La cité de larmes - Camille Anssel - E-Book

La cité de larmes E-Book

Camille Anssel

0,0

Beschreibung

Suivez Lana et ses compagnons dans leur quête de justice. La Princesse Sanguinaire arrivera-t-elle à mettre fin au chaos qui risque de tomber sur la capitale du Royaume ?

Les tours se déploient sur Mélua et la cité étend ses ambitions sur le monde. Mais les guerres passées ne s’oublient pas si vite. Déshéritée par sa famille, Lana Monzimmer est détective au sein de la capitale du Royaume. Ses maigres finances se dégradent encore lorsqu’elle décide de mener une enquête à titre personnel, dans l’espoir de laver son âme des crimes qu’elle a commis lorsqu’elle était la Princesse Sanguinaire. Des charniers fleurissent en effet en plusieurs endroits de la ville. Les corps des victimes sont porteurs d’un parasitisme étrange et les autorités semblent impuissantes à faire cesser le carnage. L’enquête se révèle plus dangereuse que prévu. Mais Lana n’est pas le genre à se laisser intimider. Elle négocie l’aide de deux anciens compagnons d’armes – un alchimiste obsédé par les créatures de l’autre monde et un guerrier n’ayant que l’alcool pour faire taire les voix dans sa tête. Leur quête de Justice va les conduire en territoire hostile, peuplé de mauvaises rencontres et de vieux souvenirs. La Princesse Sanguinaire devra se réveiller…

Un roman de dark fantasy où personne n'est à l'abri des dangers !

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 290

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Camille Anssel

La Cité de larmes

Roman de fantasy

ISBN : 979-10-388-0163-9

Collection Atlantéïs

ISSN : 2265-2728

Dépôt légal : juin 2021

© couverture : création originale de Laura Gerlier pour Ex Æquo

© 2021 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

Préface

Mélua, an 0. Vous tenez entre les mains le premier tome d’un cycle romanesque poignant se situant dans la capitale du royaume Parangon. Chacun des ouvrages se lit indépendamment et vous immerge dans la cité titanesque à différentes époques de son histoire tumultueuse.

Après l’univers médiéval-fantastique de L’Orbe sacré, Atlantéïs poursuit et confirme son élargissement à tous les sous-genres de la fantasy pour adultes avec ce cycle fort empruntant à la dark fantasy et au steampunk.

Camille Anssel signe là son premier roman, ce que sa plume déjà acérée ne laisse pas deviner. Vous avez aimé le langage cru et l’ironie mordante de Joe Abercrombie ? La perspective sociale de Patrick Rothfuss ? Vous allez adorer suivre les aventures de Lana Monzimmer, princesse déchue en quête de justice, en éclectique compagnie dans un contexte à la fois personnel et politique tortueux.

Un univers riche et mystérieux où l’auteur nous emmène avec humour noir dans une enquête au rythme effréné et efficace sur fond de tensions diplomatiques, trahison, vengeance et misère sociale.

Faustine Galicia

Un vieil ami

Le téléphérique se gondola une dernière fois au-dessus de la ville avant de s’immobiliser sur le parvis du bâtiment. Je lançai une pièce au liftier, posai ma botte sur le trottoir et jetai un coup d’œil à l’immeuble. Une merveille en tuffeau, avec des statues d’ornementation dont la plus minable devait coûter dix ans de mes émoluments. La demeure du Grand Bisheryétait une écœurante démonstration de sa fortune. Patrek Bishery ! L’homme qui avait dormi dans la boue, dévoré du foie de cheval et craché ses dents au visage du vieux Sakim ! Les gens changent, il paraît.

Le portier était un grand gars nanti d’un haut-de-forme rouge, raide comme un piquet dans la brume matinale.

— Je viens voir Patrek Bishery, dis-je.

Le type pinça ses lèvres pour me grimacer toute l’étendue de son mépris. Magnifique.

— Monsieur Bishery convoque, Mademoiselle. Il ne reçoit pas.

— Il fera une exception, mon grand.

Je lui collai mon badge de Condo sous le nez. Un faux bien sûr, mais ce qui se faisait de mieux dans le genre. La fine plaque de cuivre gravée produisit l’effet escompté : les traits du cerbère s’affaissèrent d’un coup. Il se précipita pour m’ouvrir la porte.

Un domestique m’accompagna jusqu’à un petit salon. Deux fauteuils en velours brun faisaient face à la cheminée, au-dessus de laquelle trônait un tableau monumental de Patrek lui-même, chargeant l’ennemi sur son cheval en armure. Le Grand Bishery ! Ça m’aurait fait rire si je n’avais pas aussi fait partie de la farce, quelque part.

Patrek était là, la chemise défaite, les poils du torse aussi drus que ceux de sa barbe, l’œil rouge, l’haleine chargée.

— Ma petite Lana ! Quel plaisir de te voir ! Qu’est-ce que tu viens faire ici ?

— Tu devais te présenter ce matin à mon bureau.

L’épave humaine regarda autour de lui comme s’il venait de réaliser dans quel état il se trouvait. Ses doigts énormes tentèrent un instant de boutonner sa chemise avant de renoncer face à l’ampleur de la tâche.

— Je me sentais barbouillé et…

— Menteur !

Je n’avais pas voulu crier – surtout pas cette espèce de gémissement éraillé de bourgeoise colérique. J’étais Lana Monzimmer, bon sang ! Mon nom faisait trembler dans les chaumières ! Avant qu’un début de sourire ironique ait le temps de se dessiner sur le visage de Patrek, je lançai une gifle en direction de sa joue. Peut-être que mon mouvement manquait de conviction, peut-être que Patrek était plus rapide que moi. Sa grosse pogne se détendit et m’immobilisa le bras plus vite que la langue du crapaud attrape la mouche.

Patrek approcha son visage du mien et expira un souffle si épais que l’on aurait pu le découper en tranches.

— Lana, ma petite, si tu me frappais devant mes domestiques, je serais obligé de t’écrabouiller la tronche.

J’aurais voulu que mon haleine soit encore plus âpre que la sienne, mais c’était un combat perdu d’avance.

— Ce serait offenser les dieux de priver l’humanité de mon joli visage, dis-je.

Il partit d’un grand rire dont lui seul avait le secret – toutes ses dents de traviole exposées, son œil gauche complètement désaxé. Un rire trop fort, un rire faux et menaçant. Je l’avais déjà vu rire comme ça pour intimider des prisonniers. Je l’avais déjà vu rire comme ça alors qu’il décapitait des prisonniers. C’était la guerre.

— Ah ah ! Les dieux ! Sacrée Lana ! La Princesse Sanguinaire !

Il lança à la cantonade :

— Apportez-nous du café et laissez-nous tranquilles.

Il me fit signe de m’asseoir et s’effondra à son tour sur un fauteuil qui résista par miracle à l’assaut.

— Ce n’est pas pour parler du bon vieux temps que tu es là, pas vrai ?

J’attendis que le valet remplisse ma tasse et ferme la porte derrière lui avant de répondre.

— Le bon vieux temps ?

Il haussa les épaules.

— Mes amis étaient vivants.

Je laissai l’amertume du café m’imprégner le palais. Que Patrek évoque avec nostalgie les mois de campagne avec la Horde en disait long sur son désespoir. Son œil s’alluma soudain :

— Est-ce que tu m’as dégoté une entrevue avec la Reine ? J’attends toujours des nouvelles au sujet de la statue de Mim…

— La Reine t’a oublié, Patrek. On célèbre les héros une semaine, un mois ou deux peut-être, et puis ils ne servent plus à rien alors on les oublie.

Il se rembrunit – une belle prouesse vu sa trombine de mort-vivant.

— J’aimerais croire que c’est ton cynisme habituel qui parle, mais je dois reconnaître que je n’ai plus été invité au Palais depuis un sacré bout de temps.

— La vie mondaine, ce n’est pas ton truc.

— Comment ? Je suis la mondanité même ! Je vis sur la ville haute ! J’ai mon propre téléphérique à vapeur ! J’ai des serviteurs bordel !

— Tu as dragué la grand-mère Filssi, tu as bu ton champagne au goulot, tu as renversé tes petits fours sur…

— C’était une célébration en mon honneur ! Et c’est la vieille Filssi qui me faisait du gringue !

Il se massa les tempes.

— C’est pour m’énumérer toutes mes erreurs que tu voulais me voir, Lana ?

— Je suis sur une affaire difficile. J’ai besoin de toi.

Sa grosse lèvre trembla d’incompréhension.

— Je t’avais bien dit de prendre l’or. Je te l’avais dit Lana ! Tu avais le choix entre une retraite dans l’opulence ou une palanquée de sacs de nœuds à démêler, et il a fallu que tu choisisses la deuxième proposition !

Inutile de chercher à lui expliquer. J’étais née riche, avec des parents inquiets de pouvoir contrôler mes moindres faits et gestes. Il était né pauvre, avec une mère inquiète de pouvoir remplir la marmite du soir.

— Dix-huit corps trouvés ce matin, enchaînai-je. Neuf femmes, trois fillettes, quatre garçons, deux hommes.

— Ça fait bien dix-huit, dit-il en s’astiquant les chicots du bout de l’ongle.

— C’est le quatrième charnier que l’on découvre. Il faut que tu viennes voir ça.

— J’aimerais pouvoir t’aider, Lana… Ce qui me déciderait à coup sûr, ce serait d’être invité à la prochaine réception de la Reine. Tu as tant de contacts, je ne te demande pas la lune !

Je savais que c’était la faveur qu’il me réclamerait et je lui avais déjà obtenu une invitation. Par égard pour la notion de marchandage, je produisis tout de même une longue expiration.

— Je peux sans doute arranger quelque chose. Mais tu auras intérêt à bien te tenir.

— Bien me tenir ? Je vais enchanter toute la compagnie, ma petite Lana ! Je ne serai que bonnes manières et valse à trois temps ! Je t’ai dit que j’avais un professeur de danse attitré ?

Je crachai sur le parquet et tendis ma main.

— Marché conclu.

Il m’étreignit les doigts et hocha sa grosse tête, ravi de cette occasion de retrouver la vie mondaine. Il ne savait pas que je l’embarquais dans sa dernière aventure.

La ville basse

Je traînai le Grand Bishery jusqu’au fond d’une impasse lépreuse, surplombée de passerelles étalant leurs ombres sur le pavé. La ville basse ! Toujours grouillante et gorgée de détritus, toujours à se convulser dans une indéfinissable odeur de désespoir.

Il y avait longtemps que le soleil avait déclaré forfait sur ces territoires, des ruelles enchevêtrées les unes sur les autres et des caniveaux clapotant leurs aigreurs sur toutes les anfractuosités. L’essentiel de la population de Mélua s’amoncelait ici, au pied des hautes tours, comme autant de spectres recroquevillés contre la pierre froide.

J’ai toujours détesté Mélua. La capitale du Royaume me faisait penser à une horrible mégère parée de mille bijoux. Enorgueillie à l’extrême par ses prouesses architecturales, la ville refusait de voir que ses fondations étaient pourries. Les riches projetaient leur dédain sur les étages inférieurs depuis leurs téléphériques se croisant entre les cimes, et le peuple lui-même était si étourdi par le faste de la ville hautequ’il en oubliait d’être offusqué par son arrogance. Chacun ne trimait que dans l’espoir égoïste de s’élever à l’étage du dessus, de sorte à pouvoir piétiner à son tour.

La ville basse ! Patrek déambulait dans cette misère coagulée vêtu d’une belle chemise bouffante. Cela ne me surprit pas lorsqu’un enfant tenta de glisser sa main dans la poche de son pantalon.

Si le garnement avait reconnu le héros de la Horde, il y aurait sans doute réfléchi à deux fois. La main de Patrek se propulsa sur le poignet du voleur à la tire qui se retrouva aussitôt soulevé de terre. Patrek le fixa de sa prunelle éclatée et lui mitrailla le visage de postillons :

— Je vais t’épingler au mur, CAFARD !

L’expression faciale du gamin dépassait la terreur. Patrek lui asséna une gifle monumentale.

— JE VAIS T’ÉPINGLER…

Je posai une main ferme sur le bras de mon ami.

— Repose-le.

La respiration du Grand Bishery se modéra et il consentit à lâcher sa proie qui s’effondra sur le pavé.

Je posai un genou au sol pour me mettre au niveau de l’enfant.

— Ça va, petit ? Excuse mon ami, il n’avait pas à te frapper.

Le gosse m’accabla de son regard d’animal blessé, un filet de sang au coin de la lèvre. Sans doute qu’il s’était mordu la langue.

Je tournai le menton en direction du Grand Bishery.

— Donne-lui un sou.

— UN SOU ? C’est une raclure de…

Je me levai d’un bond.

— Ça ne t’autorise pas à lui déboîter la mâchoire !

Ma voix s’égara dans les aigus lorsque je répétai plus fort :

— Je t’ai dit de lui donner UN SOU !

Patrek leva les yeux au ciel et jeta une piécette au gamin qui s’en saisit et déguerpit sans demander son reste.

Le Grand Bishery me dévisagea de son œil bancal.

— Tu te ramollis drôlement, Princesse.

Je ne répondis pas, préférant le laisser se vautrer tout seul dans ses diatribes, et nous arrivâmes enfin au bout d’une venelle en pagaille. Coincée entre deux charpentes moulues, une porte métallique était flanquée de deux gardes. Deux hommes en armes à la livrée rouge et noir, qui surveillaient le dernier charnier en attendant que celui-ci soit nettoyé.

Ils nous laissèrent passer et Patrek se mua aussitôt en cochon truffier. Il débusqua les corps nus empilés dans la pièce – une cage à poules qui sentait la charogne – et remua sa grande carcasse dans tous les recoins de la cave. Il reniflait, jurait, passait ses doigts dans ses longs cheveux gras, tentait en vain de chasser les mouches qui bourdonnaient sur les ventres putrides.

Patrek se redressa et mordit dans une pomme. Le jus coula sur sa barbe.

— Je peux déjà te dire qu’il y avait plusieurs égorgeurs, et des besogneux, parce que c’est un sacré boulot. Personne n’a été écorché ici. Il n’y a pas de sang. Je te parie, ma petite Lana, que les corps ont été déplacés dans ce charmant cellier parce qu’il fait frais, ce qui veut dire une décomposition des chairs plus lente, ce qui veut dire que ça met plus longtemps à sentir et à être découvert. Tu m’as suivi ?

— Je te suis d’autant mieux que je t’ai précédé. Comment peux-tu manger dans un endroit pareil ?

Patrek posa un genou au sol à côté d’une dépouille.

— J’ai préparé un banquet pendant le siège de Memeth, je te rappelle.

Il s’essuya les lèvres du revers de la main.

— Et puis c’est tout sauf un carnage. C’est propre ! On a vu pire, non ? On a occasionné pire ! Tu te rappelles ? La ville de Darhan ?

Le souvenir me comprima le ventre. Oui je me souviens, merci.

— C’était la guerre, soufflai-je.

Il hocha la tête.

— Ce qui m’intrigue le plus, ce sont les aisselles.

Patrek souleva le bras d’une dépouille. Toute la partie intérieure était découpée, les côtes supérieures étaient à nu.

— Ça, c’est foutrement curieux.

— Les yeux et les langues arrachés, ça interpelle aussi, non ?

— Tirer sur un œil et découper une langue, c’est un jeu d’enfant. Racler les dessous-de-bras comme ça, c’est autre chose. Diablement curieux.

Il se massa les tempes avec ses doigts poisseux, s’étalant encore davantage de sang sur la figure, puis chuchota pour ne pas être entendu par les gardes en faction :

— Tu as chouravé un corps pour regarder à l’intérieur ?

— J’en ai un au bureau. C’est spectaculaire à l’intérieur, répondis-je sur le même ton.

Il opina du chef, l’air grave. Je venais de lui avouer que je profanais les cadavres, un crime bon à vous envoyer passer quelques années dans les geôles de la Citadelle. Circonstance aggravante : j’avais utilisé mon faux badge de Condopour convaincre les gardes de me laisser embarquer l’une des victimes. C’est fou ce que cette petite plaque me facilitait la vie.

— Bien ! dit Patrek. En vertu de notre ancienne camaraderie, j’ai accepté de venir contempler tes immondices. À présent que c’est chose faite, si tu veux bien m’excuser…

— Avec ceux-là, ça fait cinquante victimes. Quatre scènes de crime découvertes en deux semaines, mais je n’avance à rien. Passe au moins à mon bureau.

Il haussa les épaules.

— Pas mon problème. Et puis, j’ai à faire ! Il faut que je me rende chez mon tailleur, je n’ai rien à me mettre pour la réception de la Reine !

— Le tailleur ! Tu fais bien de m’y faire penser ! C’est une réception qui aura pour thème une couleur bien particulière. Les malheureux invités qui ne revêtiraient pas la teinte exacte auraient l’air de parfaits couillons.

Sa grosse bouille se renfrogna.

— Tu me diras pas la couleur.

— La réception est la semaine prochaine, ça te laisse largement le temps de gagner cette information.

Il se saisit la voûte du nez entre le pouce et l’index.

— Ah… Lana, Lana. Je ne comprendrai jamais pourquoi tu refuses de rester peinard. Laisse donc la Garde s’occuper de ça ! On a assez donné pour le Royaume, tu crois pas ?

— Rester peinard ? Avec des charniers qui fleurissent dans chaque recoin de Mélua ?

Il leva les yeux au ciel.

— D’accord, d’accord. Mais tu me promets de m’accompagner à la réception royale et de me présenter du beau monde ! Promis craché !

Lana Monzimmer, Affaires spéciales

Mon bureau était niché dans un ancien bastion réaménagé en immeuble. Il culminait à une dizaine de mètres au-dessus de la ville basse, ce qui était tout juste acceptable pour mes clients, des petits-bourgeois pour la majorité. En haut des escaliers conduisant à mon office, j’avais fait poser une simple enseigne en cuivre, la modestie même. Le texte était un chouïa plus prétentieux :

Lana Monzimmer

Éclaireuse de la Horde(Décorée par la Reine)

Affaires spéciales

À l’époque, j’avais laissé un espace vide, pour la mention Condo à venir. Quelques semaines d’adulation débridée par une foule me portant aux nues, toute la bourgeoisie me faisant livrer des roses, ça m’avait rendue optimiste. J’étais vite redescendue sur terre. Quelques mois seulement après le retour de la Hordeau Royaume, les héros étaient devenus un souvenir embarrassant.

Le Connétable m’avait expliqué que la Reine ne pouvait pas nommer plus d’un Condo par an, et que, par voie de conséquence, je le regrette, c’est impossible cette année. D’ailleurs, c’est une lourde responsabilité de porter ce badge, pensez donc ! L’autorité absolue au sein du Royaume ! Une dévotion corps et âme envers la Reine ! Finalement, est-ce une bénédiction ou une malédiction ? Reparlons-en dans un ou deux ans, trois années tout au plus !

C’est là que j’avais compris que je m’étais fait avoir.

Je ne deviendrais jamais Condo. J’allais rester Détective. La licence était minable, délivrée plusieurs centaines de fois par an. Toute l’effervescence de la déclaration de paix était retombée. Les gens ne me reconnaissaient déjà plus dans la rue. J’avais préféré un titre à de l’or, je n’aurai ni l’un ni l’autre.

La porte de mon bureau était une épaisse pièce de menuiserie, si gonflée d’humidité que je dus donner deux bons coups d’épaule pour qu’elle daigne s’ouvrir. Anatol était là, en train de faire couler le café.

— Salut Anatol.

— ‘Jour Lana !

Il se figea en apercevant Patrek, les épaules rentrées, l’œil globuleux.

— Anatol, je te présente Patrek, c’est un ami. Il va travailler avec nous quelque temps.

Patrek tendit une main qu’Anatol ne saisit pas. Le garçon eut une authentique grimace de dégoût.

— Mais il est gros, il louche et il a la peau grêlée !

Patrek regarda Anatol, hésitant sans doute à lui fendre le crâne d’un coup d’épée.

Anatol avait deux qualités. La première était sa mémoire phénoménale associée à son talent pour le dessin. Quelques secondes d’observation d’une scène de crime suffisaient pour qu’il puisse ensuite la reproduire dans ses moindres détails sur du papier blanc.

La seconde – et pas la moindre vu l’état de mes finances – était qu’il ne réclamait pas de salaire tant qu’il avait le droit de dormir dans ma remise.

Le reste de sa personne était un empilement de défauts plus ou moins agaçants.

Heureusement, j’avais prévenu Patrek que mon employé était un drôle de gars. Le Grand Bishery ébouriffa la tignasse d’Anatol de sa paluche monumentale et poussa son rire maniaque.

— AH AH ! Gros ! ? Moi ! AH AH ! Apporte-moi du café mon garçon, dépêche-toi.

— Je suis le COÉQUIPIER de Lana ! répondit l’intéressé.

Anatol se tourna vers moi, le visage décomposé par l’outrage.

— Sers un café à Patrek, s’il te plaît, tranchai-je.

Mon employé s’exécuta à contrecœur pendant que Patrek prenait ses aises sur mon fauteuil, devant mon bureau recouvert de dessins macabres.

Le héros de la Hordesaisit les croquis.

— C’est ton petit laquais qui a fait ça ? Il dessine bien le comique !

Il avait les scènes de crime sous les yeux, reproduites à la perfection à l’encre. J’opinai du chef et Patrek détailla les feuillets. Je savais qu’il était concentré parce que son œil gauche regardait à peu près devant lui.

— C’est toujours pareil ? Des corps nus tailladés et entassés ? Ton client est un proche de l’une des victimes ? Ou peut-être bien que tu as été mandatée par les services du Royaume ?

— Mon client est le père de l’une des victimes, mentis-je.

J’avais oublié qu’Anatol détestait le mensonge avec une passion dévorante. Il singea ma voix et répéta les mots que j’avais prononcés à l’identique :

— Des crimes sont commis en plein cœur de Mélua et tout le monde s’en fout ? Je suis Lana Monzimmer, éclaireuse de la Horde, et j’aime la justice, bon sang ! Je vais trouver les enfoirés qui ont fait ça et je leur réglerai leur compte moi-même !

Anatol voulut cracher par terre comme j’avais craché, se rappela que c’était lui qui nettoyait mon bureau, ravala sa salive et ajouta :

— C’est ce que tu m’as répondu Lana, quand je t’ai demandé pourquoi nous allions travailler pour des prunes. Tu m’as jamais parlé du père d’une victime ! Tu te rappelles, hein ? Tu étais debout à côté de moi et…

— Ça va, c’est bon. Je me souviens, Anatol. C’est vrai, je finance moi-même cette enquête, dis-je avec un ton qui n’appelait pas la discussion.

Patrek n’ajouta rien, mais son sourire valait tous les discours. Tu cours vraiment après les emmerdes, ma petite Lana.

Je m’étais intéressée à l’affaire par hasard. Le premier charnier venait d’être découvert à deux rues de mon appartement. Je m’étais greffée à l’attroupement de badauds arrêtés pour regarder les corps mutilés être entassés sur un tombereau. Hommes, femmes, enfants, tous les corps avaient été dépouillés de leurs yeux, langues, et – ce qui avait le plus intrigué Patrek – aisselles méticuleusement grattées de leur chair. Le frisson s’était enroulé autour de mes vertèbres lorsque j’avais vu le cortège morbide passer. Le même frisson que celui du champ de bataille, quand le sol tremble sous le poids de l’ennemi qui charge.

Le jour même, j’étais allée voir mon contact au sein de la Garde. Je lui avais demandé de m’informer aussitôt que d’autres charniers du même type seraient découverts. Je savais qu’il y en aurait d’autres. Je le savais. Il paraît que c’est comme ça que débutent les obsessions.

Le parasite

Lorsque la toute-puissante guilde des architectes voulait punir l’un de ses membres, elle en faisait un cartographe. La victime de cette malédiction était condamnée à œuvrer nuit et jour à l’actualisation des plans de la capitale du Royaume Parangon. Autant vider l’océan avec un seau et une pelle. Mélua se contractait et se déployait plus vite qu’un cœur de cheval. Elle se développait comme du chiendent, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses murailles historiques, des profondeurs de ses catacombes jusqu’au sommet de la ville haute. Chaque jour apparaissaient cent nouvelles galeries souterraines, cent nouveaux escaliers, cent nouveaux immeubles, cent nouveaux téléphériques.

J’aspirai mon café et dépliai une carte de la Cité sur mon bureau. Une carte récente, mon bien le plus précieux après mon sabre, mon arbalète et mon sens de la repartie.

— Les quatre charniers ont été découverts dans un secteur de six kilomètres carrés, montrai-je du doigt. À chaque fois dans des caves d’immeuble. J’ai rencontré les propriétaires et les voisins, qui n’ont rien vu, rien entendu.

Patrek dodelina de la tête, se gratta la barbe avec fougue. Son œil gauche naviguait sur son axe horizontal. Je savais que l’animal était en train de cogiter.

J’avais rencontré Patrek pour la première fois lors des sélections pour rejoindre la Horde. Avec son allure bovine, sa grosse face couverte de poils, ses cheveux emmêlés et le superbe nez siégeant au milieu de ce fouillis, je m’étais dit que c’était un tas de muscles sans esprit, un gorille qui aurait découvert la parole sur un malentendu. Je m’étais vite rendu compte de mon erreur. Patrek avait grandi, survécu et prospéré dans les catacombes. Il réfléchissait vite et bien. Il pensait pratique et c’est pour ça que j’avais tant besoin de lui.

— Aucune disparition n’a été signalée, ajoutai-je. Aucune. Et aucune plainte n’a été déposée. Les victimes sont de parfaits inconnus. Je sais par mon contact que la Garde n’enquête pas. Je ne suis pas plus avancée qu’eux.

— Tu me fais voir ton cadavre ? Tu m’as dit qu’il était étonnant.

J’attrapai une poignée de feuilles de menthe que je distribuai dans des foulards. J’enfilai le mien et en proposai un à Patrek.

— Couvre ton nez avec ça. La dépouille est bien mûre, expliquai-je.

Patrek leva un sourcil, extirpa une pomme de sa poche et y planta une incisive féroce.

— Non merci, Princesse, le Grand Bishery n’a pas les narines délicates.

Toute l’ironie du monde se lisait dans son maudit sourire. Il m’avait mené la vie dure, Patrek. C’est lui qui m’avait affublée en premier de ce surnom de Princesse et, bien sûr, les douze salopards de la Horde lui avaient emboîté le pas aussi sec. Les premiers mois de campagne, je ne pouvais pas ouvrir la bouche sans que l’on me retourne un absolument Princesse Lana, vos désirs sont des ordres, gnagnagna ma Princesse.

Princesse ! Me traiter de princesse, alors que j’avais préféré la Horde à ma famille !

Je leur avais expliqué que je n’étais plus une noble, que j’aimais le danger autant qu’eux. Je m’étais rasé le crâne. J’avais commencé à cracher. Ensuite, quand la guerre s’était faite cruelle, je leur avais montré que je ne reculais devant rien. Peine perdue. J’étais devenue la PrincesseSanguinaire.

— Comme tu voudras, Bishery, rétorquai-je en balançant son foulard, mais je t’aurai prévenu.

À peine eus-je ouvert la trappe qui menait à la cave de mon bureau qu’une lourde odeur de mort s’infiltra à travers mon masque mentholé. Précédés par Anatol, nous dévalâmes une volée de marches et poussâmes une vieille porte en fer pour nous trouver devant l’établi sur lequel reposait le cadavre disséqué.

La victime était un garçon d’une douzaine d’années, prélevé sur le dernier charnier. Anatol avait bien travaillé. Le corps était fendu en deux, du sommet du crâne jusqu’au bassin. Tous les organes étaient enduits de formol, bien en évidence grâce aux aiguilles plantées pour maintenir les chairs.

Patrek examina les plaies et pencha sa chandelle au-dessus du ventre de l’enfant. Il ne lui fallut qu’un instant pour déceler l’anomalie.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Bonne question. Anatol, s’il te plaît ?

Mon coéquipier plongea sa main dans les entrailles. Il en extirpa une ramification osseuse constituée d’une vingtaine de tiges pas plus épaisses que du gros fil. Les longs doigts étaient d’un blanc tirant sur le rose, reliés en leur base par un abdomen en forme de losange pointu.

— J’ai montré des dessins de ce… crabe à trois savants différents, dis-je. Aucun ne l’a identifié.

Patrek eut un haut-le-cœur. L’organe incongru était en train d’agiter l’une de ses branches. Sans savoir pourquoi, j’étais aussi mal à l’aise chaque fois que je me trouvais face à l’abomination.

Anatol caressa le rostre de la créature.

— N’aie pas peur, mon petit Carapaçon, n’aie pas peur.

— Arrête d’appeler ce machin par un prénom, grinçai-je.

— C’est un être vivant, retourna Anatol avant d’ajouter avec le ton d’une jeune maman pour son poupon, tu n’aimes pas être dérangé, hein ? Tu veux retourner dans ta maison ?

Il replaça l’appendice au niveau du sternum du mort. Les grandes pattes de la chose se recroquevillèrent le long des tissus nécrosés. Bon sang, c’était immonde. Une purée acide rampa le long de mon œsophage.

Nous regagnâmes mon bureau en silence. Patrek n’avait pas fini sa pomme. Je sortis une bouteille de calva de mon armoire et nous versai deux godets que nous avalâmes aussitôt. Ça allait déjà mieux.

— Chapeau, ma petite Lana, tu as réussi à débusquer le merdier le plus étrange et le plus glauque de Mélua.

Il attrapa la bouteille et se resservit un verre qu’il lampa furieusement. Il posa ce dernier et se gratta le crâne.

— Je te parie que tous les corps des victimes sont parasités de la sorte.

— C’est aussi mon avis.

Patrek se mit à arpenter mon bureau de long en large, signe que la mécanique de son cerveau se mettait en branle.

— Cinquante victimes, toutes inconnues, et aucune plainte déposée ? Ça fait beaucoup. C’est que ce ne sont pas des crimes ordinaires qui sont commis, Lana. Les plaies sont trop nettes, c’est du travail de professionnel. Personne n’a rien vu, personne ne connaît les défunts ? Évidemment ! Tu as cherché tes indices en amont, ma petite Lana, comme si les victimes comptaient dans l’histoire, mais on s’en fout des cannés ! Tu as vu ce qu’il avait dans le bide le gamin ?

Patrek était en train de me perdre. Il se tourna vers Anatol.

— Mon petit, je parie qu’il t’a fallu un temps fou pour déloger le parasite en cartilage la première fois que tu as essayé de l’extraire, pas vrai ?

Anatol hocha la tête.

— Les filaments étaient soudés partout.

— Évidemment, maugréa Patrek.

— Éclaire ma lanterne, mon gros. Tu as une piste ? demandai-je.

— Une piste ? Bien sûr ! Le Jardin des Délices ma petite Lana. L’aval.

C’est à ce moment que je compris le raisonnement de Patrek.

La déduction de Patrek

J’ai connu la première grande terreurde mon existence à cinq ans. J’en ai gardé des souvenirs confus, des flammes immenses qui lèchent les façades et mes parents qui courent, en proie à une panique inédite. La Reine venait de réussir son coup d’État.

Mélua était déjà la capitale du Royaume Parangon, et c’était déjà la plus grosse métropole du continent. La ville sur la ville existait, avec ses escaliers dédaléens, ses passerelles alambiquées et ses téléphériques flanquant toutes les demeures de plus de trois étages.

Sauf qu’à l’époque, les ascenseurs étaient encore mus par des pédaleurs. Sous l’impulsion de sa nouvelle dirigeante, Mélua allait connaître un essor phénoménal. La paix dans le Royaume, les alliances, le commerce, il n’en fallait pas plus pour que les quartiers les plus infâmes, les pires coupe-gorges se transforment en quelques années en quartiers d’affaires.

Les plus grands ingénieurs du continent rivalisèrent d’audace pour repousser les limites de la construction humaine. C’est à cette époque que mes parents bâtirent leur fortune, en achetant et revendant des charpentes légères – les célèbres poutres Monzimmer – adaptées aux monuments verticaux. Ces derniers fleurirent sans discontinuer pendant de longues années de prospérité.

Tout Mélua s’était métamorphosé, sauf les catacombes. Le gruyère d’égouts souterrains était resté la demeure des laissés pour compte, le territoire le plus dangereux du continent. Au cœur des catacombes, le Jardin des Délices était le marché le plus illégal et le plus insolite que l’on puisse imaginer. L’endroit n’avait pas besoin de publicité. Dommage, parce que j’aurais aimé voir un garçon-tambourin s’égosiller sur la voie publique. Drogues rares, prostituées possédant les deux sexes ? Une seule adresse, le Jardin des Délices !

Patrek avait raison. Les victimes n’étaient réclamées par personne ? J’avais compulsé tous les avis de disparition sans retrouver aucune identité ? Peut-être que cela s’expliquait par le fait que ces gens n’avaient été que du bétail. Du bétail porteur d’un parasite rare, prélevé au moment de l’abattage, sauf sa section intestinale trop complexe à opérer.

Il ne fallait pas s’intéresser aux victimes, mais au commerce de leurs organes. D’où la réflexion de Patrek. Il fallait chercher des yeux, des langues et des aisselles parasités. Où ? Au Jardin des Délices.

Patrek éclusa un nouveau godet de calva.

— Quelle couleur, pour la réception royale ?

Je lui adressai un grand sourire.

— De quoi tu parles ?

— Tu m’as dit qu’il y avait une couleur, pour la réce…

Son œil gauche se désaxa deux fois. Il venait de comprendre.

— Oh, fit-il. C’était pas vrai. Lana langue fourchue.

— C’est toi qui m’as obligée à inventer ça. Je voulais que tu voies le parasite, mais tu avais trop hâte d’aller te saouler dans ton palace.

Dans un élan inattendu dont Patrek avait le secret, il abattit son poing de géant sur mon bureau.

— Tu sais très bien que je bois parce que c’est tout ce que j’ai trouvé pour que ces foutus démons ferment leurs GRANDES GUEULES ! Ils me parlent, ils me parlent ! En ce moment même j’entends leurs murmures, tu sais ce que ça fait, de les avoir jour et nuit dans le crâne ? Tu sais ce que ça FAIT ?

Je ne répondis rien. Patrek prétendait que des démons lui chuchotaient à l’oreille et il n’en démordrait pas. Il était à ce stade de l’alcoolisme où l’on ne se rend plus compte que l’on confond le problème et la solution.

Il se massa les tempes.

— Ah bordel, Lana. Si tu savais comme je suis fatigué. Je vais rentrer chez moi, dormir et me préparer pour la réception royale. Et si elle se passe bien, je t’accompagnerai dans les catacombes pour chercher tes bouts de cadavres.

La réception royale

Ça me faisait toujours drôle d’enfiler une robe. J’avais l’impression de changer de personnage, de redevenir une petite précieuse entretenue par ses parents. Le teint doit être parfait ! Le rose des souliers doit être le même que celui de la broche ! Oh c’est une catastrophe, j’ai un bouton sur le nez !

J’avais vraiment essayé d’être cette fille, de rentrer dans le moule de la jolie chérie que souhaitaient mes parents. J’étais restée assise des heures pour être pomponnée, pour avoir le teint frais. J’avais appris à marcher avec des bottines inconfortables à talons. J’avais appris à danser tout ce qui plaît aux réceptions. J’avais vraiment essayé.

Je finalisai mon déguisement de princesse et m’observai dans le miroir. Une parodie hilarante de Lana Monzimmer se tenait là. Une couronne de fleurs pour masquer mes cheveux blancs, une mèche blanche pour dissimuler mon oreille manquante, un foulard doré pour faire disparaître la cicatrice que m’avait laissée le vieux Sakim sur la gorge. Tout était faux. Je crachai sur le miroir, pour exorciser, et rejoignis Patrek au pied de la nacelle qui conduisait à la réception.

Il m’assura que j’étais resplendissante, je lui retournai le compliment. Nous entrâmes dans la cabine rutilante de cuivre. Le stabilisateur hydraulique battit des pistons et le chef-d’œuvre d’ingénierie alla se suspendre au-dessus de la Cité.

Mélua. Une sculpture anthracite, une ruche majestueuse et impossible, hérissée de tours interminables.

— Je suis présentable, tu le penses vraiment ?

Patrek était passé chez son barbier, son tailleur, son coiffeur, jusqu’à avoir l’allure chamarrée du riche. De son col bouffant à ses collants multicolores, de ses chausses ridicules à ses colliers de perles, tout son accoutrement criait regardez comme j’ai de l’or ! C’était parfait.

Son œil gauche tressautait dans son orbite. Il tripotait son pourpoint sans arrêt. Bon sang !