lui dis que j’allais me plaindre à mes parents, mais sa colère redoubla et la deuxième gifle me jeta à terre. J’étais terrifiée. Où était l’homme charmant que j’avais épousé ? Je ne le reconnaissais pas. Que s’était-il passé ? Je n’avais rien vu venir. Pourtant j’étais la même, du moins me semblait-il !

A PROPOS DE L'AUTEUR

Toujours aussi passionnée de lecture et d'écriture, Solange Marie nous présente son deuxième ouvrage, Fuir pour survivre. Son premier roman, La Maison d'en Face, ayant obtenu un certain succès, c'est sans hésitation qu'elle se lance dans l'aventure avec le second. Un troisième verra le jour dans quelques mois. Ecrire reste une passion et un rêve qui se réalise.

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Solange MARIE

FUIR POUR SURVIVRE

À « Zora » qui se reconnaîtra.À mes enfants, ma famille et mes amis.

Zora la Gitane Première partie

Prologue

Nous étions le 12 juillet 1973, il faisait beau et chaud et le ciel était d’un bleu limpide. Je me tenais immobile, le regard fixé sur son regard vert qui semblait me dire : « Pourquoi ? » Ma main tenait encore le pistolet avec lequel j’avais tiré, cinq à dix minutes auparavant, je ne savais plus.

Je l’avais fait, sans même savoir me servir du pistolet, il ne pouvait en être autrement. Je regardais cet homme si beau et mon cœur vacillait. Pourtant il le fallait, je n’avais pas eu le choix, il m’aurait tuée, c’était certain…

1 Un bonheur éphémère

Je venais de me lever, ma décision était prise, je devais partir et vite me faire oublier. Mais comment faire, aurai-je le temps et le courage de partir avant qu’il n’arrive ? Il s’agissait de disparaître complètement, non de le quitter et de partir chez mes parents.

Je m’appelle Claire, Claire Lanoux, j’allais avoir 28 ans. Mon enfance fut sans problème et sans surprise. Une enfance comme tout le monde ou du moins comme la plupart des gens.

Le soir de mes 21 ans, le 10 octobre 1966, mes parents avaient organisé une petite fête en mon honneur, avec des amis et la famille. Famille qui n’était pas bien grande : mes parents et moi, mes grands-parents paternels, ma grand-mère maternelle, ma tante Nicole, mon oncle Roger et leur bêta de fils Arthur. Mes amis. Ah mes amis ! Il y en avait peu aussi : Colette, Sophie mon amie d’enfance, Marie et Joy, une Américaine venue faire ses études à Paris. Nous habitions en banlieue parisienne, un petit pavillon discret à Brie-Comte-Robert. Tout ce petit monde s’apprêtait à passer une bonne soirée, mais ce que nous ignorions, c’est que j’allais tomber éperdument amoureuse du boy-friend de Joy, qu’elle avait eu la bonne idée d’amener ce soir-là.

Je crois que l’attirance fut mutuelle : il était grand, très brun, avec des yeux noisette, un petit sourire ironique aux lèvres, il se prénommait Paul. Il avait 26 ans déjà, il était informaticien.

Toute la soirée, ce furent des regards furtifs, des sourires, des frôlements de mains quand on se croisait. Joy n’en croyait pas ses yeux. Elle qui passait son temps à rire et à nous faire rire, à blaguer, était sombre, je pouvais voir la colère dans son regard. J’essayais de fuir au maximum Paul, mais c’était dur, car j’étais dans le même état que le sien. À la fin de la soirée, tout le monde se dit au revoir et quand Paul arriva près de moi, il m’embrassa sur la joue, mais si près des commissures des lèvres que je tressaillis, il me glissa doucement à l’oreille :

–À demain quinze heures, mairie de Créteil. C’est là que je travaille depuis neuf mois.

–Bien sûr, Joy avait vu le manège, elle s’approcha de moi et me glissa cinglante :

–Je te le laisse, j’ai compris, je te souhaite bien du plaisir, on ne se reverra pas.

Je n’essayai même pas de la retenir, de lui expliquer, tant j’étais subjuguée par ce Paul et ce que j’avais lu dans ses yeux.

Je dormis à peine cette nuit-là, mon esprit étant toujours avec ce garçon que je ne connaissais même pas, qui m’avait donné rendez-vous le lendemain et que j’avais volé à mon amie Joy. Ce n’était pas moi, cela, et, pourtant, je ne pouvais pas résister. J’attendais avec impatience l’heure du rendez-vous. J’étais au travail mais je n’arrivais pas à me concentrer, mon esprit ne cessait pas de vagabonder. Il était là, il m’attendait devant la mairie. Je le regardais en avançant lentement vers lui, il avait toujours son sourire ironique. Il vint vers moi et ouvrit les bras sachant déjà que je n’opposerais aucune résistance.

Je me lovai dans ses bras et nous nous embrassâmes fougueusement.

Il prit la parole le premier et me dit :

–J’ai rêvé toute la nuit de ce moment-là, je suis tombé raide dingue amoureux de toi Claire, au premier regard. 

Les yeux dans les yeux, je lui expliquai qu’il en était de même pour moi. Un mois après nous étions fiancés : il était tendre, amoureux, gentil, le parfait gentleman quoi !

Chaque soir, il venait me chercher à mon travail, nous faisions une balade avant qu’il me raccompagne à la maison. Mes parents étaient heureux pour moi, tout se passait bien.

Puis un soir, il me dit :

–Claire, il y a maintenant quatre mois que nous sommes amoureux, voudrais-tu faire de moi le plus heureux des hommes en m’épousant ? 

Encore une fois, je ne pus résister à son charme et bien sûr je dis oui, trois fois oui... oui… oui…

Paul possédait une petite maison tout près de Créteil, nous décidâmes que nous l’habiterions.

J’étais heureuse, cela ne faisait pas trop loin de chez mes parents, tout près de mon travail aussi. Lui travaillait à Paris. Notre mariage eut lieu le 20 mars 1967, en petit comité, car Paul avait perdu ses parents très jeune, et il était fils unique. J’étais aux anges !

Les premiers mois, tout se passa à merveille, je vivais un rêve. Paul était attentionné, parfois il rentrait avec un bouquet de fleurs ou un petit cadeau. Nos relations sexuelles étaient satisfaisantes et n’ayant pas beaucoup d’expériences en ce domaine, je me trouvais comblée. Nous sortions très peu et je dois dire quand même que je délaissais mes amies. Colette, comme Sophie, nous avait invités deux ou trois fois, mais Paul avait toujours trouvé un prétexte pour refuser. Et, toute à mon bonheur, je n’y avais pas trop prêté attention. À part quand nous étions au travail, nous étions tout le temps ensemble. Nous nous aimions et je ne voyais rien à redire à son comportement. Je n’avais pas remarqué que nous vivions en vase clos, qu’il m’avait petit à petit éloignée de tous mes amis pour m’avoir tout à lui.

Je crois que cela a dû commencer environ six à huit mois après notre mariage. Un soir, il était rentré du travail, et sans raison aucune, il s’était mis à me hurler dessus, en me demandant où j’avais passé mon après-midi. Je lui avais répondu que j’étais allée voir mon amie d’enfance Sophie. Il entra dans une fureur folle, me disant qu’il s’en doutait, que je devais voir un autre homme que lui, qu’il voulait que je reste à la maison quand il était absent et ne devais sortir qu’avec lui, que j’étais sa chose à lui. J’étais bouleversée, j’essayai de lui dire que je ne faisais aucun mal, que j’étais juste chez mon amie. Mais il me répondit que dorénavant je ne devais pas sortir sans lui en parler, que mes amies étaient des amies d’avant, et que désormais ma vie c’était lui. Mais il m’aimait et notre vie serait magnifique si seulement je voulais être raisonnable et lui être totalement dévouée. Il se calma cependant, le reste de la soirée se passa tranquillement. Mais moi, je n’étais plus tranquille du tout. À partir de ce jour ma vie changea du tout au tout. Mon amoureux devint très vite un autre homme. Un homme attentionné et doux un jour et un homme violent et acerbe un autre jour. Le peu de fois où nous étions en société, il était un homme charmant, à mes petits soins et passait pour un mari modèle.

Mes parents n’étaient pas informés bien sûr, je leur cachais la vérité, tout d’abord parce que j’avais honte, et aussi parce que je croyais que ça allait s’arranger. Maman le trouvait charmant, tellement galant, tellement stylé. « Ton mari est un ange », disait-elle en souriant, quand il lui offrait un bouquet de fleurs, lors d’une invitation à Brie-Comte-Robert. Papa lui donnait une tape sur l’épaule en le remerciant pour la bonne bouteille de vin millésimé qu’il venait de lui remettre. Oui, un ange en effet qui se transformait en démon sitôt passé le pas de notre porte.

L’année d’après notre mariage, nous étions partis en vacances. Paul aimait surtout la montagne, les balades, et il m’emmenait camper dans les Vosges. C’était assez agréable, de plus pendant les vacances Paul était plus calme, sans doute parce que j’étais en permanence avec lui, et qu’il pouvait me surveiller. Mais une fois de retour la scène d’avant les vacances se répéta bien sûr plusieurs fois dans le mois, toujours pour des raisons absurdes, ensuite ce fut la première gifle.

Je lui dis que j’allais me plaindre à mes parents, mais sa colère redoubla et la deuxième gifle me jeta à terre. J’étais terrifiée.

Où était l’homme charmant que j’avais épousé ? Je ne le reconnaissais pas. Que s’était-il passé ? Je n’avais rien vu venir. Pourtant j’étais la même, du moins me semblait-il !

Quand il m’avait bien humiliée, il devenait doux comme un agneau en disant que c’était de ma faute, que je ne faisais pas les choses comme il le voulait, comme il me l’avait ordonné, qu’il fallait bien qu’il se fâche. Mais il m’aimait, il me répétait toujours les mêmes choses… et cela dura six ans… six ans de calvaire, pendant lesquels, je me suis sentie humiliée, désespérée et désorientée à la fois. Je ne savais plus quoi faire, j’avais si peur, que je faisais tout ce qu’il voulait. Malgré tout, ce n’était jamais assez. Je faisais tout pour le cacher à mes parents. Je n’avais plus d’amies, j’avais coupé tout contact, et je me renfermais sur moi-même. Ma vie était devenue un enfer, je ne sortais plus qu’avec lui, et l’amour fou que j’avais eu pour lui partait en fumée. Nos relations étaient liées à son bon plaisir, quand il voulait et comme il voulait. Si jamais j’osais lui refuser une relation intime, il me violait tout simplement. Impossible d’y échapper, impossible de refuser sinon la punition suivait.

En 1969, je tombai enceinte, j’étais heureuse et je pensais que tout allait rentrer dans l’ordre, mais non, rien n’y faisait, j’avais beau user de gentillesse, il trouvait toujours quelque chose à me reprocher pour me faire du mal. J’arrêtai de travailler, et cela eut l’air de le calmer un peu. Je m’ennuyais seule à la maison quand il travaillait, mais je n’osais pas trop sortir de peur de déclencher une nouvelle colère. Je n’osais pas non plus inviter qui que ce soit chez moi, de toutes façons j’avais coupé tout lien, aussi je restais seule le plus souvent.

À la naissance de Naïs en janvier 1970, j’osai lui dire qu’il ne devait plus me toucher, qu’il était un père maintenant, qu’il avait une adorable petite fille, et qu’il devait mieux se comporter. Mais il me répliqua que je n’avais qu’à être une bonne épouse et que tout irait bien. J’espérais encore qu’il changerait.

Il passait de la colère, de la violence, à la douceur et à la tendresse, et je ne savais plus où j’en étais. Je me remémorais alors les paroles de Joy : « Je te souhaite bien du plaisir ! »

Avait-elle, elle aussi, subi sa violence et ses excès d’humeur ? S’il était comme ça avec moi, il avait dû l’être un jour ou l’autre avec elle aussi.

Naïs grandissait, heureusement c’était une enfant docile et sage, car je craignais toujours qu’un jour il ne s’en prenne à elle. Mais même elle ne parvint pas à faire revenir le calme à la maison. Je m’efforçais de faire de mon mieux pour ne pas provoquer sa colère, mais je n’en pouvais plus. Ma petite fille était tout pour moi, elle m’apportait tant de joies dans cette vie compliquée que je vivais. Seuls son amour, ses sourires me réconfortaient, et me donnaient une raison pour continuer.

Mes parents gardaient Naïs de temps en temps pour me soulager et nous laisser du temps pour nous. Mais un jour, les bleus que j’avais sur les bras et sur le visage et que je n’arrivais plus à cacher complètement alertèrent mes parents, sur ce qu’ils avaient déjà deviné depuis longtemps : mon mari me battait. Maman me dit ce jour-là :

–Claire, tu devrais porter plainte et le quitter, te faire aider, viens à la maison. 

Mais je ne pouvais pas faire cela, je savais qu’il viendrait immédiatement me chercher, et que ce qui m’attendait serait terrible. J’avais peur aussi pour ma petite fille. Depuis quelque temps, il hurlait après elle quand elle pleurait, et il y eut bien sûr la première gifle. La pauvre hurlait si fort que je dus la soustraire à la vue de Paul, pour qu’il arrête. Cette fois, j’avais pris la poudre d’escampette avec ma fille, j’étais montée précipitamment en voiture et j’avais fui chez mes parents.

En arrivant chez ces derniers je ne dis rien bien sûr, mais c’était sans compter sur Naïs, qui à peine arrivée, se plaignit à sa grand-mère de l’énorme gifle que venait de lui donner son papa. Ma mère voulut me demander des explications, mais je n’eus pas le temps de lui répondre car comme je le pensais, mon mari vint me chercher, très calme et très souriant. Il était devant mes parents, comme si de rien n’était. Il dit en s’adressant à ma mère :

–Mamie, nous allons vous laisser Naïs ce soir, j’emmène Claire au restaurant, d’accord ?

Ma mère acquiesça en me regardant, et je fis oui de la tête ! Dans mon regard elle lut que je lui demandais de ne rien dire et de me comprendre. Je savais qu’elle allait s’inquiéter mais qu’elle comprendrait et ne dirait rien.

J’acceptai donc de le suivre, puisqu’il voulait bien laisser Naïs à mes parents, en disant qu’en fait, on avait besoin de se retrouver seuls tous les deux et de parler. J’embrassai très fort mes parents, je serrai aussi très fort ma fille dans mes bras, car je savais déjà que je ne pourrais pas le faire de sitôt. Je lui dis d’être bien sage, que je l’aimais très fort. Je croisai furtivement le regard inquiet de ma mère, je me retournai vite pour sortir derrière Paul. Ma décision était prise…

Arrivé à la maison, mon mari me dit en souriant :

–Alors, tu as dit à ta mère que tu voulais que l’on parle, alors parle !!! 

–Oui, lui dis-je en le regardant, je voudrais comprendre pourquoi tu as tant changé, on s’aimait tant et maintenant rien de ce que je peux dire ou faire ne te satisfait. Tu me cries sans cesse dessus, et tu me frappes. 

Il rit et son rire me fit l’effet d’un glaçon dans le dos.

–Mais voyons, Claire, je t’aime toujours autant, c’est toi qui cherches à me mettre en colère, et je suis parfois dans l’obligation de te corriger, afin que tu comprennes bien qu’il ne faut pas continuer sur cette voie. Allez, ma chérie allons au restaurant maintenant, tu veux bien ?

J’acceptai pour ne pas le contrarier encore une fois. Il ne fallait pas que ça tourne mal, pas ce soir. Tout se passa très bien, il m’avait emmené dans un bon restaurant, avec un repas excellent que je savourais d’autant plus en sachant ce que j’allais faire. Il était d’humeur agréable et me souriait. Il avait même pris ma main, et je vis le sourire du couple assis à la table à côté, qui semblait dire « regarde ces deux-là, comme ils ont l’air de s’aimer ». Oui ce soir-là tout fut calme et en me couchant, je dis adieu à cette maison, à ma famille, à ma chère petite fille que je ne pouvais emmener dans ma galère. Je savais que mes parents en prendraient bien soin et la protégeraient de son père. C’était très dur de prendre cette décision, mais je ne voyais pas d’autre moyen pour m’en sortir. Il ne me laisserait jamais partir de moi-même, et il s’en prendrait à Naïs. Alors, je devais prendre mes responsabilités, m’éloigner au plus vite de lui, de sa violence en essayant de protéger ma fille, pour cela je devais la laisser à mes parents. Je n’avais pas d’autres solutions. Je devais fuir pour survivre !

Il fallait que je disparaisse sans laisser de trace. L’idée de m’enfuir germait dans ma tête depuis un certain temps, j’avais commencé à rassembler des affaires qui pourraient me servir à ce moment-là. J’avais retrouvé mon vieux sac à dos, ma petite toile de tente, si petite que Paul avait dit : « Pour que tu puisses la monter seule en deux trois mouvements ! » Et nous avions ri comme des fous dans le magasin. Il y avait aussi le duvet, la lampe avec des piles de rechange, une toute petite radio, tout cela pour faire de belles balades quand nous partions en vacances, nous aimions tant marcher, et cela allait me servir. Quand je l’avais retrouvé, j’avais engouffré dedans quelques vêtements de première nécessité, deux serviettes de toilette, du savon, une brosse à dents, du dentifrice, un peigne et un peigne rasoir, car j’avais l’intention de me couper les cheveux, quelques médicaments d’urgence, et de bonnes chaussures de marche. J’avais planqué le tout dans le garage derrière des cartons à moitié vides, dont on ne se servait pas. J’avais aussi mis un peu d’argent de côté quand je le pouvais, ma mère me donnait parfois un billet, que je ne dépensais jamais. J’avais ainsi amassé quelque argent, et j’avais cousu une poche dans un soutien-gorge qui me servait de cachette. Le sac à dos avec sa tente et son duvet dessus et les chaussures attachées était bien lourd mais tant pis ça irait.

2 La fuite de Claire

Ce matin-là, le 26 juin 1973, j’attendis que Paul parte travailler. Avant de partir, il me dit en m’embrassant :

–À ce soir, chérie, sois sage, et ne fais rien qui pourrait m’agacer ! 

–D’accord Paul, répondis-je, sans le regarder.

La porte claqua, j’attendis qu’il démarre la voiture, et lui fis un petit signe de la main par la fenêtre. Adieu Paul, je fuis !!! J’étais tout excitée. Est-ce que j’allais réussir ? Il le fallait bien sinon c’était fini pour moi.

Je pensais à mes parents et à Naïs, mais je devais partir sans rien leur dire pour leur bien à eux aussi. Ils comprendraient, j’en étais sûre, je devais disparaître pour tout le monde, si je voulais que ce soit crédible. Je pris une douche, la dernière sans doute pour quelque temps et m’habillais. Il ne faisait pas trop chaud, mais il faisait beau. J’allais chercher mon sac à dos dans sa cachette, j’ajoutais, du chocolat, des biscuits, des fruits secs, du sucre. J’avais pris aussi un thermos avec du café bien chaud et une gourde d’eau. Je mis de bonnes chaussures, jetais un dernier regard dans la cuisine, puis me dirigeais vers le garage.

Pour ne pas attirer l’attention des voisins, je n’avais pas sorti la voiture tout de suite, une deux-chevaux pas très jeune mais en très bon état. De toute façon les voisins travaillaient tous dans l’ensemble, et la mamie d’en face dormait encore à cette heure, il n’était pas huit heures du matin, ses volets étaient tous fermés. Je chargeais la voiture et ouvris doucement la porte. Paul avait comme à son habitude, laissé le portail ouvert, je sortis aussi calmement que possible la voiture, et partis en laissant tout ouvert pour ne pas m’attarder. Tant pis je m’en fichais. J’avais peur, j’avais mal au ventre. Pourvu que Paul n’ait pas l’idée de revenir. Pourvu que tout se passe bien, pourvu que je ne le croise pas. J’allais un peu trop vite, je ralentis, il ne fallait surtout pas que je me fasse arrêter par les gendarmes. Je sortis le plus rapidement possible de Créteil et me dirigeai vers Melun. Je voulais aller jusqu’à Besançon, abandonner la voiture, puis continuer à pied, pour rejoindre la frontière Suisse. Il me semblait que j’y serais plus en sécurité. Je ne voulais pas rester en France.

Maintenant commençait l’aventure, pour disparaître, je ne devais pas me faire remarquer, ce serait la catastrophe. J’étais vêtue d’un jean, d’un débardeur, ainsi que d’un pull, car ce matin il faisait un peu frais. J’avais amené un bonnet que je pourrais toujours visser sur ma tête, si le besoin de me déguiser se faisait sentir. J’avais l’intention de me couper les cheveux très courts dès que je pourrais, pour changer un peu de physionomie. Je savais que Paul ferait faire des recherches et donnerait une photo de moi. Heureusement, j’avais les cheveux mi-longs, j’allais les couper aussi court que possible, j’avais trouvé des lunettes de soleil noires, avec lesquelles personne ne m’avait jamais vue. Je ne roulais pas trop vite. Paul ne devait pas rentrer avant dix-neuf heures, j’avais tout le temps, si tout se passait bien. Il était sur un travail très important, aussi je me dis qu’il n’aurait sans doute même pas le temps de m’appeler, tant mieux.

Je pris la route de Melun, Troyes, Chaumont, Langres, ensuite je bifurquerais vers Besançon.

J’aimais conduire et Paul ne m’en laissait que peu l’occasion. Mes pensées s’entrechoquaient dans ma tête, je devais faire attention à la route. Si ma mère avait essayé de m’appeler pour savoir si ma soirée d’hier soir n’avait pas mal tourné, elle devait s’inquiéter, mais je ne pouvais rien faire, je devais suivre mon plan. La route défilait devant mes yeux, je ne peux pas dire que je regardais et admirais le paysage, j’avais trop de choses en tête. J’essayais juste de bien suivre mon itinéraire pour ne pas faire d’impair.

Vers quatorze heures j’arrivai dans un village un peu avant Besançon. Je m’arrêtai, il fallait que je me restaure. Je n’avais rien mangé depuis ce matin, plutôt depuis hier soir, car ce matin, je n’avais rien pu avaler d’autre que mon café. J’entrai dans un petit bar restaurant. Je me dirigeai vers les toilettes. Comme je m’y retrouvai seule je me mis à me couper les cheveux avec mon peigne rasoir, le mieux possible et c’est peu de le dire. Je tirai la chasse d’eau et « partis » mes cheveux. En sortant je jetai un œil dans le miroir. Bof ce n’était pas trop mal ! Le bar faisait des sandwichs, je m’achetai de quoi manger, puis je sortis le dévorer dehors près de la voiture. Je me disais que j’allais devoir l’abandonner discrètement, mais où ? J’en arrivais à me demander si j’avais bien fait de venir jusqu’ici avec la voiture, quand on la retrouverait, on penserait que je me trouve dans les parages… Quelle idiote, je n’y avais pas pensé que faire ?

Je repris tranquillement le volant et sans réfléchir tant j’étais dans mes pensées, j’arrivai dans Besançon.

Il fallait que je prenne la direction de Pontarlier, j’arrivai dans une zone de HLM, je me dis que c’était peut-être un bon endroit pour laisser la voiture. Je la garai près d’un immeuble, je pris mon sac à dos, je vérifiai que j’avais tout, je pris quand même les papiers. Je claquai la porte en laissant les clefs dessus. Un peu plus loin des jeunes me regardaient narquois, je ne m’attardai pas et je m’éloignai à pied. Voilà, c’était parti, l’aventure commençait là, j’allais faire confiance au hasard.

Maintenant, il fallait que je marche, parfois ce serait comme là dans les rues, sur la route mais aussi et surtout, sur des chemins et dans les bois. Je n’étais pas des plus hardies. Je pétochais un peu. J’étais dans mes pensées quand soudain j’entendis un bruit de moteur se rapprocher et je vis ma voiture qui me doublait avec des jeunes à l’intérieur, un devant qui me fit un doigt d’honneur… Je n’en revenais pas… Quelle aubaine… Le hasard, la chance, je ne savais pas, mais ma voiture partait sans moi et c’était tant mieux. Qu’ils aillent le plus loin possible, ce n’était plus mon affaire, cela m’arrangeait.

Je continuai mon chemin comme si de rien n’était, j’avais ma carte routière pour éviter de me perdre et j’essayais de suivre la route qui m’intéressait. J’appréhendais la nuit, qui allait tomber, et je ne savais pas trop où j’allais dormir ce soir. Je me dis que j’avais inconsciemment pensé coucher dans la voiture pour mon premier soir… mais non ce ne serait pas cela ! Je regardai l’heure, dans deux heures à peu près Paul allait rentrer. Il appellerait certainement mes parents qui n’allaient rien comprendre, il allait les accuser de savoir où je me trouvais et il irait certainement voir la police pour signaler ma disparition. Il fallait que ça marche, je ne devais pas me faire remarquer, ne pas perdre mon sang-froid, réfléchir… Je repris ma carte, je devais suivre une direction mais éviter les grandes routes, suivre des petits chemins, des petites routes de campagne, éviter les rencontres.

Bien sûr, mon idée était d’aller en Suisse, mais je ne connaissais pas du tout la région, j’avais encore pas mal de kilomètres à faire. J’aurais peut-être dû aller un peu plus loin en voiture pour me rapprocher de la frontière, mais il était trop tard pour avoir des regrets, et récupérer la voiture, le sort en était jeté ! C’était ainsi, je devais me débrouiller seule. Je pensais à mes parents, je pensais à Naïs. Comme ils devaient être inquiets ! Avaient-ils compris ce que j’avais fait, ils devaient avoir peur et Paul devait les terrifier. J’aimerais leur faire un signe, leur donner un coup de téléphone, mais je risquais de me griller, il ne le fallait pas. Je marchais le plus tranquillement possible et le plus naturellement possible. J’essayais de me repérer avec ma carte et les pancartes, je pris la direction de Pontarlier, après je verrais… Je devais suivre la nationale 57, la citadelle m’apparut, superbe, comme c’était beau ! J’aurais bien aimé m’attarder un peu, mais je ne devais pas, je devais surtout me cacher. Je marchais lentement, ma tête me faisait mal à force de penser. J’avais l’habitude des marches, heureusement. Les longues balades que nous avions faites avec Paul dans les Vosges allaient sans doute m’aider.

J’arrivai dans un petit village, dont je ne sais plus le nom. J’avais dû faire pas loin de huit kilomètres, la nuit commençait à tomber. Cela devenait un peu critique pour moi : où allais-je dormir ? Mais il devait y avoir un ange qui veillait sur moi, car, je tombai sur un camping. Un petit camping de campagne, sans doute municipal. Il me sembla qu’il n’y avait que très peu de monde : quelques caravanes et peu de toiles de tente. Je ne voulais pas me faire remarquer mais il me vint une idée ! Il fallait que j’entre dans ce camping après dix heures lorsque tout serait calme et à moitié endormi, que je m’installe dans un petit coin, sans bruit, jusqu’au petit matin. Il me semblait que j’y serais en sécurité pour ma première nuit. Donc, j’allais m’asseoir un peu plus loin sous un arbre près du camping, en attendant qu’il fasse nuit noire. Je sortis quelques biscuits, des fruits secs, je bus un peu de café, mais il était tiède, tant pis. Je consultai ma carte pour demain, il me faudrait longer la nationale 57 et me diriger vers Étalans. Je me dis que j’arriverais à faire une vingtaine de kilomètres par jour. Certains jours, ce serait facile, d’autres moins, mais on verrait. Peu après dix heures, il faisait suffisamment sombre, je me levai, repris mon sac à dos, je m’approchais de la barrière du camping. Tout était calme, alors j’entrai en passant sous la barrière, j’avançai lentement vers le fond du camping. En passant devant une caravane, j’entendis la radio qui marchait. J’avançai encore plus loin et trouvai un petit coin assez loin des autres tentes, là je montai la mienne très vite sans problème et sans bruit. Personne à l’horizon, j’entrai sous ma toile, dépliai mon duvet, je me lovai dedans tout habillée. J’avais eu beaucoup de chance pour mon premier soir de trouver ce camping. J’étais tellement crevée que je dormis sans demander mon reste. J’avais placé sous mon oreiller, mon petit réveil en fonction sonnerie sur cinq heures trente du matin. Bonne nuit tout le monde !

3 Par les chemins…

Cinq heures trente du matin, le réveil me fit sursauter, j’avais très bien dormi. Je me levai en vitesse, je devais plier bagage, tant que le camping était encore endormi. Je me passai un peu d’eau sur le visage, et basta, je repris le chemin de la veille. En passant devant les douches, je croisai un homme moitié endormi, je baissai la tête, il dit :

–Bonjour, matinal, on va marcher ?

Je répondis :

–Oui, bonjour…

Et je filai rapidement

Pourvu qu’il n’ait rien trouvé d’anormal… pourvu… Allez pourvu rien du tout… J’y allais et ne me retournai pas.

Je repris la route. Il ne faisait pas chaud ce matin, je supportais mon pull. Il faut dire qu’il n’était que six heures du matin et qu’il faisait à peine jour.

Le soleil se levait, une belle journée s’annonçait, je ne fatiguais pas trop, je profitais de la nature, je marchais à mon rythme et m’arrêtais quand j’en avais envie. Je pensais à nouveau à ma petite fille, j’espérais que tout irait bien pour elle, je devais être forte. Vers dix heures j’arrivais à Marmirolle, un petit village sympa, j’achetai un sandwich, j’avais trop faim, et une bouteille d’eau, je regardai vaguement le journal, je ne vis rien d’anormal. Je ne m’attardai pas trop dans le village toujours de peur d’être reconnue si jamais mon signalement avait été donné mais le journal ne m’avait pas montré que l’on parlait de moi. Je repris la route, il y avait une belle forêt, je me dis que j’allais y entrer sans trop m’éloigner, tout en suivant la route si je pouvais garder le cap. Je préférais faire un peu plus de kilomètres mais rester à l’abri des regards chaque fois que je le pouvais. Me voilà donc repartie, j’étais dans les bois, j’aimais la paix qui y régnait, on entendait les oiseaux et cela sentait bon. J’étais contente que ce ne soit pas la période de la chasse, car j’aurais eu trop peur de me faire tirer dessus. Mais tout allait bien. Quand j’avais acheté mon sandwich tout à l’heure, j’en avais pris deux, afin d’en avoir un pour ce soir. Si je ne faisais pas trop de détours dans les bois, je pourrais être à Étalans ce soir, il devait me rester à peine neuf kilomètres. D’un autre côté, je ne voulais pas non plus trop me fatiguer. Je préférais garder des forces pour le cas où je devrais accélérer le pas, si je devais fuir.

Je pris ma petite radio, j’allais écouter les informations pour voir si l’on parlait de moi. Rien, c’était bizarre. Que se passait-il là-bas ? Deux jours déjà que j’étais partie et pas de nouvelles ! Que faisait Paul ? Laissait-il mes parents et ma fille tranquilles ? Tant de questions se bousculaient dans ma tête, mais il me fallait ne pas m’y attarder, pour continuer et ne pas me retourner.

Je laissai un peu la musique, cela me permettait de me distraire, mais très vite je tournai le bouton et j’éteignis la radio, je préférais entendre les bruits de la forêt. Je ne savais pas très bien où j’étais, mais j’étais un peu fatiguée, là il y avait une jolie clairière bien propre, je me dis que je pourrais bien monter ma tente ici et y rester pour la nuit à venir, en espérant ne pas être dérangée ni par des hommes ni par des bêtes. Je ne pensais pas être trop loin d’une route, car il me semblait entendre des voitures de temps en temps. Je m’installai donc pour la nuit. Cela faisait du bien de laisser tomber le sac à dos, il était un peu lourd, je ressentis un soulagement très apprécié. Je montai ma tente, il était dix-huit heures quinze, j’allais manger mon sandwich. J’écoutai encore un peu la radio : pas d’appel, pas d’avis de recherche. Je me demandais comment mes parents allaient réagir à ma fuite, et s’ils allaient pouvoir gérer tout ça ! Aurais-je le temps d’arriver en Suisse avant que Paul ne se lance lui-même à ma recherche, il en était capable ! Et j’étais encore bien loin de la frontière. Ma petite fille me manquait. Qu’allait-elle penser de sa maman ? Car Paul allait lui dire que je l’avais abandonnée, c’est sûr ! Pourvu que mes parents résistent et la gardent chez eux. Ma tête me faisait mal et je passais du sourire aux larmes. Je pris mon sandwich, et le mangeai juste pour manger, je n’avais pas faim, j’étais trop triste ce soir. En plus, j’avais un peu peur seule dans ces bois. J’entrai dans la tente, je me mis dans le duvet. Je devais fermer les yeux, ne plus penser à rien, et dormir. Facile à dire, je tournais et me retournais dans mon duvet, j’entendais des bruits flippants… pourtant, la fatigue l’emporta, alors je m’endormis.

De bon matin je me réveillai, zut il pleuvait, une petite pluie fine. Comment allais-je faire, ma tente allait être toute mouillée ? Et je ne devais pas m’attarder, on ne devait pas me voir. Je mangeai quelques biscuits et du chocolat. Bien sûr, le café était froid, je vidai le contenu de mon thermos dehors, j’essayai de faire un brin de toilette avec les moyens du bord. Je lissai mes vêtements avec la paume de la main pour les défroisser un peu. Je rangeai et je pliai la toile mouillée, quelle poisse !