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Il était une fois, dans un pays lointain et inconnu, six femmes de générations, de conditions et de confessions différentes, emmurées dans une tour pour rébellion ou dérogation aux dictums fraîchement ratifiés par les trois religions d’État, unies sous une même bannière pour faire plier les récalcitrantes. Pour la plupart d’entre elles, il suffirait pourtant de se soumettre pour recouvrer la liberté…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Louis Chamack est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre, parmi lesquelles "L’herbe amère", "Don Cervantes ou le Manchot de Lépante" – œuvre majeure et intemporelle à ses yeux – et "La rédemption d’Aaron", récompensée par le prix de la Fondation Beaumarchais en 2009. Son ouvrage actuel rend hommage aux femmes persécutées par le fanatisme religieux.
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Seitenzahl: 82
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Louis Chamack
La 1002e nuit
Les femmes de la citadelle
Théâtre
© Lys Bleu Éditions – Louis Chamack
ISBN : 979-10-422-6437-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
– L’herbe amère, créée au théâtre Hébertot en 1996, éditée aux Éditions Théâtrales
– La Rédemption d’Aaron, prix de la Fondation Beaumarchais en 2009
– Juste avant l’aube, éditée par Christophe Mory chez L’Œil du Prince en 2011
– À la droite du père : la prise de pouvoir de l’extrême droite et ses conséquences…, éditée par L’Œil du Prince en 2012
– Don Cervantes ou le Manchot de Lépante, 1991
– La 1002ᵉ nuit – Les femmes de la citadelle, 2011, une pièce en hommage aux femmes persécutées par le fanatisme religieux
– Papagay et les drôles d’oiseaux, 2021, première comédie de l’auteur sur le racisme ordinaire…
La 1002e nuit est une fable, une tragi-comédie aigre-douce.
Un décor unique : une cellule où sont enfermées les six détenues.
Six personnages :
Louma, vieille musulmane, usée avant l’âge, quelque peu aigrie par une vie de soumission et de brimades, se révélant toutefois au fil du temps comme un être sensible et non résigné.
Rose, la cinquantaine, musulmane, laïque, éduquée. C’est l’intellectuelle et la clé de voûte du groupe.
Maya, issue d’une famille juive ultraorthodoxe, environ 25 ans, sauvageonne et rebelle, tenaillée par une sensualité excessive.
Kamaria, la trentaine, noire animiste, en retrait, assez réservée, mais très attentive à chacune et témoignant d’une force certaine.
La folle, environ 20 ans, délibérément placée par les autorités parmi ces femmes afin de discréditer leur combat.
Marie, jeune catholique, issue d’une famille fervente intégriste, bannie des siens dès la découverte de sa grossesse hors mariage.
Il était une fois dans un pays lointain et inconnu, six femmes de générations, de conditions et de confessions différentes, emmurées dans une tour pour rébellion ou dérogation aux dictums, fraîchement ratifiés par les trois religions d’État, unies sous une même bannière, pour faire plier les récalcitrantes.
Pour la plupart d’entre elles, il suffirait pourtant de se soumettre pour recouvrer la liberté…
L’analogie avec les prisonnières de la Tour de Constance d’Aigues-Mortes n’est pas fortuite. La véritable histoire de ces protestantes recluses dans cette forteresse durant des années par Louis XIV pour les contraindre à renier leur foi et se convertir au Christianisme, sera évoquée par Rose, la plus cultivée et la plus rebelle d’entre elles.
Pour celle-ci, une simple soumission ne suffira plus, car elle est musulmane et sa condamnation devra servir d’exemple à ses coreligionnaires susceptibles de revendiquer un autre droit que celui autorisé par les lois religieuses.
Plus tard, elle racontera par bribes son procès aux autres détenues en leur cachant sa véritable issue.
Toutefois la gravité des actes d’accusation poussera la plus jeune et la plus perspicace à semer le doute et une angoisse commune dans l’attente de la sentence.
Démunies de tout, leur seule force réside en une union sacrée qui se forgera au fil des jours et des mois, malgré les divergences et les antagonismes qui les opposent dans une promiscuité propice aux affrontements quotidiens.
Et le dénouement fatal de la charismatique Rose cimentera ces femmes dans leur but pour exister.
Au final, comme sa consœur d’un temps passé, plutôt que de se soumettre et au prix de sa liberté, la plus jeune gravera sur le mur le mot « Résister ».
Et la 1002e nuit ne sera pas la dernière…
Une femme sans âge aux cheveux blancs noués sur la nuque est agrippée aux barreaux de la petite meurtrière qui s’ouvre sur un ciel presque noir.
Elle tourne le dos au public, mais on la distingue nettement grâce au halo de lumière orienté sur elle, tandis que tout le reste du lieu est plongé dans l’obscurité.
Ce soir, ça ricoche comme un caillou sur le lac.
Le dos contre le mur, elle se laisse glisser sur le sol et s’assoit en serrant les bras autour de ses jambes, perdue dans ses pensées. À l’autre extrémité, une allumette craque, une autre femme allume une bougie. Elle est assise sur le sol et l’on devine plus que l’on ne distingue son visage et son corps. La lumière est restée sur la vieille femme.
… Sur le mur qui fait face aux spectateurs est projeté un extrait filmé en noir et blanc où l’on découvre Louma rajeunie de plus de vingt ans, souriante et entourée d’une marmaille d’enfants à qui elle distille des caresses et distribue des spécialités orientales. La scène muette se prolonge encore quelques instants. Pendant que l’extrait est montré, le discours se poursuit…
Son père s’était chargé de lui trouver le spécimen, avec de la fourrure sur le dos et des mains qui vous laissent les couleurs de l’arc-en-ciel sur le visage et sur tout le corps, à la moindre rebuffade.
On a beau dire, mais le voile et la burka ça n’a pas que des inconvénients. Surtout quand vous vivez le bonheur au quotidien.
Pour les enfants, il ne fallait pas se plaindre non plus. Comme il voulait absolument un garçon, ils avaient tous prié intensément et ils avaient été exaucés… Sept sœurs pour s’occuper de sa petite personne, et le roi n’est pas son cousin.
Le problème des grossesses en cascades, c’est que ça vous rend le babyblues chronique et la silhouette anachronique, parce que la forme ne correspond plus avec l’âge.
Mais tout ça c’est du passé, c’est loin, et elle s’en fiche Louma, elle se sent bien ici presque sereine, elle n’a d’yeux que pour Rose (Rose sort de l’ombre et vient dans la lumière près de Louma, elle reste debout dos au public face à Louma toujours assise qui redresse la tête et lui sourit), cette grande brune qui parle comme dans les livres qu’elle n’a jamais lus, qu’elle n’a jamais pu lire. Et quand Rose la regarde en silence et qu’elle perçoit dans son regard lumineux de la douceur, et quelquefois même une pointe d’admiration pour elle, pour elle toute seule, juste pour avoir dit non, ce mot qu’elle a crié, ce mot qu’elle n’avait jamais osé prononcer et qu’elle hurle maintenant entre les barreaux chaque soir pour que l’écho lui revienne avec force.
Oui, elle se sent presque bien ici, malgré le froid et la faim, la chaleur et la peur…
LOUMA : Après Maya, je pensais qu’on avait touché le fond.
ROSE : Tu ne vas pas recommencer Louma.
LOUMA : Ils nous auront tout fait ces fils de chiens, ils ne respectent rien. Une bouffeuse de cochons qui va s’empiffrer comme deux.
LOUMA : Ouais, c’est pour ça qu’elle est là. (Un temps.)
(Elle a un petit rictus.) On connaît même pas le père.
Rose comprend, secoue la tête et s’éloigne en emmenant le faisceau de lumière vers la femme à la bougie. On découvre plus distinctement Kamaria, une noire aux yeux en amande et aux traits fins, assise en posture de méditation. Elle lève un instant la tête vers Rose, qui se place derrière elle.
ROSE : À son habitude, Louma avait maugréé quand ils avaient déposé Kamaria sur son brancard, le visage tuméfié et le corps en marmelade, couvert de plaies. Elle avait pesté contre la surpopulation carcérale, contre les noirs en général, et les négresses en particulier. Mais elle s’en était quand même occupée jour et nuit. Elle s’en était occupée comme si c’était sa propre fille. Elle l’avait nourrie et lavée. Elle avait veillé chaque nuit avec la peur au ventre de la voir renoncer, de la voir s’éteindre sans bruit.
Et elle avait gagné.
Kamaria lui devait une fière chandelle et elle le savait.
Aussi, la seule qui pouvait lui rabattre son caquet et sa grande gueule quand elle la ramenait un peu trop la panthère noire, c’était la vieille Louma.
Il y avait un lien entre elles, un lien plus fort que celui du sang et de la filiation, un lien que des êtres que tout oppose tissent sans le vouloir vraiment, comme une route où l’on s’est égaré, mais qui vous emmène pourtant là où l’on vous attend.
Un temps.