La Hyène, la Sorcière et le Garde-manger - Aeph - E-Book

La Hyène, la Sorcière et le Garde-manger E-Book

Aeph

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Beschreibung

Corvinia de Maleganza a un secret que sa belle-fille, Gert, est résolue à découvrir…

Il était une fois, dans le lointain royaume de Rosevelle, Gertrude, une princesse aux cheveux violets. Gertrude aimait la musique trop forte, la nourriture et la femme brillante avec qui elle sortait. En revanche, elle détestait sa belle-mère, qu’elle soupçonnait d’être une sorcière. Mais on ne s’oppose pas à la sinistre Corvinia de Maleganza sans en subir les conséquences, même quand on est aussi outrancière que Gert !

Rosevelle vous réserve bien des surprises ; laissez-vous tenter par ce conte drôle et touchant !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Dès qu’il a pu, Aeph a commencé à raconter des histoires. Créateur frénétique d’univers de fiction, il passe constamment des uns aux autres. Le jeu de rôle, écrire, créer des univers et des personnages sont sa soupape de sécurité dans une existence manquant bien trop de fantaisie à son goût.
Aeph est l’auteur de nouvelles publiées dans diverses anthologies et de la novella « Green Lady », parue chez YBY Éditions en 2018.

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À Louise et Karell, la première pour sa fantasy comique qui m’a inspiré le ton de cette histoire ; la deuxième pour l’avoir illustrée.

J’ai aussi la tristesse de dédier cette histoire à feu mon papa. Il ne l’aurait pas lue, parce qu’il n’aimait pas l’imaginaire, mais c’était un peu mon roi Hugues à moi.

Avertissement relatif au contenu

Cette œuvre comporte des contenus ou passages pouvant heurter la sensibilité du public.

– Ponctuels : classisme, violence.

– Mentions : relations sexuelles.

Il était une fois…

Dans le petit royaume de Rosevelle vivaient quatre princesses, les filles du bon roi Hugues. Les jouvencelles se pré­nommaient, de la benjamine à l’aînée, Linette, Babette, Henriette et Gertrude. Linette aimait la broderie, la poésie et les princes. Babette aimait la poésie, la peinture et les princes. Henriette aimait la peinture, la broderie et les princes. Gertrude aimait la musique et le saucisson. Et s’il fallait vraiment parler de sa relation aux princes, on pouvait la résumer à une ­indifférence aussi courtoise que mutuelle.

Babette avait un regard vert qui éblouissait ses prétendants, tout comme les yeux bleu azur de Linette et les cheveux d’or d’Henriette. La tignasse brune de Gertrude était devenue violette une première fois par accident, lorsqu’elle avait bousculé l’étal d’un teinturier. Elle avait bien aimé la couleur, qu’elle se refaisait régulièrement – particulière­ment avant chaque concert de Noire Éclipse, les célèbres ménestrelles agitatrices qu’elle adulait.

Babette, Linette et Henriette étaient constamment représentées sur les gra­vures de couverture de Princesses­d’aujourd’hui, en vertu de leur sens de l’habillement et de leur ligne parfaite. Gertrude, lorsqu’elle était un peu plus jeune, avait été confondue avec le fils du palefrenier. Deux fois.

En résumé, Gert – comme elle préférait se faire appeler – était plus bruyante que ses sœurs. Plus turbulente que ses sœurs. Plus dodue que ses sœurs. Et leurs parents avaient appris à l’aimer ainsi.

À la mort de sa reine, le monarque éploré prit seconde épouse, aux charmes mystérieux et ensorcelants. Corvinia de Maleganza s’avéra être une ­compagne ­volcanique pour le roi Hugues et une belle-mère doucereuse pour ses belles-filles.

Dans son coin, Gert lui prêtait les plus sinistres desseins. Le souverain, cependant, tout à sa tristesse d’avoir perdu sa précédente femme, se fiait corps et âme à la nouvelle. C’est par moult sortilèges et potions, croyait Gert, que sa marâtre s’assurait de la docilité de son pauvre père.

Car l’aînée des princesses sentait bien que quelque chose n’allait pas chez cette belle-mère vêtue d’épais drapés sombres et de plumes noires, qui conversait parfois avec les ombres des couloirs lorsqu’elle pensait que Gert n’était pas en train de l’espionner.

Un beau jour, Corvinia commença à nourrir ses belles-filles de mets étranges et exotiques. Elles mangèrent sans méfiance, car la reine leur en avait vanté les propriétés purificatrices pour leurs pores. Seule Gert refusa, creusant ainsi l’écart avec ses sœurs, qui avaient décidé d’être raisonnables et d’accepter la nouvelle compagne du roi leur père. Mais demander à Gert d’être raisonnable revenait à demander à Noire Éclipse de jouer moins fort : on s’en mordait les doigts et, dans les deux cas, il y avait destruction de matériel.

Chapitre I

Gert tomba de son lit avec un bruit sourd, sous le regard effaré de sa camériste. Amélie toussota d’embarras et se pencha vers sa maîtresse.

— Mademoiselle, vous allez bien ?

À plat ventre sur le parquet, Gert marmonna quelque chose dans un coin de tapis imbibé de bave. Amélie jeta un œil vers la porte de la chambre, qu’elle verrouilla d’un tour de clé avant de soupirer.

— Vous êtes encore rentrée à une heure indue, n’est-ce pas ? Vous avez même oublié de vous changer.

La princesse portait effectivement, au lieu de sa chemise de nuit, une tunique sombre ornée d’un « Noire Éclipse » brodé avec soin au fil argenté. Un cadeau d’Henriette, lorsqu’elle était plus jeune et que Gert était sa sœur préférée. Mais Gert avait été la sœur préférée de toutes les autres, avant qu’elles ne grandissent et qu’on leur dise qu’une personne comme Gert était de « mauvais genre » et n’avait rien d’un bon exemple pour des princesses.

— Amélie, approchez, je dois vous confesser ma honte, souffla Gert en se retournant sur le dos, les yeux plissés sous l’assaut de la lumière.

La femme de chambre s’avança avec inquiétude et se pencha vers Gert, qui faisait mine de murmurer faiblement quelque chose. Soudain, la princesse se redressa et lui attrapa le visage pour l’embrasser à pleine bouche. Amélie gloussa en se laissant tomber sur elle. Elles roulèrent ensemble contre la table en acajou dans un long baiser passionné. Gert finit par libérer la camé­riste ; celle-ci se dégagea, essoufflée, et lissa sa tenue pendant que la princesse se levait en pouffant.

— Mademoiselle, quelle inconvenance ! la gronda Amélie en remettant sa coiffe en place.

— Tu aurais vraiment dû m’accompagner au festival, déclara Gert. Y a eu un petit concert, après. C’était bien !

— Bof, non merci. Le festival du boudin aux fraises, j’y ai eu droit toute mon enfance. T’en as fait un, tu les as tous faits, répliqua Amélie.

Elle avait abandonné le vouvoiement : son amante n’appréciait guère cette marque de déférence, en privé.

— Mais y a même des jeux où on peut gagner des poissons ! s’écria la princesse, effarée.

— Oui, et à chaque fois, je me retrouve avec un mérou. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse d’un mérou ?

— Je sais pas… Ça se mange, peut-être ?

Amélie préféra ne pas répondre et aida Gert à se dévêtir pour grimper dans son bain.

— Je vais aller préparer ton petit déjeuner, lui dit-elle en dressant le lit. Qu’est-­­ce qui ferait plaisir à mademoiselle ?

— Du café, supplia Gert avec un gémissement théâtral.

— Tu ne peux pas t’alimenter uni­quement avec du café, ma chérie.

— Depuis quand ?

— Depuis que tu as besoin de vraie nourriture pour gagner des forces, et devenir une belle et grande reine.

Gert renifla un rire et jeta de l’eau moussante sur Amélie, qui glapit et sauta en arrière.

— Quand je serai reine, fini les galipettes, la menaça Gert. Je ne pourrai plus faire ce que je veux et dévergonder mes femmes de chambre.

— C’est vraiment ce que tu penses ? On dirait que quelqu’un dormait quand le précepteur lui a enseigné comment fonctionnait la royauté.

— Dans les autres contrées, ça cuisse sans doute à tour de bras, mais à Rose­velle, on a du style, bouda la princesse.

— Oh, pardon, c’est vrai, la railla Amélie. L’espace d’un instant, j’ai cru que nous couchions ensemble dans le mépris total de nos classes sociales respectives.

— Dis donc, c’est qu’tu causes bien, pour une servante !

— Ma mère m’a appris à lire, Votre Altesse.

— Voilà qui mènera la monarchie à sa perte ! se lamenta Gert, les bras levés vers le ciel.

Amélie éclata de rire. Elle laissa la princesse se prélasser au milieu des bulles et quitta la pièce.

Dans le couloir conduisant aux cuisines, elle croisa la reine et lui adressa une large révérence en baissant la tête, ravie de pouvoir ainsi dissimuler sa ­nervosité. La nouvelle épouse du roi lui faisait peur – comme au reste des membres du personnel, surtout ceux qui avaient connu la pétulante Albertine et ses toilettes toujours bariolées.

Corvinia de Maleganza portait son éternelle tenue noire moirée, qui traînait au sol sans jamais faire mine de se salir, et un grand col de plumes qui se recourbaient comme des griffes autour de son visage.

— Puis-je faire quelque chose pour Sa Majesté ? bredouilla Amélie sans relever la tête.

Une jambe élégamment gainée d’une longue cuissarde se glissa dans son champ de vision limité, révélée par une fente interminable dans la robe. Pour aider une collègue, Amélie avait déjà astiqué les quarante-sept paires de bottes presque identiques que possédait la reine. Elle recon­nut celles avec les boucles argen­tées en forme de petits crânes de corbeaux. La voix onctueuse de sa souveraine coula sur elle comme de la liqueur capiteuse.

— Amélie, la femme de chambre de ma brave Gertrude… Comment se porte ma chère, très chère belle-fille ?

— Oh, très bien, Votre Grâce. Je m’en allais lui préparer sa collation du matin.

— Ah, oui, il est bon de voir une jeune femme avec tant d’appétit.