L'Ingénu - Voltaire - E-Book

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Voltaire

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Beschreibung

"L'Ingénu" est une oeuvre écrite par Voltaire étiquetée généralement comme conte ou roman philosophique et publié en 1767. 

"L'Ingénu" comprend vingt chapitres : les sept premiers ainsi que les deux derniers se déroulent en Bretagne, le huitième sur la route vers Paris et tous les autres se passent dans la capitale française.
Voltaire y raconte les aventures d’un Huron (« l’Ingénu ») qui, arrivé en France, regarde la vie française avec candeur, innocence et naïveté. Il est engagé dans une histoire d'amour et se trouve confronté à de multiples difficultés face aux pouvoirs religieux et tyranniques du siècle de Louis XIV.

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table des matières

Chapitre I - Comment le prieur de Notre-Dame de la Montagne et mademoiselle sa sœur rencontrèrent un Huron.

Chapitre II - Le Huron, nommé l’Ingénu, reconnu de ses parents.

Chapitre III - Le Huron, nommé l’Ingénu, converti.

Chapitre IV - L’Ingénu baptisé.

Chapitre V - L’Ingénu amoureux.

Chapitre VI - L’Ingénu court chez sa maîtresse, et devient furieux.

Chapitre VII - L’Ingénu repousse les Anglais.

Chapitre VIII - L’Ingénu va en cour. Il soupe en chemin avec des huguenots.

Chapitre IX - Arrivée de l’Ingénu à Versailles. Sa réception à la cour.

Chapitre X - L’Ingénu enfermé à la Bastille avec un janséniste.

Chapitre XI - Comment l’Ingénu développe son génie.

Chapitre XII - Ce que l’Ingénu pense des pièces de théâtre.

Chapitre XIII - La belle Saint-Yves va à Versailles.

Chapitre XIV - Progrès de l’esprit de l’Ingénu.

Chapitre XV - La belle Saint-Yves résiste à des propositions délicates.

Chapitre XVI - Elle consulte un jésuite.

Chapitre XVII - Elle succombe par vertu.

Chapitre XVIII - Elle délivre son amant et un janséniste.

Chapitre XIX - L’Ingénu, la belle Saint-Yves, et leurs parents, sont rassemblés.

Chapitre XX - La belle Saint-Yves meurt, et ce qui en arrive.

L'INGÉNU

Voltaire

Chapitre I - Comment le prieur de Notre-Dame de la Montagne et mademoiselle sa sœur rencontrèrent un Huron.

Un jour saint Dunstan, Irlandais de nation et saint de profession, partit d’Irlande sur une petite montagne qui vogua vers les côtes de France, et arriva par cette voiture à la baie de Saint-Malo. Quand il fut à bord, il donna la bénédiction à sa montagne, qui lui fit de profondes révérences, et s’en retourna en Irlande par le même chemin qu’elle était venue.

Dunstan fonda un petit prieuré dans ces quartiers-là, et lui donna le nom de prieuré de la Montagne, qu’il porte encore, comme un chacun sait.

En l’année 1689, le 15 juillet au soir, l’abbé de Kerkabon, prieur de Notre-Dame de la Montagne, se promenait sur le bord de la mer avec mademoiselle de Kerkabon, sa sœur, pour prendre le frais. Le prieur, déjà un peu sur l’âge, était un très bon ecclésiastique, aimé de ses voisins, après l’avoir été autrefois de ses voisines. Ce qui lui avait donné surtout une grande considération, c’est qu’il était le seul bénéficier du pays qu’on ne fût pas obligé de porter dans son lit quand il avait soupé avec ses confrères. Il savait assez honnêtement de théologie ; et quand il était las de lire saint Augustin, il s’amusait avec Rabelais : aussi tout le monde disait du bien de lui.

Mademoiselle de Kerkabon, qui n’avait jamais été mariée, quoiqu’elle eût grande envie de l’être, conservait de la fraîcheur à l’âge de quarante-cinq ans ; son caractère était bon et sensible ; elle aimait le plaisir et était dévote.

Le prieur disait à sa sœur, en regardant la mer :

— Hélas ! c’est ici que s’embarqua notre pauvre frère avec notre chère belle-sœur madame de Kerkabon, sa femme, sur la frégate l’Hirondelle, en 1669, pour aller servir en Canada. S’il n’avait pas été tué, nous pourrions espérer de le revoir encore.

— Croyez-vous, disait mademoiselle de Kerkabon, que notre belle-sœur ait été mangée par les Iroquois, comme on nous l’a dit ? Il est certain que si elle n’avait pas été mangée, elle serait revenue au pays. Je la pleurerai toute ma vie ; c’était une femme charmante ; et notre frère qui avait beaucoup d’esprit aurait fait assurément une grande fortune.

Comme ils s’attendrissaient l’un et l’autre à ce souvenir, ils virent entrer dans la baie de Rance un petit bâtiment qui arrivait avec la marée : c’étaient des Anglais qui venaient vendre quelques denrées de leur pays. Ils sautèrent à terre, sans regarder monsieur le prieur ni mademoiselle sa sœur, qui fut très choquée du peu d’attention qu’on avait pour elle.

Il n’en fut pas de même d’un jeune homme très bien fait qui s’élança d’un saut par-dessus la tête de ses compagnons, et se trouva vis-à-vis mademoiselle. Il lui fit un signe de tête, n’étant pas dans l’usage de faire la révérence. Sa figure et son ajustement attirèrent les regards du frère et de la sœur. Il était nu-tête et nu-jambes, les pieds chaussés de petites sandales, le chef orné de longs cheveux en tresses, un petit pourpoint qui serrait une taille fine et dégagée ; l’air martial et doux. Il tenait dans sa main une petite bouteille d’eau des Barbades, et dans l’autre une espèce de bourse dans laquelle était un gobelet et de très bon biscuit de mer. Il parlait français fort intelligiblement. Il présenta de son eau des Barbades à mademoiselle de Kerkabon et à monsieur son frère ; il en but avec eux : il leur en fit reboire encore, et tout cela d’un air si simple et si naturel, que le frère et la sœur en furent charmés. Ils lui offrirent leurs services, en lui demandant qui il était et où il allait. Le jeune homme leur répondit qu’il n’en savait rien, qu’il était curieux, qu’il avait voulu voir comment les côtes de France étaient faites, qu’il était venu, et allait s’en retourner.

Monsieur le prieur jugeant à son accent qu’il n’était pas Anglais, prit la liberté de lui demander de quel pays il était.

— Je suis Huron, lui répondit le jeune homme.

Mademoiselle de Kerkabon, étonnée et enchantée de voir un Huron qui lui avait fait des politesses, pria le jeune homme à souper ; il ne se fit pas prier deux fois, et tous trois allèrent de compagnie au prieuré de Notre-Dame de la Montagne.

La courte et ronde demoiselle le regardait de tous ses petits yeux, et disait de temps en temps au prieur :

— Ce grand garçon-là a un teint de lis et de rose ! qu’il a une belle peau pour un Huron !

— Vous avez raison, ma sœur, disait le prieur.

Elle faisait cent questions coup sur coup, et le voyageur répondait toujours fort juste.

Le bruit se répandit bientôt qu’il y avait un Huron au prieuré. La bonne compagnie du canton s’empressa d’y venir souper. L’abbé de Saint-Yves y vint avec mademoiselle sa sœur, jeune basse-brette, fort jolie et très bien élevée. Le bailli, le receveur des tailles, et leurs femmes furent du souper. On plaça l’étranger entre mademoiselle de Kerkabon et mademoiselle de Saint-Yves. Tout le monde le regardait avec admiration ; tout le monde lui parlait et l’interrogeait à la fois ; le Huron ne s’en émouvait pas. Il semblait qu’il eût pris pour sa devise celle de milord Bolingbroke, Nihil admirari. Mais à la fin, excédé de tant de bruit, il leur dit avec assez de douceur, mais avec un peu de fermeté :

— Messieurs, dans mon pays on parle l’un après l’autre ; comment voulez-vous que je vous réponde quand vous m’empêchez de vous entendre ? La raison fait toujours rentrer les hommes en eux-mêmes pour quelques moments : il se fit un grand silence.

Monsieur le bailli, qui s’emparait toujours des étrangers dans quelque maison qu’il se trouvât, et qui était le plus grand questionneur de la province, lui dit en ouvrant la bouche d’un demi-pied :

— Monsieur, comment vous nommez-vous ?

— On m’a toujours appelé l’Ingénu, reprit le Huron, et on m’a confirmé ce nom en Angleterre, parce que je dis toujours naïvement ce que je pense, comme je fais tout ce que je veux.

— Comment, étant né Huron, avez-vous pu, monsieur, venir en Angleterre ?

— C’est qu’on m’y a mené ; j’ai été fait, dans un combat, prisonnier par les Anglais, après m’être assez bien défendu ; et les Anglais, qui aiment la bravoure, parce qu’ils sont braves et qu’ils sont aussi honnêtes que nous, m’ayant proposé de me rendre à mes parents ou de venir en Angleterre, j’acceptai le dernier parti, parce que de mon naturel j’aime passionnément à voir du pays.

— Mais, monsieur, dit le bailli avec son ton imposant, comment avez-vous pu abandonner ainsi père et mère ?

— C’est que je n’ai jamais connu ni père ni mère, dit l’étranger.

La compagnie s’attendrit, et tout le monde répétait, « Ni père, ni mère ! Nous lui en servirons », dit la maîtresse de la maison à son frère le prieur : « que ce monsieur le Huron est intéressant ! » L’Ingénu la remercia avec une cordialité noble et fière, et lui fit comprendre qu’il n’avait besoin de rien.

— Je m’aperçois, monsieur l’Ingénu, dit le grave bailli, que vous parlez mieux français qu’il n’appartient à un Huron.

— Un Français, dit-il, que nous avions pris dans ma grande jeunesse en Huronie, et pour qui je conçus beaucoup d’amitié, m’enseigna sa langue ; j’apprends très vite ce que je veux apprendre. J’ai trouvé en arrivant à Plymouth un de vos Français réfugiés que vous appelez huguenots, je ne sais pourquoi ; il m’a fait faire quelques progrès dans la connaissance de votre langue ; et dès que j’ai pu m’exprimer intelligiblement, je suis venu voir votre pays, parce que j’aime assez les Français quand ils ne font pas trop de questions.

L’abbé de Saint-Yves, malgré ce petit avertissement, lui demanda laquelle des trois langues lui plaisait davantage, la hurone, l’anglaise, ou la française.

— La hurone, sans contredit, répondit l’Ingénu.

— Est-il possible ? s’écria mademoiselle de Kerkabon ; j’avais toujours cru que le français était la plus belle de toutes les langues après le bas-breton.