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Une envie de vacances, de soleil, de détente ? Alors, découvrez la vie du petit village de Coustaret niché au coeur de la Provence. Tombez sous le charme de ses habitants, de Mado une institutrice à la retraite, de son fils Marc le médecin et maire de la commune et de Clémentine la petite-fille. Ils vont devoir affronter bien des défis. La vie paisible de ce petit havre de paix est perturbée par un projet immobilier d'envergure qui divise les habitants et pour compliquer un peu plus la situation, voilà que la source du village se tarit ! Le spectre de la sécheresse s'abattrait-il sur la commune ? Comment ramener la quiétude parmi les habitants ? Vous découvrirez les mystères de ce charmant petit village où règne la bienveillance. Ce roman est l'occasion de s'évader, de se créer une bulle de bien-être, en souriant à la vie, et si le bon sens nous permettait de régler bien des problèmes ?
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Veröffentlichungsjahr: 2024
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CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
C’était une magnifique journée d’été en Provence avec un ciel bleu azur sans le moindre nuage, le paysage coupait le souffle. On apercevait des oliviers centenaires à perte de vue et des lauriers roses à la floraison abondante offraient une magnifique palette de couleurs, on entendait même en fond sonore le chant des cigales.
Oui ! Tout était réuni pour faire de cet endroit un lieu exceptionnel, si ce n’était … un léger bruit strident, grinçant qui venait perturber ce petit coin de paradis. Exaspérée, Mado prit une grande respiration et se tourna vers sa petite-fille Clémentine.
- Oh ! Boudiou, Oh ! Bonne mère, je n’en peux plus, mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter cela. C’est une torture psychologique c’est ça ? Tu as décidé de me rendre folle ? Arrête un peu avec cette vieille balançoire, on dirait qu’une armée de cigales m’agresse.
Clémentine sauta avec légèreté de sa balançoire et d’un air bougon se dirigea vers sa grand-mère.
- Je m’ennuie.
- Tiens donc ! Comme si je ne l’avais pas compris et alors ? Tu as décidé de me pourrir ma journée ? Nous devons tous être au diapason de ton humeur ? Tu n’es là que depuis quelques jours, tu ne crois pas que tu exagères ? Demanda Mado avec un petit sourire en coin.
Clémentine pouffa de rire, elle adorait sa grand-mère, un peu déjantée, hors du temps. Elle ressemblait beaucoup à Brigitte Bardot son idole de toujours, avec son chignon blond un peu flou et des fleurs piquées dans les cheveux. Elle portait ce jour-là, une robe fleurie, sa grand-mère disait que c’était sa signature, sa marque de fabrique, elle adorait les fleurs que ce soit dans son jardin ou sur ses vêtements et peu importe la saison.
- Grand-mère ce n’était pas pour t’embêter.
- Eh bien voilà qui est rassurant ! Pourtant c’est réussi, répliqua sa grand-mère en ouvrant de grands yeux, elle lui fit signe de la rejoindre sur un canapé à l’ombre d’un pin majestueux.
Clémentine, d’un pas lent se dirigea vers elle, ce qui lui laissa le temps d’admirer sa petite fille. Elle avait beaucoup changé en trois ans, elle était devenue une ravissante jeune-femme de seize ans avec des yeux bleus comme le ciel de Provence, de longs cheveux blonds bouclés qui lui donnaient un air angélique, mais elle affichait en permanence ce petit air boudeur qui la désespérait. Elle avait quitté une petite fille et découvrait une jeune femme tourmentée, en colère contre le monde entier. Ah ! L’adolescence n’était pas une période bénie, plutôt une attaque de cigales en furie, on ne savait jamais comment réagir ou les aborder, il fallait faire preuve d’une patience infinie, mais Mado l’aimait tellement, qu’elle voulait renouer ce lien d’amour entre elles, retrouver leur complicité qui lui manquait tant.
Clémentine se laissa lourdement tomber près d’elle, c’est à ce moment-là que Patouf le berger allemand sauta pour s’imposer entre les deux femmes ce qui les fit rire. Mado se sentit soulagée, comme d’habitude son chien exceptionnel avait compris qu’il y avait de la tension entre elles, il se tourna vers Clémentine et lui lécha copieusement le visage.
- Oh non ! C’est plein de germes, c’est dégoutant.
- Pff ! N’importe quoi, j’ai toujours eu des chiens et regarde j’ai une peau magnifique. Tout le monde me dit que je ne fais pas mon âge. Quand je pense à toute la peinture que vous mettez sur vos visages. Oh ! Cela me donne une idée et si…
Clémentine regarda sa grand-mère qui semblait tout à coup pensive.
- Quelle idée ? demanda Clémentine en interrompant ses pensées.
- Je devrais peut-être commercialiser cet onguent magique.
- Quoi ? La bave de ton chien, beurk ! C’est dégueu !
- N’importe quoi ! J’ai lu que certaines femmes n’hésitaient pas à payer très cher pour mettre sur leur visage de la bave d’escargot, je préfère encore les bisous de mon Patouf, hein mon gros ? Dit-elle en riant sous les léchouilles de ce grand dadais qu’elle aimait plus que tout.
Clémentine éclata de rire.
- Tu te moques encore de moi, c’est ça hein ?
Sa grand-mère, une ancienne institutrice du village avait un côté espiègle qui l’avait toujours amusée. Auprès d’elle Clémentine se sentait détendue, elle ne l’avait jamais considérée comme une gamine, accordant beaucoup d’attention à ses propos, ses inquiétudes, pas comme son père, rumina-t-elle en soupirant.
- Et voilà que tu recommences !
- Quoi ?
- À soupirer ! Cela en devient pathologique et arrête ! Tu vas finir par avoir la ride de la glabelle entre les deux yeux à force de les froncer. Bon ! Allez raconte-moi tout, c’est quoi cette nouvelle injustice dont tu es victime ?
Clémentine pouffa de rire.
- La quoi ?
- La glabelle, la ride du lion si tu préfères, alors c’est quoi ton problème ?
- Je ne voulais pas venir.
- Oh !
En voyant l’air peiné de sa grand-mère elle s’en voulut, mais c’était plus fort qu’elle. Ces derniers temps elle se sentait sur la défensive en permanence, et parfois inconsciemment elle avait envie de blesser ceux qu’elle aimait. Toutefois Mado ne méritait pas cela, surtout après trois ans sans se voir, c’était plutôt cruel. Elle se pencha en repoussant une nouvelle attaque de câlins de Patouf pour prendre la main de sa grand-mère.
- Ce n’est pas contre toi.
- Tu en es sûre ? Car j’ai l’impression de me prendre toutes les rafales de ta mauvaise humeur, un peu comme un Mistral en pleine tête.
Clémentine grimaça, ce n’était pas faux, une fois de plus, elle avait sorti ses griffes sans le vouloir vraiment.
- Je suis désolée grand-mère, murmura-t-elle piteusement en baissant la tête. Tu sais… commença-t-elle doucement avant de se taire un long moment, puis elle releva la tête et chercha le regard de sa grand-mère avant de poursuivre.
- Revenir ici en sachant qu’il n’y aurait plus papy c’était dur, tout a changé et je n’aime pas ça.
Mado baissa brusquement la tête et soupira à son tour.
- Papa s’en veut beaucoup, il voulait être présent à ses obsèques, il était si malheureux, il s’inquiétait pour toi.
Sa grand-mère grimaça, comme pour retenir ses émotions.
- C’était impossible et je le savais, ton père en tant que docteur était bloqué à l’hôpital et puis on ne pouvait pas se déplacer avec cette pandémie, mais je sais que son cœur était à nos côtés c’est tout ce qui compte. Nous adorions vous rejoindre à Paris, ta maman n’aimait pas venir ici, je ne sais d’ailleurs pas pourquoi c’est une si jolie région. Mais tout ce qui comptait pour nous c’était d’être près de vous.
Clémentine se contenta de hocher la tête.
- Grand-mère, reprit piteusement Clémentine en se mordillant les lèvres. Je… Je m’en veux beaucoup.
- Mais de quoi ma chérie ? La coupa Mado intriguée.
- Je n’osais pas te parler au téléphone, car je ne savais pas quoi te dire, c’était si difficile à gérer. En fait, je… Elle soupira longuement avant d’oser affronter le regard de sa grand-mère. Je … je n’ai pensé qu’à moi. Comme je ne savais pas quoi dire, je me suis éloignée, et plus le temps passait, plus je ressentais de la honte, je m’en veux tellement si tu savais, je suis vraiment nulle.
- Chut ! Je ne te reproche rien. Oui, gérer un deuil c’est difficile et personne ne réagit de la même façon. Tu vois Clémentine, tu étais bien trop jeune pour comprendre, je ne t’en veux pas, et te savoir aujourd’hui ici me comble de joie. Dans un deuil il ne faut jamais juger la réaction des gens, chacun à ses raisons, les tiennes sont compréhensibles.
Clémentine pressa tendrement la main de Mado.
- Il te manque grand-mère ? Oh ! Je … je ne veux pas te faire de peine, je n’aurais pas dû poser une question aussi idiote.
- Non ! Elle n’est pas idiote, loin de là. Ton grand-père c’est toute ma vie, j’aime parler de lui et maintenant c’est moins douloureux, c’est une douce chaleur qui se répand en moi quand j’évoque des souvenirs. Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à lui, il sera toujours à mes côtés, juste là dans mon cœur, dit-elle en mettant sa main sur sa poitrine. Le plus difficile c’est de s’habituer à cette absence physique, mais c’est la vie.
- Vous formiez un couple si aimant, c’est triste de te voir sans lui. Tu es un bel exemple Mado de longévité en amour, jamais la moindre dispute, cela paraît fou.
Sa grand-mère pouffa de rire.
- Oh, si ! On en a eu des disputes, la plus mémorable remonte à environ quinze ans. Je venais de percevoir l’héritage de mes parents et ton grand-père a investi une grande partie dans un truc qui venait de sortir, j’étais si furieuse après lui. Il plaçait les économies de toute une vie sur une lubie, j’ai cru que j’allais le tuer ce jour-là, dit-elle en riant tendrement, mais je l’aimais tellement, je lui ai pardonné cette folie. Je ne savais pas alors que… elle s’arrêta subitement perdue dans ses pensées.
- Quoi Mado ? Demanda Clémentine en voyant le regard triste de sa grand-mère.
Cette dernière fit un geste de la main, comme si cela n’avait pas d’importance.
- Il était visionnaire, il misait sur l’avenir, son côté foufou me manque beaucoup. Bon ! Clémentine nous avons assez parlé du passé, alors ! À part ta venue ici qui est la plus grande injustice de la terre, si tu me disais le fond de ta pensée.
Clémentine éclata de rire, son côté institutrice refaisait surface, elle était très intuitive.
- Il y a un garçon chez moi que j’aime bien.
- Ah ! Les premiers amours on ne les oublie jamais et alors il est bien au moins ce garçon ?
- Oh oui ! Il est dans ma classe, ma copine Léa et moi on avait craqué pour lui, mais c’est avec moi qu’il a eu un crush.
- Un croche ?
Clémentine éclata de rire.
- Non un crush, un coup de cœur, un béguin quoi !
- Ah ! Tu vois c’est drôle cela me rappelle ma jeunesse.
- Ta rencontre avec papy ?
- Non ! Je l’avoue ce n’était pas mon premier coup de cœur. J’avais craqué sur Pascal, lui aussi était dans ma classe et avec ma copine Christine on se le disputait.
- Et alors ?
- J’ai gagné, nous sommes sortis ensemble quelques semaines, puis j’ai compris, qu’il n’était pas pour moi, mais j’ai perdu quelque chose d’essentiel à cause de cette histoire.
- Quoi ? Ta virginité ?
- Oooooh ! Clémentine ça ne va pas non, comme si j’allais parler de ça avec toi ! Mon Dieu tu me fais rougir, dit-elle en pouffant de rire.
- Non ! Mais c’était une perte inestimable, Christine a refusé de me pardonner, cela a brisé une belle amitié. J’ai très vite regretté, car c’était plus une histoire de rivalité que d’amour au final.
- Thomas m’a dit qu’il m’aimait, mais il voulait que je reste sur Paris pour les vacances d’été, il m’en veut d’être ici, bougonna Clémentine.
- S’il t’aime vraiment, il saura t’attendre, si ce n’est pas le cas, c’est que ce n’était pas une histoire d’amour sincère et là crois-moi, tu auras évité une belle désillusion.
- Oui mais, si je n’étais pas bloquée dans ce trou perdu je…
- Ah ! Ça y est tu recommences, encore un compliment ! Coustaret n’est pas un trou perdu, c’est un petit coin de paradis, nous avons la nature qui nous entoure, un magnifique château avec son histoire incroyable et…
- Tu veux parler de ce vieux truc juste à côté.
Mado soupira de désespoir.
- Qué vieux truc ?? Oui, cela s’appelle l’Histoire avec un grand « H » et c’est fascinant. Vous les jeunes vous oubliez trop vite l’importance du passé. L’homme qui l’a développé, transformé est étonnant, tu veux que je te raconte ce qu’il a réalisé ? Tu n’en reviendrais pas, il était si ingénieux, et vraiment passionné par l’hydraulique.
- Ah non merci, ça va vite me saouler, mais franchement Mado il n’y a rien à Coustaret c’est tout petit, tu as l’impression que tout le monde épie le moindre de tes gestes.
Mado ne put s’empêcher de sourire.
- C’est ce que j’aime, avec ses neuf cent quatre-vingt-dix-huit habitants, on a l’avantage de tous se connaître, on a généralement été à l’école ensemble, on se soucie les uns des autres et puis tu me fais bien rire ! Vous les jeunes, vous passez votre vie sur les réseaux sociaux, vous publiez le moindre de vos gestes, ce que vous mangez, où vous êtes. Ce sont des millions d’inconnus qui vous observent, et vous chipotez si un voisin vous regarde ? Non mais c’est l’hôpital qui se fout de la charité. La technologie a tué les relations humaines, vous ne savez plus vous exprimer sans vos smartphones à la main, mais toutes ces relations sont superficielles, virtuelles.
Clémentine pouffa de rire.
- Mais papa t’a offert Alexa je l’ai vue dans ton salon.
- Ah ! Ce truc qui parle ? Oui je m’en sers pour lui demander la météo, c’est tout.
- Mais, tu peux tout faire avec grand-mère et puis je t’ai entendue, tu n’as pas à la remercier c’est une machine.
- Je sais bien, je ne suis pas stupide à ce point, mais j’aime bien la remercier, et crois-moi elle apprécie, elle me répond à chaque fois gentiment, conclut-elle en faisant un clin d’œil malicieux.
- Mado, une machine ! C’est juste une machine !
- Si tu le dis, allez ! Viens voir ma roseraie derrière la maison, tu verras comme mes fleurs sont sublimes.
Clémentine accompagna sa grand-mère et ne put que s’extasier en voyant le magnifique jardin.
- Ooooh ! Je ne m’en souvenais pas, c’est incroyable grand-mère, cela doit demander un travail de folie pour l’entretenir.
Mado eut un petit geste de la main, comme si ce n’était rien, mais au fond de son cœur, elle jubilait de voir à quel point Clémentine semblait apprécier ce havre de paix.
- Tu sais ma puce, ce lieu a une histoire, notre famille a toujours travaillé pour les châtelains, aussi loin que mes souvenirs remontent. Mon arrière-grand-père était l’homme à tout faire du château, et un jour il a sauvé la vie du fils du comte, pour le remercier ce dernier lui donna une partie de ses terres jouxtant le château, d’ailleurs tout au fond, nous avons un portail y donnant accès.
- Quoi ! On peut aller au château directement ?
- Euh ! On pourrait, mais ton grand-père n’a jamais voulu qu’on l’utilise et puis le château est à l’abandon depuis longtemps.
Clémentine continua d’admirer le jardin, elle tournait la tête de gauche à droite, se penchant parfois pour sentir le parfum d’une rose.
- Un jour tout ça me reviendra ?
- Hop là ! Mistinguette, dis donc, tu ne perds pas le nord. Des vrais piranhas cette nouvelle génération, mais oui c’est vrai. Toutefois ne sois pas trop pressée.
Clémentine fronça les sourcils en observant plus attentivement sa grand-mère.
- Oui, cette maison te reviendra, comme je l’ai eue de mes parents et eux des leurs, mais cela signifiera que je ne serai plus là.
- Oh non ! s’écria avec émotion Clémentine.
- C’est la vie ma puce, tu sais ce ne sont que des pierres, j’y suis attachée car j’y ai tous mes souvenirs, comme toi un jour, mais j’ai perdu tous ceux que j’aimais profondément, et ils me manquent terriblement. Perdre un proche, c’est perdre une partie de soi, comme si on vous amputait d’un membre, plus rien n’est pareil. Un décès vous change à jamais, Noël n’a plus la même saveur, les repas de famille, la chaise vide… tout ça, c’est douloureux, au fond de soi on regrette les jours heureux, on se dit que si c’était à refaire, on y prêterait plus d’attention, on savourerait l’instant.
- Tu as changé toi ? Demanda doucement Clémentine.
- Probablement, je vois la vie autrement, je ne me prends plus la tête pour des peccadilles, je veux profiter de chaque moment de la vie, être auprès des personnes que j’aime le plus, comme toi, dit-elle en prenant sa petite fille dans ses bras.
- Et vois-tu Clémentine, cet endroit est mon petit coin de paradis, je l’aime plus que tout, je préserve la beauté des lieux, j’entretiens ce magnifique jardin, je vis en harmonie avec la nature, c’est la clé du bonheur.
- Tu es une véritable écolo dans l’âme grand-mère.
- Ah non ! Pas cet horrible mot, on le colle à toutes les sauces, il ne veut plus rien dire. Non ! Moi, je me considère comme… une amoureuse de la nature.
Clémentine pouffa de rire.
- Ne te moque pas jeune fille, j’aime observer le monde qui m’entoure, on a beaucoup à apprendre, je respecte ce que je vois, je l’étudie, j’en tire des leçons. Cela me rend plus humble. Beaucoup de gens passent à côté sans y prêter attention, c’est une erreur ! Ils courent tout le temps sans prendre le temps d’apprécier, ils sont pressés, mais pourquoi grand Dieu ? Ils filent si vite qu’ils passent à côté de la vie.
À ce moment-là un coup de klaxon intempestif se fit entendre de l’autre côté de la maison.
- Qu’est-ce que c’est encore que ça ? S’étonna Mado, en se dirigeant vers le véhicule.
Clémentine découvrit dans l’allée de sa grand-mère un magnifique camping-car. Elle observa leur échange, Mado semblait irritée par l’attitude du visiteur. Elle lui fit un signe de la main avant de revenir à ses côtés.
- C’est qui ?
Elle soupira longuement avant de lui répondre.
- Un hurluberlu, exactement ce que je te décrivais, il fait un périple. Une nuit par ci, une autre par là et il cherchait un « spot » comme s’il ne pouvait pas dire stationnement comme tout le monde, précisa-t-elle en secouant sa tête de désespoir.
Clémentine pouffa de rire en voyant la mimique de sa grand-mère.
- Tu vois Clémentine, encore un qui veut tout voir à toute vitesse, il se croit libre, mais il ne prend pas le temps de savourer la beauté qui l’entoure, ici aujourd’hui, demain ailleurs et ainsi de suite, c’est triste au final. Il devrait se poser et apprécier le paysage, mais non ! Voilà le monde moderne, une course effrénée, on veut tout voir et vite, ne pas perdre de temps et on passe à côté de l’essentiel. On survole sa propre vie, on veut emmagasiner le maximum de souvenirs, de photos, mais tout est superficiel. Je préfère prendre le temps de vivre, de profiter de tout ce qui m’entoure, aller au rythme de la nature, j’en apprends tous les jours et je suis heureuse ainsi. Ce pauvre homme fait une course folle contre le temps sans savoir qu’il a perdu d’avance.
- Et là, il va où ?
- Je l’ai envoyé de l’autre côté, il aura une vue magnifique du château et imprenable sur Coustaret, tu sais le trou perdu que tu dois supporter, conclut-elle en souriant.
Le bruit d’un véhicule sur les gravillons de l’allée les fit se retourner.
- Ah ! C’est ton père, et oh là, là, malheur ! Il a sa tête des mauvais jours, je sais de qui tu tiens et ce n’est pas de moi. Je vais m’escamper parce que cela n’augure rien de bon, j’ai déjà donné avec toi.
-T’escamper ? Répéta Clémentine surprise.
- Oui m’échapper, si tu préfères et zut il arrive.
Mado plaqua son plus joli sourire sur son visage, espérant apaiser la colère qu’elle sentait en lui.
- Bonne journée mon fils ?
- Tu parles ! Avec tous ces fous furieux, comment veux-tu que cela aille bien. Nous devons discuter immédiatement, dit-il en se dirigeant d’un pas pressé vers le canapé à l’ombre du majestueux pin.
Les deux femmes le suivirent en silence, intriguées par ses réactions. Que pouvait-il bien y avoir de si grave dans un si petit village ?
Marc desserra sa cravate, avec rage il la jeta sur la table basse.
- Tu sais ici tu pourrais t’en passer, si c’est cela qui te met dans un tel état, murmura doucement Mado.
- Quoi ? Rétorqua-t-il avec hargne en fixant sa cravate.
Il se leva fit quelques pas de long en large comme pour retrouver son calme, puis passa sa main sur son visage avant de se laisser lourdement tomber dans un fauteuil.
- Je n’aurais jamais dû revenir ici.
- Oh ! Mais non, s’écria Mado avec émotion. Pourquoi dis-tu une chose pareille, les gens sont heureux de t’avoir comme médecin, nous avons besoin de toi.
- Oui mais pas comme maire ! J’ai l’impression de m’être glissé dans le costume de papa, et je n’y arrive pas.
Mado se leva, puis s’accroupissant auprès de son fils, elle mit tendrement sa main sur son bras, il semblait si affecté par ce qu’il vivait.
- Marc, tu es toi et je t’aime tel que tu es. Tu te mets trop la pression, personne ne s’attend à ce que tu deviennes ton père.
- Je sens dans leurs yeux un reproche permanent, les anciens rejettent systématiquement toutes mes idées en tant que maire.
Mado soupira longuement.
- Ce n’est pas ça, mais… tu as juste oublié l’essentiel, murmura-telle en grimaçant, de peur de le froisser.
- Quoi donc ? Rétorqua-t-il en fronçant les sourcils.
- Tu viens d’une grande ville, tu débordes d’idées géniales, mais sont-elles vraiment adaptées à notre petit village ? Les anciens craignent que ce lieu qu’ils aiment tant perde son âme.
- On ne peut pas vivre en permanence dans le passé, il faut faire évoluer Coustaret, le projeter dans le XXI ème siècle.
- Quel projet ? Demanda doucement Clémentine intriguée par leurs échanges.
Mado eut un petit rictus avant de reprendre.
- Ton père veut installer dans les prairies en-dessous du château, un terrain de golf avec un complexe hôtelier de grande envergure.
- Nous avons un site magnifique, exceptionnel, qui n’est pas exploité. Il est temps qu’il rapporte de l’argent à notre mairie, nous pourrions ainsi nous développer.
- Et voilà que tu recommences ! Es-tu certain que nous ayons besoin d’un tel projet ?
- Bien sûr ! Il y va de la survie de notre petite commune. Mais, l’opposition bloque systématiquement tout ce que je propose.
Mado secoua la tête doucement.
- Ils aiment ce lieu, celui de leurs ancêtres, ils veulent juste le préserver.
- L’éternel conflit de génération, rouspéta Marc en la regardant. De toute façon, cette fois-ci ils ne gagneront pas. J’ai le vote acquis de Stéphanie, c’est elle qui va reprendre ta place au conseil municipal.
Mado se releva brusquement, ses mains tremblaient légèrement.
- Il veut dire quoi Mado ? Demanda avec angoisse Clémentine en voyant le teint blême de sa grand-mère.
- J’ai… j’ai renoncé à ma place au conseil municipal, justement pour ne pas avoir de conflit avec ton père. J’estimais, qu’il était de mon devoir de me retirer.
- Et, alors, c’est qui cette Stéphanie ? Interrogea Clémentine en plissant les yeux.
- La femme de Serge, le boulanger du village.
- Et ? Oh ! Bon sang, vous ne pourriez pas être plus explicites, s’énerva Clémentine.
- Il est arrivé de Nice il y a trois ans et comme ton père il a des idées de grandeur.
- De futur, maman, de futur, la coupa Marc.
- Bref ! Rétorqua Mado en pinçant les lèvres, si Stéphanie prend ma place au conseil municipal cela leur donnera la majorité, plus rien ne fera obstacle à leurs projets.
- Et ce n’est pas bien ? Murmura Clémentine en fixant sa grand-mère.
- Je ne le pense pas, conclut Mado en se relevant.
- Papa pourquoi tu le fais alors ? Mado a passé sa vie ici, si elle pense que ce n’est pas bien, tu devrais peut-être revoir ta position non ?
- Hum ! Voilà que tu influences ma propre fille, comme si je n’avais pas assez de problèmes ainsi, rétorqua-t-il avec agressivité. En plus Clémentine tu n’arrêtes pas de te plaindre que c’est un trou perdu, tu devrais être contente. Je vais amener de la vie dans ce village, de la jeunesse, des activités, puis cela attirera des touristes, de l’argent, on aura des restaurants, des bars, des hôtels….
Mado secoua la tête tristement en s’éloignant.
- M’man cria Marc, si tu es contre moi, tous les anciens s’en rendront compte. Tu vas diviser encore plus la population, tu dois me soutenir.
Mado fit brusquement volte-face.
- Te soutenir ? Mais c’est ce que je fais depuis le début. Je suis tellement contente de ton retour, que je m’efface systématiquement pour que tu puisses trouver ta place. Tu es arrivé ici plein de rancœur, car ta femme t’avait trahi, tu étais en colère, et pour t’aider je me suis mise en retrait. Pas une fois, tu m’entends ! Pas une fois, tu m’as demandé mon avis, ce que je pensais de tes projets, non ! Tu imposais tes idées et je devais accepter. Alors aujourd’hui oui, j’en ai assez. Arrête de te plaindre, tu es un bon docteur, et les gens t’apprécient pour ton dévouement, cesse de te comparer à ton père. Je te demande juste de prendre en compte tous les avis, au lieu de repousser systématiquement ceux qui te déplaisent car ils sont émis par les anciens, leur choix compte ! Être âgé ne signifie pas être has been !
Sur ces derniers mots, Mado héla Patouf et rentra dans sa maison.
Clémentine avec un air peiné sur le visage, se tourna vers son père.
- Elle ne méritait pas cela, c’est vrai papa, tu ne penses qu’à toi et j’en sais quelque chose. Tu es venu t’établir ici sans me demander mon avis, tu agis tout le temps comme ça, tu crois toujours avoir raison. Tu sais, Mado a perdu papy, elle ne t’a jamais reproché ton absence à ses côtés, et quand tu as eu besoin d’aide elle t’a soutenu et en retour, je trouve que tu la traites avec mépris.
Marc furieux, passa ses mains dans ses cheveux blonds, il faisait près d’un mètre quatre-vingt-dix, et c’était une toute jeune fille de seize ans qui le remettait à sa place vertement. Il se mordilla la lèvre. En tant que médecin, il avait l’habitude de prendre rapidement des décisions, pour le bien d’autrui, et la communication n’était pas son fort, il n’aimait pas perdre son temps inutilement, il préférait aller à l’essentiel. Il grimaça, sa fille avait raison, il n’avait pas toujours la manière pour s’expliquer, mais sa mère se montrait intransigeante comme les anciens du village, c’était un dialogue de sourds. Il n’aimait pas les situations figées et forcément cela provoquait des conflits. Exaspéré, il fit quelques pas avant de se retourner vers sa fille.
- Je vais à la piscine, tu m’accompagnes ?
Clémentine, se mordilla les lèvres, elle était tentée vu la chaleur, mais le départ brutal de sa grand-mère la contrariait.
- Je… Je vais d’abord aller voir comment va Mado.
Piqué au vif, Marc pinça les lèvres.
- Si c’est ce que tu veux, je ne te retiens pas, ligue toi contre moi toi aussi.
- Oh ! Papa tu dramatises tout, on ne peut jamais parler avec toi, tout est forcément blanc ou noir, et si on ose te contrarier on a tort ! Maman a bien raison tu es impossible à vivre.
Stupéfait par cette dernière remarque, Marc ouvrit de grands yeux, en fixant sa fille.
- Ta mère dit ça ?
- Bien sûr ! Et tu sais qu’elle a raison, comme toi elle est médecin et pourtant à chaque fois que vous parliez, tu faisais comme si elle avait dix ans, tu la corrigeais tout le temps, sans écouter ce qu’elle essayait de t’expliquer, tu es obtus. Thierry lui, l’écoute et accorde de l’importance à ses propos.
Marc blêmit à l’évocation de son rival, serait-il possible qu’il soit devenu cet être imbuvable que sa mère et sa propre fille décrivaient ?