L’art d’enseigner à parler aux sourds-muets - Collection - E-Book

L’art d’enseigner à parler aux sourds-muets E-Book

Collection

0,0

Beschreibung

Il n’est plus nécessaire de démontrer que le seul moyen d’obtenir des succès solides et réels dans l’instruction des sourds-muets de naissance, c’est de se servir, pour éclairer et développer leur intelligence, des mêmes signes que la nature leur inspire, sans le secours d’aucun maître, pour exprimer leurs idées et leurs besoins. C’est là l’unique voie pour arriver à leur esprit et entrer en communication avec eux ; car pour ces infortunés, dont l’oreille n’a jamais été frappée par la voix maternelle, toute langue, même celle du pays où ils sont nés, est une langue étrangère ou même une langue savante.
C’est par le secours d’une première langue, de notre langue maternelle, que nous apprenons toutes les autres. De même on ne peut parvenir à enseigner aux sourds-muets une langue quelconque, que par le secours de leur première langue, du langage des gestes, qui est leur langage naturel... 

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 94

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



L’art d’enseigner à parler aux sourds-muets...

L’art d’enseigner à parler aux sourds-muets

Histoire et développement de la langue des signes.

Introduction{1}

    Il  n’est plus nécessaire de démontrer que le seul moyen d’obtenir des succès solides et réels dans l’instruction des sourds-muets de naissance, c’est de se servir, pour éclairer et développer leur intelligence, des mêmes signes que la nature leur inspire, sans le secours d’aucun maître, pour exprimer leurs idées et leurs besoins. C’est là l’unique voie pour arriver à leur esprit et entrer en communication avec eux ; car pour ces infortunés, dont l’oreille n’a jamais été frappée par la voix maternelle, toute langue, même celle du pays où ils sont nés, est une langue étrangère ou même une langue savante.

C’est par le secours d’une première langue, de notre langue maternelle, que nous apprenons toutes les autres. De même on ne peut parvenir à enseigner aux sourds-muets une langue quelconque, que par le secours de leur première langue, du langage des gestes, qui est leur langage naturel. Par ce moyen, soumis à une méthode régulière, il n’est point de connaissances, la musique exceptée, qu’on ne puisse transmettre au sourd-muet, comme peuvent s’en convaincre les personnes qui assistent journellement aux exercices de l’Institution que je dirige. Du moment que le sourd-muet a achevé son instruction, il n’est plus étranger à aucune des connaissances qu’on peut acquérir par la lecture ; il n’est plus ni sourd ni muet pour quiconque sait lire ou écrire. Mais malheureusement l’écriture n’offre qu’un moyen de communication trop lent et trop incommode pour la conversation, et qui même ne peut guère être d’usage dans les classes inférieures de la société, où naissent le plus grand nombre de sourds-muets, et où souvent on ne sait pas lire et presque jamais écrire assez correctement pour se faire entendre de ces malheureux, qui, ne lisant que des yeux sans pouvoir s’aider de la prononciation, ne comprennent les mots qu’autant qu’ils sont écrits conformément à l’orthographe.

Le sourd-muet n’est donc totalement rendu à la société que lorsqu’on lui a appris à s’exprimer de vive voix et à lire la parole dans les mouvements des lèvres. Ce n’est qu’alors seulement qu’on peut dire que son éducation est entièrement achevée.

Pénétré de cette vérité, j’ai souvent exprimé le regret que les fonds affectés à notre Institution ne permissent pas de payer deux hommes qui seraient exclusivement chargés de cette œuvre, qui ne demande ni de l’esprit ni de grands talents, mais seulement de la patience, et dont cependant le charlatanisme s’est si souvent servi pour en imposer au public. Enfin, je puis concevoir l’espérance que mon vœu ne tardera pas à se réaliser ; cette lacune sera remplie dans notre Institution, qui obtiendra, j’espère, sous ce rapport, la même supériorité dont elle jouit sous tous les autres.

Ce n’est pas que jusqu’à présent j’aie entièrement négligé de faire parler les sourds-muets. On a souvent entendu, à mes séances, des élèves lisant à haute voix ; ils ont été exercés particulièrement par les soins d’un de nos répétiteurs. Malgré l’indulgence et la satisfaction avec lesquelles le public a vu cet essai, je dois avouer que la prononciation de ces élèves laisse beaucoup à désirer ; mais j’ose me flatter que cette imperfection disparaîtra bientôt lorsque je pourrai former un maître spécialement destiné à cet objet, qui, je le répète, présente si peu de difficultés, que je connais plus d’une mère qui, sans méthode et sans art, a montré à son enfant, sourd-muet, à articuler assez distinctement le plus grand nombre des mots. Que serait-ce si elles eussent eu un guide sûr et éclairé, et des principes certains sur cet enseignement ? Je crois donc rendre un grand service à ces infortunés, en publiant de nouveau l’Art de faire parler les sourds-muets. Ce petit ouvrage de mon illustre maître est aussi précieux par la précision que par la clarté avec laquelle il sait mettre à la portée des plus faibles esprits, les procédés à employer pour rendre la parole aux sourds-muets. Tout père ou mère, maître ou maîtresse qui lira avec attention ce petit traité, peut se flatter de pouvoir, en peu de temps, enseigner à parler à un sourd-muet, à moins que celui-ci n’ait un défaut de conformation dans les organes de la voix, ce qui, au reste, est une chose extrêmement rare. Les notes que nous avons jointes à cet ouvrage, en forment un traité absolument neuf, et aussi complet qu’on puisse le désirer.

Bien souvent les parents des sourds-muets me demandent des conseils pour occuper leurs enfants jusqu’à l’âge où ils peuvent être admis dans l’Institution. J’éprouvais un grand regret de n’avoir à leur donner que des indications bien vagues. Maintenant que j’ai fait dans plusieurs séances l’essai de ce que je conseille, je leur mettrai entre les mains le petit traité de M. l’abbé de l’Épée, et ils pourront d’avance délier la langue de leurs enfants, et leur apprendre même à lire à haute voix, en attendant que nous développions leur intelligence, et que nous leur fassions comprendre ce qu’ils lisent.

Alphabet manuel de l’Abbé de l’épée :

Pour apprendre cet alphabet, on étudie d’abord cinq ou six lettres et quand on les a bien saisies et mémorisées, on en apprend cinq ou six autres, ainsi de suite depuis A jusqu’à Z. Quand on les connaît toutes exactement comme indiquées sur le tableau et qu’on les reproduit facilement, on peut exprimer tout ce que l’on veut dire.

Partie 1

L’art d’enseigner à parler aux sourds-muets de naissance{2}.

Chapitre I.

Comment on peut réussir à apprendre aux sourds-muets à prononcer les voyelles et les syllabes simples.

Lorsque je veux essayer d’apprendre à un sourd-muet à prononcer quelque parole, je commence par lui faire laver ses mains, jusqu’à ce qu’elles soient vraiment propres. Alors je trace un a sur la table, et prenant sa main, je fais entrer son quatrième doigt dans ma bouche jusqu’à la seconde articulation ; après cela je prononce fortement, et à plusieurs reprises, a, et je lui fais observer que ma langue reste tranquille, et ne s’élève point pour toucher à son doigt.

Ensuite j’écris sur ma table un é. Je le prononce de même plusieurs fois fortement, le doigt de mon disciple étant toujours dans ma bouche : je lui fais remarquer que ma langue s’élève, et pousse son doigt vers mon palais : alors retirant son doigt, je prononce de nouveau cette même lettre, et lui fais observer que ma langue s’élargit et s’approche des dents canines, et que ma bouche n’est pas si ouverte. Je lui montrerai dans la suite ce qu’il devra faire pour prononcer nos différents é.

Après ces deux opérations, je mets moi-même mon doigt dans la bouche de mon élève, et je lui fais entendre qu’il doit faire avec sa langue comme j’ai fait avec la mienne. La prononciation de l’a ne souffre ordinairement aucune difficulté. Celle de l’é réussit de même le plus souvent ; mais il se trouve quelques sourds-muets avec lesquels il faut recommencer deux ou trois fois cette espèce de mécanisme, sans en témoigner aucune impatience.

Lorsque le sourd-muet a prononcé ces deux premières lettres, j’écris et je montre un i ; ensuite je remets son doigt dans ma bouche, et je prononce fortement cette lettre. Je lui fais observer : 1o que ma langue s’élève davantage, et pousse son doigt vers mon palais, comme pour l’y attacher ; 2o que ma langue s’élargit davantage, comme pour sortir entre les dents des deux côtés ; 3o que je fais comme une espèce de souris qui est très-sensible aux yeux.

Après cela, retirant son doigt de ma bouche, et mettant le mien dans la sienne, je l’engage à faire ce que je viens de faire moi-même : mais il est rare que cette opération réussisse dès la première fois, et même dès le premier jour, quoique faite à plusieurs reprises ; il se trouve même quelques sourds-muets qu’on ne peut jamais y amener, que d’une manière très-imparfaite. Leur i garde toujours trop de ressemblance avec l’é. Je ne parle point ici de l’y, qui se prononce comme un i.

Il n’est plus nécessaire de remettre les doigts dans la bouche. En faisant comme un o avec mes lèvres et y ajoutant une espèce de petite moue, je prononce un o, et le sourd-muet le fait à l’instant sans aucune difficulté.

Je fais ensuite avec ma bouche, comme si je soufflais une lumière ou du feu, et je prononce un u. Les sourds-muets sont plus portés à prononcer un ou. Pour corriger ce défaut, je fais sentir au sourd-muet que le souffle que je fais sur le revers de sa main en prononçant un ou, est chaud, mais qu’il est froid en prononçant un u. La lettre h n’ajoute qu’une espèce de soupir aux voyelles qu’elle précède : l’usage apprendra quels sont les mots où l’on doit supprimer cette aspiration.

Avant que d’aller plus loin, je dois avertir tout instituteur des sourds-muets d’éviter l’inconvénient dans lequel je suis tombé moi-même, lorsque j’ai formé la résolution d’apprendre aux sourds-muets à parler. Ayant lu avec attention, et entendu très-clairement les principes de mes deux maîtres, MM. Bonnet et Amman, j’ai entrepris de les expliquer par demandes et par réponses, et de les faire apprendre à mes élèves ; j’enfilais mal à propos une route trop longue et trop difficile. J’enseignais et je perdais mon temps : il ne devait être question que d’opérer.

Les instituteurs des sourds-muets n’ont besoin que d’être avertis de ce qui se passe naturellement en eux, lorsqu’ils prononcent des lettres et des syllabes, parce qu’ils les ont articulées dès l’enfance, sans faire attention à ce mécanisme. Après cet avertissement, il n’est pas nécessaire de leur donner des principes, pour leur apprendre ce qu’ils doivent faire pour parler, puisqu’ils le font d’eux-mêmes à chaque instant ; et ce qu’ils éprouvent en parlant, suffit pour leur faire comprendre ce qu’ils doivent tâcher d’exciter dans les organes de leurs disciples.

Il en est de même des sourds-muets. Il est inutile d’entrer avec eux dans un grand détail de principes : ce serait les fatiguer à pure perte. Sous la conduite d’un maître intelligent, qui opère lui-même et les fait opérer, ils n’ont besoin que de leurs yeux et de leurs mains, pour apercevoir et sentir ce qui se passe dans les autres, lorsqu’ils parlent, et qui doit pareillement s’opérer en eux, pour proférer des sons, comme le reste des hommes.

J’ai cru cet épisode nécessaire, afin que tous ceux qui seront touchés de compassion pour les sourds-muets, ne s’imaginent point qu’il faille des lumières supérieures pour leur apprendre à parler.

Je ne dois point oublier non plus un article important, et qui demande quelque attention de la part de ceux qui veulent instruire des sourds-muets. Il arrive quelquefois que dans les premières leçons qu’on leur donne pour leur apprendre à parler, ils disposent leurs organes comme ils nous voient disposer les nôtres, pour prononcer telle ou telle lettre. Cependant, lorsque nous leur faisons signe de la proférer à leur tour, ils restent sans voix, parce qu’ils ne se donnent aucun mouvement intérieur pour faire sortir l’air hors de leurs poumons. Si on n’est pas sur ses gardes, cet inconvénient fait aisément perdre patience.

Pour y remédier, je mets la main du sourd-muet sur mon gosier, à l’endroit qu’on appelle le nœud de la gorge