La Bergère de la rue Monthabor - Eugène Labiche - E-Book

La Bergère de la rue Monthabor E-Book

Eugène Labiche

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Beschreibung

Extrait : "MADAME MOULINFROU, entrant du fond. Ah ! vous avez ôté les housses... très bien ! Comment les bougies ne sont pas encore en place ? CONSTANCE. Je suis après, madame. MADAME MOULINFROU. On voit bien que vous avez reçu vos étrennes la semaine dernière ; vous vous ralentissez déjà."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : ● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. ● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Personnages

MOULINFROU.

GODERLEAU.

EUSÈBE GODERLEAU, son fils.

HENRI, artiste peintre.

TABARDON, notaire.

POLYDORE, concierge.

GASTON.

ADÉLAIDE MOULINFROU.

AUGUSTINE, fille de Moulinfrou.

LA BARONNE DE SENNELY.

CONSTANCE, femme de chambre.

UNE DAME DU BUFFET.

UN GARÇON DE CAFÉ.

UNE PIERRETTE.

UNE MARQUISE.

UN PÉLERIN.

UN JOCKEY.

MASQUES, INVITÉS.

Acte premier

À Paris, rue Monthabor, chez Moulinfrou – Un salon… À gauche premier plan une cheminée – Un petit tabouret devant – Un canapé près de la cheminée – Une chaise derrière le canapé – Au fond à gauche un secrétaire – Porte au milieu – De chaque côtés de la porte deux fauteuils – Un petit guéridon à droite au fond – Porte au deuxième plan à droite – Au premier plan une jardinière – Une chaise entre la porte et la jardinière – À droite premier plan une table are tapis – Une chaise au-dessus de la table.

Scène première

Madame Moulinfrou, Constance, puis Moulinfrou.

Au lever du rideau, Constance est devant la cheminée et met des bougies dans les candélabres.

MADAME MOULINFROU, entrant du fond.

Ah ! vous avez ôté les housses… très bien !… Comment les bougies ne sont pas encore en place ?

Constance, madame Moulinfrou.

CONSTANCE

Je suis après ; madame.

MADAME MOULINFROU

On voit bien que vous avez reçu vos étrennes la semaine dernière ; vous vous ralentissez déjà.

CONSTANCE

Mais madame, il faut le temps, moi, d’abord, quand on me bouscule, je ne fais plus rien.

MOULINFROU, passant sa tête par la porte de droite.

C’est moi ! peut-on entrer ?

MADAME MOULINFROU

Non… tu vas nous gêner.

MOULINFROU, entrant.

C’est pour voir le coup d’œil. Regardant. Oh ! c’est magnifique.

MADAME MOULINFROU

N’est-ce pas ?

MOULINFROU

Oui, quand on ôte les housses… ça donne tout de suite un air… tiens ! tu as laissé les bougies blanches !

MADAME MOULINFROU

Sans doute.

MOULINFROU

Il y a des maisons où l’on met des bougies roses, c’est plus élégant.

MADAME MOULINFROU

Où as-tu vu ça ?…

MOULINFROU

Je ne suis jamais allé à la cour, mais j’aime à croire qu’on ne s’éclaire pas avec des bougies blanches.

MADAME MOULINFROU

Pourquoi ?

MOULINFROU

Ce serait du joli ! nous serions la risée de l’Europe.

MADAME MOULINFROU

Bah !… Comment trouves-tu ma jardinière ?…

MOULINFROU, regardant à droite.

Ah ! délicieuse !… Moi, d’abord, j’ai la passion des fleurs… je n’en achète jamais l’hiver, parce que c’est hors de prix ; mais j’encourage du regard cette gracieuse industrie… c’est la vérité, je m’arrête à la porte de tous les marchands de fleurs.

CONSTANCE, à part.

Ça leur fait une belle jambe !

MOULINFROU

Dis-donc, Adélaïde, je crains que notre soirée ne soit un peu froide.

MADAME MOULINFROU

Comment ?

MOULINFROU

Nous ne connaissons pas la famille Goderleau… et puis, une première entrevue… Je voudrais échauffer ça.

MADAME MOULINFROU

On servira du punch chaud.

MOULINFROU

Certainement, c’est une très bonne chose… mais j’avais une autre idée… c’est aujourd’hui le 6 Janvier, si nous tirions les Rois ?…

MADAME MOULINFROU

Tiens… au fait…

MOULINFROU

Ça anime tout de suite une fête… au lieu de se regarder le blanc des yeux on se dit : Qu’est-ce qui sera le roi ? qui est-ce qui sera la reine ? il y a de l’animation… on se sent vivre, mais pour cela il faut une fève.

MADAME MOULINFROU, allant à Constance.

Et un gâteau, Constance… Vous allez courir tout de suite chez le pâtissier et vous lui commanderez un gâteau des rois…

CONSTANCE

Une galette.

MADAME MOULINFROU, aigrement.

Ce n’est pas la peine de me reprendre… Le 6 janvier une galette s’appelle un gâteau des rois.

CONSTANCE

Mais madame !…

MOULINFROU

Voyons… ne vous fâchez pas.

CONSTANCE

Ce n’est pas moi, c’est madame… qui est grincheuse aujourd’hui.

MADAME MOULINFROU

Grincheuse !… Insolente !…

MOULINFROU

N’allez-vous pas vous disputer un jour où nous avons du monde ?… Vous vous retrouverez demain.

CONSTANCE

Dans quel prix madame veut-elle sa galette ?

MADAME MOULINFROU

Mon gâteau des rois, entendez-vous, mon gâteau des rois.

MOULINFROU

Encore !

MADAME MOULINFROU

Dans les deux francs cinquante à deux francs soixante-quinze.

MOULINFROU

Trois francs même ! Mais recommandez bien au pâtissier de mettre une fève, parce que lorsqu’il n’y a pas de fève, c’est triste… l’effet est raté.

MADAME MOULINFROU, appuyant.

Ça devient une galette et non un gâteau des rois.

CONSTANCE, en remontant.

Soyez tranquille, j’y veillerai.

MOULINFROU

En descendant, priez M. Désarmure, le concierge de venir me parler.

CONSTANCE

Bien, monsieur.

Elle sort par le fond.

Scène II

Monsieur et Madame Moulinfrou.

MADAME MOULINFROU

M. Désarmure !… Tu es trop cérémonieux avec ton concierge. Il s’appelle Baptiste, appelle-le Baptiste.

MOULINFROU

Je n’ose pas. Il a l’air d’un monsieur avec sa robe de chambre et sa calotte de velours… plus belle que la mienne.

MADAME MOULINFROU

Il n’en est pas moins ton concierge.

MOULINFROU

C’est vrai… mais il a été autrefois maître d’hôtel chez un duc… il a de grandes manières… Il a déjà vu deux fois l’Africaine.

MADAME MOULINFROU

Deux fois tandis que nous…

MOULINFROU

Il préfère les Huguenots… il prétend que c’est plus large… l’Africaine c’est long, mais les Huguenots c’est large.

MADAME MOULINFROU

Ainsi voilà un portier qui a vu l’Africaine deux fois tandis que nous…

MOULINFROU

Je t’ai dit que tu la verrais… tu la verras… Changeant de ton. Où est ta fille ?

MADAME MOULINFROU

Augustine ? Elle achève de s’habiller.

MOMLINFROU

L’as-tu préparée à l’entrevue de ce soir ?

MADAME MOULINFROU

Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ? puisque nous ne connaissons ni le futur ni le beau-père.

MOULINFROU

J’ai reçu la photographie du père. Il tire une photographie de sa poche. C’est un bel homme.

MADAME MOULINFROU

Oui, mais le fils.

MOULINFROU

Regarde au bas. « Me voici, mon fils est tout mon portrait. »

MADAME MOULINFROU

On n’a jamais vu un mariage pareil.

MOULINFROU

Le papa Goderleau est un des plus riches marchands de vin de Champagne d’Épernay, il a des millions… et des caves !… Il paraît qu’on se promène dedans en voiture. Comprends-tu ? des caves dans lesquelles on peut se promener en calèche !…

MADAME MOULINFROU

J’avoue que c’est un beau parti !

MOULINFROU

C’est Tabardon mon notaire qui me l’a trouvé… aussi j’ai mené l’affaire rondement ! Il y a un mois, échange des premières lettres.

MADAME MOULINFROU

Ce soir la présentation.

MOULINFROU

Demain, la signature du contrat.

MADAME MOULINFROU

M. Goderleau et son fils Eusèbe arrivent d’Épernay par le train de sept heures.

MOULINFROU

Ils seront ici à huit heures et nous tirerons les rois à neuf et… c’est égal, je regrette que tu n’aies pas mis des bougies roses.

Scène III

Les mêmes, Polydore, puis Augustine

POLYDORE, Entrant du fond.

Monsieur m’a fait demander ?

MOULINFROU

Moi ? À sa femme. Quel est cet homme ?

MADAME MOULINFROU

Je ne le connais pas.

POLYDORE

Je suis Polydore… c’est moi qui remplace votre concierge.

MOULINFROU

Comment ? M. Désarmure n’es donc pas à sa loge ?

POLYDORE

Non, monsieur, il est parti ce soir par le train de six heures.

MADAME MOULINFROU

Parti !

MOULINFROU

Pour où ?

POLYDORE

Son médecin lui a conseillé d’aller passer l’hiver dans le midi.

MADAME MOULINFROU

Un portier !

MOULINFROU

Et sans nous prévenir encore !

POLYDORE

Pardon voici une lettre.

Passant à droite.

MOULINFROU

Une lettre !.

MADAME MOULINFROU

Il ne peut donc pas se déranger ?

MOULINFROU, lisant

« Monsieur a dû s’apercevoir que j’étais un peu souffrant bien qu’il ne m’ait jamais fait l’honneur de me demander de mes nouvelles… ce que monsieur le duc, mon ancien maître ne dédaignait pas de faire quelquefois, lui ! »

MADAME MOULINFROU

Hein !

MOULINFROU, continuant.

« Mais ceci est une affaire d’éducation, je n’insisterai pas sur ce point… »

MADAME MOULINFROU

Il ose nous donner des leçons !

MOULINFROU

Le polisson ! Lisant. Je pars, je confie mes fonctions pendant mon absence à M. Polydore Chaillou… un homme dont le passé répond de l’avenir… Je pense que M. le propriétaire ne trouvera pas mauvais que j’aille respirer l’air pur du midi, celui de la rue Monthabor n’étant pas assez saturé de soleil…

MADAME MOULINFROU

Mais je m’en contente bien moi !

MOULINFROU

Toi et bien d’autres, à commencer par le ministère des finances… Ah ! la rue Monthabor n’est pas assez saturée de soleil !

MADAME MOULINFROU

À son retour, nous le prierons d’en chercher une autre.

MOULINFROU

Sois tranquille, je le destitue. À Polydore. Allons, il faut bien que je vous prenne puisque je n’en ai pas d’autre.

POLYDORE

Je ferai observer à monsieur que c’est une complaisance de ma part… je n’étais pas né pour tirer le cordon… j’ai fait la classe pendant six mois au collège Louis-le-Grand.

MOULINFROU

Un professeur.

POLYDORE

Et je tiens par-dessus tout aux égards… et aux gages !

MOULINFROU

Un savant !… Je le flanquerai à la porte !

AUGUSTINE, paraissant à la porte de gauche.

Maman, veux-tu venir m’agrafer ma robe ?

MADAME MOULINFROU

J’y vais. Fausse sortie. À son mari. Dis donc, il me vient une idée… Puisque nous avons fait les frais d’une soirée, si tu montais chez notre locataire, la baronne de Sennely, tu l’inviterais…

MOULINFROU

Tiens !

MADAME MOULINFROU

Une baronne… ça ferait très bien pour les Goderleau…

MOULINFROU

D’autant plus que nous lui devons un dîner… nous serons quittes… Où est mon habit ? Il sonne.

AUGUSTINE, paraissant.

Viens donc maman.

MADAME MOULINFROU

Voilà !

CONSTANCE, entrant du fond.

Monsieur a sonné ?

MOULINFROU

Oui… Mon habit noir.

CONSTANCE, à Polydore.

Il est dans la manche de monsieur

MOULINFROU

J’attends quelques personnes ce soir, puis-je compter sur vous pour la soirée ?

POLYDORE

Monsieur est bien bon, mais je ne vais pas dans le monde. Je suis en deuil.

MOULINFROU

Non… vous ne comprenez pas… je ne vous invite pas comme invité… je vous invite à venir passer les rafraîchissements.

POLYDORE, passant à gauche.

Je le ferai pour vous obliger.

MOULINFROU, à Constance.

Eh bien ! et le pâtissier ?

CONSTANCE

Je lui ai bien recommandé la fève. À part. Je lui ai dit d’en mettre deux.

MOULINFROU

À la bonne heure ! Je crois qu’on s’amusera ! il sort par le côté à droite.

Scène IV

Polypore, Constance.

CONSTANCE, examinant Polydore.

Attendez donc… Je vous reconnais vous… monsieur Polydore !…

POLYDORE

Tiens ! mam’zelle Constance ! Vous êtes femme de chambre ici !

CONSTANCE

Oui… mais vous ?

POLYDORE

Concierge… par intérim…

CONSTANCE

C’est drôle ! voilà la troisième fois que nous nous rencontrons en place.

POLYDORE

Ça prouve que nous ne moisissons pas chez nos bourgeois.

CONSTANCE

Dites donc, c’est-y vrai que vous avez été dans l’instruction publique ?

POLYDORE

J’ai fait la classe pendant six mois au collège Louis-le-Grand.

CONSTANCE

Comme professeur ?…

POLYDORE

Non… j’ai fait la classe… j’ai balayé la classe.

CONSTANCE

Ah ! je comprends… vous êtes entré ici depuis ce matin ?

POLYDORE

Oui, et je ne pense pas y rester longtemps

CONSTANCE

Pourquoi ?

POLYDORE

La rue est triste… j’aime le mouvement…

CONSTANCE

Vous auriez été bien dans mon ancienne maison, boulevard des Italiens.

POLYDORE

C’est très chic, ça… pourquoi l’avez-vous quittée ?

CONSTANCE

Les maîtres se couchaient trop tard.

POLYDORE

Ça vous fatiguait de les attendre ?

CONSTANCE

Non… mais je n’avais pas mes soirées… et j’y tenais… surtout en carnaval, à cause des bals de l’opéra.

POLYDORE

Ah ! je comprends. Il fait un geste de danse. J’en pince aussi.

CONSTANCE

Moi, je n’en manque pas une… j’ai un petit costume de sorcière…

POLYDORE

Mazette !…