Jeu dangereux - Henri De La Roche - E-Book

Jeu dangereux E-Book

Henri De La Roche

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Beschreibung

Henry de La Roche nous transporte dans un monde d’amitié et de haine, de douceur et de violence, de volonté et de soumission...


Elie seize ans, John quinze ans, ils sont lycéens et sont des amis inséparables, presque deux frères. Ils ont tous les deux un point commun. Leur quotient intellectuel avoisine les cent quarante. Ils ont tous pour réussir leur vie. Pourtant Elie va prendre une décision qui va perturber leur amitié si solide.


Peu à peu, l’intrigue se construit à travers un jeu dangereux et la recherche du Saphir Bleu dans un suspense parfois angoissant avec des personnages attachants ou odieux et parfois dans une poésie fantasmagorique !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Henry De La Roche est originaire de la Charente, passionné depuis son adolescence par l’écriture. Il se met à écrire quelques textes, qui, malheureusement il ne donnera pas suite. C’est pendant le premier confinement de mars 2019 qu’il écrit son roman «Jeu dangereux, SAPHIR BLEU», le premier d’une trilogie. Aujourd’hui, Henry De La Roche se consacre entièrement à sa passion qu’est l’écriture. Dont il prépare d’autres aventures tout aussi intrigantes.

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Henry DE LA ROCHE

JEU DANGEREUX

SAPHIR BLEU

À Luciano, Antonio, Jaïs, mes fils.

À John G.

1

Une matinée printanière, les murs des immeubles de chaque côté de la rue ainsi que les pavés sont imbibés d’une moiteur causée par une pluie nocturne. Quelques commerçants ont ouvert leurs magasins très tôt le matin afin d’accueillir leurs premiers clients. Une odeur de café, venant des deux bistrots situés de chaque côté de la rue, à cent cinquante mètres l’un de l’autre, se mêle dans les airs à une agréable odeur de viennoiseries provenant de l’unique boulangerie de la rue, venant titiller la gourmandise des passants.

De fines trainées de nuages cheminent langoureusement dans le ciel.

Un léger vent s’est levé, chassant ces fines traces du ciel pour les transporter plus au sud de la ville, laissant un immense espace bleuté et la place au soleil qui montre ses premiers rayons, faisant disparaitre toutes traces d’humidité.

Debout, sur le toit de ce bâtiment de quatre étages, Élie regarde l’immeuble aux couleurs grises, juste en face de celui où il se tient actuellement, qui est de la même hauteur, séparé par une rue piétonne d’environ vingt mètres de large. Il domine les toitures ainsi que les cheminées qui tremblent déjà sous la chaleur des premiers rayons du soleil qui commencent à devenir brûlants. Les bras le long de son corps, le front trempé de sueur qu’il essuie avec le dos sa main droite, il fait le vide dans son esprit et se concentre sur son objectif. Son rythme cardiaque s’accélère au fil des secondes qui s’écoulent. Son regard se tourne vers le beffroi de l’ancien hôtel de ville.

Sa grosse cloche s’apprête à sonner onze heures. Il recule de cinq pas, ses mains deviennent moites, son estomac se noue.

Il égrène dans un murmure les coups de l’horloge… Au dernier son, il prend son élan et saute. Soudain, il entend un cri effroyable dans son dos.

— Non, Élie ! Arrête-toi !

La mâchoire serrée, il sent tous les muscles de son corps se raidir alors qu’il est dans les airs. Il n’est plus qu’à quelques mètres de ce toit bétonné qui se rapproche dangereusement de lui. Il laisse échapper un cri étouffé au moment de toucher le béton. Le souffle court, il se relève lentement, inspecte la moindre partie de son corps : aucune trace de blessures. Dos au soleil, il remarque la présence d’un jeune garçon, le teint mat, sur le toit d’en face. Il se tient droit, le visage sévère ; pendant un instant, il pouvait ressentir l’horreur naissant dans son regard.

— Tu es complètement irresponsable, Élie ! lui hurle-t-il en utilisant ses mains comme porte-voix.

Gardant le silence, Élie lui fait signe de venir le rejoindre.

Assis sur la bordure du toit, Élie avait ramassé des petits cailloux qu’il faisait sauter dans sa main.

— Ne me refais plus jamais ça ! lui crie-t-il hors de lui.

D’un pas assuré, les bras le long de son corps, serrant ses poings fortement, son visage est encore marqué par la fureur. La voix de ce jeune adolescent, si douce habituellement, vient frapper ses oreilles avec une colère qui le surprend.

— J’ai réussi mon pari ! lui lance Élie avec une expression de bonheur.

— Tu es vraiment stupide, quand vas-tu cesser de relever tous ces défis que l’on t’impose ! dit-il avec une colère froide.

— Je veux entretenir mon image de marque en montrant à tous ces abrutis que je ne suis pas un dégonflé. Tu ne peux pas comprendre John ! s’écrie Élie.

— Arrête ! Tu es un garçon intelligent, tu n’as pas besoin de faire ce genre d’absurdité pour leur montrer de quoi tu es capable. Tu es le premier de la classe, tu peux tout retenir en lisant une seule fois tes cours, tu n’es même pas obligé de les relire, s’écrie John toujours en colère.

— Fais-moi confiance, je sais très bien ce que je fais, annonce Élie d’un ton calme.

— Je ne veux pas te retrouver dans une boite, lance John avec un regard féroce.

Il s’assoit sur le rebord du toit, à côté de son ami, les lèvres fines entrouvertes et se met à pianoter sur son menton avec ses doigts. Élie connaît ses moindres réactions ; quand il fait ce genre de truc, c’est qu’il est tracassé et qu’il ne sait pas comment s’exprimer. Il déteste toutes ces personnes qui imposent ces épreuves qui ne réussiront qu’à lui faire du mal. Pour lui, Élie n’a rien à prouver.

Les deux jeunes adolescents se connaissent très bien. Ils se sont connus quand John est rentré en sixième. Ses capacités intellectuelles lui ont permis très vite de bénéficier de quelques avantages et de se retrouver dans la même classe qu‘Élie, en troisième. Son père est parti quand il avait quatre ans. Sa mère n’a jamais eu la vie bien heureuse. Tous les hommes qu’elle rencontrait, soit étaient alcooliques, soit la battaient, ou les deux.

Depuis une dizaine d’années, elle est seule, elle ne s’en porte pas plus mal. Elle travaille dans un magasin de prêt-à-porter pour homme. Depuis un mois, elle est devenue adjointe à son responsable de magasin. Son salaire devient correct, ils vivent dans le centre de Bordeaux, pas très loin de chez Élie.

Les parents d’Élie se font une impression de sa mère, d’une femme sans importance.

C’est surtout une opinion qu’a l’habitude de construire la mère d’Élie.

Un soir, alors qu’Élie rentrait des cours, il a pu entendre une de ses paroles fortement désagréables dont elle seule connaît la recette. « Il ne suffit pas de se frotter à un homme pour avoir la belle vie, si elle croit qu’elle peut avoir tous les hommes de la planète ! »

Les parents d’Élie n’ont jamais connu de moments paisibles. L’ambiance familiale est construite uniquement sur des cris et de la violence.

Sa mère, Edwige, aime la provocation. Depuis quinze jours, elle ne cesse de flatter son frère sur ses résultats scolaires. En agissant ainsi, elle croit pouvoir créer une vive hostilité entre les deux frères, mais ce sont de vains espoirs. C’est leur père qui finit par en payer le prix fort. Comme à chaque fois.

Son grand frère, Timothée, venait de recevoir son acceptation pour la fac de droit. Il ne se passait pas une journée sans qu’elle rabâche à Élie sa réussite.

Son frère est un homosexuel refoulé, très beau garçon de vingt ans. Il passe les trois quarts de son temps libre à faire du sport. Il ne se rend pas dans une salle, cela coûte trop cher, mais il va souvent chez leur voisin à l’étage du dessus, chez monsieur UBERE. Il est veuf depuis quinze ans, il a une fille qu’il ne voit pratiquement pas, car elle travaille comme agent de laboratoire en Suède. Elle s’appelle Marie. Dans sa salle à manger, il y a une photo d’elle sur le buffet. C’est le jour de son mariage avec Marc, un homme assez mystérieux, un suédois. Élie a eu l’occasion de le rencontrer. Il n’est pas méchant, mais par moment, il se renferme sur lui-même et on ne va plus l’entendre de toute la journée. Quant à sa fille, une très belle femme, brune, les yeux noirs comme ceux de son père, un sourire charmeur, serrée contre son mari, un homme tout aussi souriant, blond, les yeux noisette. Il doit plaire à son frère Timothée, car il ne cesse de le regarder.

Monsieur UBERE Yevgueniy qui signifie « Eugène » en français, est un ancien facteur de soixante-sept ans, c’est un monsieur débordant de gentillesse. D’origine russe, par son grand-père Olaf, le cœur déchiré, il a quitté la Russie pendant la Révolution de mille neuf cent dix-sept, le jour de l’exécution de son Tsar. Il ne voulait pas vivre sous une autocratie. Il s’est toujours promis qu’il reviendrait uniquement quand le peuple rappellerait le Tsar. C’est avec beaucoup de nostalgie qu’il nous raconte l’histoire de ce grand-père, mort en France, enterré en France aux côtés de sa femme Clothilde. Il aime beaucoup Timothée et Élie. Eux vont régulièrement le voir. Il possède un banc de musculation ainsi qu’un tapis de course et autre matériel. Il s’est acheté tout cela pour maintenir sa forme, quand il était juste en retraite. Il distribuait son courrier à bicyclette, il a toujours refusé un véhicule. Monsieur UBERE n’a pas une musculature aussi développée que celle de Timothée. Il fait du sport de temps en temps. Juste histoire de ne pas devenir impotent. C’est un monsieur d’une certaine classe. Il dépasse le mètre soixante-quinze, mince, toujours très bien habillé, les cheveux poivre et sel, très bien peignés et bien coupés. Il a gardé certaines activités : tous les mercredis après-midi, il s’en va avec les gens de son club de marche. Ensemble, ils font des kilomètres. Élie et John ont voulu participer à l’une de ces après-midis. Il les a présentés comme ses petits-enfants. Faute de ne pas voir les siens. Il a deux garçons. Leur photo est sur le buffet à côté de celle de sa fille. Mais il les voit rarement, une fois à Noël et peut-être pour la Pâque. Ils ressemblent à leur mère. Ce sont des jumeaux. Sur la photo, ils devaient avoir quatre ans. Il y a de cela neuf ans. Un jour, il a eu une dispute avec sa fille, la dernière fois qu’elle est venue. C’était pour Pâque. Elle voulait qu’il vienne vivre avec elle à Stockholm. Il ne le souhaitait pas. Toute sa vie est là, il ne veut pas perdre ses repères. Et puis là-bas, il ne connaît personne. On ne peut pas demander l'impossible à une personne âgée qui a construit toute sa vie à un endroit. Sa fille l’a mal pris. Elle est repartie avec son mari et ses fils dans un état d’esprit assez houleux.

Ils avaient fait plus de quarante kilomètres. Élie et son frère sont rentrés le soir vers vingt heures, Élie n’avait plus la force de manger, il est allé se coucher directement.

Un jour, Yevgueniy a demandé à Timothée qui était venu s’entrainer :

— Mais jusqu’où vas-tu aller ainsi ? Tu ne cherches quand même pas à ressembler à cet acteur d’origine autrichienne, qui vit aux États-Unis, qui a des bras aussi gros que des cuisses ?

— Non, ne vous inquiétez pas monsieur UBERE, je n’en ai pas envie et, en plus je suis trop grand pour être comme lui, cela ne m’ira pas.

Élie et Timothée adorent monsieur UBERE, c’est le grand-père de leurs rêves.

Les deux frères ont les mêmes yeux verts et les cheveux brun clair. Timothée a encore gardé son aspect juvénile, c’est certainement l’une de ces raisons qui lui permet de plaire à des personnes d’un âge bien avancé. Un jour, Élie l’a surpris en train d’embrasser et de câliner l’un de ses soi-disant meilleurs amis, qui devait avoir au moins quinze ans de plus que lui. Si jamais notre père Joachim apprend ce genre de chose, il passera un très mauvais quart d’heure. Leur père n’a jamais voulu retirer les œillères qui l’empêchent de voir ce qu’il se passe réellement autour de lui. Quant à leur mère, de temps en temps elle les retire mais pas longtemps.

Bref, ses parents ne savent pas ce qu’ils vont faire d’Élie. Ils commencent vraiment à se poser des questions sur son avenir. Alors ils lui proposent des métiers. Ils lui suggèrent d’être médecin.

2

Allongé sur son lit, les mains croisées derrière la tête, Élie fixe le plafond de sa chambre. Il réfléchit à son avenir.

Cette vie que Dieu lui a donnée, Élie se demande ce qu’il pourrait bien en faire. Il ne veut pas être médecin, ni avocat et encore moins employé dans une grande surface, qui était la dernière réflexion de son père quand il a débarqué comme un fou dans sa chambre « En attendant que tu puisses avoir un métier convenable », lui avait-il suggéré.

— Il n’y a pas de métier convenable, il y a juste des gens qui exercent leur passion, lui a rétorqué Élie avec un début de courage, puis il rajouta avec un agacement naissant : « Je n’ai que seize ans, tous mes projets d’avenir, je préfère les garder pour moi. » Son père ne savait plus quoi lui répondre et partit retrouver sa femme dans la salle à manger, en répétant sans cesse les paroles de son fils.

Stupéfaite par ce qu’elle venait d’apprendre, elle se précipita dans sa chambre. Elle tenait absolument à ce qu’il lui parle de ce fameux projet d’avenir. Le ton mielleux qu’elle avait adopté le fatiguait atrocement. Quand son frère fit irruption dans sa chambre à son tour, il a cru dans un premier temps que c’était pour le libérer de cette emprise maternelle. Il prit place à ses côtés sur le lit et commença son interrogatoire.

Ah quelle famille !

Élie prend une profonde respiration, il sort de sa chambre en soupirant de désespoir.

Beaucoup de gens savent quoi faire dans leur vie, mais ce n’est pas une généralité. Que son entourage se rassure, Élie a effectivement un projet, mais pour l’instant c’est une ébauche d’un morceau de vie, encore en état de gestation. Et personne ne sait ce que cela peut être, même John ne sait rien et il respecte sa discrétion.

« Construisons nos projets en silence, car la réussite s’occupera du bruit. »

John veut être journaliste. C’est un métier où l’on apprend à raconter des histoires.

« J’ai toujours été un peu rêveur », lui a-t-il dit un jour en rentrant du lycée.

« Oui, c’est vrai comme moi. », lui avait répondu Élie.

Trois jours après cet épisode. Élie attendait John qui était à l’infirmerie pour y soigner une migraine qui lui martelait le crâne depuis le milieu de la matinée. Adossé au mur du couloir du lycée, la tête en arrière, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, Élie regardait les élèves courir dans tous les sens pour rejoindre leurs classes.

Un grand garçon arriva, émacié, habillé de noir, ce qui faisait ressortir sa chevelure blonde ainsi que la blancheur de sa peau. On aurait dit qu’il était comme téléguidé. Il tendit ses bras et agrippa le polo du jeune garçon de ses longs doigts fins, blancs, son visage à quelques centimètres de celui d’Élie.

— Il paraît que tu as fait ton saut petit homme ? lui demanda-t-il.

— C’est vrai. Cela te pose un problème ? lui rétorqua Élie.

— C’est nous qui décidons du jour, de la date et de l’heure. Qui nous dit que tu l’as réellement fait ?

— Moi je peux le dire, intervint subitement John, en s’interposant entre eux.

— Hum, toi, pauvre petit homme de rien. Il est évident que tu ne vas pas contredire ton meilleur ami. Est-ce qu’il y a eu une vidéo de faite ? demanda l’adolescent en adoptant un ton menaçant.

— Tu as juste notre parole, lui lança Élie avec assurance.

— C’est au conseil de décider. Cela tombe bien, nous allons nous réunir ce soir à vingt heures. Ta présence est conseillée, sinon nous considérerons ton acte nul et tu devras recommencer.

— Tu peux compter sur moi, lui lança Élie les dents serrées.

Son regard rempli de haine, il s’éclipsa sans les quitter des yeux.

— Aymard ! lui cria Élie, je n’ai peur de rien, ni de toi, ni de ton conseil.

Il finit par lui faire un doigt d’honneur et il se fondit dans la foule d’élèves. La portée de sa voix provoqua un silence de mort dans tout le couloir.

Un jeune homme de taille moyenne, vêtu d’un jean noir et d’un sweat bleu, sortit de son bureau.

— Il y a un problème John ? demanda-t-il.

— Non, monsieur.

— Alors, allez en cours ! ordonna-t-il.

À peine eut-il terminé sa phrase qu’ils se mélangèrent aux autres élèves.

3

La nuit commence à tomber, les lampadaires s’allument sous un ciel pourpre, l’air se rafraîchit, un frisson saisit John. Les deux adolescents descendent le boulevard. Ils tournent à gauche pour se retrouver dans une ruelle très étroite et très sombre. Les garçons accélèrent leur marche ; à l’intersection, ils découvrent une très longue rue arborée, bordée de bâtiments abandonnés depuis plusieurs années, salis par la pollution.

En suivant le plan que leur a fait Aymard, les deux adolescents doivent être sur le bon trajet. Sur ce plan, une croix à l’encre rouge ainsi que le numéro vingt et un sont inscrits, indiquant le lieu de leur rencontre. Ils remontent cette grande rue déserte, seules quelques voitures sont garées ici et là. En longeant quelques façades délabrées, ils s’arrêtent devant un vieil immeuble terne qui domine toute la rue par sa grandeur et porte le numéro qui est indiqué sur le plan.

Une immense porte en bois, très abimée, la peinture initiale pratiquement inexistante. Élie pose ses deux mains à plat dessus et la pousse, elle grince effroyablement, les deux jeunes hommes essaient de rassembler leur reste de courage. Un immense porche s’ouvre à eux, sombre, humide, envahi par une odeur de toilettes mal entretenues. La terreur commence à montrer ses premiers signes sur leurs visages. Élie se met à trembler de tous ses membres comme s’il avait froid. La bouche sèche, il sent ses jambes flageoler. La porte de ce bâtiment claque lourdement derrière eux, ce qui les fait sursauter. Ils traversent le long porche grisâtre. Sur le mur de droite, un graffiti représentant un homme de couleur avec un gros cigare à la bouche. Le sol est dallé et sale. Une grande porte-fenêtre sur leur gauche où plusieurs carreaux sont cassés laisse passer un vent glacial. Toujours en suivant les instructions notées pas Aymard, ils traversent une petite cour, entourée de murs, complètement recouverte de mauvaises herbes. Au sol, une poubelle renversée est remplie de vieux déchets nauséabonds, plus à droite se trouve une porte blanche. D’un geste lent, Élie pose sa main tremblante sur la poignée et l’ouvre doucement. Une très forte odeur de pourriture les surprend. John éprouve une sensation étrange, comme si ses jambes devenaient du coton. Les deux jeunes échangent un regard inquiet. L’endroit est plongé dans l’obscurité. Élie active la lampe de son téléphone. Il promène le faisceau lumineux dans toute la pièce. L’endroit est étroit, le plafond bas, avec des toiles d’araignées un peu partout. Une ampoule pendouille au-dessus de leur tête. À leur droite, un mur très sale, recouvert de salpêtre, à leur gauche une rampe en bois d’un escalier dont les premières marches sont très étroites mais semblent solides.

Élie pose doucement son pied sur la première marche qui émet un craquement qui ne les laisse pas indifférents.

John ne lâche pas le bras de son ami. Leur pas est lent. De la lampe de son téléphone portable, Élie balaie tous les coins de cet endroit mal odorant. Après avoir descendu le long escalier, Élie pose un pied sur ce sol qui semble mou, toute la surface est en terre battue. Plusieurs portes en bois sont un peu partout dans ce sous-sol. Cette odeur pestilentielle est intenable, ce qui leur provoque des haut-le-cœur. L’endroit est frais et sombre.

Face à eux, un trait de lumière, fin, jaillit sous l’une des portes. Ils s’avancent lentement. Élie frappe trois fois.

Dès la fin du troisième coup, la porte s’ouvre brusquement. Un grand jeune homme, le teint blafard, efflanqué, vêtu d’une grande robe noire, coiffé d’une barrette identique à celle que portent les ecclésiastiques, noire également, à son sommet un pompon de la même couleur. Élie présente son ami John qui a absolument tenu à l’accompagner. Avec froideur, le jeune homme l’invite de la main à entrer.

La salle n’est pas très grande, toute la surface est dallée de tommettes couleur ocre. Les murs sont recouverts de grands tissus noirs. Une petite ampoule éteinte est suspendue par un vieux fil électrique couleur marron. Au centre de la pièce, une table est dressée, drapée d’un tissu noir. La seule lumière provient des reflets mordorés des bougies posées à même le sol, certaines sur la table. John promène son regard un peu partout dans ce lieu inquiétant.

Prosper SAVEL est assis au centre, un très joli visage, la peau hâlée, les cheveux très foncés, courts sur les côtés. Les épis sur le dessus de son crâne lui donnent toujours cet aspect de n’être jamais peigné. Ses deux mains posées sur la table, ses longs doigts fins, écartés. Au centre, un coffret noir, ouvert, dans lequel sont présentés un médaillon sphérique, d’environ cinq centimètres de diamètre, qui représente deux reptiles entrelacés dont les têtes se font face et une gravure de couleur dorée. Chaque membre du conseil porte ce même médaillon. Prosper lance à Élie un regard bestial et ne lui fait même pas un seul signe de la tête pour le saluer. Il fait en sorte d’éviter son regard et n’esquisse aucun geste, ni même un début de sourire. Il porte de petites lunettes rondes à la Harry POTTER, laissant apparaître un regard, aux yeux marron, brûlant, lui donnant un air assassin. Ramoni VELIN, seize ans, a le même âge que ses deux amis ; il est assis à la gauche de Prosper. Il semble plus petit, grassouillet, les joues bien rondes. Contrairement à son acolyte, il adresse à Élie un signe de bienvenue en toute discrétion. Il ne porte pas de lunettes. Sa peau, ses cheveux et ses mains semblent très gras. Personne ne peut dire de quelle origine est son prénom. Ce sont ses parents qui ont décidé de l’appeler ainsi pour on ne sait quelle raison. Lui-même est incapable de l’expliquer. Enfin, Aymard BLEAU, un grand jeune homme, avec ses airs de garçon maladif et son teint très pâle qui ne l’avantage guère.

Nous sommes tous dans le même lycée.

Tous les trois sont persuadés qu’à la fin de ces épreuves, Élie deviendra l’un de leurs membres. En fait, pour lui, tous ces défis qu’ils lui imposent ne sont juste qu’un passe-temps.

John entrouvre ses lèvres fines et recommence à pianoter sur son menton avec ses doigts.

La patience d’Élie commence à diminuer. Ils sont tous présents dans cette petite salle plongée dans une atmosphère à l’ambiance sectaire.

— Je déclare la séance du conseil ouverte ! annonce Prosper d’une voix rocailleuse que personne ne lui connaissait et qu’il gardera tout au long de leur réunion, les yeux brillants de malice.

— Qui es-tu ? demande-t-il à John en lui lançant un regard inondé de terreur.

— C’est son meilleur ami, John, maître, annonce Aymard calmement.

Le silence se répand dans la pièce.

Prosper lance aux deux jeunes garçons des coups d’œil menaçants.

— Tu étais censé attendre notre signal pour effectuer ce défi, reprend Prosper. C’était à nous de choisir la date, l’heure et le lieu, lance-t-il les dents serrées.

— Le principal, c’est qu’il soit fait, non ? intervient John d’une voix forte.

Prosper se hérisse lorsqu’il croise le regard d’Élie qu’il prend pour un air de supériorité.

— Ne me regarde pas comme ça, bouffon ! lui crache Prosper en pointant son doigt vers Élie qui reste muet.

Ses yeux font des va-et-vient sur les trois jeunes garçons assis en face de lui. Un frisson traverse le corps de John.

— Je ne cherche pas à te provoquer, Prosper. Je réfléchis longuement à cette situation que nous sommes en train de vivre, dit Élie d’une voix paisible.

— Tais-toi petit avorton ! Tu n’es pas mesure de donner ton point de vue sur quoi que ce soit. Tu ne dois pas oublier que nous sommes tes maîtres, nous avons pouvoir sur tous tes faits et gestes. Tu dois obéir à nos décisions, lui assène Prosper les mâchoires serrées.

Le regard de John se durcit. Il finit quand même par garder son calme.

— Tu as enfreint nos règles en décidant toi-même de réaliser ton défi. Tu devras être puni pour cette désobéissance.