Innocents - Laure Allard-d'Adesky - E-Book

Innocents E-Book

Laure Allard-d'Adesky

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Beschreibung

Quand les êtres du quotidien basculent dans l'horreur...

Enfants, bibliothécaire, mamie gâteau, vendeuse de glaces ou animaux de compagnie ... Nous avons tous dans notre entourage des êtres d'apparence innocente. Dans ce recueil de nouvelles fantastiques ces figures rassurantes ne le sont pas tant que ça.

Plongez dans ce recueil de nouvelles, et découvrez un univers fantastique où les certitudes sont chamboulées.

EXTRAIT

— Jack me retrouvera. Il ne te laissera pas faire.
— Je te l’ai déjà dit, Kenna, il ne s’agit pas de ma volonté, mais de celle des dieux.
Elle se détourne alors et je sens qu’elle fait brûler quelque chose. Je devine qu’il s’agit de cire pour me brûler les yeux comme elle l’a fait avec Liam. Je me mets à crier. J’appelle Jack, mes parents, mes sœurs. Quand tout à coup une forme apparaît au loin. Même dans la nuit noire, je le reconnaîtrais entre mille.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Laure Allard-d'Adesky écrit depuis sa plus tendre enfance. Après la naissance de son fils, elle décide de consacrer une grande partie de son temps libre à l'écriture de livres pour enfants. Elle publie en 2014 Le bal du solstice aux Editions Jets d'encre puis des contes pour le site internet Whisperies.com. En 2015, dans le temps libre que lui laisse son engagement de réserviste au service de l'armée de Terre, elle s'essaye aux histoires pour adultes. Elle publie une nouvelle intitulée Altiya, la déesse du feu aux Editions secrètes. En 2016, elle se lance dans les comédies romantiques et publie Juste une histoire de chance chez Anyway Éditions et Burger Royal aux Editions secrètes. En 2017, elle a publié la suite de la saga Burger Royal ainsi que 4 albums pour enfants.
Cette année, en 2018, elle a signé des contrats pour trois romans, un recueil de nouvelles et un album pour enfants.

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Recueill de nouvelles Fantastiques/HorrifiquesEditions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Tinkerbell Design

Émilie, sans qui je n’aurai pas pu écrire la plupart de ces noires histoires. Merci.

 

Le condamné

 

Malcom était assis sur une chaise, devant un bureau en métal. Face à lui, un homme en soutane tenait une bible dans la main.

La pièce était froide, vide. Il y régnait une atmosphère lugubre, ce qui n’avait rien d’étonnant puisqu’ils se trouvaient dans le couloir de la mort.

L’ecclésiastique semblait sonder son interlocuteur. Il attendait quelque chose, un regret ou un signe de repentir, mais Malcom n’éprouvait aucun regret. Il avait tué, certes, mais à ses yeux ses victimes l’avaient mérité.

Un gardien posa une assiette devant lui, son dernier repas, puis repartit sans un mot. Il avait eu le droit de commander son plat préféré, et avait choisi des œufs brouillés au saumon fumé.

Sans un autre regard pour le prêtre, Malcom commença à manger, lentement, en savourant chacune des bouchées puisqu’il savait que ce seraient les dernières.

— Je n’ai jamais supporté les faibles, expliqua-t-il.

L’homme en soutane sembla étonné de l’entendre parler, mais l’encouragea à continuer d’un signe.

— Dans la nature, les faibles sont éliminés. C’est dans l’ordre des choses, et personne n’y trouve rien à redire.

Le prêtre répondit par un verset de la Bible :

— Le Seigneur, l’Éternel, m’a donné une langue exercée, pour que je sache soutenir par la parole celui qui est abattu ; il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent des disciples.

Malcom continua comme s’il n’avait rien entendu :

— Savez-vous quand j’ai commis mon premier meurtre ?

L’homme d’Église fit non de la tête.

— Je n’étais même pas encore né. Je n’avais pas poussé mon premier cri que j’exécrais déjà la médiocrité. À ceux qui disent que l’on ne naît pas bon ni mauvais, je réponds : Si Dieu crée la vie sur terre, pourquoi le diable ne pourrait-il pas en faire autant ? Je pourrais justifier ma condition par le fait que je suis issu d’un viol, que ma mère ne me désirait pas et qu’elle a cherché par tous les moyens à se débarrasser de moi. Elle s’est jetée du haut d’un escalier, a avalé des médicaments, mais cela n’a pas fonctionné. Ne vous méprenez pas, je ne cherche pas d’excuses. J’ai toujours été mauvais. J’aurais pu changer, tenter de m’améliorer, mais je suis fier de ce que je suis. Je suis une brebis galeuse pour certains, mais je me moque de ce qu’on pense de moi.

— Dieu aime tous ses enfants, même les pécheurs.

Malcom haussa les épaules. Il continua sa litanie, tout en mordant dans un toast. Il était heureux de parler, son seul regret durant toutes ces années de prison avait été l’isolement. Il avait toujours été un bon orateur, aimait parler et être écouté.

— Je vous disais donc que j’avais commis mon premier meurtre avant ma naissance. Est-ce que cela vous étonne ?

— Je suppose que vous allez m’expliquer comment vous avez fait.

— Je ne sais pas si j’ai été possédé par une force maléfique, mais j’aime à croire que ce fut le cas. Ma mère, comme je vous l’expliquais, avait été violée. Elle n’était qu’une enfant, elle avait à peine seize ans. Elle attendait des jumeaux. Je partageais son ventre avec un autre, un fœtus faible et chétif. Je n’ai bien entendu aucun souvenir de cette époque, mais j’imagine très bien ce que j’ai dû ressentir : du dédain, et même du dégoût. Peut-être que je n’ai pas supporté de devoir partager ma nourriture avec lui, peut-être avais-je l’impression qu’en me débarrassant de lui, j’aurais une chance d’être aimé. Toujours est-il que je l’ai éliminé.

 

Le prêtre ne semblait pas rebuté outre mesure. C’était un homme éduqué et habitué à entendre des propos durs et cruels. Il savait que cela ne servirait à rien de tenter de raisonner le condamné à mort qui se trouvait face à lui, mais il voulut néanmoins lui expliquer que son cas n’était pas aussi rare qu’il voulait bien le croire.

— Ce que vous me décrivez là, c’est le syndrome du jumeau perdu. On a dû vous dire que votre mère avait conçu deux fœtus, mais que seul l’un d’entre eux a survécu. Des psychologues pourraient même vous dire que c’est la culpabilité d’avoir survécu qui vous a rendu agressif. Quoi que vous en pensiez, vous étiez un bébé innocent.

Malcom se leva d’un bond, l’air menaçant.

— Ne jouez pas au plus malin avec moi. Ce n’est pas parce que vous êtes un homme d’Église et que je suis coincé dans cette pièce que je ne peux pas vous régler votre compte. Je vous l’ai dit, le démon est en moi. Un fœtus peut être mauvais. Il n’est pas aussi innocent qu’on voudrait le croire, et en naissant il peut incarner le mal.

Le prêtre leva les mains en signe de paix. Il fit signe que tout allait bien aux gardes qui s’étaient rapprochés.

— Je ne voulais pas vous vexer. Je vous en prie, continuez.

Malcom se rassit, l’air mauvais. Il ne supportait plus son interlocuteur, il le méprisait, mais c’était la dernière personne à qui il parlerait. Il avait encore des choses à dire, qu’importe si l’homme de Dieu le prenait pour une vulgaire victime de son passé. Il n’avait jamais supporté qu’on cherche à le mettre dans une case. Il était unique, il était au-dessus des autres. Rentrer dans le moule, se fondre dans la masse, ce n’était pas pour lui. Sa différence était sa force.

— J’ai tout de suite aimé tuer. Un meurtrier est semblable à ce Dieu que vous vénérez. Il a droit de vie ou de mort sur celui dont il a choisi de se débarrasser.

— Ezéchiel 28 : 2 Toi, tu es homme et non Dieu, et tu prends ta volonté pour la volonté de Dieu.

— Encore vos fichus versets. Je n’en ai que faire, des volontés de votre Dieu. Je vous parle à vous, l’homme derrière le déguisement sombre. Je vous demande d’imaginer un instant le pouvoir que vous avez face à un homme faible qui vous supplie de l’épargner. C’est jouissif. J’imagine que c’est ce que le meurtre de mon frère m’a appris. Comme Caïn qui a tué Abel. Il ne faut jamais céder. Celui qui supplie, qui implore d’être épargné, ne mérite pas de vivre.

— Ne dit-on pas que, dans la nature, le plus fort a besoin du plus faible pour survivre ?

— Encore une phrase de votre Dieu ?

— Non, seulement du bon sens, j’imagine...

Le garde revint pour débarrasser le plateau-repas. Malcom savait que leur entretien était terminé et que, quelques instants plus tard, il se retrouverait allongé et harnaché dans le fauteuil où on lui ferait une injection létale.

Il avait aimé cette joute verbale. Il devait admettre qu’il s’était trompé, l’homme en soutane était plus qu’un vulgaire pantin. Mais il saurait bientôt à qui il avait affaire.

Le condamné regarda l’horloge qui allait sonner le glas. Le prêtre allait partir, c’était la fin.

Malcom ne voulait surtout pas que ce dernier ait le dernier mot alors, quand il le vit se lever et lui donner l’extrême onction, il attendit qu’il soit sur le pas de la porte pour dire :

— La raison du plus fort est toujours la meilleure.

Le prêtre sourit et quitta la pièce. Le prisonnier resta seul quelques instants.

Il pensa à ses victimes. Surtout à son frère qui n’avait jamais vécu, et il éclata d’un rire sadique. Non, il n’avait aucun regret. Il avait lu un jour une phrase de Jean-Jacques Rousseau dont il avait fait sa ligne de conduite : « Puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte qu’on soit le plus fort ».

La porte s’ouvrit. Il partait en paix.

Quand il avait été arrêté et condamné à la suite de son quatorzième meurtre, il avait découvert que la seule façon de s’évader et de quitter ces quatre murs gris serait de s’instruire. L’éducation l’avait conforté dans son idée d’être un être supérieur.

Il allait mourir comme il avait vécu, en méprisant ceux qui le jugeaient. Il prit une profonde inspiration, il se sentait habité d’une force surhumaine, et en même temps d’une absolue quiétude.

Le prisonnier Malcom Peters reçut l’injection létale à 4 h 32, heure locale. Au même instant, en pleine rue, le Père Robert Dawlings fut percuté par un chauffeur qui ne l’avait pas vu traverser. Il mourut sur le coup.

L’ambulancier qui découvrit la dépouille décrivit la scène avec ces mots : « Il semblait terrifié, son regard exprimait l’épouvante. C’est comme si le diable en personne avait été au volant du véhicule ».

 

Le diable en sabot

 

Ophélie s’était installée à la campagne une dizaine d’années auparavant, pas pour fuir le monde et recommencer une nouvelle vie comme beaucoup de ses voisins agriculteurs le pensaient, mais véritablement par amour des chèvres. Ayant envie de consacrer sa vie à l’élevage, elle avait soigneusement mûri son projet, avait étudié les pâtures, la mise bas, les normes sanitaires. Maintenant, elle en savait tellement sur les caprins qu’elle intervenait parfois dans un lycée agricole.

Sa vie la comblait. Elle n’avait besoin de rien d’autre que de l’affection de ses biquettes comme elle les surnommait affectueusement. D’ailleurs, elle aspirait à une vie solitaire. Elle aurait même évité les aller et retour en ville si elle ne devait pas vendre régulièrement ses produits sur les marchés. Et ses fromages se vendaient bien : dans son laboratoire, elle se laissait parfois aller à inventer des recettes originales : fromage aux dattes, yaourt aux poires et piment d’Espelette. Toutes ses créations ne remportaient pas un succès phénoménal, mais elles lui garantissaient un passage de clients réguliers, toujours curieux de découvrir un de ses nouveaux challenges culinaires. Tout allait donc pour le mieux dans la vie de la fermière, jusqu’au jour où son bouc mourut dans d’étranges circonstances.

Elle le retrouva dans un pré, les yeux révulsés et la langue pendante, comme s’il avait été frappé par la foudre. Ophélie versa une petite larme en caressant son corps sans vie. Mais elle n’eut pas le loisir de le pleurer très longtemps, il lui fallait un nouveau bouc, sans cela elle ne pourrait renouveler son cheptel.

 

En rentrant chez elle, elle passa donc quelques coups de fil : d’abord à l’équarrisseur, puis à d’autres éleveurs. Elle se rendit ensuite chez Régis, un éleveur voisin qui avait plusieurs mâles à lui proposer. Tandis qu’elle garait sa voiture dans la cour, il vint à sa rencontre, un grand sourire aux lèvres. Il lui avait plusieurs fois signifié qu’il n’était pas insensible à son charme, mais Ophélie n’avait pas cédé à ses avances : elle ne mélangeait jamais le travail et le plaisir.

Régis avait rassemblé les trois mâles qui étaient à vendre. Tous trois étaient effectivement très beaux, comme il l’avait promis au téléphone, et ils produiraient sans doute de magnifiques chevreaux. Pourtant, sans qu’elle puisse l’expliquer, ils ne l’intéressaient pas. Elle avait remarqué dans un box, au fond de la chèvrerie, une bête gigantesque avec des cornes en forme d’une lyre. Sa barbiche était très fournie et son odeur puissante.

— Combien pour celui-là ? demanda Ophélie en le montrant du doigt.

— Celui-là n’est pas à vendre, répondit Régis, le visage fermé. Je vais l’abattre, il est violent, dangereux avec les autres bêtes. On me l’a vendu il y a quelques jours, je le trouvais magnifique, mais je crois que je me suis fait avoir.

— Je veux le voir.

Le fermier haussa les épaules. Il avait compris, pour en avoir fait l’expérience, que cela ne servait à rien de parlementer avec Ophélie. Elle savait ce qu’elle voulait et pouvait même se montrer entêtée, c’était d’ailleurs ce qui lui plaisait le plus chez elle après ses jolies formes.

Elle s’approcha doucement de la bête, qui se montra en effet plutôt menaçante. Il mit ses cornes en avant, baissant la tête tout en la défiant du regard, mais Ophélie ne recula pas. Elle continua à marcher vers lui tout en parlant, et s’arrêta à moins d’un mètre du bouc. S’ensuivit une bataille de regards que la bête finit par perdre. Ophélie se retourna alors, triomphante, vers son collègue.

— Je le prends.

— Il s’appelle Dante, précisa le fermier. Comme celui qui a écrit sur l’enfer.

Ophélie ignora le ton sur lequel il prononçait ces mots, qui sonnaient un funeste présage. Elle répondit que Dante avait aussi écrit sur le paradis, puis elle prit l’animal qui la suivit docilement jusqu’à la camionnette.

— Je ne sais pas comment tu fais, commenta le fermier après avoir pris le chèque qu’Ophélie lui tendait.

— Tu sais bien que j’ai un don.

— Je t’offre un verre pour fêter ça ?

Elle eut un instant d’hésitation, mais Dante donna un violent coup dans la portière.

— Une autre fois peut-être, merci encore !

— Ouais, ouais c’est ça.

Elle se perdit dans ses pensées durant tout le trajet de retour. Une boule s’était formée au creux de son ventre. Sans qu’elle puisse se l’expliquer, elle était à la fois triste et en colère. Elle mit ces sentiments étranges sur le compte de la mort de son bouc, mais elle se sentait nauséeuse. Elle fit sortir Dante de la camionnette et l’installa dans un enclos séparé, elle ne voulait pas le mêler trop vite au troupeau. Les mots du fermier raisonnaient en elle : il était sans doute dangereux. Avait-elle fait une erreur ? Elle le contempla quelque temps. Non, il était magnifique, et elle l’avait eu pour un prix dérisoire : au contraire, elle pouvait être fière d’elle !

Elle se réveilla aux aurores le lendemain, comme à son habitude, pour amener ses chèvres vers la salle de traite. Il en manquait. Elle appela son chien pour partir à leur recherche. Fido semblait nerveux, il tournait sur lui-même en gémissant et se collait aux jambes de sa maîtresse.

— File Fido, ramène-moi les retardataires.