L'improbable - Axel Dalbert - E-Book

L'improbable E-Book

Axel Dalbert

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Beschreibung

Toujours voulu écrire…
Oh ! non que cela tienne de l’obsession, loin de là !
Une idée… comme ça.
Or il se trouve, assez curieusement par ailleurs, que je ne l’avais jusqu’ici jamais fait.
Sans doute n’était-ce jamais le bon moment…
Et puis là, sans prévenir et alors même que je ne m’y attendais plus vraiment, hop ! je m’y mets !
Non que je pense subitement tenir LE sujet après lequel court tout auteur en mal d’inspiration… non ! Je décide simplement de m’y mettre !
Alors à ce stade, j’avoue ne pas encore voir exactement ce que tout cela va donner, mais je pense être en mesure d’affirmer que si tu ressens un besoin viscéral de te ventiler le disque dur, te plonger quelques heures dans ce best-seller en devenir ne s’avérera pas la plus tarte des idées que tu auras eues aujourd’hui.
Si tant est, bien sûr, qu’il t’arrive d’en avoir…
Last but not least : pas un traître mot sur le covid ! Ni par ailleurs – la «pandémie» déposant vraisemblablement les armes –, sur quelque autre fléau ou conflit que ce soit et dont on nous accablait presque quotidiennement dans le monde «d’avant».
Nada ! Pas une ligne ! Un vrai tour de force ! Rien que pour cette raison ce chef-d'œuvre devrait coûter une blinde. Et pourtant tu vois, il t’est quasiment offert…
Alors tu diras ce que tu veux mais… tu admettras qu’à ce prix-là, ça ne fait pas cher la récréation ! Non ?
Allez, monte ! Il reste de la place…













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Axel Dalbert

L’Improbable

© 2022, Axel Dalbert.

Reproduction et traduction, même partielles, interdites.Tous droits réservés pour tous les pays.

ISBN 978-2-940723-21-8

À mon éditeur, en reconnaissance des risques encourus…*

L’auteur

* Un petit peu de lèche avant même de commencer, ça pourrait s’avérer payant !

…ou pas…

23

Passé ces injonctions initiales, cette entrée en matière décidée et enthousiaste, le doute n’a pas tardé à me gagner.

Un livre ! Comme s’il suffisait de le dire…

Ces points de suspension se révéleraient-ils sans issue ? Le troisième d’entre eux allait-il à mon insu tenir lieu de point final à mon projet et ainsi mettre un terme prématuré à celui qu’il conviendrait dès lors de rebaptiser « l’Avorté » ?

– Madame, Monsieur, si vous voulez bien vous donner la peine de descendre…

Le livre le plus court de l’histoire !

Et pourquoi pas ? Après tout… c’est une option. Un récit bref mais rythmé, dont le principal rebondissement tiendrait en une fin précoce, aussi déconcertante qu’inattendue… Que n’a-t-on trop souvent eu affaire à des ouvrages lourdauds, pompeux, indigestes. Et puis tu parles d’un effet de manche ! Concis, enlevé, soutenu, imprévisible… les clés de la réussite !

Et puis… en y réfléchissant un peu, je me suis figuré les contraintes pour un éventuel éditeur. Un livre à une page… Quand même ! Tu imagines le casse-tête ? Les problèmes techniques liés à la reliure, tout ça…

Insurmontable…

Alors par esprit de solidarité d’abord et peut-être un peu par défi ensuite, j’ai décidé de continuer ! Aidé en ce sens par d’ardentes réflexions du type :

« Eh ! as-tu idée du nombre de personnes qui vendraient père et mère pour être à ta place ? Toutes celles et ceux qui ont toujours caressé cette noble ambition et qui n’ont jamais eu l’occasion de la mener à bien, faute d’énergie ou d’opportunités ? Tu nages en pleine euphorie, tu goûtes à des moments rares et privilégiés, tu t’apprêtes à vivre une expérience formidable, hors du commun, des instants précieux… et tu prétendrais déjà baisser les bras ? Soyons sérieux ! Le caprice est l’apanage des riches. »

Tu avoueras que ce sont là de solides arguments, non ?

Mais peut-être n’avons-nous pas les mêmes aspirations, je te l’accorde. Ce qui pour moi consiste en une saine ambition découlerait peut-être, pour quelqu’un dans ton genre, d’un banal besoin de reconnaissance. Que veux-tu… nous ne pouvons pas tous prétendre évoluer dans la cour des Grands !

Je sens que l’heure est venue pour moi de me réaliser ! Je ne sais ni encore exactement comment ni sous quelle forme, mais je ne m’en préoccupe pas. Une de mes principales motivations réside dans le fait d’imaginer un potentiel éditeur qui n’aurait pas encore balancé mon manuscrit au panier et qui se dirait, comme ça :

« Attends, il nous embarque où, Machin ? Il pense vraiment nous tenir en haleine sur près de cent cinquante pages avec ça ? Je suis bien curieux de voir comment il va s’y prendre… »

Eh bien vois-tu, je me sens prêt à relever le défi ! Tu m’as suivi jusqu’ici sans rechigner, sans savoir où j’allais t’emmener, je me sens dès lors obligé de poursuivre. Et là où c’est poilant, c’est que tel que je te le disais à l’instant… je ne sais pas trop non plus. Et alors ça, tu vois, c’est assez excitant ! C’est un facteur de motivation monstre !

Tu te dis (« tu » c’est moi, dans le cas précis) : « Ok, il est là (« il » c’est donc toi, des fois que tu peines un poil à suivre…), tu ne disposes que de peu de temps pour convaincre, il va falloir voir si tu es en mesure d’improviser, d’envoyer du lourd ! Parce que si le flan retombe, le Monsieur (ou la dadame, ne soyons pas sectaires) pourrait joliment décider de te laisser en carafe, sans prévenir et ici même ! Et c’est sans parler de la contre-pub qu’il – ou elle – ne voudrait pas manquer de te faire ! »

Une combine à finir sur le coin d’une table de nuit ou un vulgaire rayonnage de bibliothèque, coincé entre un atlas de géographie sous-marine et un recueil de proverbes ouzbeks, condamné à faire office de casse-dalle aux rares lépismes qui finiront tôt ou tard par faire de cet objet leur festin, faute d’avoir autre chose de nourrissant à se mettre sous les crocs. Si tu ne termines pas au fond d’un carton destiné à une quelconque œuvre caritative…

Mais je m’égare… ce qui m’arrive relativement souvent, tu auras l’occasion de le constater.

Je disais donc qu’il s’agit là d’un fabuleux vecteur de motivation ! Combien de fois n’ai-je en effet, la mort dans l’âme, refermé un bouquin en cours de lecture, victime d’une insurmontable attaque de paupières, regrettant amèrement d’avoir à le faire et pestant de me voir contraint d’attendre le lendemain pour en poursuivre la découverte ? Je ne compte plus ! Pour le coup, de t’imaginer pris dans ta lecture au point d’en repousser ton heure de coucher jusqu’à des limites tutoyant la déraison, ça me booste !

J’idéalise un peu ? Qu’importe ! Me voilà lancé, je ne crains plus rien ! Pas même les commentaires dénigrants ni les pointes acerbes qui viendraient encore à t’échapper, gratuites émanations de ta jalousie naissante, elle-même consécutive à de primaires réflexions du type :

« Tu parles ! Des proses telles que celle-ci, totalement stériles et vides de sens, dénuées de tout intérêt sinon de celui qui consiste à repousser à l’extrême les limites du parler pour ne rien dire, moi aussi je pourrais ! »

Probablement… Mais tu reconnaîtras que sur ce coup-là tu t’es laissé prendre de vitesse. Blousé ! Un autre a osé… et avant toi ! Et cet autre… il se trouve que c’est moi. Je dois te dire (permets-moi de te mettre dans la confidence) que je ne suis pas peu fier de ça ! Il y avait un créneau, un vide à combler, je m’y suis engouffré ! Zoum ! Et tu m’excuseras mais… combler un vide par du vide… hein ? Tu avoueras que c’est fortiche, non ? Et au vu des très explicites acerbités dont tu t’es déjà intérieurement fait l’auteur à mon encontre jusqu’ici, je doute que l’art de l’abstraction littéraire soit à ta portée. Cela demande tout de même un certain entraînement, une « expérience ». Non pas que je sois passé maître dans l’art du délayage, non ; mais dans celui de la déconne… je m’en sors plutôt bien. J’ai par ailleurs toujours considéré cela comme une espèce de « figure imposée ». Une journée sans son lot de couillonnades n’est tout simplement pas une bonne journée. C’est comme ça ; ça ne s’explique pas. Et puis il y a en moi ce petit quelque chose qui doit tenir de l’altruisme, ou tout au moins qui y ressemble. Ce petit côté : « Pense à celles et ceux qui ne s’en sortent pas tout seuls… » Oh ! moi ça va, je suis capable de déconner en solo, rien que pour moi. Et j’arrive encore relativement facilement à me faire marrer. Mais j’en connais, j’aime autant te dire… s’ils n’ont pas quelqu’un pour leur mâcher le boulot… Zob !

Alors voilà : quand j’y pense, je me sens comme investi d’une mission ! Certes, cela tend à faire monter un peu la pression mais en même temps cela me permet de tirer profit de tout mon potentiel. Et… je ne te cache pas qu’il m’arrive parfois d’être surpris de l’étendue de celui-ci.

Il n’empêche, je m’aperçois déjà que d’en coucher un échantillonnage sur papier, de le proposer gracieusement, en libre-service, à des âmes dans le besoin qui ne demandent qu’à en profiter et qui ne manqueront pas de le faire, ça me galvanise ! Et puis cela me permet en même temps de gérer le patrimoine. Opération déstockage ! De quoi laisser un peu de place à la descendance, en quelque sorte…

Alors j’en entends d’ici qui prétendent que je confonds manifestement potentiel et turlupinade et qu’au contraire je ferais mieux de m’en tenir aux lots déjà produits, de fermer le dépôt à double tour et d’y appliquer les scellés. Chômage technique…

Non, ce n’est pas sérieux, on commence à peine ! Et même si la chose peut te sembler étonnante, je te garantis qu’il y a de la demande ! Ce n’est pas parce que tu as maté la couverture du dernier « Playboy » que tu n’as plus envie d’en feuilleter l’intérieur, non ? Bon…

À moins que tu ne sois de la jaquette… Auquel cas tu remplaces « Playboy » par « Playgirl » et tu verras, ça marche aussi…

22

Je me vois contraint, hélas, de procéder ici à une petite mise au point mais j’aime autant m’y coller de suite plutôt que de laisser la situation se dégrader et d’avoir à le faire plus tard, au risque de casser le rythme, alors même que nous aurons atteint notre vitesse de croisière.

On me rapporte que certains (…) trouvent déjà à râler, prétextant qu’en quatrième de couverture je leur avais promis du solide et laissé supposer qu’ils se dilateraient la rate sans interruption d’un bout à l’autre de la traversée. À les entendre, je leur aurais laissé miroiter du tellement copieux qu’ils devaient s’attendre à être pris de crampes abdominales à chaque paragraphe et que, pour le coup, à ce stade de leur lecture, ils restent un tantinet sur leur faim.

J’en prends acte.

Mais pour info, je leur signale – et ceci est également valable pour toi, tu n’es pas plus dommage que les autres – que primo, je n’ai pris aucun engagement de cette nature – tout au plus ai-je invité le quidam à venir se dégourdir le cervelet – et secundo, je leur rappelle gentiment qu’avant de se lancer dans une épreuve d’endurance il est fortement recommandé de se soumettre à une petite séance d’échauffement et de démarrer en souplesse. Nous attaquons à froid, là, mes jolis. On ne va pas prendre le risque de se claquer un zygomatique dès la première montée !

Et puis au-delà de ces considérations purement techniques, j’aime autant leur dire que ce genre de commentaires désobligeants, distillés à la louche et gratuitement, me laissent totalement indifférent et que je m’en tamponne comme de ma première dent de lait. Que les choses soient bien claires.

Pouvons-nous à présent poursuivre ?

21

Bien…

J’ose espérer qu’il s’agit là de la première et dernière fois que je me vois contraint de gaspiller un chapitre pour une banale remise à l’ordre. Je pense être en droit d’attendre de mes lecteurs un minimum de discipline. Bien sûr, il n’est pas là question d’allégeance ou de subordination ; je revendique simplement mon droit le plus légitime à la tolérance ainsi qu’au respect de mes libertés. Ceci ne manquera pas de s’avérer profitable à tout le monde.

Reprenons donc…

Je te sens quelque peu dubitatif. Inquiet. Tu te demandes probablement ce qu’une telle lecture va bien pouvoir t’apporter ; je te soupçonne même de t’inquiéter des répercussions que celle-ci pourrait avoir sur ton image.

Nous pourrions, je te le concède, en discuter longuement. Mais à quoi bon épiloguer ? L’heure n’est pas aux supputations. Pas encore. Je pense pour ma part que tu te poses un peu trop de questions, un peu prématurément. Laisse-toi aller ! Si cet écrit te procure détente et relaxation, si certains passages te font déjà sourire eh bien… tout semble indiquer qu’en jetant ton dévolu sur cet opuscule tu ne t’es pas trompé ! Et ne t’avise surtout pas de culpabiliser ! Laisse-moi te rassurer…

Mon but, en abordant l’écriture, n’était pas de te faire perdre un maximum de temps ! Ni à toi ni à celles et ceux qui en auraient à revendre et qui, par là même, auraient la fâcheuse idée de me lire ! C’eût été me tirer une balle dans le pied ! Ceci dit et juste en passant, j’espère que tu ne t’en colleras pas une dans le caisson avant la fin ! Ce serait dommage. Mais bon… les gens comprendraient…

Alors je ne prétends pas avoir de conseil à te donner mais je m’y essaie quand même : selon moi, la meilleure chose que tu as à faire est d’aborder cette lecture sereinement, sans te soucier du qu’en-dira-t-on ou de ce que les gens pourraient penser s’ils venaient à apprendre que tu me lis. Et si cela devait te rassurer, souviens-toi qu’il s’agit là de mon tout premier essai et, par conséquent, que personne ne me connaît ! Et ça, c’est la garantie pour toi d’échapper aux railleries et autres remarques désagréables du type :

« Non mais tu as vu ce que ce type est en train de lire ? Il y en a vraiment qui n’ont peur de rien ! Heureusement que le ridicule ne tue pas ! »

Et si cela devait ne pas suffire, je veux bien m’engager ici même à convaincre mon éditeur d’opter pour un habillage discret, pas trop tape-à-l’œil – genre Gallimard – de manière à ce que tu puisses en profiter aussi bien dans les transports publics qu’au bureau, en étant ainsi assuré d’échapper aux quolibets. Voilà qui pourrait même présenter l’avantage de conférer à cette perle la petite touche de sérieux qui pourrait très éventuellement, selon certains, lui faire défaut. Tu vois, j’ai toujours été pour les compromis dès lors que l’on touche à la sensibilité des gens. Et puis, en ce qui me concerne, je t’avouerais que j’accorde relativement peu d’importance à la façade. Alors si ça peut arranger tes bidons…

Je ne cherche accessoirement pas plus que cela à donner dans l’exhibitionnisme. Le grand format, la belle couverture pleine de couleurs, c’est un créneau déjà pas mal occupé. Et puis… je n’aurais pas grand intérêt à marcher sur les plates-bandes de mon pote Titeuf. De surcroît, je devine en la sobriété nombre d’avantages que tu ne manqueras pas de retirer ! Moi, tu pourras me laisser traîner à loisir sur le siège avant de ta bagnole ou au bureau, sans pour autant te faire pointer du doigt ou t’attirer les foudres des mal-pensants. Quel que soit ton standing, tu auras toujours la possibilité de m’entreprendre discrètement lors d’une réunion casse-noix qui viendrait à traîner en longueur, lors d’une soirée pompeuse, d’un meeting auquel on t’aurait astreint, d’un débat politique ou que sais-je encore…

Pardon ? Non, j’ai dit une soirée « pompeuse », pas une soirée « lors de laquelle tu te fais pomper » ! Auquel cas je te déconseille fortement de t’encombrer de ce précis. Cela pourrait froisser la dame – respectivement ton giton, n’allons pas nous mettre à dos d’éventuels lecteurs – de te sentir concentré sur ta lecture plutôt que sur la galanterie qu’il ou elle serait en train de t’administrer et, dès lors, porter un préjudice fatal à ta tumescence ; ce à quoi ils (je simplifie) ne « goûteraient » vraisemblablement que modérément…

Je disais donc que nonobstant son impalpable inclination à la grivoiserie, tu pourras sans autre l’oublier où que ce soit, sur le comptoir de ton bar préféré – là où tout le monde te connaît – ou sur un pupitre de l’Assemblée Fédérale (ou Nationale pour les Gaulois. Soyons optimistes, ma gouaille devrait séduire au-delà des frontières), sans pour autant perdre la face. Je réponds de cela !

Par ailleurs, en prenant l’option de jouer la carte de la discrétion, les gens seront persuadés que tu donnes dans du sérieux, dans le dernier prix littéraire en date ou quelque chose dans le genre. En outre, à l’heure où tu me lis, il n’est pas totalement exclu qu’il s’agisse EFFECTIVEMENT du dernier ouvrage primé par les différentes académies ! Pour autant bien sûr que leurs jurés aient un minimum de jugeote, fassent preuve d’un tant soit peu d’objectivité, qu’ils ne rechignent pas à faire montre d’anticipation et de modernisme, qu’ils osent, tout simplement !

Certes, y aller au culot n’est généralement pas la capacité par laquelle ils se démarquent, mais il est des cas où la question ne devrait même pas se poser, où réticence et circonspection ne devraient tout simplement pas avoir voix au chapitre. Au diable pudeur et convenances ! Pour peu qu’ils laissent parler leur cœur (et leur raison), nous devrions assister sous peu à un véritable plébiscite !

Voilà qui devrait définitivement suffire à te rassurer. Non ? Bien… ceci étant dit et passé ces considérations purement matérialistes, nous allons enfin pouvoir nous concentrer à nouveau sur le fond.

D’aucuns prétendront que dans l’affaire qui nous intéresse il s’agit du fond du panier. Qu’ils sachent que je les ignore et que, d’un commun accord avec moi-même, je décide de traiter cette désobligeante remarque par le mépris.

Voilà qui est dit.

Le fond, donc… puisque c’est tout de même de cela qu’il est question lorsque l’on s’engage tête la première dans un écrit.

(Une parenthèse ici pour te proposer de signaler à ton entourage, plus précisément à celles et ceux qui n’auraient pas encore commis l’irréparable que tu n’as su éviter, d’éventuellement aborder cette lecture de dos, de manière à pouvoir s’en échapper plus rapidement s’ils devaient, contre toute attente, ne pas tenir le choc. Je referme cette parenthèse que, dans un nouvel élan d’altruisme et par souci du bien-être de mon lectorat, je me sentais en devoir d’ouvrir).

Dis-moi si je me trompe, mais je te soupçonne d’avoir déjà décrypté ma manière de procéder ainsi que la facilité déconcertante avec laquelle je parviens à repousser sans cesse le fatidique instant où, dos au mur, je me trouverai dans l’obligation de te servir quelque chose de concret. De l’épais, du bien nourri, du fouillé, quelque chose qui t’interpelle et te pousse à la réflexion, à la remise en question.

Habile ! Je m’incline. Mais s’il te plaît, garde cela pour toi ! Après tout… tout le monde n’a pas besoin de savoir, tu ne crois pas ? Et puis mets-toi un peu à ma place ! Ça me facilite quand même grandement le boulot ! Maintenant, si la chose devait te poser problème, tu n’as qu’à considérer ma manière de faire comme un exercice de style. Et puis nous ne sommes pas forcément pressés ? Je vais te faire une confidence : je trouverais dommage de me laisser aller à la précipitation. Je me laisse actuellement bercer par les flots d’une inspiration fertile, ma plume s’y abandonne et se laisse entraîner par le courant fécond des vagues qu’elle induit… (Je t’offre ici ces points de suspension afin de te permettre d’apprécier à leur juste valeur la mélodie, le velouté, le rythme, la profondeur de cette dernière tirade).

Alors même si mon jet (et là il n’est plus question de turlute) n’atteint pas des niveaux stratosphériques d’un point de vue purement philosophique, il présente tout de même l’avantage de me permettre de noircir du papier. Et ce dont les gens comme toi n’ont pas forcément conscience, c’est que le temps que tu passes à écrire tu le passes également à te demander combien de temps cela va encore durer.

L’angoisse de l’écrivain… tu as déjà entendu parler ? Non ? « L’angoisse de la page blanche ». Vraiment ? Eh bien je n’en suis pas à une confidence près : sache que c’est du flan ! Ce n’est pas qu’elle soit blanche qui est flippant… c’est d’avoir à la noircir ! Nuance… Celui qui ne serait pas capable de démarrer n’a qu’à changer de boulot ! Non, ce qui crispe, c’est que le robinet s’assèche, que la source se tarisse.

Ça y est, voilà que je donne dans la poésie maintenant…

Soyons honnêtes, j’avoue qu’il peut nous arriver à tous de nous trouver dans « un jour sans ». Mais si vraiment le problème devait être lié à l’angoisse générée par l’immaculée blancheur de la page en question (il paraît vraiment que certains font un blocage là-dessus), alors peut-être leur faudrait-il envisager de pondre leur manuscrit sur du papier jaune… Pourquoi chercher midi à quatorze heures ?

Non, plus sérieusement, j’avoue qu’au soir de mon premier jour d’écriture je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si je serais capable de m’y remettre le lendemain et de poursuivre dans le même élan, une rédaction de la même veine, nourrie de la même énergie et de la même intonation. Eh bien j’ai vite été rassuré, je te prie de me croire ! Celui qui roule sur la jante un jour et qui ne prend pas la peine de changer de roue, roule également sur la jante le lendemain ! Ça tombe sous le sens ! Du coup, ça m’a détendu et j’ai pu continuer à me lâcher !… À ton plus grand désarroi seras-tu probablement tenté de dire… Chose que je m’en vais sagement ignorer…

C’est vrai, quoi ! Tu imagines le temps que tu aurais gagné – ou plutôt devrais-je dire « celui que tu n’aurais pas perdu » – si j’étais resté en rade au matin du deuxième jour ? Je n’ose même pas y penser ! À supposer, pour couronner le tout, que tu ne sois pas le seul à me lire, si on mettait bout à bout le temps perdu par chacun d’entre vous ! Non mais tu te rends compte ?! Des vies entières ! Ouh la la ! Il vaut mieux que je ne pense pas à ça… je risquerais d’être pris de remords. Le temps étant, paraît-il, de l’argent (ce n’est pas Benjamin Franklin qui me contredirait), cela voudrait me coûter une petite fortune si vous décidiez tous de me faire parvenir votre note d’honoraires pour, je cite : « Temps perdu parce que passé à vous lire ». (Oui, dans les correspondances officielles, il vaut mieux user de la formule de politesse). En deux mots comme en cent : la ruine assurée pour ma pomme !

En même temps, j’implore un minimum de tolérance de votre part à tous, à porter en compte à la rubrique : « Ce qu’un auteur débutant ignore », lequel, au moment d’accoucher de sa prose, n’a pas forcément conscience des ravages dont pourrait éventuellement pâtir son public et dont il pourrait, plus tard, être tenu pour responsable. Ravages de différentes natures, ayant tantôt trait à des déviances d’ordre psychique constatées sur des êtres jusque-là sains d’esprit, tantôt d’ordre physique, lorsque des individus jusque-là sains de corps cette fois-ci, ne décident d’appliquer à la lettre l’expression « se taper la tête contre les murs » …

Alors oui, je l’avoue : à l’heure où j’écris ces lignes, je ne mesure pas forcément l’ampleur de l’impact négatif que celles-ci pourraient très hypothétiquement – et là, j’insiste sur ce terme – avoir sur une ou plusieurs générations de lecteurs qui, diront-ils à leur décharge, « ne pouvaient pas savoir, ne se seraient pas doutés un seul instant, blabla, blabla, bla » …

Peut-être ! Mais à MA décharge cette fois, personne ne les oblige à me lire ! C’est facile, après coup, de se positionner en victime, en souffre-douleur et de venir geindre et pleurnicher !

« Tu ne te rends pas compte, le mal que ce type nous a fait… » – je dis « nous » parce que je vous soupçonne d’être capables de vous constituer en association pour avoir plus de poids. Et bien je te le dis tout de go : plutôt que de venir vous plaindre maintenant vous auriez mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant, et de bien regarder où vous mettiez les doigts. Les yeux. Parce que je te prie d’admettre, juste en passant, qu’il a dû vous falloir insister ! Qu’est-ce qu’il a de plus que les autres ce livre, hein ? Souviens-toi, la jaquette discrète (cf. page 18). Moi je passerais à côté, en librairie, sans même le remarquer. Il y en avait certainement beaucoup d’autres tout autour, plus engageants, des choses très bien, très comme il faut… Eh bien non ! Toi, il a fallu que tu jettes ton dévolu sur celui-là ! Mais il te faut assumer maintenant, mon petit ! Les gars qui pratiquent le sport extrême et qui se vautrent en parapente ou en wingsuit, ils le font en toute connaissance de cause et ils ne viennent pas te chialer dans le gilet après coup ! (Les plus intrépides d’entre eux, pour peu qu’ils s’appliquent la moindre, n’auraient par ailleurs plus vraiment la possibilité de le faire). Eh bien ce qui est valable pour eux l’est également pour toi ! Tu as décidé de pratiquer la lecture extrême, tu n’as qu’à assumer ! Et ne venez pas tous maintenant me courir sur le haricot avec des revendications de toutes sortes ! Vous êtes grands !

Ouh là !… Je me sens mieux tout d’un coup ! Quand on prétend qu’un petit caca nerveux de temps à autre ça soulage, on ne croit pas si bien dire ! Je me sens comme déchargé (et là, il n’est plus question de caca…) d’un lourd fardeau. Parce que ce dont les gens ne se rendent pas compte, c’est qu’à revendiquer à hue et à dia en cours de lecture, ils finissent par me déstabiliser ! Je ne suis pas ce surhomme que beaucoup s’imaginent déjà, capable de surfer sur le flot continu des protestations sans que ces dernières ne parviennent à entamer une carapace prétendument étanche et impénétrable ! Non ! Je suis ce petit être délicat tendre et sensible, ayant pour principal souci le bien-être et la quiétude de ses semblables et toujours prêt à porter une oreille attentive et compatissante à chacune de leurs revendications. Et vois-tu – là, je personnalise à nouveau le discours pour que tu prennes pleinement la mesure de mes tourments –, titiller cette sensibilité exacerbée à tort et à travers risque d’avoir une influence négative sur ma manière de faire et de penser, en un mot : sur mon style. Le cas échéant, je suis prêt à parier que tu serais le premier à t’en plaindre. Alors tu serais gentil de garder dorénavant pour toi tes réflexions, tout du moins jusqu’à la fin de ta lecture et d’éviter, dans la mesure du possible, de m’interrompre à tout-va. C’est très désagréable et particulièrement déstabilisant.

Merci.

20

Ç