La maison d'en face - Solange Marie - E-Book

La maison d'en face E-Book

Solange Marie

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Beschreibung

Quand les enfants Legrand découvrent une mystérieuse maison abandonnée dans leur nouveau quartier, ils sont bien décidés à mener l'enquête...

Dans les années 1960, la famille Legrand rentre d’Afrique, où elle vient de passer douze années. Elle s’installe à Jarnac, en Charente, petite ville paisible où chacun prend vite ses marques. Seulement, de l’autre côté de la rue, plane un mystère.
La maison d’en face est à l’abandon, les volets clos. On raconte qu’une enfant y est morte. Très vite, les phénomènes étranges se multiplient, des lumières apparaissent aux fenêtres, des coups sont entendus au sous-sol. Dévorés par la curiosité, les deux enfants Legrand, Éric et Sophie, se lancent dans une enquête qui bouleversera leur vie, ainsi que celle de leurs proches.

Haletant, ce roman à rebondissement campé dans les années soixante ravira tous les lecteurs !

EXTRAIT

Son regard se posa tout d’abord sur la rue déserte à cette heure, puis sur la maison d’en face. C’était une très jolie maison avec un perron pour accéder à la porte d’entrée. Les volets et la porte étaient couleur rouge sang. Le jardin était entretenu avec de grands arbres très vieux sans doute. Elle était très jolie cette petite maison, mais tout était fermé, comme endormi. Eric réfléchissait, il se demandait pourquoi il n’y avait personne. Il savait que parfois des maisons étaient inhabitées, car c’étaient des maisons secondaires, mais la plupart du temps, elles étaient ouvertes l’été pendant les vacances. Sophie regardait son frère, qui ne disait rien et fixait la maison d’en face. Alors, elle se leva pour se diriger à son tour vers le muret et voir ce qui pouvait tant intriguer son frère.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Passionnée de lecture et d’écriture depuis toujours, Solange Marie a un jour eu envie de coucher sur papier toutes les idées qui lui couraient dans la tête. Grand-mère de 70 ans, elle vit dans le Périgord, bel endroit propice au rêve, qui lui permet d’écrire et d’assouvir sa passion.

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Solange Marie

LA MAISON D’EN FACE

Pour mes enfants, ma famille et tous ceux qui croient en moi.

PROLOGUE

Il faisait chaud, tout le monde faisait la sieste. Jacques ne pouvait pas dormir, il avait le cerveau en ébullition. Il devait prendre une décision importante pour sa famille, décision qui allait bouleverser leur vie.

Depuis déjà des années, l’Algérie était en guerre contre la France. En 1958, le général de Gaulle, proclama alors l’Algérie libre. Mais le calme n’était pas complètement revenu et en 1960, la guerre n’était pas terminée. D’autres pays proches comme l’Afrique-Occidentale française bougeaient aussi. Jacques et sa famille, Sylvie sa femme, Eric et Sophie ses enfants vivaient à Dakar depuis douze ans. Jusque-là tout se passait bien, la vie était agréable. Ils avaient de nombreux amis, qui ne remplaçaient pas la famille, mais c’était appréciable. Ils rentraient pour des vacances en France tous les deux ans, et retrouvaient pour trois mois leur famille à Jarnac en Charente où les parents de Sylvie avaient une maison.

Ne pouvant pas dormir, Jacques se leva sans réveiller Sylvie et se dirigea vers la cuisine pour boire un verre d’eau. Bientôt il serait l’heure d’aller travailler. Il n’avait que la route à traverser pour rejoindre son bureau, ce qui était un gain de temps pour lui. Il frappa à la porte des chambres des enfants pour leur dire qu’il était l’heure de se rendre à l’école pour Sophie qui était en CM1, et Eric qui lui était au Collège en 5e. Les deux enfants répondirent par l’affirmative à l’appel de leur père et se préparèrent pour se rendre à l’école. Entre-temps, Sylvie qui s’était levée, arriva pour les embrasser.

Jacques embrassa sa femme et lui dit :

–À ce soir, chérie nous devrons parler de notre avenir en Afrique, j’y ai réfléchi.

–Comme tu voudras, répondit Sylvie…

Elle savait que son mari se faisait du souci au sujet des bruits qui courraient sur les Africains qui aimeraient, eux aussi, se libérer des Français. Elle aussi pensait qu’il allait sans doute falloir rentrer en France. Elle soupira, mais elle savait aussi qu’ils rentreraient un jour définitivement, elle était plutôt heureuse de reprendre sa vie d’avant près de sa famille.

Eric et Sophie partirent en même temps pour leurs écoles respectives. Leur maison donnait sur le célèbre marché Kermel, qui grouillait de monde le matin et resplendissait de toutes ses couleurs chamarrées dont il était paré. L’après-midi, c’était le calme revenu, la place avait été nettoyée, mais il y avait encore des relents de nourriture comme le poisson. Ce qui attirait irrésistiblement les charognards, sorte de vautours qui proliféraient là-bas.

Eric se dirigea vers le haut de la rue qui conduisait au collège, tandis que Sophie longeait le marché pour descendre vers le port où se trouvait son école : l’Immaculée Conception. Tous deux étaient des enfants heureux de vivre et contents, du moment qu’ils étaient près de leur famille. Sans aucun doute, ils seraient tristes quand leur père leur apprendrait qu’ils devraient quitter Dakar pour toujours et retourner vivre en France, mais ils seraient aussi très heureux de se retrouver en Charente auprès de leurs parents et grands-parents qu’ils adoraient… L’Afrique c’était merveilleux pour eux, il ne faisait jamais froid. Ils avaient des tas d’amis à défaut de famille, et chaque dimanche ou presque, ils allaient à la plage se baigner. Ils aimaient cette vie qui n’avait rien à voir avec celle qu’ils auraient pu avoir en France.

Le soir Jacques annonça à sa famille qu’il avait décidé, en fonction des événements qui se passaient près de l’Afrique, de rentrer cet été définitivement en France. Il leur expliqua qu’il avait peur que l’Afrique ne fasse comme l’Algérie, se révolte, et qu’il y ait une guerre. En tant que père de famille, il se devait de mettre sa famille à l’abri. Aussi il avait pris la décision de quitter Dakar pour les vacances scolaires.

Lors des dernières vacances en 1958, il avait déjà parlé avec ses beaux-parents, de l’éventualité de rentrer au prochain voyage. Ensemble ils étaient allés visiter une grande maison qui pourrait convenir aux deux familles. Jacques chargea Paul et son notaire de la transaction, puis il acheta la maison, avec la participation de Paul et Françoise qui feraient aménager la petite grange qui faisait partie des dépendances, en maisonnette pour eux. La maison serait assez grande pour les deux couples, elle était juste séparée de la maison des grands-parents par la cour commune.

Ainsi à leur retour au pays, Jacques, Sylvie et les enfants habiteraient tout naturellement la grande maison, tandis que les grands-parents logeraient dans le quatre-pièces, bien suffisant pour eux deux. Les parents de Sylvie habitaient donc maintenant depuis presque deux ans cette maison en attendant avec impatience le retour de leurs enfants et petits-enfants.

Quand arriva le mois de juin, et avec lui la fin de l’année scolaire, les enfants se dirent tristement qu’ils allaient devoir dire au revoir à leurs amis et aussi à ce pays qu’ils aimaient particulièrement. Eric était arrivé dans ce pays à deux ans, mais Sophie était née à Dakar, et son petit cœur était triste. Jacques et Sylvie faisaient les bagages, remplissaient des malles et des malles qui prendraient le bateau pour les rejoindre à Bordeaux, tandis qu’eux prendraient l’avion pour la première fois. Jusque-là chaque voyage s’était passé en bateau, Dieu sait que ces voyages avaient été pour la plupart lorsqu’il s’agissait de cargo qui mettait quinze jours pour faire : Bordeaux-Dakar… des voyages périlleux et pourtant plein de moments inoubliables pour Eric et Sophie. Là, ils allaient prendre l’avion, le voyage n’allait durer que six heures. Quel progrès, mais aussi quelle déception pour les enfants qui adoraient les voyages en bateau.

Le premier juillet 1960, ils dirent adieu à l’Afrique, adieu à Dakar et à leurs souvenirs… À l’arrivée à l’aéroport de Mérignac à Bordeaux, les parents de Jacques, Marie et Maurice, les attendaient. Ces grands-parents-là n’étaient pas leurs préférés, ils savaient qu’il y avait de l’eau dans le gaz entre eux et leurs parents, mais sans savoir pourquoi, et ils se fréquentaient très peu. Malgré tout ils passèrent deux jours à Bordeaux, curieux de tout. Puis enfin, Jacques récupéra la voiture qu’il avait commandée depuis Dakar et ils purent regagner Jarnac, où Françoise et Paul les attendaient avec impatience. Françoise avait fait le grand nettoyage dans la grande maison pour accueillir ses enfants.

Après les embrassades et accolades, ils entrèrent dans leur nouvelle maison, pour une nouvelle vie…

1

Eric et Sophie eurent vite fait de prendre leurs marques dans la maison, qui leur paraissait immense et extraordinaire. C’était une grande maison charentaise, fermée par de grands murs, et un immense portail en fer qui ne laissait rien entrevoir de la maison et de la cour. Il y avait plusieurs dépendances dans la cour, qui allaient leur permettre de faire des parties de cache-cache mémorables. La grande maison elle-même recelait de coins et de recoins. On entrait dans une grande cuisine accueillante, et les pièces se trouvaient ensuite en enfilade… Séjour, salon, grande salle de jeux, salle d’eau. Puis il y avait un étage avec de chaque côté d’un long couloir, des chambres presque monastiques, tant elles étaient petites et blanches, dépourvues aussi de décors, un peu comme des dortoirs de bonnes sœurs. Mais elles étaient très claires, et puis ce n’était que pour dormir, il y avait assez de pièces pour jouer, dont la grande salle de jeux, en bas aménagée par leurs grands-parents. Tout cela était meublé très simplement mais avec goût. Un immense grenier complétait le tout, et là pour les enfants c’était la caverne d’Ali Baba. Les grands-parents y avaient entassé quantité de choses, dont ils ne se servaient plus, et ne se souvenaient même plus, mais qui allaient intéresser beaucoup les enfants.

Dans le fond de la cour, jouxtant la grande maison, se trouvait le quatre-pièces qui était maintenant la maison des parents de Sylvie, Françoise et Paul Galois. L’appartement, on va le nommer ainsi, était lui aussi meublé avec goût. Françoise était une maniaque du ménage et du rangement, sa maison était une vraie bonbonnière. Puis il y avait, le nec plus ultra de cette maison, son jardin qui se trouvait en hauteur. Pour y accéder, il fallait entrer dans la grande maison, et monter un escalier. Le jardin se trouvait à mi-chemin entre le rez-de-chaussée et l’étage. C’était un jardin magnifique, avec des fleurs partout, en particulier des roses au parfum subtil. Il surplombait la rue, contre le muret, il y avait une belle tonnelle, couverte de glycine odorante, qui retombait de chaque côté le long du mur. Dessous il y avait un banc, une petite table ronde en fer-blanc et quatre chaises assorties. Eric et Sophie adoraient ce jardin dans lequel ils jouaient à cache-cache et à d’autres jeux.

Toute la famille était arrivée là, début juillet 1960. C’était l’été, il faisait beau. Après le temps de l’installation, la famille voulut découvrir la petite ville et son environnement. Paul et Jacques partaient à la pêche le matin de bonne heure. Souvent avant midi, les femmes et les enfants venaient les rejoindre au bord de la Charente pour pique-niquer. Suivant les endroits, ils pouvaient aussi se baigner. Les après-midi se passaient donc au bord de la rivière, la nappe posée sur le sol pour déjeuner, puis remplacée par des couvertures pour faire la sieste, ou bien pour lire, ou encore simplement s’amuser. Ils jouaient aussi aux cartes, aux petits chevaux, ou au jeu de l’oie, tout cela avec de grands rires. Quand les enfants avaient envie de se baigner, Jacques les emmenait au petit plan d’eau de Jarnac où tout était aménagé pour se baigner en toute sécurité. Jacques avait retrouvé du travail assez vite, et les enfants furent inscrits au collège pour la rentrée. En attendant ils étaient encore en vacances et ils en profitaient. Ils passaient beaucoup de temps dans le grenier, au grand dam de Sylvie, qui pensait à juste titre, qu’ils feraient mieux d’aller jouer dehors par ce temps magnifique. Mais eux avaient une autre idée du mot « s’amuser ». Pour eux cela voulait dire découvrir, explorer, pour cela ils s’entendaient à merveille tous les deux.

Dans le grenier, il y avait des merveilles, des trésors pour eux. Ils avaient trouvé une vieille malle, recouverte de poussière, bien abîmée par le temps, qui contenait des vêtements d’un autre temps. Avec ils se déguisaient et jouaient des rôles. Ils avaient installé des vieux draps déchirés, attachés aux poutres avec ce qu’ils pouvaient trouver : punaises, clous, ou encore en faisant des nœuds quand ils pouvaient passer par-dessus la poutre, et ils avaient fait un petit théâtre. Là, déguisés, ils passaient des après-midi à jouer des rôles, à inventer des histoires, parfois à dormir debout.

Ils allaient souvent rendre visite à leurs grands-parents, juste pour les entendre leur raconter des histoires, et même leur vie d’autrefois. Ils étaient fascinés par cela. Paul racontait la guerre de 14-18, les tranchées, le froid, les privations, la peur aussi, et les petits écoutaient bouche bée. Françoise, elle, leur racontait sa jeunesse, comment elle vivait à l’époque, et là aussi, eux n’en revenaient pas : comment pouvait-on aller laver le linge au lavoir ? Comment pouvait-on vivre en s’éclairant avec une lampe à pétrole ? Et les toilettes qui ne se trouvaient pas dans la maison, il fallait aller dehors dans une cabane au fond du jardin… Tout ça leur paraissait incroyable, toutes ces histoires alimentaient leur imagination déjà très fertile. Les jours passaient, et les enfants appréciaient beaucoup leur nouvelle maison, et tout ce qui allait avec, ils allaient beaucoup se plaire à Jarnac.

2

C’est seulement à la fin des vacances qu’ils découvrirent la Maison d’en Face. Celle-ci allait les fasciner à un tel point, qu’elle allait devenir leur seul centre d’intérêt pendant un long moment. Un jour, Sylvie avait haussé la voix et fait sortir ses enfants du grenier avec autorité :

–Eric, Sophie, vous allez sortir immédiatement pour jouer dehors. Vous aurez tout le temps de jouer dans le grenier quand il pleuvra, ou qu’il fera trop frais pour jouer dehors. Il fait un temps splendide, et je veux que vous profitiez du soleil tant qu’il en est encore temps. Allez oust ! Dehors ! Et sans rouspéter.

–Mais maman, dit Sophie, nous étions en train de faire un spectacle.

–Eh bien vous continuerez plus tard, mais pour l’instant vous allez dehors.

Eric prit la main de sa sœur en lui disant :

–Allez, viens Sophie, on va aller dans le jardin et on pourra continuer dehors de jouer notre pièce, ce n’est pas grave.

Sophie ne se le fit pas dire deux fois, et suivit sagement son frère. En passant devant sa mère, elle dit :

–Pardon, maman, on va dehors.

–C’est bien, dit Sylvie en souriant, vous êtes de bons enfants.

Et elle repartit s’affairer dans sa cuisine.

Eric et Sophie montèrent les quelques marches qui conduisaient dans le jardin, et clignèrent des yeux en y arrivant. Le soleil commençait à décliner, mais les rayons étaient encore ardents. Il faisait chaud et le ciel était d’un bleu limpide, pas un nuage ne venait assombrir cette clarté. Les enfants se dirigèrent machinalement vers la tonnelle, et Sophie prit place sur le banc. Eric, lui, préféra le muret. Papa avait dit de faire attention, car il serait facile de basculer dans le vide, il y avait une certaine hauteur. Son regard se posa tout d’abord sur la rue déserte à cette heure, puis sur la maison d’en face. C’était une très jolie maison avec un perron pour accéder à la porte d’entrée. Les volets et la porte étaient couleur rouge sang. Le jardin était entretenu avec de grands arbres très vieux sans doute. Elle était très jolie cette petite maison, mais tout était fermé, comme endormi. Eric réfléchissait, il se demandait pourquoi il n’y avait personne. Il savait que parfois des maisons étaient inhabitées, car c’étaient des maisons secondaires, mais la plupart du temps, elles étaient ouvertes l’été pendant les vacances. Sophie regardait son frère, qui ne disait rien et fixait la maison d’en face. Alors, elle se leva pour se diriger à son tour vers le muret et voir ce qui pouvait tant intriguer son frère.

–Qu’est-ce que tu regardes comme ça, Eric ?

–La maison d’en face, répondit-il, je me demande pourquoi elle est fermée, je croyais que mamie nous avait raconté qu’il y avait une petite fille malade dans cette maison. Je me demande ce qu’elle est devenue ?

–Oh ! Tu sais elle est peut-être morte.

–Ne dis pas de bêtises comme ça Sophie, ça porte malheur. On va poser des questions à papy et à mamie demain. Oui, dit-il comme pour lui seul, on posera des questions, et on résoudra l’énigme.

–Chouette, on va enquêter Eric, dit Sophie en riant.

–C’est ça, dit son frère, on va jouer aux enquêteurs sur cette maison.

Puis ils retournèrent à leurs jeux habituels jusqu’à ce que Sylvie les appelle pour dîner. Ce soir-là, Eric eut beaucoup de mal à s’endormir, il s’était pris au jeu, il voulait enquêter sur la maison d’en face et son esprit ne le laissait pas tranquille. Le lendemain, aussitôt prêts, les gamins se rendirent chez leurs grands-parents. Ils assaillirent de questions ces derniers, au sujet de la maison d’en face, ils voulaient tout savoir.

–Ah ! C’est bien triste, dit Françoise, on n’a pas revu les Dupuis depuis le décès de leur petite fille…

–Tu vois, Eric, coupa Sophie, que la petite fille est morte !

–Oui, continua Françoise, leur petite fille était bien malade et bien qu’ils aient consulté plusieurs médecins et même… des guérisseurs, personne n’a pu la sauver. On n’a jamais su ce qu’elle avait, alors les gens ont dit qu’elle était possédée.

–Possédée ! dit Sophie. C’est quoi !

–Ils voulaient dire qu’elle faisait et disait des choses insensées, comme si le démon était en elle.

–Mais alors, la maison est hantée, dit Eric

–On ne sait rien sur cette maison. Les Dupuis n’y remettent plus les pieds. On ne les a pas revus depuis que la petite est morte, et même là on n’a rien vu, on ne sait rien.

–Ouah ! Une maison hantée, fit Sophie avec un air dubitatif.

–Oui, tu as raison, dit à son tour Eric, en la regardant.

Les enfants en savaient assez, donc ils quittèrent Françoise en devisant sur ce qu’elle leur avait appris. Sur ce, d’un seul regard, ils se précipitèrent dans le jardin et s’installèrent sur le muret sous la tonnelle, prêts à enquêter. Ils étaient intrigués bien sûr, Que se passait-il dans cette maison ? Est-ce que vraiment la petite fille morte était possédée ? Et comment se faisait-il que cette maison soit abandonnée sans que personne ne s’en préoccupe ? Ils avaient la tête en ébullition, ils avaient beau regarder cette maison, elle n’avait rien qui pouvait la distinguer d’une autre. Elle était jolie, bien entretenue extérieurement, ce qui voulait dire que quelqu’un venait faire le jardin de temps en temps, et aucun démon ne semblait planer au-dessus d’elle. Seulement maintenant, pour Eric et Sophie elle représentait la maison hantée, et ils voulaient être ceux qui découvriraient ce qui se cachait derrière cette charmante façade. À partir de ce jour, plus aucun jeu ne leur paraîtra plus intéressant que d’enquêter sur la maison d’en face.

Eric était ennuyé, car la rentrée des classes approchait et il allait devoir mettre de côté son enquête. Il savait qu’il devait travailler à l’école, car son père l’avait prévenu que s’il ne travaillait pas correctement à l’école cette année, ce serait l’internat à Angoulême pour l’année prochaine. Aussi s’il voulait mener de front avec l’école, son enquête qui le taraudait, il devait travailler. Sophie n’avait pas ces inquiétudes, d’abord parce qu’elle était plus jeune, qu’elle travaillait bien à l’école et aussi que pour elle l’enquête, c’était son frère qui la faisait, elle n’était que son assistante, et sa confidente dans cette affaire.

Un soir Jacques leur demanda d’aller chercher le lait à la ferme. Jusqu’à présent, c’étaient les grands qui y allaient, et voilà que maintenant leur père voulait que ce soit eux qui y aillent. Ce n’était pas bien loin, quatre cents mètres tout au plus, mais les enfants n’étaient pas rassurés. Eric prit le pot au lait et sa sœur par la main. Pour se donner du courage, il sifflotait. Il frissonna cependant en passant devant la maison d’en face, et accéléra le pas. Sophie ne semblait pas s’émouvoir, elle tenait la main de son frère, tout allait bien. À la ferme, ils prirent le lait, remercièrent et rebroussèrent chemin. La nuit tombait et la rue était déserte, Eric marchait vite. Ils étaient presque arrivés, lorsqu’en passant devant la maison qu’ils pensaient hantée, ils entendirent un bruit sourd. Eric dressa l’oreille, puis tirant sa sœur vers lui, partit en courant jusqu’à la maison. Du lait avait débordé, et c’est haletant que les enfants entrèrent dans la cuisine. Sylvie était affairée à la cuisine, elle se retourna et leur jeta un regard amusé. Elle vit leurs regards apeurés, le lait qui coulait le long du pot au lait et gouttait sur le carrelage.

–Eh bien les enfants que vous arrive-t-il ? Vous avez vu le diable ou quoi ?

Et elle riait.

Eric expliqua :

–On a entendu du bruit, on nous suivait et il n’y a pas de quoi rire ! dit-il, vexé.

–Oui, dit en chœur Sophie.

–Oh ! D’accord, dit leur mère, demain vous irez plus tôt chercher le lait, avant la nuit. Allez, ce n’est pas grave. Donne-moi le pot de lait, Eric, et allez-vous laver les mains, nous allons dîner.

Puis elle saisit une éponge pour nettoyer le sol du lait qui avait coulé. Eric se sentait un peu penaud. De quoi avait-il eu peur ? Il se promit d’être moins peureux, et de découvrir ce qui se passait dans la maison d’en face.

Après, les autres soirs, ils firent attention à partir assez tôt, afin d’être rentrés avant la nuit.

3

L’été se terminait, et l’école allait reprendre. Pour Eric et Sophie, c’était leur première rentrée en France, puisqu’ils avaient fait tout leur primaire en Afrique. Pour Eric c’était le collège, il entrait en 4e, il était un peu inquiet de cette nouvelle rentrée car il ne connaissait encore personne. À la maison les jeux continuaient, soit dehors dans la cour et les dépendances, soit dans le jardin, soit dans la salle de jeu ou le grenier les jours de pluie. Après la rentrée, chaque soir avant de faire les devoirs, les enfants montaient goûter sous la tonnelle dans le jardin, en bavardant et en faisant moultes suppositions au sujet de la maison qu’ils pensaient hantée. Eric parcourait des yeux tous les endroits visibles depuis la terrasse afin d’y détecter quelque chose, mais rien… Il remarqua cependant un chat blanc qui venait se coucher paresseusement sur le perron de la maison comme s’il était chez lui. Il s’imagina alors que peut-être, le chat avait appartenu à la petite fille morte et revenait sur les lieux pour chercher à manger ou bien voir ses maîtres.

Au collège il fit la connaissance de Martine. Elle habitait tout près de la maison d’en face, et elle avait connu ses habitants. Il devient très vite son copain, plus pour avoir les informations qu’il voulait obtenir pour mener son enquête à bien, que pour autre chose, car visiblement Martine ne lui plaisait pas trop. Petit à petit, il l’amena à lui raconter ce qu’elle savait sur les Dupuis. Pas grand-chose en fait, c’étaient des gens très effacés, qui ne parlaient à personne, ils vivaient en reclus dans leur maison. Elsa leur petite fille allait à l’école, elle était très timide, et n’avait pas beaucoup d’amies. Martine dit qu’elle était très gentille mais qu’elle était aussi très étrange, dans le sens où elle tenait parfois des propos incohérents. Un jour, elle ne revint pas à l’école, on leur dit qu’elle était très malade. Des amis de sa classe, y compris Martine qui habitait juste à côté de chez elle, voulurent aller lui rendre visite, mais on leur dit qu’il n’en était pas question, qu’Elsa ne voulait voir personne. Puis il y eut le drame, Elsa était partie rejoindre les anges au ciel. Là encore, personne ne fut autorisé à la voir, et pour l’enterrement les parents firent savoir qu’ils voulaient être seuls et qu’elle serait enterrée dans un caveau familial, loin d’ici. La famille comme par enchantement disparut de Jarnac, comme ça, sans bruit, sans avertir quiconque. Depuis personne n’était revenu, le décès datait de deux ans. Le terrain était entretenu par un vieux monsieur, le père Antoine, qui venait tondre, couper et tailler les haies, les arbres et les quelques fleurs. Martine ne savait rien d’autre. Eric était de plus en plus intrigué par cette histoire. Le soir, il rejoignait sa sœur dans sa chambre pour parler de tout cela jusque très tard. Ce n’est que quand il entendait ses parents monter, qu’il filait en vitesse dans sa chambre, se mettre sous les couvertures, avant que Sylvie n’ouvre doucement les portes pour voir si ses petits dormaient bien.

L’automne arriva et avec lui, ses couleurs bigarrées qui faisait ressembler les arbres à des sapins de Noël enguirlandés. Parfois il faisait trop frais pour aller goûter au retour de l’école sous la tonnelle, alors les enfants se réfugiaient dans le grenier, où ils se déguisaient et s’amusaient en faisant des petites scénettes.

Un soir après souper, il y eut un violent orage. Le ciel était comme embrasé, et le tonnerre grondait. Eric adorait l’orage et il avait le nez sur la fenêtre, qu’il aurait bien ouverte si Sophie ne l’avait pas supplié de n’en rien faire car elle, elle avait très peur de l’orage. C’était un orage sec, il ne pleuvait pas une goutte, alors Eric, qui en mourait d’envie et savait qu’en faisant cela il allait passer pour un héros aux yeux de sa sœur qui l’admirait toujours, monta jusqu’au jardin et courut jusqu’à la tonnelle. Il était là depuis presque dix minutes, le tonnerre grondait toujours, le ciel était zébré d’éclairs, il était tourné vers la maison d’en face, avec sur le visage une expression qui montrait un mélange de peur et d’étonnement profond, quand Sylvie l’appela pour le faire rentrer en le sermonnant.

–On ne va pas se promener comme ça par temps d’orage, c’est dangereux, lui dit-elle d’un ton ferme.

Eric paraissait hébété, ailleurs. Sa mère lui dit alors :

–Eh bien quoi, l’orage t’a fait perdre ta langue ? On dirait que tu as vu un fantôme, ça ne va pas ?

Eric regarda sa sœur et lui dit : 

– Tu viens, on va se coucher !

Puis il embrassa sa mère qui le regardait avec une certaine inquiétude.

Sophie suivit et embrassa sa mère à son tour en lui disant :

–Bonsoir maman, je t’aime.

–Moi aussi, ma chérie, faites de beaux rêves tous les deux et n’oubliez pas d’aller embrasser papa dans le salon.

Eric et Sophie sortirent de la cuisine, pour aller embrasser leur père qui se trouvait dans le salon, sur le fauteuil avec un livre dans les mains.

–Bonsoir les enfants, à demain matin, leur dit Jacques.

Ils montèrent les escaliers quatre à quatre. Eric dit à sa sœur :

–  Je vais mettre mon pyjama et j’arrive, j’ai quelque chose à te dire de très important. Sophie acquiesça en souriant. Que pouvait bien avoir à lui dire son frère de si important ? Elle entra dans sa chambre, se déshabilla, mit sa chemise de nuit, puis alla se laver les dents dans la salle d’eau. À son retour, elle vit qu’Eric était déjà là en pyjama assis sur son lit. Elle sauta sur le lit pour finalement s’asseoir sagement près de lui.

–Alors Eric qu’est-ce qu’il se passe ?

–Sophie j’ai vu de la lumière à travers les lames des volets dans la maison d’en face !

–Mais tu es fou, tu sais bien qu’il n’y a personne !

–Je te dis que j’ai vu de la lumière qui se promenait d’une pièce à l’autre !

–Ce n’est pas possible Eric, voyons, tu le sais bien !

–Non, je ne sais pas si c’est possible, mais je sais ce que j’ai vu !

–C’était l’orage, dit sa sœur, tu étais dehors avec les éclairs qui zébraient le ciel et tu as confondu, n’est-ce pas ?

–Je te dis que non et j’irai vérifier dès demain soir et les autres soirs s’il le faut, avant de monter me coucher. Je ne suis pas un menteur Sophie, j’ai vu de la lumière dans la maison.

–Alors, si tu as vraiment vu de la lumière, tu veux dire qu’il y a un fantôme dans cette maison ?

–Peut-être que oui ? Ce n’est pas impossible !

–Tu me fais peur Eric !

–Mais non, n’aie pas peur, même s’il y a un fantôme dans cette maison, on n’a rien à craindre, car il n’est pas là pour nous. Rassure-toi et dors bien. Surtout tu n’en parles à personne. OK ! C’est notre secret, petite sœur.

–D’accord Eric, bonne nuit, dit Sophie qui n’en menait pas large quand même.

Eric regagna sa chambre juste à temps, avant que sa mère monte regagner la sienne. Cette nuit-là, ses rêves furent agités d’étranges fantômes. Après cela, Eric observa la maison d’en face avec encore plus de soin. En rentrant de l’école, il s’arrêtait près d’elle pour regarder au travers du grillage, voir si quelque chose d’insolite le troublait, mais il ne vit rien de plus que d’habitude. Le soir, il montait en catimini jusqu’à la terrasse, et il restait là sur le muret à observer en silence. Mais plusieurs jours passèrent sans qu’il ne vît de lumière comme le soir de l’orage. Il en vint à se demander si sa sœur n’avait pas raison, et que la lumière entrevue ne venait pas des éclairs qui éclairaient le ciel ce soir-là. Il n’empêche qu’il continua régulièrement d’épier cette maison depuis la terrasse.

4

L’hiver arriva, ainsi que le froid. Eric ne pouvait plus sortir le soir pour aller sur la terrasse, d’abord à cause du froid et aussi parce que Sylvie fermait consciencieusement la porte du jardin avant la nuit. Françoise et Paul dînaient souvent pour ne pas dire tous les soirs à la maison, pendant l’hiver. C’était une tradition dira-t-on. Après le repas tout le monde se réunissait dans le salon auprès de la cheminée, et parlait de choses et d’autres, souvent de l’ancien temps, c’était une chose que les enfants adoraient. Quand un sujet les intéressait, ils laissaient leur jeu, pour poser des questions. Ils voulaient toujours en savoir plus. Eric, lui, essayait toujours de ramener la conversation à la maison d’en face, mais en même temps il ne voulait pas alerter ses parents avec ses questions, alors il devait ronger son frein. Aussi il se passa plusieurs semaines avant qu’il puisse aborder le sujet dans une conversation. Eric et Sophie, n’aimaient pas l’hiver, il faisait froid, on ne pouvait pas sortir comme on le voulait. Et puis ils avaient plus l’habitude de la chaleur, c’était leur premier hiver, et on ne peut pas dire qu’ils s’en faisaient une joie. Ils n’allaient même plus chercher le lait comme il faisait nuit trop tôt. Même leurs répétitions dans le grenier étaient compromises, car ce n’était pas chauffé là-haut. Il y avait bien la salle de jeu, mais ils s’y sentaient moins tranquilles, on pouvait les surprendre à n’importe quel moment. Alors, après l’école et les devoirs, ils passaient de longues heures dans la chambre de l’un ou de l’autre, à bavarder et à échafauder des plans pour apprendre la vérité sur la maison d’en face. Martine ne leur avait pas été d’un grand secours, car elle ne savait pas grand-chose, mais Sylvie avait accepté qu’elle vienne jouer avec ses enfants de temps en temps, et ça leur faisait une distraction. Eric, comme un vrai pro, comme un détective, notait dans un cahier d’écolier tout ce qu’il savait et apprenait sur la maison d’en face, et ses derniers habitants. Mais c’était peu de choses et il se demandait quand il aurait quelque chose de concret à noter, et comment faire pour avoir plus de détails.

C’est le soir de Noël qui lui apporta quelques réponses. Pour Noël, Jacques et Sylvie invitaient leurs parents respectifs : donc Françoise et Paul pour Sylvie, Maurice et Marie les parents de Jacques qui viendraient donc de Bordeaux. Puis cette année, il y avait aussi Hélène et Philippe Chabot, des amis de longue date de Françoise et Paul, qui habitaient La Rochelle, mais qui avaient vécu très longtemps à Jarnac dans la maison qui jouxte sur la gauche la maison d’en face. Tout ce petit monde passait un bon Noël et parlait du bon vieux temps, en riant parfois en se souvenant des choses agréables qui leur étaient arrivées. Au début, Eric et Sophie s’ennuyaient ferme, ils étaient les seuls enfants, et le monde des adultes leur paraissait à mille lieues du leur. Puis Eric tendit l’oreille quand il entendit l’amie de sa grand-mère, qui se prénommait Hélène dire :

–Au fait, Françoise, tu ne devineras jamais qui j’ai croisé la semaine dernière à La Rochelle ? Mme Dupuis en personne. Elle avait l’air d’aller bien, mais quand elle m’a vue, elle a très vite tourné la tête, et s’est éloignée rapidement.

–Sans blague, dit Françoise, mais alors ils habiteraient La Rochelle ?

–Certainement, mais comme elle a tout fait pour m’éviter, je n’ai pas pu parler avec elle.

–Je ne sais pas s’ils reviendront un jour à Jarnac, lança Sylvie.

–Ça, c’est le mystère, dit Hélène. Saura-t-on jamais ce qui a pu se passer ?

–Vous avez connu leur fille, madame ! se hasarda à demander timidement Eric.

–Oui, répondit-elle, un peu étonnée que la question vienne de ce jeune garçon. Elle s’appelait Elsa, elle était très jolie. Comme les autres enfants de son âge, elle allait à l’école, elle jouait, on l’entendait rire parfois depuis notre jardin qui avoisinait le sien… Mais les derniers temps, elle était triste et lointaine, puis elle s’est mise à éviter les gens, à ne plus fréquenter personne, comme ses parents. Un jour nous avons appris sa maladie, on nous a dit qu’elle ne voulait voir personne, du moins ce fut la version des parents. Quelques mois après elle mourut, elle allait avoir 12 ans. Il n’y eut rien, aucune cérémonie, aucun contact, en fait personne ne l’a vue. Trois jours après, une grande voiture noire aux vitres teintées est arrivée chez eux. J’avoue que j’ai été curieuse et j’ai essayé de voir ce qui se passait. J’ai vu la voiture entrer dans le jardin, deux hommes en sont descendus, avec un cercueil, ils sont entrés dans la maison. Ils en sont ressortis au moins une demi-heure après avec le cercueil qu’ils ont mis dans la voiture noire. Les Dupuis sont sortis à leur tour, le père a sorti la voiture du garage pendant que la mère fermait la maison. Ils sont partis derrière la voiture funéraire pour ne jamais revenir. On ne sait rien de plus. Ni où ils ont allés enterrer leur fille, ni où ils sont allés s’installer après. Et ce jusqu’à la semaine dernière où j’ai croisé Mme Dupuis, à La Rochelle.

Eric avait écouté Hélène avec attention et curiosité, il dit à Hélène :

–C’est curieux cette histoire, vous ne trouvez pas madame ?

–Oui, c’est vrai, reprit Françoise, c’est curieux. Nous nous sommes posé beaucoup de questions, et comme nous n’avons pas trouvé de réponses, eh bien nous avons cessé de réfléchir à tout ça.

–Moi, il me semble que j’aurais été plus curieux, répliqua Eric.

–Mais dis donc mon petit Eric, cette histoire a l’air de bien t’intéresser ? dit encore Françoise.

–Ben oui, mamie, je trouve ça plutôt intéressant, dit Eric sur un ton plaisantin, afin de ne pas trop montrer à quel point en fait il était intéressé.

Puis il se tourna vers sa sœur qui se trouvait avec sa mère sur le canapé, et qui suivait la conversation amusée, il lui fit un clin d’œil. Puis il alla prendre place à la gauche de sa mère qui lui tapota la cuisse gentiment.

–Alors mon grand, comme ça tu t’intéresses à la maison des Dupuis. Qu’a-t-elle donc de si particulier ?

–Je ne sais pas, maman, c’est le fait qu’elle soit inhabitée depuis bientôt deux ans et que personne ne sache ce qui s’est réellement passé. Ce n’est pas tous les jours que lorsqu’il y a un malheur dans une maison les propriétaires partent comme des voleurs avec leur défunt et ne reviennent pas ?

–En plus, renchérit Sophie, maintenant elle est hantée.

–Mais non, dit Sylvie, ce sont des histoires tout ça, vous vous faites des films. Allez, maintenant il est l’heure, nous allons tous à la messe de minuit.

Tout le monde se leva et enfila un manteau, une écharpe et des gants pour sortir affronter l’hiver afin d’aller à l’église pour la messe de minuit. Au retour, Eric et Sophie étaient fatigués et il leur tardait d’arriver pour se mettre au lit. Le ciel était tout étoilé, il faisait bien froid et tout le monde marchait à vive allure pour se réchauffer. Une fois à la maison, chacun regagna sa chambre, les grands-parents et leurs amis leur appartement, le sommeil gagna tous les habitants de la maison, sauf Eric qui ressassait dans sa tête tout ce qu’il avait entendu ce soir, afin de ne rien oublier dans ses notes demain matin.

Le lendemain matin, c’était Noël, et la distribution des cadeaux. Tous étaient très heureux, la journée fut agréable pour les grands comme pour les plus jeunes. Eric avait rapidement consigné tous les renseignements qu’on lui avait donnés hier soir, dans son cahier d’écolier avant de le replacer dans sa cachette. La semaine qui suivit les enfants s’adonnèrent à leurs jeux habituels. C’était encore les vacances mais le temps passait vite.

À la rentrée, ses parents rappelèrent à Eric qu’il lui fallait travailler s’il ne voulait pas finir en pension, aussi il décida de mettre de côté son enquête jusqu’aux beaux jours et de se consacrer à ses devoirs. Pour le moment il ne pouvait pas faire grand-chose, il faisait froid et il ne pouvait pas passer son temps à surveiller la maison d’en face depuis la tonnelle. Sophie semblait soulagée de voir son frère plus raisonnable, elle pouvait du coup, elle aussi, penser à autre chose qu’à cette maison qu’elle croyait hantée. Jacques et Sylvie se demandèrent un instant s’ils avaient loupé quelque chose au sujet de leurs enfants, car ils se rendaient bien compte qu’ils avaient changé. Ils semblaient plus calmes, plus disponibles, plus à leurs devoirs… Auraient-ils vraiment manqué quelque chose ! Jacques travaillait à Cognac, il rentrait tard le soir, il était fatigué et il était difficile de participer à la vie familiale la semaine. Aussi c’était Sylvie, qui elle était mère au foyer, qui s’occupait le plus des enfants, leur faisait faire leurs devoirs et apprendre leurs leçons. Le week-end Jacques reprenait la casquette du chef de famille, et tout allait bien. Quand Sylvie devait s’absenter en semaine, c’était mamie Françoise qui prenait le relais et s’occupait des enfants.

Très vite, le printemps arriva avec de très belles journées ensoleillées, parfois un peu de pluie aussi, et surtout avec le retour des fleurs dans le jardin, des oiseaux qui chantent, des papillons, des abeilles et bien sûr des jours qui rallongent. Comme tout cela est agréable quand il fait jour au retour de l’école ! Les enfants ont l’impression d’avoir plus de temps pour jouer. On commençait aussi à sortir se promener le long de la Charente, c’était une joie pour tous.

La fin de l’année scolaire arrivait, Eric avait bien travaillé et passait en 3e sans problème, tandis que Sophie allait entrer en 6e. De ce côté-là tout allait bien et leurs parents étaient ravis. Eric était toujours ami avec Martine, qui venait jouer chez eux de temps en temps, et en accord avec sa sœur, ils avaient donné un rôle à celle-ci dans leurs petites scénettes qu’ils continuaient de jouer dans le grenier. Au collège, leur professeur de français Mme Lemoine, avait monté une petite troupe de théâtre qui allait se produire pour la fête de fin d’année, Eric et Martine y avaient leur place comme acteurs, et ils en étaient très fiers. Sophie serait seulement spectatrice puisqu’elle n’était pas dans leur classe, ça la chagrinait un peu mais tant pis, elle irait applaudir son frère.

Le soir en regagnant son lit, Eric pensait et repensait sans cesse à la maison d’en face. Il se disait qu’il y avait quelque chose de pas clair avec cette maison, et il lui tardait d’arriver aux grandes vacances pour reprendre et se consacrer entièrement à ses recherches. Il voulait librement observer la maison afin de voir s’il voyait de nouveau de la lumière ou quelque chose d’autre d’insolite. Déjà depuis le 1er mai, il retournait sous la tonnelle dans le jardin pour observer et noter ce qu’il voyait. Hier, le père Antoine, qui s’occupait du jardin, était venu passer la tondeuse et tailler les arbres, alors Eric était sorti sans rien dire à personne et il était allé jusqu’au portail de la maison. Celui-ci était grand ouvert, il faisait très beau, Eric se hasarda à entrer dans le jardin, le nez en l’air, comme si de rien n’était. Le vieux qui revenait ramasser les branches éparpillées sur le sol, l’attrapa par les épaules et lui dit :

–Que fais-tu là garnement, tu ne vois pas que c’est une propriété privée ici ?

–Si, si monsieur, excusez-moi, j’habite en face et j’avais remarqué un chat blanc qui vient se coucher sur le perron, je venais voir s’il était encore là, dit Eric très sérieusement.

–Un chat blanc, dis-tu ? Je ne vois pas fiston, dit le vieux radouci, mais jette un coup d’œil et rentre chez toi, d’accord !

–Merci monsieur, merci encore, je vais faire vite, juste faire le tour de la maison en l’appelant.

–C’est bon, allez va !

Eric ne se le fit pas dire deux fois et il se faufila en ouvrant tout grand ses yeux et en observant. Il fit le tour de la maison. Derrière, le terrain était tout petit, il y avait trois fenêtres en bas et deux velux à l’étage. Puis il y avait une petite porte en bas ancrée dans la terre, et un soupirail qui devait éclairer une petite cave. Il n’y avait pas de bruit, tout semblait normal, les volets étaient tous fermés. Il allait tourner pour revenir sur le devant de la maison, quand il entendit très distinctement un bruit comme si on frappait, il revint sur ses pas pour écouter, mais il n’entendit plus rien. Alors, il essaya de voir où se trouvait le vieux et s’approchant de la maison dit à voix basse : « S’il y a quelqu’un, frappez encore s’il vous plaît ». Mais il n’eut aucune réponse, c’était le silence. Il se dit qu’il avait encore eu une hallucination et reprit son chemin. De retour sur le devant la maison, il monta les marches du perron. Le vieux le regardait du coin de l’œil, aussi il se fit discret. Il appela doucement le chat « Minou, minou ! ! », et il remarqua la coupelle qui contenait encore un peu de lait… Il ne dit rien et regagna le portail, il salua le vieux au passage en disant encore « merci monsieur », puis il rentra chez lui.

–D’où viens-tu ? lui dit sa mère quand il rentra dans la cuisine.

–Je suis allé dire bonjour au vieux monsieur qui s’occupe du jardin de la maison d’en face, et voir si le chat blanc était toujours là-bas ! répondit Eric calmement.

–Ah ! Et alors, tu as appris quelque chose mon fils ? Il me semble que tu es bien intrigué par cette maison ?

–Non, je n’ai rien appris, mais cette maison est étrange et m’attire, c’est vrai.

–Allez, va chercher ta sœur mon chéri, nous allons déjeuner, j’ai rendez-vous chez le dentiste avec elle.

–Oui je sais, maman, je vais la chercher.

Eric monta les escaliers en appelant Sophie qui répondit « Oui j’arrive ! ! » 

Après le déjeuner, Sylvie et Sophie partirent chez le dentiste.Eric resté seul monta sur la terrasse. Le vieux était encore là, il finissait son travail. Eric aperçut le chat blanc étendu nonchalamment sur le perron. Qui pouvait venir lui donner du lait ? pensa-t-il. Il se demanda s’il avait vraiment entendu des coups frapper aux volets ce matin. Et, quand bien même il y aurait un fantôme dans cette maison, celui-ci, ne frapperait pas aux volets, c’est idiot ! Le vieux leva tout à coup la tête et regarda Eric. Celui-ci lui fit un petit signe de la main et le vieux le lui rendit et baissa la tête. Vingt minutes plus tard, il avait refermé le portail et il repartait chez lui, non sans avoir de nouveau lancé un coup d’œil vers Eric toujours assis sur le muret sous la tonnelle. Puis sa sœur de retour de chez le dentiste arriva en courant et riant, elle lui tendit un petit pain au chocolat, que Sylvie avait acheté pour leur goûter. Il le prit en riant à son tour et en la remerciant, il mordit dedans à pleines dents. Ils retournèrent ensuite tous les deux dans la cuisine pour boire une grande tasse de lait chaud. Ils avaient décidé ensuite d’aller rendre visite à leurs grands-parents, afin d’écouter des histoires… Mamie Françoise avait fait des beignets aux pommes, et bien qu’ils aient déjà goûté, ils en mangèrent avec plaisir. Puis Sophie dit : « Mamie raconte-nous ta jeunesse, s’il te plaît… » Et Françoise s’exécuta avec délice, ses petits-enfants étaient si gentils, et c’était un auditoire de première, si attentif à ce qu’elle leur racontait, qu’elle ne leur aurait pas refusé ce plaisir, d’autant qu’elle aimait se remémorer ce temps d’avant.

L’été était arrivé et les vacances avec. La fête de l’école avait été un franc succès, le théâtre avait beaucoup plu, et nos apprentis acteurs avaient reçu beaucoup d’applaudissements.

Cela faisait déjà un an que toute la famille était rentrée en France. Ils pensaient souvent à l’Afrique, et ils en parlaient beaucoup entre eux. Sophie était née à Dakar, au tout début de leur installation, puisque Sylvie était enceinte de quatre mois à leur arrivée au pays tandis qu’Eric avait deux ans lorsque ses parents décidèrent d’aller vivre et travailler là-bas pendant quelques années. Papy et mamy écoutaient à leur tour, les enfants égrener leurs souvenirs, car eux n’avaient jamais mis les pieds dans ce pays. Ils étaient heureux en France, mais il leur manquait la chaleur et surtout la mer et la plage. Aussi Jacques avait décidé de les emmener camper au bord de la mer cet été. Ils iraient à Ronce-les-Bains, en espérant qu’il fasse beau et qu’ils puissent en profiter pleinement.

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