L’ange de Piel - Micky Tintounello - E-Book

L’ange de Piel E-Book

Micky Tintounello

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Beschreibung

Au cœur d’un corps brisé, l’esprit lutte désespérément contre une folie naissante, tandis qu’un ange, figure obsédante et illusoire, tente en vain de la contenir. Les hallucinations se succèdent, de couloir en couloir, de cercle en cercle, jusqu’à ce que le monde se contracte, libérant les instincts les plus sombres. Finalement, il ne reste que l’étreinte inexorable du chaos. Serez-vous prêt à plonger dans cet abîme et à en découvrir les vérités cachées ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Depuis toujours, Micky Tintounello s’attache à capturer les mots qui jalonnent une vie. Ces mots, qui apaisent discrètement nos tourments et maîtrisent nos failles, façonnent et révèlent la fragilité humaine. "L’ange de Piel" constitue sa première œuvre littéraire, où cette quête d’expression atteint enfin son plein accomplissement.

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Seitenzahl: 79

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Couverture

Page de titre

Micky Tintounello

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ange de Piel

Recueil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Micky Tintounello

ISBN : 979-10-422-4648-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Désordre et rupture, aucun lien avec la réalité, tout n’est qu’un jeu mortel où le balancement du vide submerge nos mensonges quotidiens. Tout s’assemble et se ressemble au fond de nos mémoires fatiguées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ange de Piel

 

 

 

 

 

Monsieur Piel colla maladroitement le papillon au bas de la page puis referma le cahier dans un soupir de satisfaction et laissa sa tête s’incliner sur son épaule. En bas dans la cour marchaient les ombres de l’hiver. Quelque part, un téléphone pointait le silence.

 

Il connaissait le prix de l’absence, des chambres mornes où s’accumulait l’horizontalité des jours. Flacons vides échoués au fond de l’évier. Sur des pages, éparpiller des mots, vieilles rancunes qu’on n’oubliait pas. Piel vivait la symétrie de son corps au fil de ses humeurs. Il habitait une ville pareille aux autres villes, pleine de fracas et d’indifférence, de gens là-bas très loin. Des cafés, des voitures, des endroits sombres, des restaurants tout éclairés. Une envie à chaque pas, un désir à chaque respiration, mais finalement rien que le reflet illusoire d’un peut-être sans lendemain, effacé, même, quand la minute achevée appelait à d’autres insouciances.

 

Cela faisait des jours qu’il était chez lui évitant les miroirs, ses fantômes familiers et terribles. Alors, il fallut qu’il sorte.

La nuit tombait tôt et le froid perçait à nouveau les passants que l’ivresse et l’ennui effaçaient. Il ajusta son chapeau d’un geste élégant et disparut dans la pénombre. Un imperceptible cri cisela l’air glacial, fine musique à peine plus douloureuse qu’une pensée de novembre. Là, sous le réverbère, les yeux fixés sur Piel, l’ange se trancha la gorge et déploya ses ailes dans un dernier soupir.

 

 

 

 

 

Tendu en pleine lumière, le visage liquéfié par l’effroi, il courba jusqu’à terre.

Une étoile filante fusa dans le ciel, étrange cristal, porteuse des nuits à venir.

Piel longeait des maisons de marbre fissurées et vides où se désagrégeait l’instant.

Des pochettes en faïence au revers de sa veste lentement se fendillaient. Son cerveau martelait des mots en boucles anonymes, coincés entre les parois de son crâne, échos lancinants et douloureux.

Des mains pâles caressaient les carreaux des fenêtres figées, vague brouillon de vie que demain effacerait.

Les heures passaient. L’ange n’était plus. Porte fermée que ses pas tentaient d’ouvrir dans la ronde verrouillée de son esprit. Loin des havres, des villes, voiliers marins, chercheurs d’un meilleur avenir, sans autre dessein qu’un quelconque oubli, Piel larguait les amarres dans le périple des rues. Se taire, marcher, avancer, partir, plus un mot ne pouvait suspendre sa douleur au-delà de laquelle plus rien n’était possible.

Les heures déroulaient le ventre mou de la cité sous laquelle s’éclairaient quelques cafés terrés au bas des immeubles. L’envie d’y découvrir d’obscurs artifices d’alcool et de fumée ne fit plus aucun doute. Il poussa le battant de la porte et se plaqua prestement au comptoir où un homme sans consistance lui apporta ce qu’il désirait.

Sans un regard, sa main tremblait, grise, écaillée. Des chuchotements s’effaçaient dans la pénombre. « Encore ! » bégaya-t-il. Les bocks de bière se succédèrent et les saints du calendrier bâillèrent, accrochés, au-dessus de l’embrasure de la porte. D’autres soirs, il revenait traîner dans les vapeurs du café. Ces heures, entre chien et loup, qui le découpaient infiniment. Lames fines et tranquilles qui s’enfonçaient, qui s’enfonçaient… La vitrine était un écran translucide où passaient des acteurs sans nom, des regrets sans larmes, des espoirs sans lumière… Bientôt, rôdeurs de la nuit.

Piel gardait dans son silence le seul vertige qui tenait de sa mélancolie. Il se sentait glisser au bord du chaos, mais par un fragile équilibre l’évidence de la mort ne l’attirait pas seule ce désir funambulesque d’être quelque part dans les interstices d’une vie, auxquels il ne pouvait s’adapter. Se laisser poursuivre dans les entraves du hasard par cette pulsion dans laquelle se mêlaient les apparences d’une prétendue normalité où il traînait son ombre dans le cercle dans lequel d’autres également se perdaient. D’emprunter aux gares le sursoit des voyages qu’il ne pouvait accomplir où l’élément distant faisait vibrer l’imagination dans l’attente d’une nouvelle fièvre.

Tout serait désormais tamisé comme ce soir-là où la lumière galbait la réalité dans ses derniers vestiges et rendait floue chacune des images de la perception. Il ne pouvait espérer de meilleurs raffinements que cet entrelacs de sensations naviguant entre le trivial et l’extase. De ce crépuscule bleuté où ces heures entre chien et loup lui murmuraient à l’envi leurs prosodies envoûtantes.

Piel s’assit à la table près de la vitre où il put s’installer dans la confortable émulsion de ses sens et replonger dans l’apnée irrégulière de son cerveau et dans cette parfaite inertie, il reconnut son visage dans le reflet confus de la vitrine, ce dangereux hologramme sorti de son anesthésie qu’un souvenir ancien tentait de faire renaître. L’alcool peu à peu imbibait tout son être le laissant à la frontière d’une ivresse dans laquelle son esprit émergeait encore et ne sombrait pas complètement. Il croyait percevoir une étrange anagramme dans cet amas filandreux et frémissant, une araignée escaladait la gouttière et goutte à goutte tissait sa toile dans les alvéoles de la pluie.

Des visages, sans autre certitude que l’effarement, remuaient dans l’obscurité. Dans le miroir derrière le bar, il les voyait pendus à leur verre, ultime objet de leur vie. Le temps se dilatait sans interrompre sa course. Au firmament des souvenirs, quelques lueurs s’estompaient. L’instant calquait à la mémoire sa cadence hypnotique, mais personne n’ignorait la déraison permanente.

Encore ! Grand Dieu ! j’ai soif. Donnez-moi ce truc très fort et qu’on n’en parle plus.

Le verre vint à lui, sans empressement. Le plafond bascula, les bruits du monde s’effacèrent. Dans l’encoignure de ses yeux du sang coula. Un déclic, quelque part, son esprit tituba. Les couloirs des rues l’appelèrent. Marcher, marcher avant que sa mémoire ne disparaisse. Rêve perclus d’angoisse que l’on accroche aux courbatures de l’âge et c’est si loin l’instant qu’il faudra bien continuer vaille que vaille…

Bientôt, une gare afficha son ombre massive avec son cadran à la dérive et ses aiguilles plantées dans les yeux de la nuit, dernier phare pour les oubliés de la dimension circulaire. Les gares étaient les seuls endroits des villes où il pouvait se croire étranger, inconnu débarquant d’un autre pays, d’un autre univers, habité de voyageurs sans mémoire, les bras étirés par de lourdes valises. Inquiets par les mouvements de l’horloge qui sans relâche les tenait dans une sorte d’affût perpétuel.

 

La fatigue était pareille au poison fait d’amertume et de douceur. Des pas, l’un après l’autre, jonchaient les trottoirs de leurs marques invisibles. « Un jour, la route s’arrêtera et au bord du vide terminal, une chanson se souviendra de nous. »

Des langueurs insaisissables le prenaient. « Pardon, mon ange, je t’ai trahi ». Sur le boulevard, des gens couverts de valises attendaient là l’improbable, un amour, un rêve, un taxi. S’enveloppant d’un geste, Piel se figea un peu plus. Le froid devint plus coupant, l’hébétude l’épiait. Penchés, çà et là, quelques arbres flirtaient avec le bitume. Une névralgie martelait son crâne jusqu’à la racine de ses yeux. Ses genoux pliaient sous les vociférations de sa gorge et des mots de douleur anesthésiaient son corps… Quelques instants de répit pour s’affranchir de la mort.

 

Ce matin-là, quand il ouvrit les yeux, un horizon de sable parfaitement égal déployait sa tristesse irradiante. Il crut d’abord à l’ironie d’un rêve débordant de son sommeil. Mais il lui fallut se rendre à l’évidence : il ne dormait plus. L’image, un long moment encore, se figea devant lui, testant sans doute les limites de sa raison. Un petit chat ridicule et anémique le fixait en bâillant assis au bout du lit.

Aride et brûlant, le désert gravait sous ses pas des empreintes altérables. Jusqu’à l’horizon linéaire et ondulant, le chemin semblait infini. Un froid intense le parcourait, si bien que sous ses pieds de minuscules tas de vapeur naissaient volatiles et ouatés.

Ses yeux se troublaient de mirages obsédants, de vertiges infranchissables où germait la peur. Des colonnes immobiles partageaient avec le ciel des protubérances de neige, oiseaux sombres et fous qui dans les replis de leurs ailes guettaient l’étincelle de vent qui les propulserait jusqu’au soleil.

 

S