L'île de Pâques - Pierre Loti - E-Book

L'île de Pâques E-Book

Pierre Loti

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Beschreibung

Plongez au coeur du mystère entourant les imposantes statues de basalte de L'île de Pâques

En 1872, le jeune aspirant Julien Viaud, à bord du navire La Flore, fait route entre Valparaiso, capitale du Chili, et Tahiti, territoire français de Polynésie d’où il reviendra avec le pseudonyme de Pierre Loti (1850-1923). La mystérieuse île de Pâques est l’une des premières escales marquantes du futur grand écrivain voyageur, et ses talents de dessinateur lui valent d’être de toutes les excursions au cœur de l’île pour tenter de déchiffrer l’énigme des moai, ces hautes statues de basalte qui semblent tombées du ciel…

Pierre Loti nous propulse dans une aventure exotique à travers le récit de son exploration de l'île célèbre des eaux du Pacifique

EXTRAIT

À huit heures du matin, la vigie signale la terre, et la silhouette de l’île de Pâques se dessine légèrement dans la direction du nord-ouest. La distance est grande encore, et nous n’arriverons que dans la soirée, malgré la vitesse que les alizés nous donnent. Depuis plusieurs jours, nous avons quitté, pour venir là, ces routes habituelles que suivent les navires à travers le Pacifique, car l’île de Pâques n’est sur le passage de personne. On l’a découverte par hasard, et les rares navigateurs qui l’ont de loin en loin visitée en ont fait des récits contradictoires. La population, dont la provenance est d’ailleurs entourée d’un inquiétant mystère, s’éteint peu à peu, pour des causes inconnues, et il y reste, nous a-t-on dit, quelques douzaines seulement de sauvages, affamés et craintifs, qui se nourrissent de racines ; au milieu des solitudes de la mer, elle ne sera bientôt qu’une solitude aussi, dont les statues géantes demeureront les seules gardiennes. On n’y trouve rien, pas même une aiguade pour y faire provision d’eau douce, et, de plus, les brisants et les récifs empêchent le plus souvent d’y atterrir.

A PROPOS DE LA COLLECTION

Heureux qui comme… est une collection phare pour les Editions Magellan, avec 10 000 exemplaires vendus chaque année.
Publiée en partenariat avec le magazine Géo depuis 2004, elle compte aujourd’hui 92 titres disponibles, et pour bon nombre d’entre eux une deuxième, troisième ou quatrième édition.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Pierre Loti, né le 14 janvier 1850 à Rochefort, est un écrivain et officier de marine français. Une grande partie de son œuvre est d'inspiration autobiographique. Il s’est nourri de ses voyages pour écrire ses romans : Tahiti, le Sénégal, le Japon ou encore la Turquie qui le fascinait énormément. Il a également exploité l'exotisme régional de la Bretagne dans ses romans.

Il est mort le 10 juin 1923 à Hendaye. Membre de l'Académie française, il est enterré à Saint-Pierre-d'Oléron sur l'île d'Oléron dans le jardin d'une maison ayant appartenu à sa famille après des funérailles nationales. Sa maison à Rochefort est devenue un musée.

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L’ÎLE MYSTÉRIEUSE

Présenté par Marc Wiltz

Que faire quand on a vingt-deux ans, tous les rêves du monde dans la tête et la passion de la découverte chevillée au corps, avec le sentiment diffus que l’écriture sera le meilleur moyen pour faire advenir l’expression de cette chance inouïe de vivre éveillé ces rêves et cette passion ? Écrire, dès que possible…

En 1872, le jeune aspirant Julien Viaud, à bord du navire La Flore qui fait route entre Valparaiso, capitale du Chili, et Tahiti, territoire français de Polynésie d’où il reviendra avec le pseudonyme de Pierre Loti, ne connaît pas encore son destin. Mais il pénètre déjà, en douce, sur ce chemin qu’il suivra désormais avec persévérance, et cette escale sur une île perdue à quatre mille kilomètres de toutes terres « humaines » en est l’illustration. Pâques est étrange, comme son histoire. Le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen la visite le jour de Pâques, le 5 avril 1722, d’où son nom. Annexée par l’Espagne en 1770 sous le nom d’isla San Carlos, elle ne suscite guère d’intérêt. Des Français s’y installent vers 1864, mais l’île devient une possession chilienne en 1888. Entretemps, James Cook est l’un des premiers à l’explorer en 1774 : « Peu d’endroits au monde offrent moins de commodités pour la navigation. Il n’y a pas de mouillage sûr, ni d’eau douce qui vaille le transport. La nature s’est montrée fort avare de ses dons à l’égard de cette île. » (Relations de voyages autour du monde). Un peu plus tard, en 1786, Jean-François de La Pérouse, qui commande la première expédition française sur les lieux, s’accommode volontiers de la disponibilité des femmes, mais s’étonne de trouver là un peuple. Et tous sont frappés par ces étranges statues de pierre qui gisent au milieu de nulle part, comme tombées du ciel. L’aspirant de La Flore comme les autres. Son talent de dessinateur lui vaut quelques excursions au cœur de l’île, le temps de l’escale, mais personne, ni avant, ni après, ne solutionne ce drôle de mystère. Neuf cents hautes statues de basalte, les moai, quelques-unes encore dressées, mais la plupart couchées par le temps, sur trois cents terrasses empierrées, narguent tous les savants curieux. Y compris nos plus contemporains comme l’ethnologue Alfred Métraux, à la tête d’une mission scientifique en 1934, ou comme l’explorateur Francis Mazières, auteur de Fantastique île de Pâques (1965, plus d’un million d’exemplaires vendus et un film à succès), qui vécut là deux ans pour tenter – en vain – de percer cette énigme. Et les morceaux d’écriture indéchiffrable découverts sur place en entretiennent la bizarrerie, encore actuelle.

Le jeune marin dessinateur, qui consignait tous ses faits et gestes dans son journal, a jugé bon de reprendre vingt-sept ans plus tard, ce qu’il écrivait de cette escale pour publier un récit dans La Revue de Paris en 1899, et le dédier à son ami le comte Albert Vandal (1853-1910), historien et membre de l’Académie française. Il lui présente ainsi l’affaire :

« Pour Albert Vandal.

Il est, au milieu du Grand Océan, dans une région où l’on ne passe jamais, une île mystérieuse et isolée ; aucune autre terre ne gît en son voisinage et, à plus de huit cents lieues de toutes parts, des immensités vides et mouvantes l’environnent. Elle est plantée de hautes statues monstrueuses, œuvres d’on ne sait quelle race aujourd’hui dégénérée ou disparue, et son passé demeure une énigme.

J’y ai abordé jadis, dans ma prime jeunesse, sur une frégate à voiles, par des journées de grand vent et de nuages obscurs ; il m’en est resté le souvenir d’un pays à moitié fantastique, d’une terre de rêve.

Sur mes cahiers de petit aspirant de marine, j’avais noté au jour le jour mes impressions d’alors, avec beaucoup d’incohérence et d’enfantillage.

C’est ce journal d’enfant que j’ai traduit ci-dessous, en essayant de lui donner la précision qui lui faisait défaut. »

Récit publié dans La Revue de Paris en 1899.

L’ÎLE DE PÂQUES

I

3 janvier 1872

À huit heures du matin, la vigie signale la terre, et la silhouette de l’île de Pâques se dessine légèrement dans la direction du nord-ouest. La distance est grande encore, et nous n’arriverons que dans la soirée, malgré la vitesse que les alizés nous donnent. Depuis plusieurs jours, nous avons quitté, pour venir là, ces routes habituelles que suivent les navires à travers le Pacifique, car l’île de Pâques n’est sur le passage de personne. On l’a découverte par hasard, et les rares navigateurs qui l’ont de loin en loin visitée en ont fait des récits contradictoires. La population, dont la provenance est d’ailleurs entourée d’un inquiétant mystère, s’éteint peu à peu, pour des causes inconnues, et il y reste, nous a-t-on dit, quelques douzaines seulement de sauvages, affamés et craintifs, qui se nourrissent de racines ; au milieu des solitudes de la mer, elle ne sera bientôt qu’une solitude aussi, dont les statues géantes demeureront les seules gardiennes. On n’y trouve rien, pas même une aiguade pour y faire provision d’eau douce, et, de plus, les brisants et les récifs empêchent le plus souvent d’y atterrir.

Nous y allons, nous, pour l’explorer, et pour y prendre, si possible, une des antiques statues de pierre que notre amiral voudrait rapporter en France.

Lentement elle s’approche et se précise, l’île étrange ; sous le ciel assombri de nuages, elle nous montre des cratères rougeâtres et des rochers mornes. Un grand vent souffle et la mer se couvre d’écume blanche.

Rapa-Nui est le nom donné par les indigènes à l’île de Pâques – et, rien que dans les consonances de ce mot, il y a, me semble-t-il, de la tristesse, de la sauvagerie, et de la nuit… Nuit des temps, nuit des origines ou nuit du ciel, on ne sait trop de quelle obscurité il s’agit ; mais il est certain que ces nuages noirs, dont le pays s’enténèbre pour nous apparaître, répondent bien à l’attente de mon imagination.

À quatre heures du soir enfin, à l’abri de l’île, dans la baie où Cook vint mouiller jadis, notre frégate replie ses voiles et jette ses ancres. Des pirogues alors se détachent du singulier rivage et se dirigent vers nous, dans le vent déchaîné.

***

Voici même une sorte de baleinière, qui nous amène un semblant d’Européen ! Un bonhomme en chapeau et en paletot, nous arrivant de Rapa-Nui, cela déroute mes idées et me désenchante.

Il monte à bord, ce visiteur : c’est un vieux Danois, personnage bien imprévu,

Il y a trois ans, nous conte-t-il, l’une de ces goélettes tahitiennes, qui transportent en Amérique la nacre et les perles, a fait un détour de deux cents lieues pour le déposer ici. Et, depuis ce temps-là, il vit seul avec les indigènes, le vieil aventurier, aussi séparé de notre monde que s’il eût fixé dans la lune sa résidence. Il avait été chargé, par un planteur américain, d’acclimater dans l’île les ignames et les patates douces, afin de préparer d’immenses plantations pour l’avenir ; mais rien ne va, rien ne pousse, et les sauvages refusent de travailler. Ils sont encore trois ou quatre cents, nous dit ce vieux, groupés justement tous aux environs de la baie où nous avons jeté l’ancre, tandis que le reste du pays est devenu un désert, ou peu s’en faut. Lui, le Danois, habite une maison de pierre qu’il a trouvée en arrivant et dont il a refait la toiture ; c’était autrefois une demeure de missionnaires français – car il y a eu, durant quelques années, des missionnaires à Rapa-Nui, mais ils s’en sont allés, ou ils sont morts, on ne sait pas trop, laissant la peuplade revenir aux fétiches et aux idoles.

Tandis qu’il nous parle, j’entends derrière moi quelque chose de léger bondir, et je me retourne pour voir un des rameurs du Danois, un jeune sauvage, qui s’est enhardi jusqu’à grimper à bord. Oh ! l’étonnante figure maigre, avec un petit nez en