L'obsolescence du large - Jean-Pascal Ansermoz - E-Book

L'obsolescence du large E-Book

Jean-Pascal Ansermoz

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Beschreibung

-Dis Jacques, qu'est-ce qu'il faut faire pour rester jeune ? -Oublier de vieillir... Pour Léo, le monde s'écroule le jour où sa mère a un accident de voiture. Son père décide alors de tout quitter pour s'installer à des centaines de kilomètres, au bord de la mer, près de ses grands-parents que Léo ne connaît que des fêtes d'anniversaire et des réunions de famille. Sans ses repères, sans sa mère, sans ses amis, Léo se retrouve abandonné en plein été dans un petit village, le cour lourd et l'âme en peine. Ce n'est que lorsqu'il fait la rencontre de Jacques, le tenancier du tabac-presse, que sa vie se transforme pour la seconde fois. Car Jacques a une méthode infaillible pour redonner sens à une vie...

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Jean-Pascal Ansermoz est une plume atypique de la scène littéraire en Suisse. Né en 1974 à Dakar (Sénégal), il passe son baccalauréat à Bâle avant d'entamer ses études à Lausanne. Depuis 2009, il écrit aussi en langue allemande. Il vit à Guin, près de Fribourg, en Suisse.

www.jeanpascalansermoz.ch

Ce sera par un jour d'automne

Avant que le froid ne revienne

Nous franchirons toutes les haies

Et nous traverserons la ville

Avant que sur la plaine brûlée

Ne se ferment les logis humains

Nous irons à deux vers l'ouvert

Ouverts à ceux qui comme nous

Rient et pleurent ...

François Cheng, Le long d'un amour

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

CHAPITRE 1

La porte de l’armoire à glace grinça affreusement dans le silence qu’emprisonnait la maison. Léo s’arrêta net. Son père l’avait-il entendu ? Il ne manquerait plus qu’il le surprenne dans la salle de bains ! Mais rien ne bougea dans le couloir.

Rien ne remua un étage plus bas non plus.

D’où il était, la seule chose qu’il entendait était le son de la télévision. Il savait que son père la regarderait jusqu’à s’endormir devant. Mais il savait tout autant qu’il était bien trop tôt pour ça. Il venait tout juste d’ouvrir une bouteille de rouge. Ça prendrait le temps de quelques verres avant les ronflements.

Parfois la télévision était toujours allumée lorsque Léo descendait pour prendre son petit déjeuner. Il l’éteignait alors, tout en faisant attention de ne pas réveiller son père. Le chat s’en chargeait lorsqu’il rentrait de sa virée nocturne. Et Léo, à ce moment-là, se trouvait déjà sur le chemin de l’école. À chacun sa tâche ménagère.

Pour le moment, il y avait des choses que son père n’avait pas besoin de savoir. Le surprendre dans la salle de bains avec le parfum de sa mère en était une.

Malgré la crainte d’être découvert, Léo resta immobile devant l’armoire ouverte. Son coeur battait la chamade au rythme d’une polka russe. À croire qu’il ne pouvait partir de là qu’en pas chassés. Le flacon de parfum était toujours là, presque vide à présent, mais toujours là. Léo déglutit, puis secoua énergiquement la tête, persuadé qu’ainsi les mauvaises pensées, la honte et la culpabilité n’arriveraient pas à s’incruster dans son cerveau. Elles le guettaient jour et nuit depuis un certain temps, et il était sûr qu’elles pourraient très bien le tuer s’il ne faisait pas attention. Un regard furtif vers le couloir vide. Rapidement il prit le flacon et, sur la pointe des pieds, rejoignit sa chambre.

CHAPITRE 2

Elle se trouvait au premier étage, la fenêtre à moitié encastrée dans le toit en pente. Tôt déjà Léo avait trouvé le moyen de partir sans être vu. C’était un jeu d’enfant, et, à treize ans, presque une insulte. Grimper sur son bureau, sortir, éviter la tôle brûlante autour de la cheminée et ne pas s’approcher trop près du bord. Puis lentement se laisser glisser de l’autre côté vers les branches que lui tendait un pommier qui avait dû être là bien avant la maison, peut-être même avant la vallée elle-même. Son tronc sinueux donnait à Léo les appuis et prises nécessaires pour descendre en toute sécurité.

Un instant il s’accroupit à côté du mur en pierre, perçut la chaleur du jour qui s’en dégageait. Rien ne bougeait dans le jardin. Il voulut se lever au moment où il sentit le chat contre ses jambes. L’animal le regarda attentivement, frotta sa tête contre lui, la queue en point d’interrogation.

— Pas maintenant mon grand, lui chuchota Léo tout en gardant un oeil inquiet sur le seul endroit de la véranda d’où on aurait pu l’apercevoir. Ce n’est pas qu’il avait peur que son père puisse soudain faire son apparition. Une fois que celui-ci s’était installé dans son fauteuil, plus rien ne pouvait le faire se relever. Peut-être si la maison brûlait. Ou qu’un homme avec un masque de cuir faisait son apparition en agitant une tronçonneuse. Léo n’avait essayé ni l’un ni l’autre.

Il caressa deux, trois fois la tête du félin, puis deux pas rapides, un saut. Il passa la clôture et disparut dans le petit bois adjacent.

Le soleil venait de toucher la ligne d’horizon lorsqu’il arriva en haut de la colline. Le ciel n’était pas limpide. Il ne l’était jamais ici. Des nuages trompaient les clartés crépusculaires et cachaient l’arrivée de la nuit en reflétant des couleurs en trompe-l’oeil.

C’était le moment qu’il préférait.

Avant.

Celui où tout basculait.

Celui qui a tout fait basculer.

Les yeux pleins de lumières et le coeur qui gonfle d’un sentiment aussi vaste que le ciel. Depuis la branche de l’arbre, à quelques mètres du sol, Léo avait une vue imprenable sur la vallée et le petit village.

Les montagnes formaient à cet endroit une baignoire sombre que la nuit commençait lentement à remplir d’obscurité. On ne voyait plus que le clocher de l’église qui vaillamment se battait contre l’irréfutable.

Les larmes lui montèrent aux yeux et cette fois-ci, il ne les retint pas. Treize ans ne valaient pas grand-chose, même fêtés récemment. Une vie entière n’aurait probablement pas suffi non plus, puisque c’était le dernier soir de sa vie.

Demain il n’en resterait que des cendres.

Deux hommes en uniforme s’étaient pointés à la porte. Il s’est senti fier de leur ouvrir, de leur dire que tout le monde était parti, mais qu’ils pouvaient joindre sa mère sur son portable s’il le fallait. Il pouvait même leur donner le numéro. Elle l’avait noté sur un post-it qu’elle avait collé sur le frigidaire. Ils avaient échangé un regard gêné.

—Et ton père ? avaient-ils fini par demander.

TROIS MOIS PLUS TARD

CHAPITRE 3

Léo s’arrêta hors d’haleine et essaya de savoir d’après le bruit que faisaient ses poursuivants où ils se trouvaient. Tout ce qu’il entendit pourtant fut les battements de son coeur. Il fallait choisir à présent. Une fois qu’il emprunterait l’une des petites ruelles, il ne lui serait pas possible de revenir en arrière. Ni de la quitter. Elles étaient toutes étroites, flanquées de murs en pierre et soutenues par des marches courbées par les années à desservir la mer. Les cris derrière lui avaient pour but d’accroître sa peur, et par là, de lui faire faire un mauvais choix. Il le savait. Il le sentait. Mais pas aujourd’hui.

Ses poursuivants arrivant par deux côtés, avaient fini par se séparer au cas où il aurait eu l’idée de revenir à la rue principale pour les faire tourner en rond. La mer donc.

Sa tête lui dit qu’il fallait prendre la ruelle de gauche. Son coeur courait vers celle du milieu. Son corps tendait vers la droite. Réfléchir ne servirait à rien. Céder à la panique non plus. Restait le chemin du milieu.

Léo regarda par-dessus son épaule et constata avec fierté qu’il lui restait quelques secondes d’avance. Il eut l’audace de sourire et se remit à courir, laissant le dénivelé prendre soin de sa vitesse. Observant sa foulée s’allonger, le souffle se libérer dans l’effort, les pas s’adapter aux marches. Ne plus penser, les yeux rivés sur les pierres.