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Victor vient d’être fraîchement affecté au commissariat de Granville. À peine arrivé, il doit prendre en charge l’enquête sur l’étrange découverte du corps sans vie d’une antiquaire au-dessus de tout soupçon. Très vite, avec l’aide précieuse de Sonia et Lambert, il découvre que la vie, apparemment bien rangée de la victime, recèle plusieurs zones d’ombre.
Les trois enquêteurs ne sont pas au bout de leurs surprises. Entre les agissements d’un "serial killer", la découverte de travaux archéologiques classés « top secret » menés par la victime sur une l’île d’Aurigny et l’émergence d’un mystérieux « majordome », rien ne se passe comme prévu. Plusieurs protagonistes semblent redouter des révélations que la victime aurait pu s’apprêter à divulguer. Les pistes à explorer sont nombreuses. Sans le savoir, Victor et ses deux assistants vont faire remonter à la surface de lourds secrets profondément enfouis depuis de longues années.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Olivier Voisin -
Originaire de Normandie, rien ne prédestinait ce chef d’entreprise à l’écriture. Résidant dans la baie du Mont-Saint-Michel, c’est tout naturellement que ce littoral est devenu le cadre de ses enquêtes qui mêlent investigation policière et intrigue historique.
Précédentes publications : "La Parenthèse", "Le Pacte des conjurés" et "Le Mystère de l’île aux tombeaux" aux éditions ex aequo.
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Seitenzahl: 238
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Olivier Voisin
Roman
ISBN : 979-10-388-0883-6
Collection : Rouge
ISSN : 2108-6273
Dépôt légal : juin 2024
© couverture Ex Æquo
© 2024 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays Toute modification interdite
Éditions Ex Æquo
Il parvenait enfin au terme de la mission qu’il s’était fixée. L’homme emmitouflé dans son grand manteau arriva par le premier ferry en provenance de Normandie. Du pont supérieur où il avait suivi la manœuvre dans le port de Portsmouth, il dévala les six étages du bateau pour reprendre possession de son véhicule. La procédure de débarquement traîna en longueur, ralentie par le flux incessant de camions qui faisaient le voyage. Il prit enfin la route. Étonnamment, conduire à gauche ne lui posa pas de problème. Trois bonnes heures furent nécessaires pour traverser le sud de l’Angleterre et arriver aux abords de Cardiff. Le mystérieux individu s’accorda une pause dans un fast-food à proximité de l’autoroute. Il lui restait près de deux heures de trajet pour rallier sa destination tout au sud-ouest du Pays de Galles. Il avait conscience qu’il ne fallait plus traîner pour mener à bien son sombre dessein, car tôt ou tard la police serait à ses trousses.
Le charmant port de Tenby était en vue. Une fois rendu au niveau de la plage sud, il devait parcourir cinq miles le long de la côte pour rejoindre le cottage isolé qui correspondait précisément à la description qu’il avait en tête. Il gara son véhicule dans un chemin à l’abri des regards et alla se cacher dans un bosquet lui permettant d’avoir une vue d’ensemble. Au premier coup d’œil, la maison semblait inoccupée. Il n’observa aucun mouvement pendant une vingtaine de minutes jusqu’au bruissement d’un moteur venant de Tenby. Un 4X4 Range Rover gris arriva à vive allure pour finalement se garer sur le côté du cottage. Une femme d’une quarantaine d’années s’extirpa de la voiture. Elle avait l’air pressée. Elle se dirigea à vive allure vers la porte d’entrée de son domicile. Un frisson parcourut l’ensemble du corps de l’homme tapi dans l’ombre. Sa proie était désormais à sa portée. Il allait enfin mettre un point final à son implacable vengeance.
1er septembre 2022 – 22 h
Granville
— Je vais prendre l’air un moment !
Greta commençait à avoir mal à la tête. Ce repas entre amis traînait un peu trop en longueur à son goût. En tant que fille au pair, l’étudiante hollandaise avait accepté cette invitation à contrecœur. Elle ne voulait pas contrarier ses camarades français qui souhaitaient lui faciliter son intégration dans la charmante localité de Granville. L’intention était louable, mais ses voisins de tables avaient une conversation qu’elle jugea vite sans intérêt. Elle se leva discrètement et s’excusa auprès de la maîtresse de maison. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Elle serait de retour dans une quinzaine de minutes.
Elle s’éclipsa doucement de l’appartement pour rejoindre la rue en contrebas. Sur le fond, elle commençait à avoir le mal du pays qu’elle avait quitté depuis neuf mois. Elle voyait bien que son entourage faisait tout son possible pour l’accueillir dans les meilleures conditions, mais en réalité, elle s’ennuyait ferme dans cette petite station normande où il ne se passait pas grand-chose. Greta déplaça sa grande silhouette en direction du Plat Gousset. Cette jolie promenade de bord de mer était l’endroit idéal pour s’oxygéner. Il devait être dans les vingt-deux heures. Le fond de l’air était frais. Elle frissonna et se recroquevilla dans son manteau. Elle contourna le bas de la vieille ville et arriva devant le casino qui marquait le commencement de la promenade. Malgré le bruit léger des vagues, le calme et la solitude lui firent immédiatement du bien. L’élégante jeune femme d’une vingtaine d’années s’engagea sur la digue. Il n’y avait personne à cette heure déjà avancée. Soudain, elle décida de modifier son parcours. La marée étant basse, elle préféra bifurquer vers la plage. Elle emprunta un modeste escalier la conduisant directement sur le sable. Les lampadaires de la promenade juste au-dessus permettaient de ne pas se retrouver dans l’obscurité totale. Elle retira ses chaussures. Le contact de ses pieds avec le sable frais lui fit du bien. Elle commençait à s’apaiser. Greta sortit une cigarette. Elle s’arrêta quelques secondes pour profiter des premières bouffées devant la nuit étoilée. Elle se sentait enfin bien. La jeune hollandaise n’avait pas prévu de s’éterniser et d’aller bien loin, car, par correction, elle comptait revenir sans tarder retrouver ses hôtes.
Elle s’engagea pieds nus sur la plage et se dirigea progressivement vers un amas de pierres et de rochers. Malgré l’éclairage de la digue, la visibilité restait sommaire. Soudain, une masse difforme sur une des pierres attira son attention. Instantanément, elle ne se sentit pas très rassurée. Constatant que cette forme ne bougeait pas, elle s’approcha du modeste rocher. Elle ne put s’empêcher de lâcher un cri à la vue du spectacle qui s’offrait à elle. Un corps inerte reposait sur le sol. Il semblait s’agir d’une femme entre deux âges. À l’évidence, la personne ne respirait plus. Un certain nombre de blessures étaient visibles. Greta faillit défaillir quelques secondes, puis elle se ressaisit en se posant contre une pierre. Un peu désemparée, elle décida de rejoindre au plus vite ses amis pour qu’ils l’aident à prévenir les secours. Elle repartit en courant vers l’escalier, remit ses chaussures et ne put s’empêcher de vomir. Décidément, ce séjour français était loin de ce qu’elle imaginait lorsqu’elle avait quitté Amsterdam.
1er septembre 2022 – 22 h 30
Plage de Granville
Avachi devant son téléviseur à regarder un match de football insipide, Victor sursauta lorsque son téléphone sonna. Il devait être vingt-deux heures quinze quand il fut appelé en urgence. Il venait de rejoindre Granville depuis un mois en tant que nouveau commandant de police. Ses premiers jours s’étaient avérés plutôt calmes dans cette paisible station de bord de mer où il ne semblait pas se passer grand-chose. Là, le sujet devenait d’une autre nature. Le commissariat l’informait d’un corps sans vie retrouvé sur la plage de Granville.
Il lui fallut moins de dix minutes pour rejoindre la promenade du Plat Gousset où deux de ses collaborateurs étaient déjà arrivés. En sortant de sa voiture, il fut saisi par la fraîcheur de la soirée. Il se dirigea immédiatement vers ses deux collègues qui le saluèrent.
— Bonsoir. Alors, de quoi s’agit-il ? demanda Victor au premier policier qui l’attendait.
— On nous a appelés un peu après vingt-deux heures pour nous signaler la présence d’un corps sans vie sur la plage. C’est la jeune femme assise près de l’escalier qui l’a découvert et qui nous y a conduits.
— Dans quelles circonstances a-t-elle fait cette découverte ?
— Elle se promenait. Elle avait besoin de prendre l’air. Elle a fait quelques pas sur la plage puis elle a aperçu un corps qui reposait sur une grosse pierre. Nous avons commencé à l’interroger. Elle est un peu secouée.
Victor déplaça sa grande carcasse vers la jeune femme. Elle restait très marquée par sa funeste trouvaille.
— Bonsoir, Madame, je suis commandant de police. Je crois que c’est vous qui avez découvert le corps. Pouvez-vous m’indiquer les circonstances dans lesquelles cela s’est déroulé ?
Prenant sur elle, Greta expliqua au policier ce qui l’avait amenée à se promener à une heure aussi tardive et pourquoi elle s’était approchée du corps. Cherchant à ménager au maximum son interlocutrice, Victor poursuivit avec deux ou trois autres questions d’usage avant d’indiquer à la jeune femme qu’elle pouvait rejoindre son domicile. Il lui demandait simplement de bien vouloir rester à la disposition de la police le lendemain pour faire une déposition en bonne et due forme.
Victor descendit les escaliers menant à la plage. Toujours accompagné par un de ses hommes, il rejoignit le second policier positionné près du cadavre. À l’évidence, plusieurs blessures étaient visibles aux jambes et à la tête. Impossible de déterminer en l’état si celles-ci étaient accidentelles ou si elles résultaient d’une lutte. Il s’agissait d’une femme d’une quarantaine ou d’une cinquantaine d’années. Victor inspecta avec soin la scène pendant de longues minutes. Les ecchymoses étaient nombreuses. Il n’hésita pas une seconde et décida de recourir aux services de la police scientifique pour procéder à des investigations plus approfondies. À défaut de conclure qu’il s’agissait d’un meurtre, il lui apparaissait assez clairement qu’une lutte avait eu lieu. Victor prit alors conscience que les prochains jours risquaient d’être assez denses. Finalement, la première impression était trompeuse. Tout n’était pas aussi tranquille qu’il le semblait dans cette charmante ville de la côte normande.
2 septembre 2022 – 1 h
Chez Victor
Il était plus d’une heure du matin lorsque Victor regagna son domicile. Il était exténué et pourtant il savait qu’il n’arriverait pas à fermer l’œil avant un moment. La découverte d’un cadavre était systématiquement une chose singulière. Même s’il avait maintenant quarante-cinq ans et qu’il pouvait se considérer comme un flic expérimenté, une affaire de crime générait toujours chez lui un profond malaise.
Victor venait d’être muté. Cela faisait un mois qu’il était arrivé à Granville. Il s’était installé dans un agréable loft dans la vieille ville. Il aimait déjà l’ambiance apaisante et vivifiante de cette station balnéaire. Son caractère indépendant lui avait valu quelques déboires dans son parcours professionnel. Un sérieux différent avec son dernier supérieur était à l’origine de sa mutation express dans ce commissariat du littoral. Sur le fond, il n’était pas vraiment malheureux de changer d’air et de quitter la banlieue marseillaise.
Sa vie privée n’était pas, non plus, un long fleuve tranquille. Il s’était marié avec une informaticienne australienne, auparavant. Une ravissante Lucile avait vu le jour quelques années plus tard et la petite famille projetait de s’agrandir. Pourtant, les horaires sans fin de Victor eurent vite fait de lasser Mary. Le moment arriva où elle lui demanda de choisir au risque de la voir partir. Rien n’y fit. Trop peu présent et pas assez vigilant, Victor ne put que découvrir les armoires vides par un petit matin d’octobre. Mary avait finalement perdu patience et était retournée au pays avec Lucile dans ses bagages.
Pour la première fois de sa vie, ce grand gaillard d’un mètre quatre-vingt-dix se sentit seul et vulnérable. Pour compenser son désarroi, il se réfugia encore un peu plus dans son travail et dans quelques aventures féminines sans lendemain. Depuis cinq ans, il traînait ainsi sa grande carcasse nonchalante dans les couloirs du commissariat de Marseille. Ses écarts de langage répétés commencèrent sérieusement à déplaire à ses supérieurs, se sentant sans cesse remis en cause dans leur autorité. Pourtant, ses équipes lui reconnaissaient un flair infaillible dans la conduite des enquêtes qui lui étaient confiées. Un dernier accrochage eut raison de l’avenir de Victor dans l’équipe marseillaise. Il était préférable pour tout le monde que le bouillant commandant prenne un peu de champs.
2 septembre 2022 – 9 heures
Granville
Dès la première heure, Victor avait regagné le commissariat pour lancer les opérations.
Immédiatement, il décida d’informer le parquet de Coutances pour que le procureur se saisisse de l’affaire. Il lui fit un premier rapport sur les observations relevées par ses équipes et la police scientifique sur les lieux. La scène de crime n’avait pas révélé d’indices ou de traces de pas. Il semblait bien que l’assaillant eût pris soin de circuler sur les pierres en évitant de passer dans le sable. Sur la base de cet échange, le procureur décida d’ouvrir un dossier. Il ne savait pas encore s’il allait nommer un juge d’instruction. En attendant, il demanda à Victor de prendre en main la poursuite des investigations. De son côté, en tant qu’autorité judiciaire, il allait demander un examen approfondi du corps et une autopsie.
Une fois sa conversation téléphonique terminée, Victor demanda à ses deux adjoints de le retrouver pour faire un point de situation. Sonia, la plus jeune des deux, avait rejoint l’équipe depuis seulement six mois. Cette brune dynamique adorait les enquêtes de terrain. Victor avait déjà repéré chez elle une capacité d’analyse au-dessus de la moyenne, qui en faisait naturellement son numéro deux. Lambert, qui était plus âgé, avait un goût beaucoup moins marqué pour le travail de terrain. En revanche, sa rigueur et sa méthode avaient toujours fait merveille pour des tâches de recherche et de tri. Il s’était adapté avec bonheur à l’évolution des outils informatiques mis à disposition pour peaufiner les enquêtes. Même si leur collaboration commençait à peine, Victor avait déjà bien perçu que les qualités de ses deux principaux collègues se complétaient à merveille.
— Nous sommes probablement confrontés à un meurtre. Une autopsie a été lancée. Nous attendons le rapport du médecin légiste dans les prochaines quarante-huit heures. Lambert, que savons-nous de la victime ?
— Les papiers retrouvés sur elle nous indiquent que la personne découverte hier s’appelle Marie Descartes. Quarante-huit ans. Domiciliée à Granville. Elle tient une boutique d’antiquité dans la haute ville. Pas de casier. Elle est divorcée et a deux enfants : un fils qui vit à l’autre bout du monde et une fille étudiante au Canada. Son ex-mari a été prévenu. Comme il réside à Bordeaux, je lui ai demandé de se rendre disponible pour une visioconférence à neuf heures.
— Parfait, Lambert. En fait, il semble que rien ne prédisposait cette Marie Descartes à se faire agresser de la sorte. Sonia, il nous faudra organiser dès que possible un tour au domicile ainsi qu’à la boutique de la victime.
— J’ai repéré les adresses en question. C’est à deux pas d’ici. Pour ce qui est de la boutique, elle en partageait la gestion avec une copropriétaire.
— OK, tu te charges de la visite du domicile. Dans l’immédiat, nous allons voir ce que son ex-mari peut nous raconter. Dès que j’en aurai fini avec lui, j’irai à la rencontre de la co-gérante de la boutique d’antiquités. Lambert, appelle-la pour lui demander de se tenir à ma disposition dans la matinée.
Après avoir partagé un café, le trio se dirigea à l’étage vers la salle de réunion. Il était neuf heures pile quand le visage d’un homme d’une cinquantaine d’années apparut sur le grand écran. Même si Patrick Descartes se tenait droit, sa figure était marquée par la nouvelle qui lui avait été annoncée au petit matin. Après avoir salué son interlocuteur et transmis ses condoléances, Victor rappela les circonstances dans lesquelles le corps de son ex-épouse avait été découvert.
— Pourriez-vous me préciser la nature de vos liens avec la mère de vos enfants ?
— Comme vous le savez probablement nous sommes séparés depuis cinq ans. À l’époque, c’est elle qui m’a quitté, car j’avais entretenu une relation illégitime. Si la rupture a été violente sur le coup, depuis nous gardions une relation apaisée à distance. En clair, nous ne nous voyons quasiment plus depuis qu’elle est partie. J’habite dans le sud-ouest de la France et la dernière fois que j’ai croisé Marie, c’était il y a trois ans lors d’une réunion de famille.
— Aviez-vous connaissance de personnes qui auraient pu lui en vouloir ?
— Vous savez, et je vous le redis, cela fait cinq ans que je ne la côtoie plus. Pendant nos vingt ans de vie commune, je ne lui ai jamais connu de personnes qui lui étaient hostiles. Marie a toujours été au service de son prochain avec une forte idée de ce qu’est l’honnêteté. Je ne sais pas si des choses ont évolué dans sa vie personnelle récente, mais je suis effondré par ce que vous m’avez appris concernant les conditions de son décès. Ça ne lui ressemble pas.
— Que pouvez-vous nous dire concernant sa vie professionnelle ?
— Quand j’ai connu Marie, elle commençait son parcours professionnel dans le monde de l’archéologie. Ce métier est devenu une vraie passion avec de fréquents déplacements à l’étranger. Elle était très investie dans son job et elle ne m’a jamais relaté de tension ou de pression particulière. Elle avait réussi à se faire une vraie réputation dans le métier. Depuis notre séparation, elle s’est installée en Normandie. Elle a profité de l’occasion pour changer d’activité. Elle tient depuis quelques années une boutique d’objets anciens dans le vieux Granville. Je crois que cela a été assez pénible au début, mais il semble qu’elle y ait trouvé un plaisir aussi fort que dans son précédent job. Hélas, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus.
— Comment se passait sa relation avec vos enfants ?
— Bien, voire très bien à ma connaissance. Nos enfants vivent très loin. Hugo, l’aîné, qui a vingt-cinq ans, s’est installé depuis deux ans en Afrique du Sud. Il bosse dans une start-up au Cap. Quant à Élodie qui a vingt-trois ans, elle finit ses études d’ingénieur au Canada. Inutile de vous dire que nous ne les voyons pas beaucoup. Comme ils le font avec moi, ils avaient instauré un rituel de WhatsApp hebdomadaire avec leur mère, mais, une fois de plus, je ne peux pas présumer des relations qui s’étaient établies entre eux.
— Ce sera ma dernière question : aviez-vous personnellement des motifs d’en vouloir à votre ex-femme ?
— Sincèrement aucun. Je ne vous ai pas caché que notre séparation avait été rude. La procédure de divorce n’a pas été très simple. Ensuite, les choses se sont très vite apaisées. Comme dirait l’autre, de l’eau a coulé sous les ponts.
Victor invita Patrick Descartes à rester à la disposition de la police puis le remercia pour sa disponibilité. Les trois policiers se concertèrent ; ils semblaient plutôt convaincus par la sincérité de l’ancien compagnon de la victime. Victor donna cependant pour mission à Lambert de creuser davantage la vie de l’ex-mari.
2 septembre 2022 – 11 heures
Granville
Victor prit la direction de la boutique d’antiquités. Elle n’était qu’à quelques mètres du commissariat. Le centre-ville était constitué de ruelles qui s’organisaient autour des ports et de la vieille ville. Rien n’était jamais vraiment très loin à Granville. En cinq minutes, il serait sur place. À grandes enjambées, il emprunta un long escalier reliant le port à la haute ville et déboucha sur une rue composée de vieilles échoppes. Une fois devant « La Brocante granvillaise », il pénétra dans une boutique de taille modeste, mais cossue. Les meubles massifs de style normand rivalisaient avec de nombreux bibelots, mais c’étaient indéniablement les toiles représentant la vie locale qui faisaient la spécificité des lieux. Une femme brune et menue d’une cinquantaine d’années vint à sa rencontre. Il s’agissait probablement de la co-gérante, Véronique Duclos.
— Bonjour Monsieur. Puis-je vous être utile ?
Sa voix était fluette. Elle avait pourtant du mal à masquer la forte émotion qui se lisait sur son visage. Ses yeux rougis montraient qu’elle venait de pleurer.
— Bonjour, Madame, je suis Victor Hulot, commandant de police à Granville. J’imagine que vous n’êtes pas sans savoir que Marie Descartes est décédée hier soir. J’aurais aimé vous poser quelques questions la concernant.
— Effectivement, j’ai appris cette triste nouvelle ce matin par ma voisine en ouvrant la boutique. C’est incompréhensible. Une personne aussi charmante.
Véronique Duclos ne put retenir un sanglot et se dirigea vers l’arrière du magasin pour aller se moucher. Elle s’accorda quelques secondes et revint vers son visiteur. D’une voix posée, Victor reprit la discussion.
— J’ai bien conscience que le moment est particulièrement douloureux pour vous. J’aurais cependant aimé vous poser quelques questions. Cela pourrait m’être extrêmement précieux pour orienter mes recherches.
— Je vous prie de m’excuser. Je n’arrive pas à réaliser, mais je suis à vous.
— Depuis combien de temps tenez-vous cette boutique avec Marie Descartes ?
— Ça fait cinq ans que nous travaillons ensemble. Nous avons fait connaissance à ce moment-là. Nous avions le même projet. Ni elle ni moi n’étions particulièrement fortunées. Nous en avons discuté ensemble. Alors, nous nous sommes associées à cinquante/cinquante pour ouvrir une boutique d’antiquités. Les deux premières années ont été difficiles financièrement puis progressivement nous avons réussi à nous constituer une clientèle. Marie a toujours été une collègue agréable et compétente.
— Marie Descartes rencontrait-elle des problèmes ?
— Pas à ma connaissance. Sur le plan professionnel, notre collaboration a toujours été excellente. Nous n’avions pas de difficultés notables que ce soit sur un plan relationnel, logistique ou financier.
— Vous avait-elle fait part de craintes particulières ces dernières semaines ?
— Pas particulièrement. Nous avions pour principe d’assez peu nous incruster dans nos vies personnelles respectives. En clair, nous nous rencontrions peu en dehors du cadre du travail.
— Que saviez-vous de sa vie en dehors de la boutique ?
— Pour ce que j’en sais, elle vivait seule depuis sa séparation et son arrivée à Granville. Je ne lui connaissais pas de compagnon. En tout cas, jamais elle ne m’a présenté quelqu’un. Elle semblait heureuse dans la vie qu’elle menait ici. Elle regrettait régulièrement de ne pas voir davantage ses enfants, surtout depuis qu’ils sont à l’étranger. Elle a probablement dû faire différentes rencontres sur le plan sentimental, mais elle ne s’est jamais confiée sur le sujet.
Finalement, il ressortait peu de choses directement exploitables de cet échange. Rien qui puisse mettre Victor et ses équipes sur une piste immédiate. Le commandant posa encore deux questions et pria la gérante de ne pas hésiter à le contacter si quelque chose lui revenait en tête. Juste au moment où Victor s’apprêtait à prendre congé, Véronique Duclos se remémora quelque chose.
— Il y a bien un sujet sur lequel je l’ai sentie parfois préoccupée. C’est peut-être dérisoire. En fait, cela renvoie à son ancien métier d’archéologue. Même si elle n’exerçait plus cette activité, elle m’a indiqué recevoir régulièrement des pressions sur un sujet qu’elle avait pu traiter à l’époque. Je n’en sais pas beaucoup plus et cela n’a jamais perturbé notre travail. Pourtant, assez fréquemment, elle me faisait part de tracasseries qui la laissaient songeuse un long moment.
— Était-elle toujours en relation avec des personnes liées à son ancien métier ?
— Probablement, mais une fois de plus, je ne pourrais pas vous être d’une grande aide.
Véronique Descartes fouilla dans les papiers de son bureau puis en extirpa un carnet.
— Dans les contacts de la boutique, j’ai bien le nom d’une personne avec qui il lui arrivait d’échanger de temps à autre sur son activité d’archéologue. Voici ses coordonnées, si cela vous intéresse. Elle s’appelle Sylvie Dalmat et réside à Caen.
Victor nota le nom et le numéro de téléphone qui figuraient dans le carnet tendu par Véronique Duclos. Il s’agissait d’une amorce de piste que le policier allait s’empresser d’approfondir. Il remercia poliment l’antiquaire et reprit le chemin du commissariat. La météo s’était dégradée. La pluie avait fait son apparition. Le temps de revenir en courant, c’est complètement trempé que Victor regagna le commissariat.
2 septembre 2022 – 14 heures
Granville
Finalement, Victor décida de se joindre à Sonia pour aller visiter le domicile de la victime. En l’absence de la concierge, sa fille mit à leur disposition un jeu de clés permettant d’accéder au logement de Marie Descartes. Elle habitait un charmant appartement dans un immeuble récent de la ville basse de Granville. Elle avait aménagé son domicile avec goût. Les plantes vertes et les verrières apportaient espace et luminosité. Les deux policiers se répartirent l’inspection des lieux. Victor se chargea du salon qui ne révéla rien de notable. Il fouilla rapidement dans les tiroirs d’un secrétaire installé près de la terrasse. Au premier abord, il ne s’agissait que de papiers administratifs. Pour sa part, Sonia s’occupa de la chambre. Elle jeta un coup d’œil dans la penderie où rien n’accrocha son regard. Un bureau ancien trônait à l’angle de la pièce. Sonia inspecta son contenu. Seuls quelques clichés de la victime en présence de jeunes hommes attirèrent son attention. Précautionneusement, elle récupéra les photos et les glissa dans une pochette. Elle vint rejoindre Victor dans la pièce principale. Son supérieur apparut passablement dépité, car il n’avait pas grand-chose à se mettre sous la dent pour lancer les recherches. La visite de l’appartement n’avait pas révélé grand-chose. Sonia fit un tour panoramique de la pièce. Quelque chose l’intrigua, mais elle n’arriva pas à savoir de quoi il s’agissait. Au bout d’un moment, les deux policiers décidèrent d’en rester là. Ils quittèrent les lieux et redescendirent déposer les clés. La concierge était revenue. Ils en profitèrent pour l’interroger sur la victime.
— Vous connaissiez bien Marie Descartes ? interrogea Sonia
— Bien connaître, c’est peut-être beaucoup dire, mais nous avions l’habitude de nous voir régulièrement. C’était une locataire sans histoires. Jamais un mot plus haut que l’autre. Quel drame ! Je n’arrive pas à réaliser.
— Avait-elle l’habitude de recevoir fréquemment du monde ?
— Pas particulièrement, mais je n’ai pas pour habitude de contrôler les allées et venues des résidents.
Victor n’en crut, bien sûr, pas un mot.
— Vous savez, tout ce que vous nous direz restera à la discrétion de la police.
La concierge parut soudain un peu gênée, puis elle finit par livrer une confidence.
— Bon, entre nous, c’est vrai que ces derniers temps, elle avait l’habitude de sortir davantage, mais aussi de revenir accompagnée.
— Un compagnon en particulier ?
— Non, plutôt des jeunes hommes qui pouvaient changer selon les périodes. Bien sûr, je ne vous ai rien dit. D’autant plus que ces fréquentations n’ont jamais perturbé la vie des habitants de l’immeuble.
— Seriez-vous capable de reconnaître quelques visages ?
— Hélas non, car je ne passais pas mon temps à l’épier. De plus, quand elle passait en charmante compagnie, elle faisait en sorte que ses visites, souvent tardives, soient les plus discrètes possible.
Victor et Sonia remercièrent la concierge et retournèrent à pied vers le commissariat en longeant le port. Les deux policiers ne purent s’empêcher de sourire de l’attitude de la gardienne qui devait passer son temps à contrôler les allées et venues des résidents. À l’usage, elle devait tout savoir de leur petite vie. Victor résuma la situation.
— Finalement, rien de très concret. D’un côté, une vie personnelle et affective où elle semblait s’accorder du bon temps avec des hommes plus jeunes qu’elle, comme en attestent les photos que tu as récupérées dans la chambre. De l’autre, des contrariétés, voire des pressions résultant de son ancienne activité d’archéologue. C’est un peu court, mais il nous faut faire avec.
2 septembre 2022 - 16 h
Granville