Golden sun - Fanny Rebillard - E-Book

Golden sun E-Book

Fanny Rebillard

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Beschreibung

Lorsque "Golden sun" arrive en 2001 sur Game Boy Advance, il est accueilli avec un grand enthousiasme. Présenté par la critique comme le RPG tant attendu, la madeleine de Proust qui ne repose pas sur ses acquis et apporte suffisamment de nouveauté pour révolutionner le genre, le jeu du studio Camelot Software Planning fait monter les attentes en flèche pour les titres à venir sur la nouvelle console portable de Nintendo. « C’est un témoignage des sommets de qualité qu’un jeu peut atteindre, si l’équipe de développement se voit allouer un temps suffisant pour faire son travail », déclare alors Craig Harris en introduction de sa critique sur IGN. Le jeu déploie des graphismes impressionnants pour le support, un scénario prenant, des musiques incroyables, et surtout, un gameplay surprenant sans être pour autant dépaysant ou difficile à prendre en main. Certains estiment que le titre offre une concurrence loyale aux mastodontes du genre, à savoir Final Fantasy et Dragon Quest. Verrait-on poindre le début d’une nouvelle grande licence ?

Á PROPOS DE L'AUTRICE

Née dans une famille de musiciens, Fanny Rebillard se passionne très jeune pour les jeux vidéo et leur musique. Elle soutient son mémoire de recherche en musicologie sur le rôle de la musique dans la série "Zelda" en 2013 à la Sorbonne, avant de se spécialiser dans l’étude de l’archivage du son à l’Enssib. Aujourd’hui journaliste spécialisée dans ces domaines, elle travaille également dans l’industrie et a écrit de nombreux articles pour Jeuxvideo.com (chronique « VGM »), Gamekult (Gammes Kultes), Canard PC et Canard PC Hardware. Elle diffuse également ses travaux de vulgarisation sur son compte Twitter, @Cactuceratops.

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Couverture

Page de titre

Introduction

Lorsque Golden Sun arrive en 2001 sur Game Boy Advance, il est accueilli avec un grand enthousiasme. Présenté par la critique comme le RPG tant attendu, la madeleine de Proust qui ne repose pas sur ses acquis et apporte suffisamment de nouveauté pour révolutionner le genre, le jeu du studio Camelot Software Planning fait monter les attentes en flèche pour les titres à venir sur la nouvelle console portable de Nintendo. « C’est un témoignage des sommets de qualité qu’un jeu peut atteindre, si l’équipe de développement se voit allouer un temps suffisant pour faire son travail », déclare alors Craig Harris en introduction de sa critique sur IGN. Le jeu déploie des graphismes impressionnants pour le support, un scénario prenant, des musiques incroyables, et surtout, un gameplay surprenant sans être pour autant dépaysant ou difficile à prendre en main. Certains estiment que le titre offre une concurrence loyale aux mastodontes du genre, à savoir Final Fantasy et Dragon Quest. Verrait-on poindre le début d’une nouvelle grande licence ?

La série sera hélas oubliée après ses deux premiers épisodes : le troisième volet ne rencontrera pas le succès attendu, arrivant après une longue période de vide, et laissera les joueurs suspendus en plein milieu de l’histoire. La trace laissée par le diptyque original dans le paysage vidéoludique est cependant importante. Vlad est notamment devenu un « Trophée aide » dans Super Smash Bros. Brawl et Ultimate, aux côtés de nombreuses autres séries de premier ordre.

Hors des jeux eux-mêmes, c’est toute l’histoire de Camelot, ainsi que le chemin qui a abouti aux propositions qui ont charmé les joueurs dans Golden Sun, qui va nous intéresser dans cet ouvrage : chacune des composantes de cette lettre d’amour au jeu de rôle est autant porteuse de l’histoire de Weyard que de celle du studio.

L’autrice :

Née dans une famille de musiciens, Fanny Rebillard se passionne jeune pour les jeux vidéo et leur musique. Elle soutient son mémoire recherche en musicologie sur le rôle de la musique dans la série Zelda 2013 à la Sorbonne, avant de se spécialiser dans l’étude de l’archivage son à l’ENSSIB et d’écrire son premier livre : La Musique dans Zelda. Les clefs d’une épopée hylienne. Aujourd’hui journaliste spécialisée, elle donne et organise des conférences sur la musique et a écrit de nombreux articles pour Jeuxvideo.com (chronique « VGM »), Gamekult (« Gammes Kultes ») et Canard PC Hardware. Elle travaille également dans l’industrie vidéoludique dans le domaine de la localisation et diffuse ses travaux de vulgarisation sur son compte X, @Cactuceratops.

GOLDEN SUN

LUDOTHEQUE 20

Chapitre premier – Création

Le chemin qui a mené Camelot Software Planning – petit studio de développement né sous l’égide de SEGA et dirigé par deux frères, Hiroyuki et Shugo Takahashi – à réaliser Golden Sun s’est avéré sombre et mouvementé. Plus qu’un simple jeu de rôle, la série constitue un hommage critique au jeu de rôle japonais, aboutissement de nombreuses années d’explorations, de réflexions et de déceptions autour du genre. Par extension, ce RPG représente aussi une forme de testament célébrant l’évolution qu’aurait pu connaître une autre série chère aux fondateurs du studio, désormais perdue : Shining Force. Comme nous allons le voir, les deux sagas n’ont pas que leurs créateurs en commun, elles incarnent une vision très particulière du genre qui s’est construite dès le début des années 1990.

De Dragon Quest à Shining Force, une affaire de famille

Qu’il s’agisse de Golden Sun ou de l’histoire de Camelot au sens plus large, la présence des deux frères Takahashi est centrale. Toujours prompts à répondre aux interviews (particulièrement Hiroyuki), ils ont façonné l’image du studio et de ses séries, réalisées par des équipes réduites – une trentaine de personnes pour Golden Sun, contre une petite cinquantaine habituellement de nos jours.

Fils d’un scientifique lui-même descendant du fondateur de l’école polytechnique de Tokyo, les frères Takahashi bénéficient d’une éducation qui les pousse à s’intéresser aux arts. Leur père, en dehors de sa carrière universitaire, caresse le rêve de devenir un homme de théâtre. Il les emmène donc à de nombreuses représentations, ainsi qu’au cinéma, où ils sont particulièrement marqués par les dessins animés Disney – la scène de la forêt de ronces dans la Belle au Bois dormant leur laissera un souvenir coloré et impérissable – et les films muets de Charlie Chaplin.

Le frère aîné et directeur actuel de Camelot, Hiroyuki Takahashi, est le premier à faire ses armes dans le jeu vidéo à la fin des années 1980, chez Enix, où il travaille à la communication, puis à la production sur la série Dragon Quest à partir du deuxième épisode sorti en 1987. La série éveille son amour pour la fantasy « orthodoxe », qu’il trouve très différente de celle de Final Fantasy. S’il se présente alors comme un admirateur sans faille du Seigneur des anneaux et des légendes arthuriennes, il puise aussi son inspiration dans Conan le Barbare de Robert E. Howard ou encore Le Cycle de Mars d’Edgar Rice Burroughs. Quoi qu’il en soit, parmi tous les jeux de rôle, Dragon Quest représente pour lui une influence considérable, d’où il retire un amour pour les scénarios développés et alambiqués.

Passionné par la manière dont les jeux déroulent leurs histoires, il liste l’intégralité des dialogues de Dragon Quest III (1988) dans un carnet et crée un organigramme montrant la façon dont ils sont reliés entre eux dans le jeu. Ce travail titanesque réalisé sur son temps libre, alors qu’il fait partie de l’équipe s’occupant de la communication et de la promotion du jeu, permet aux développeurs d’avoir une vue d’ensemble du projet pendant sa réalisation et de mieux comprendre la façon dont l’écriture va communiquer des informations sur la résolution de certaines quêtes au joueur, ce qui les aide considérablement. Grâce à cela, on lui propose d’intégrer l’équipe créative de Dragon Quest IV (1990), où il occupe le poste d’assistant producer.

Cet attachement au jeu de rôle narratif avec des combats au tour par tour ne l’empêche pas de compter parmi ses titres favoris de la NES les premiers Zelda et Mario, plus axés sur l’action, et qui ont aussi, à leur manière, révolutionné le jeu vidéo. Bien qu’opposés en quelque sorte à Dragon Quest, puisqu’ils brillent par leur gameplay vif sans reposer sur une intrigue particulièrement élaborée, ils exercent une grande influence sur Hiroyuki Takahashi et son approche critique du jeu de rôle. Celle-ci va ressortir, nous le verrons, de façon bien spécifique, et ce, bien avant la création de Golden Sun. L’expérience acquise à travers des genres de jeux très différents se trouvera en effet au cœur de la philosophie du studio Camelot.

Shining Force : briller par un style unique

Après quelques années de bons et loyaux services chez Enix, Hiroyuki entre chez SEGA. Il y est rejoint par son frère Shugo, qui travaillait jusqu’alors dans la production de logiciels, hors du jeu vidéo. Le constructeur accepte de leur allouer un budget pour créer un titre dans un style un peu différent de la coqueluche actuelle – les jeux de rôle les plus appréciés ayant un gameplay similaire à celui des Dragon Quest. Ce sera un dungeon crawler du nom de Shining in the Darkness (1991). Les deux frères rejoignent alors la division CD4 (Consumer Division #4), fondée en 1990, qui changera par la suite plusieurs fois de nom, devenant d’abord Sonic ! Software Planning, puis Camelot Software Planning en 1997. La prise de risque en valait la peine : Shining in the Darkness marche au-delà des espérances. Une relation de confiance semble alors s’établir avec l’éditeur, qui permet à l’équipe de continuer à créer des jeux comme elle l’entend, non sans décupler ses attentes en matière de résultats. En 1992 sort Shining Force, un RPG une fois de plus différent, puisqu’il s’agit cette fois d’un jeu de rôle tactique. Se déroulant majoritairement en vue de dessus et sur de larges champs de bataille, le titre permet de contrôler de nombreux combattants et ajoute une dimension stratégique à plus grande échelle. Le jeu passe à un cheveu de l’annulation : les ambitions des frères semblent démesurées, puisqu’ils veulent concevoir des scènes de bataille entièrement animées… et donc difficile à faire tenir sur les cartouches de la Mega Drive et leur maximum de 40 mégabits de données. Ils ne se laissent pas démonter et parviennent à compresser les scènes les plus lourdes à hauteur de 22 %, sans trop ralentir la machine.

La question des scènes animées leur tient à cœur. Celles-ci jouent à leur sens un rôle fondamental pour établir une connexion plus forte entre les joueurs, les personnages et l’histoire. La vue de dessus classique des jeux de rôle mettant une certaine distance avec les protagonistes, les zooms détaillés en vue de profil sont particulièrement importants pour dépeindre les personnages de façon vivante, en jouant notamment sur leurs postures et leurs mouvements lorsqu’ils se croisent sur le champ de bataille. Une particularité ressort alors dans la manière de représenter ces combats en deux dimensions : les personnages se tiennent sur des rocs surélevés, ce qui apporte beaucoup de théâtralité à leurs actions. L’équipe plaisante sur le fait qu’ils semblent se tenir sur un otachidai, une estrade utilisée pour faire des discours, et pousse la blague jusqu’à appeler ces éléments graphiques « Otoko no hanamichi », en référence à l’une des estrades du kabuki. Cette forme théâtrale traditionnelle du Japon du XVIIe siècle (période d’Edo) met en scène des acteurs qui racontent, entre autres, des épopées historiques, accompagnés en musique. On peut identifier des points communs intéressants entre le kabuki et la scénographie des jeux, qui perdurera dans les séquences de combat en trois dimensions : les poses souvent statiques, les mouvements décomposés des personnages, représentatifs de leur rôle, leur alignement sur des axes, qui donne presque l’impression de les voir sur une scène, les décors amovibles faciles à remplacer pour symboliser les différents effets de terrain… Si ces codes de mise en scène ne sont pas propres aux jeux de rôle de Camelot, le rapprochement avec le théâtre traditionnel nippon se révèle moins anecdotique qu’il n’y paraît.

Toutefois, malgré leur exploit graphique, les développeurs ont le sentiment que leurs ambitions sont bridées par les limitations techniques. Au-delà de la possibilité d’impressionner les joueurs avec des technologies toujours plus fines, ils sont frustrés, car ils ne peuvent exprimer leurs idées de façon directe dans les jeux. Ce manque de liberté créatrice influence non seulement l’écriture, mais également la façon dont les mécaniques des jeux sont conçues. Hiroyuki déclare en 1992, dans une interview croisée pour le magazine The Super Famicom avec Shigeru Miya-moto (créateur de Zelda, Mario…) et Koichi Nakamura (fondateur de Chunsoft) sur l’avenir du RPG : « Si l’on approfondit l’aspect narratif, cela affecte forcément le gameplay. Mais les machines ne sont pas encore assez puissantes pour recréer visuellement ce que les scénaristes ont en tête. C’est pour cette raison qu’actuellement, nous devons encore penser l’histoire et le gameplay comme des entités séparées. Néanmoins, si le hardware continue de s’améliorer, je pense que nous serons en mesure de mieux harmoniser les deux. »

Ce point de vue va alimenter la vision de Hiroyuki Takahashi et du futur studio Camelot. Des années après, il tire toujours les mêmes leçons de ses expériences passées : il ne veut pas se contenter de raconter une bonne histoire ou de proposer un jeu amusant. D’après lui, l’industrie s’enlise dans cette séparation entre deux objectifs qui devraient être complémentaires. En 2010, dans les colonnes de Games TM, son opinion n’a pas changé d’un iota : « Encore aujourd’hui, beaucoup de jeux de rôle sont conçus d’après un mode de pensée pour lequel les batailles ne sont qu’un bonus et l’histoire constitue l’élément le plus important. Je ne pourrai jamais accepter et tolérer ça. Les joueurs de RPG passent tellement de temps dans ces batailles, il est inconcevable que les systèmes de combat soient traités comme un simple détail collé sur une bonne intrigue. »

La critique des genres établis : dépasser les ressentis pour améliorer la formule

Nous l’avons vu, Hiroyuki Takahashi ne se retient pas de critiquer vertement les genres et jeux qui lui ont déplu, sans pour autant s’empêcher de s’en inspirer ouvertement. Il refuse l’influence du Fire Emblem de la Nintendo Entertainment System, dont il juge le rythme mauvais, sur le premier Shining Force (1992), et présente la naissance de son jeu de rôle tactique comme une réflexion autour d’un titre moins connu, Silver Ghost (Kure Software, 1988). L’intérêt de Silver Ghost réside dans ses mécaniques très dynamiques pour l’époque : les membres de l’équipe se déplacent tout seuls à l’écran à mesure que le joueur fait ses choix, créant un joyeux chaos, mais rendant le tout forcément plus amusant que du tour par tour à l’ancienne où l’on dirige chaque unité indépendamment.

Le premier Shining Force se veut progressiste face à des jeux de rôle comme Wizardry ou Dragon Quest. Il introduit notamment les notions de distance et de portée pour complexifier l’aspect tactique des combats. L’équipe cherche également à se dépasser techniquement et visuellement : lors de la création de Shining Force II, les développeurs parviennent à recréer des effets spéciaux – notamment les points de lumière (spotlights in dungeons) et le scrolling