Jolis Frissons - Negan Stram - E-Book

Jolis Frissons E-Book

Negan Stram

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Beschreibung

Jolis Frissons présente sept nouvelles frissonnantes

Entrez dans un hôtel dans lequel les gens disparaissent dans les cabines de douche.
Découvrez un rat, qui habite dans les toilettes d'une résidence.
Faites la connaissance d'un petit garçon, qui abandonne sa mère dans la forêt.
Essayez une robe possédée par son sombre passé.
Encouragez cette mère à retrouver son bébé qu'elle croit vivant.
Rencontrez un homme, qui oublie les ravages de la guerre à travers la jouissance.
Suivez la route, qui vous mènera au Paradis…

À PROPOS DE L'AUTRICE

La littérature est une manière d'appréhender le réel à travers l'imaginaire, le bon usage des mots. Précocement, Negan Stram découvre que l'écriture est une passion de tous les instants. Détenir le crayon destiné à dessiner le destin de ses personnages lui procure une intense jubilation. En effet, la création de personnages qu'elle confronte à la peur et à l'angoisse permet de dessiner une expérience de la vie plus proche de la réalité.

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Negan Stram

Jolis Frissons

Les délices de la vie sont des morceaux de bonheur que nous partageons.

Des parts de surprise que nous savourons.

Des poignées de nostalgie que nous laissons fondre.

Des cuillerées d’amertume que nous avalons tout rond.

Et des graines d’amour que nous parsemons pour rendre nos mets plus sucrés.

Une si jolie robe

Aline Mileur, riche et séduisante femme de cinquante ans, étudiait d'un regard orgueilleux les somptueuses robes présentées derrière les vitrines de boutiques de luxe. Des robes somptueuses à des prix exorbitants qu’elle pouvait s'offrir. Aline et son mari, Jacques, étaient des gens fortunés. Ils étaient mariés depuis trente ans. Le couple n'avait pas d'enfants. C'était trop d'occupation, et puis Aline, trop égocentrique, voire narcissique, refusait de gâcher son temps et son argent à élever un môme. Une petite boutique à la façade sombre attira l'attention d'Aline, qui scruta une sublime robe bordeaux. Une robe de princesse à la couleur du vin rouge. La robe était ornée de diamants sur toute la longueur de l'ourlet. Le bas du bustier était enrubanné d'un tissu lie de vin, un violet sombre qui se confondait à la perfection avec le bordeaux. En haut du bustier, de fins motifs étoilés étaient brodés. Cette robe est merveilleuse, et ces diamants étincelants, songea Aline qui s'imaginait attirer toute la jalousie et l'envie de ses convives, ce soir, lors du gala auquel son époux et elle étaient conviés. Devant la boutique, un enfant vêtu à la Oliver Twist, obstruait le passage. Aline soupira de mépris face à la sordidité du garçonnet.

- Oust, pousse-toi de là. Tu n'as rien à faire devant une telle boutique. Regarde-toi.

- Vous auriez une pièce, s'il vous plaît, mademoiselle ?

Aline se détendit face à ce dernier mot. Mademoiselle, il l'avait appelée « mademoiselle », le mot que toutes les femmes de son âge regrettent de ne plus entendre. Un mot qui rimait avec jeunesse, insouciance et beauté fugace. Pour ce compliment, Aline accepta de fouiller dans son portefeuille. Elle dénicha une pièce d'un euro qu'elle balança par terre. L'enfant se rua dessus, tel un chien qui se rue sur sa balle. Aline entra enfin dans la boutique. Un vieil homme l’accueillit d'une voix rêche.

- Madame, en quoi puis-je vous aider ?

- Bonjour Monsieur, votre robe, la bordeaux dans la vitrine, me captive. Je la veux.

Le vieux ne montra pas sa désolation de se retrouver face à cette femme belle, mais hautaine. Il se contenta de sortir la robe et de la présenter à Aline, qui dévorait les diamants des yeux.

- Une robe simple qui se porte près du corps. Elle possède trente-deux diamants : la pièce la plus chère de ma boutique ; pas seulement parce qu'elle détient des diamants d'une valeur inestimable. Cette robe appartenait à une jeune femme ayant vécu au vingtième siècle. Son existence rend la robe encore plus chère.

- Qui était cette femme ? s'enquit Aline.

- Elle se nommait Victoria Demain. Une femme aussi séduisante que machiavélique. Le sadisme coulait dans ses veines. Elle a assassiné dix de ses amants. Elle leur coupait la langue lentement. Certaines fois, elle léchait leur langue charnue devant leurs yeux horrifiés avant de la mâcher ou de forcer l’un d’eux à manger son propre organe. Bref, je vous passe les scènes macabres qu'elle a perpétrées. Son époux ignorait l'obscurité qu'abritait son épouse. Elle a, chaque fois, assassiné ces hommes en portant cette robe. Elle affirmait que cette robe lui procurait une satisfaction démesurée. La légende raconte, qu'au début, cette robe n'était pas de cette couleur. Elle était blanche. La couleur de la pureté. A chacun de ces assassinats, le sang de ses victimes s'éclaboussait sur la robe, la rendant, à la fin, de cette couleur. Un bordeaux sombre, parce que la terreur de ces victimes avait contaminé leur sang, le décolorant de sa couleur originelle.

Aline laissa l'homme monologuer et consulta internet. Elle tapa le nom de cette Victoria Demain dans la barre de Google, puis cliqua sur le premier lien. Un portrait en noir et blanc s'afficha à l'écran. Une femme au visage d'ange, un nez retroussé couvert de taches de rousseur et des yeux envoûtants. Le portrait illustrait un article de presse datant de 1908. Le vieux ne me ment pas. Cette nana a vraiment existé.

- Combien vendez-vous ce bijou ?

Aline s'imagina déjà être le centre de l'attention en racontant l’histoire de sa robe. Elle en rajouterait même « Porter cette robe en la parant de ma moralité, c'est rendre un digne hommage à ces pauvres hommes ».

- Quatre-vingt-dix mille euros.

- Je la prends.

- Vous ne souhaitez pas l'essayer avant ?

Aline se sentit offusquée. Qu'insinuait le vieillard, qu'elle était trop proéminente pour entrer dans de cette robe. Voyant le trouble se peindre sur le visage de la femme, il s'empressa d'ajouter :

- Ne vous en faites pas, le tissu est très élastique. Vous parviendrez à rentrer dedans.

Les derniers mots étaient sarcastiques. Aline régla son achat puis sortit de la boutique. En sortant, elle heurta le garçonnet assis sur le trottoir, qui lui demanda une seconde fois si elle avait une pièce.

- Mon Dieu, depuis combien de temps n'as-tu pas pris de douche ? Tu empestes la sardine.

Le garçon haussa les épaules. Il jouait avec des cailloux se salissant encore plus les mains.

- Tu ne devrais pas rester devant la porte de cette boutique. Tu fais fuir des clients prestigieux avec ton piètre aspect et ton odeur.

Le garçon baissa ses petits yeux bruns et continua de jouer avec les cailloux. Aline soupira et commença à partir quand elle entendit le garçonnet réclamer :

- Et ma pièce ?

- Tu n’as pas de parents ? Pourquoi traînes-tu à un endroit où tu n’as pas ta place ? Tu me parais intelligent, du moins suffisamment pour que tu remarques que dans cette rue pittoresque, tu fais tache.

Le petit garçon leva la tête, ses petites joues rebondies n’attendrirent pas Aline, qui le toisa d’un regard hautain rempli de mégalomanie.

- Quand papa tape maman, le monsieur de cette boutique me dit de venir ici. Que là, je suis en sécurité.

Aline leva les yeux au ciel. Quelle bêtise fait le monsieur de la boutique en t’accueillant. Tu fais fuir tous les clients fortunés. Tu es un déchet qui pollue l’une des plus belles rues parisiennes. Aline quitta les lieux sans remarquer la présence du vieillard derrière la vitrine. Celui-ci avait observé la scène et avait lu les dernières pensées d’Aline. Il attendit quelques minutes avant d’inviter le jeune garçon à goûter dans sa boutique. 

Aline entra dans sa grande maison et se rua dans la salle de bains afin de revêtir sa nouvelle robe. Jacques la rejoignit les sourcils renfrognés.

- Nous sommes en retard. Ce gala n’est pas à manquer.

- Je sais. Je me dépêche.

Jacques quitta la pièce. Aline enfila la robe. Le bustier mettait en valeurs sa poitrine élancée. Soudain, elle eut l'impression que la robe l'étouffait. Elle tenta de détendre le tissu avant de prendre conscience avec stupeur et incompréhension que la robe la serrait de plus en plus. Elle sentit ses organes se comprimer et hurla en s'étalant sur le sol. Jacques accourut.

- Que se passe-t-il ?

- La robe. Je n'arrive plus à la retirer. Aide-moi, j'étouffe.

Jacques constata que la fermeture était coincée. Sa femme le suppliait maintenant d’arracher la robe. Il se munit d'une paire de ciseaux. Le tissu ne se découpa pas. Jacques se troubla. Aline se mit à suffoquer. Ses seins, elle craignait qu'ils explosent sous la pression de la robe qui resserrait son étreinte.

- Les ciseaux. Je vais chercher une autre paire.

Jacques tenta une seconde fois de couper la robe. Impossible. Il tenta d'arracher le tissu à l'aide de ses mains, en vain.

- C'est quoi ce bordel Aline ?

La femme cracha du sang. Un sang de couleur bordeaux. Jacques, paralysé de terreur, contacta les secours.

- C'est ma femme, oui, elle s'étouffe. Non, c’est une robe trop serrée. Oui.

La terreur défigura le visage de l'homme quand il entendit une voix gaillarde :

- Que ta salope de femme crève !

L'interlocuteur raccrocha en laissant le fameux bip-bip derrière lui. Aline ne parvenait plus à respirer. Elle palpa le carrelage froid. Jacques tétanisé, reculait quand il sentit une lame de couteau lui percer toute la chair du dos. La douleur amuït l'homme, qui s'écroula au sol devant son épouse, ravagée de terreur. Ses yeux sortirent de leurs orbites quand elle découvrit Victoria Demain. Un sourire enjôleur trônait sur ses lèvres. La tueuse s'accroupit auprès d'Aline, qui ne réalisait pas l'horreur du moment. Les yeux d'olivine de la tueuse hypnotisaient Aline, qui ne décrochait pas son regard. Des yeux envoûtants où brillait une lueur meurtrière. Victoria caressa la joue d'Aline, cadavérique. La tueuse commença d'une voix douce qui se mariait avec son regard cajoleur, mais pas avec le contenu de ses paroles. « Ton âme est pourri. Tu empestes la sournoiserie, tu pues l'arrogance. Tu as la langue bien trop pendue. Je vais te la couper. Tu auras très mal. Très très mal. Ensuite, je la dégusterai devant toi. Peut-être que je partagerai un morceau avec toi, si tu ne cries pas trop ». Aline fit non de la tête. « Si, si, je vais découper ta langue lentement pour que tu puisses souffrir longtemps ». Brusquement, Victoria disparut. Aline se réveilla en inspirant une grande bouffé d'air. Jacques se trouvait à ses côtés, déconcerté. La femme soupira de soulagement en constatant qu'elle s'était évanouie. Victoria faisait donc partie d'un affreux cauchemar.

- Enfin ! J'étais à deux doigts de contacter les secours. Tu sais combien il est important pour nos affaires financières de nous rendre à ce gala. Des gens...

Aline n'écoutait plus son mari. Elle vit sa vie défiler : L’argent leur avait donnés un pouvoir impondérable, une fausse gratitude, des amis hypocrites, une sublime maison sans les rires d’un enfant, des dîners mondains sans chaleur familière, une belle voiture qui polluait, des bijoux sans valeurs sentimentales, des bons vins sans le goût du partage et de la sincérité.

Aline regarda son mari. Ses pensées fusèrent vers ce petit garçon avec sa petite bouille qu’elle avait insulté et méprisé. Aline réalisa qu’elle avait effectivement une langue trop pendue et surtout effrontée. Il fallait qu’elle se présente sous un autre état d’esprit si elle voulait augmenter considérablement leur fortune. Dès ce soir, elle exposerait à ses convives l’idée de fonder une association pour les parents pauvres élevant leurs enfants seuls. Les commentaires hypocrites défileront de bouche en bouche : « Oh c’est une excellente idée. Les clients vont être ravis de marchander avec des gens aussi altruistes que vous. C’est tellement adorable de votre part. Il faut bien entendu aider le petit peuple. Je peux également apporter une aide pécuniaire… ». Aline sourit en imaginant les clients se précipitant vers eux.

Le lendemain, des journalistes photographiaient Aline vêtue de sa sublime robe devant la boutique au côté du petit garçon, qui empestait toujours la sardine. Les flashs des appareils photos firent ricocher les reflets des diamants incrustés dans la robe. Des reflets argentés qui se projetaient contre les façades en pierre des boutiques voisines dessinant des ombres étoilées. Aline, qui était l’étoile filante du moment, offrit une interview aux journalistes en serrant avec dégoût le garçonnet contre elle :

- L’idée de venir en aide au plus démuni s’est manifestée en découvrant la tragique histoire de ma robe et en tombant nez à nez avec ce petit bout de chou. Une partie du bénéfice que l’entreprise de mon époux et moi générera sera renversée à notre association, et donc à ces petits anges. Car pour mon époux et moi, le plus beau et le plus cher des diamants est la joie d’un enfant.

Le petit garçon fronça les sourcils face aux mots maternels d’Aline. Aline sourit de toutes ses dents refaites et serra amplement le garçon contre elle afin qu’il comprenne le message : Contente-toi de sourire, si tu veux ton billet de cinq euros.

- Quel est le passé de votre robe ? interrogea un journaliste.

- Tout d’abord, lorsque je l’ai vue, j’ai tout de suite pressenti qu’elle détenait un lourd passé. Je n’imaginais guère un tel drame. Je me suis documentée. Victoria Demain a torturé ses amants, car ceux-ci violentaient verbalement leurs enfants en public, ou les exploitaient à des fins financières. Elle prétend avoir voulu rétablir la balance de la justice. Lors du procès, elle a déclaré : « S’il y a bien des faits et des gestes qui sont impardonnables dans ce monde misérable, ce sont bien ceux de priver un enfant d’éclater de rire ». Couper la langue de ses victimes avait donc une signification...

Le vieillard avait fermé sa boutique. Il observait Aline qui jouait avec la détresse juvénile pour augmenter ses bénéfices. Il se retourna vers Victoria Demain, sa peau était translucide. Elle était un fantôme. Malgré la transparence de son corps, on pouvait percevoir sa douce beauté lumineuse, mais aussi une sombre déception. Le vieil homme reporta son attention sur le petit garçon. Il souriait dévoilant ses dents de lait. Quel homme deviendrait-il en grandissant ? Le vieillard espérait que ses malheurs feraient de lui quelqu’un de bienveillant, et qu’un jour ce petit garçon pourrait éclater de rire. Victoria posa sa main fantomatique sur l’épaule du vieux.

- Alors comme ça, je dévorais la langue de mes amants.

- Il fallait bien en rajouter pour que cette femme achète ta robe. Elle ne l’aurait pas achetée si je lui avais dit que tu leur avais uniquement coupés la langue pour rendre justice à des enfants. La plupart des gens sont toujours plus attirés par la violence bestiale que par la violence faite pour restaurer un semblant de justice.

- Je pensais que m’introduire dans ses songes l’aurait fait réfléchir sur son comportement envers ce petit garçon.

Le vieillard regarda Victoria et rit amèrement.

- On peut dire que tu as bien réussi.

Le vieux éteignit l’éclairage de la boutique. Victoria resta planter devant la vitre. Elle observait le spectacle d’une comédienne qui jouait son rôle à merveille. Aline se retourna face à la boutique. Son visage vira au blanc en apercevant la meurtrière. Victoria sourit sans montrer ses dents. Seules les femmes effrontées dévoilent leur dentition. Elle agita sa main pour lui faire coucou. Ce soir, je passerai te voir. Je vais t’apprendre à manier la parole. C’est une baguette magique délicate qui nécessite une profonde réflexion et un tour de langue avant de jeter les mots. Chaque mot à son pouvoir, son impact, sa nature, sa conviction. Que suis-je sotte, la parole tu sais la manier avec grâce. Ce que tu ignores en revanche, c’est que le plus beau et le plus cher des diamants n’est pas la joie d’un enfant. Non. C’est la bonté. La bonté est le plus merveilleux et excessif des diamants. Ramassé par la bienveillance, taillé par le partage, sculpté par l’empathie, polie par la compassion, admiré par la reconnaissance, critiqué par la sincérité, et brisé par la fourberie.