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La Bibliothèque de mon oncle est une suite de souvenirs autobiographiques : l'auteur ravive des épisodes de sa jeunesse espiègle à Genève.
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Veröffentlichungsjahr: 2018
Rodolphe Töpffer (ou Toepffer), suisse né à Genève le 31 janvier 1799 et mort dans cette même ville le 8 juin 1846, est un pédagogue, écrivain, politicien et auteur de bande dessinée suisse, considéré comme le créateur et le premier théoricien de cet art.
J’ai connu des gens élevés sur le seuil de la boutique de leur père ; ils avaient retenu de ce genre de vie certaine connaissance pratique des hommes, certain penchant musard, le goût des rues, quelque trivialité d’idées, la morale et les préjugés du quartier. On en a fait des avocats, des ministres, et dans chacune de ces vocations ils ont apporté de ce seuil de boutique bien des éléments bons ou mauvais, toujours ineffaçables.
D’autres, en ce temps-là, je veux dire vers quinze ans, avaient leur petite chambre sur une cour silencieuse, sur des toits déserts. Ils y sont devenus méditatifs, peu au fait des affaires de la rue, assez riches d’observations privées sur un petit nombre de voisins. Ils y ont acquis une connaissance de l’homme moins générale, mais plus intime. Combien de fois aussi, privés de tout spectacle, ils ont vécu avec eux seuls, pendant que l’autre, sur son seuil, toujours récréé par la vue de quelque objet nouveau, n’avait ni le temps ni l’envie de faire connaissance avec lui-même. Avocat ou ministre, pensez-vous que celui de la petite chambre n’aura pas une manière autre que celui du seuil ?
Et ce qu’on voit passer de son logis, et les gens qui circulent autour, et les bruits qui s’y entendent, et les objets tristes ou riants qui s’y rencontrent, et le voisinage, et les cas fortuits ? Oh ! que l’éducation est une chose difficile ! Tandis qu’à lumineuse intention, sur le conseil d’un ami ou d’un livre, vous dirigez l’esprit et le cœur de votre fils vers le côté qui vous agrée, les choses, les bruits, les voisins, les cas fortuits conspirent contre vous, ou vous secondent, sans que vous puissiez détruire ces influences ni vous passer de leur concours.
Plus tard, il est vrai, après vingt, vingt-cinq ans, le logement fait peu. Il est triste ou gai, confortable ou délabré, mais c’est une école où les enseignements ont cessé. À cet âge, l’homme fournit sa carrière ; il a atteint ce nuage d’avenir qui, tout à l’heure encore, lui paraissait si lointain ; son âme n’est plus rêveuse et docile : les objets s’y mirent, mais ils n’y laissent plus d’empreinte.
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Pour moi, j’habitais un quartier solitaire [1]. C’est derrière le temple de Saint-Pierre, près de la prison de l’évêché. Par-dessus le feuillage d’un acacia, je voyais les ogives du temple, le bas de la grosse tour, un soupirail de la prison, et, au-delà, par une trouée, le lac et ses rives. Quels beaux enseignements, si j’avais su en profiter ! Combien la destinée m’avait favorisé entre les garçons de mon âge ! Si j’ai mal profité, je tire gloire néanmoins d’être issu de cette école, plus noble que celle du seuil de boutique, plus riche que celle de la chambre solitaire, et d’où devait sortir un poète, pour peu que ma nature s’y fût prêtée.
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