La lecture à voix haute expliquée aux enfants - Frédérique Bruyas - E-Book

La lecture à voix haute expliquée aux enfants E-Book

Frédérique Bruyas

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Beschreibung

Frédérique Bruyas évoque dans ce livre les joies de son métier de lectrice et partage l’émerveillement qu’il lui procure du point de vue de l’enfance. Après "Le métier de lire à voix haute" (2014), elle a conçu celui-ci comme la réponse qu’elle donnerait à un enfant qui lui demanderait : « C’est quoi, la lecture à voix haute ? » Il est destiné à tous les adultes ayant le désir de transmettre aux enfants le goût et l’art de lire à voix haute.

L’Epopée du lion de Victor Hugo, intégré à Ia fin du texte, se révèle le support idéal pour y parvenir. Par le biais de références historiques et d’exemples pratiques, elle donne des outils concrets pour permettre aux « lecteurs » de « cheminer dans l’histoire de l’écriture, la forêt des livres et de soi-même ».

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Lectrice publique, Frédérique Bruyas conçoit la lecture à voix haute comme un art des paroles écrites dont l’objet est la littérature dans sa variété et sa vitalité. Son goût affirmé pour les liens que tissent les livres et pour la voix qui les met en musique est à l’origine de son engagement artistique.

Elle présente ses lectures publiques dans de nombreux lieux du livre, à l’occasion d’événements liés aux arts de la parole et lors de manifestations nationales et internationales.

Elle partage l’état de ses recherches lors de stages de formation à la lecture à voix haute auprès de bibliothécaires, d’enseignants et d’artistes en France et à l’étranger (Liban, Maroc, Algérie, Tunisie, Canada, Arménie…).

Elle a collaboré avec L’Orchestre National d’Ile-de-France, les compagnies voQue/Jacques Rebotier, La voie des livres, Les Souffleur(s), les festivals Ritournelles, Textes en l’air, Rencontres d’été en Normandie, La Voix est Libre, Hors Limites, etc.

Elle a enregistré en duo avec des musiciens les textes de Victor Hugo, James Joyce, William Blake, Gertrude Stein, Emily Dickinson, Gustave Flaubert, Joyce Mansour, Edgar Allan Poe, Walt Whitman…

Elle est l’auteure des livres "Le métier de lire à voix haute" (Éditions Magellan & Cie/2014) dans lequel elle retrace son expérience sensible de quinze années de lectures publiques et "La lecture à voix haute expliquée aux enfants" (Éditions Magellan & Cie/2018) conçue comme la réponse qu’elle donnerait à un enfant qui lui demanderait : « C’est quoi la lecture à voix haute ? ».

Frédérique Bruyas dirige la compagnie Escargot Ma Non Troppo au sein de laquelle elle invite de nombreux artistes pour créer ensemble de nouvelles complicités autour de la littérature, matière d’une extraordinaire plasticité.

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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La lecture à voix hauteexpliquée aux enfants

À Gaston, Anna, Alix et Auguste

La lecture à voix haute

expliquée aux enfants

Frédérique Bruyas

Magellan& Cie

L’Épopée du lion

Victor Hugo

Et voilà, comme toujours : les enfants et les livres.L’essence même de la continuité.

Amos Oz

Les gens tiennent les livres d’une façon singulière – comme ils ne tiennent rien d’autre. Non comme des choses inanimées, mais plutôt comme des choses endormies. Les enfants portent souvent leurs jouets de cette manière.

John Berger

Dans chaque mot se trouve un oiseau aux ailesrepliées, qui attend le souffle du lecteur.

Emmanuel Levinas

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Avant-propos

J’ai conçu ce livre comme la réponse que j’aimerais donner à un enfant qui me demanderait : « C’est quoi, la lecture à voix haute ? »

Pour ce faire, j’ai d’abord choisi dans ma bibliothèque des livres qui ont révélé mon extrême sensibilité à la littérature. Puis, j’ai essayé pour chacun d’eux de mettre en lumière ce qui fait leur singularité. Et enfin, d’en dégager les fondements d’un art des paroles écrites. Car lire à voix haute est une voie possible pour cheminer dans l’histoire de l’écriture, la forêt des livres et de soi-même.

Je destine ce livre aux adultes qui auraient le désir de transmettre aux enfants le goût et l’art de lire à voix haute en pensant que L’Épopée du lion saurait les y encourager.

Je me souviens du moment où les lettres ont cessé d’être de pures images pour devenir des sons doués d’une vie propre. Le livre de lecture de ma classe de cours préparatoire racontait la vie de Mico et Milène. Nous suivions leurs découvertes syllabes après syllabes et, à ce rythme, les mots se construisaient pas à pas. Nous pouvions commencer à

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La lecture à voix haute expliquée aux enfants

déchiffrer tout ce qui nous tombait sous les yeux. Les affiches publicitaires ont été les premières phrases qui permettaient à l’apprentie lectrice que j’étais d’exercer ses compétences encore balbutiantes.

Je me souviens du plaisir que j’avais à écouter les livres-disques qui composaient notre collection1, Barbe-bleue, La Petite Sirène, Les Lettres de mon moulin… lus par des voix extraordinaires. Le livre en main (le son d’une clochette indiquait qu’il fallait tourner la page), je me délectais des illustrations ne sachant pas encore lire. Très vite, le plaisir d’écouter se doubla de celui de deviner le texte en suivant les lignes avec le doigt. J’étais fascinée par l’interprétation magistrale des acteurs qui avaient le pouvoir de me terrifier, me désespérer et me délivrer.

Je me souviens d’un ami de ma sœur aînée qui, des années plus tard, m’a recommandé deux livres d’André Gide, La Porte étroiteet LaSymphonie pastorale. Je les ai lus d’une traite, découvrant la beauté du texte et la force des images intérieures qui naissaient d’une lecture solitaire.

Aujourd’hui, j’exerce le métier de lectrice publique. Je lis à voix haute toutes sortes de livres, pour tous les publics et dans tous les lieux possibles. Les médiathèques, les théâtres, les festivals littéraires et les salons du livre accueillent mes lectures mais il m’arrive aussi de lire à l’école pour les enfants. C’est

1. Toutes les notes sont en fin de volume. (N.d.É.)

Avant-propos

d’ailleurs après une rencontre avec des élèves de cours moyen que je me suis promis d’écrire ce livre. Alors que je refermais Le Livre de mon ami d’Anatole France, je demandai à la classe ce que signifiait le mot « passion ». Une petite fille répondit sans hésiter : « Une raison de vivre ! » Je quittai l’école en recherchant déjà comment transmettre aux enfants ma passion pour la lecture à voix haute.

Je crois que le plus simple est de reprendre tout au début : ouvrir un livre et s’émerveiller que ces petites traces écrites engendrent tant de choses à voir, entendre, imaginer et interpréter.

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Voir et Entendre

Au Moyen Âge, la métaphore de l’arbre était utilisée pour l’apprentissage des lettres. Un « arbre à alphabet »2figurait dans les manuels scolaires, au pied duquel les élèves étudiaient sous la direction de leur maître. Les lettres, telles des fruits, se trouvaient au bout des branches et se lisaient dans le sens des aiguilles d’une montre. Les principales caractéristiques d’un alphabet étaient ainsi rassemblées : un nombre limité de lettres, un ordre précis, chaque lettre ne renvoyant qu’à un seul son de la langue parlée.

Cet« arbre à lettres » a des racines profondes qui s’enfoncent dans l’histoire jusqu’en des temps très reculés. Les lettres étaient alors des dessins appelés pictogrammes. La lettre A (une tête de taureau) symbolisait la force et un certain chaos. Mais la lettre B (la maison) venait mettre de l’ordre et apaiser l’énergie vitale du taureau. D’ailleurs, entends-tu dans les lettres A et B leurs lointains ancêtres phéniciens aleph(taureau) et bèt3(maison) dont témoigne encore le mot « alphabet » ?

Notre alphabet se répartit en deux familles de lettres, les voyelles et les consonnes. Là encore,si

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l’on se fie aux sons, on entend bien que les consonnes sonnent avec (convient du latin cumqui veut dire « avec ») les voyelles. Les consonnes sont pour ainsi dire le squelette du mot qui serait imprononçable sans les voyelles où l’air circule librement. Pour que les paroles s’envolent, nous avons besoin d’air et pour que les mots prennent corps, nous avons besoin des consonnes et des voyelles.

Prenons l’exemple du mot « albatros », cet oiseau de mer aux très longues ailes. Amusons-nous à partir du A qui inaugure cette suite de lettres, à sentir avec la bouche, les lèvres et la langue comment chaque lettre se construit sur la vibration de la précédente. Ce A va donner le L qui lui-même se transforme en B, etc. Tu perçois là combien les voyelles permettent aux consonnes de se lier entre elles. Elles sont autant de nuances colorées. D’ailleurs, le A vient également de la racine grecque *alph, qui elle-même provient d’une racine indo-européenne, *albho, qui veut dire « blanc »4.

Le son et la couleur sont affaires de vibration, de longueurs d’ondes que l’air véhicule. Les voyelles permettent d’entretenir la vibration de l’air quand les consonnes sont plutôt du côté de la terre, du rythme. La lecture des lettres précède la lecture des mots.Le sens naît dans la bouche avant de résonner dans l’espace qui l’emporte toujours plus loin. Il n’existe pas de limites pour un lecteur sensible et aventureux.

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Voir et entendre

Avec la parole, nous voyageons dans un passé qui donne le vertige. Pour que les humains puissent parler, il a fallu qu’ils se tiennent debout. La parole est en quelque sorte verticale. Notre corps se tient entre la terre et le ciel. Quand les premiers hommes se sont levés, leurs mains se sont libérées des contraintes de la marche et ont pu façonner des outils et des objets usuels. Le cerveau a subi alors de profondes transformations, permettant au langage de se constituer. « Du geste à la parole », nous dit André Leroi-Gourhan, spécialiste de la Préhistoire. Mais il fallait également que l’appareil phonatoire puisse prononcer une grande variété de sons. Parler est une action complexe. De nombreux organes travaillent ensemble, à commencer par le larynx qui a pu, grâce à la station debout, fonctionner librement. Les dessins dans les grottes ont eux aussi été possibles avec la libération de la main. Comme tu le vois, l’écriture pictographique a des origines très lointaines.

J’aime l’expression : « Les paroles s’envolent, les écrits restent. » Les paroles sont comme les oiseaux qui volent et se posent sur une branche pour s’envoler à nouveau et circuler ainsi à travers le monde. Les écrits restent comme autant de traces qui préservent la mémoire des hommes. Et nous en revenons à l’histoire, les histoires que les hommes se racontent depuis la nuit des temps.

Il existe une relation indissociable entre la parole et l’écriture. La parole a permis de nommer et l’écriture

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de consigner toutes les choses en un vaste inventaire. La parole a quelque chose de magique, elle est invisible, elle repose sur du vent et pourtant elle fait exister, donne à voir. Si les lettres sont des imagesdes sons, les mots écrits sont des paroles tues, des images sonores des choses de notre monde. La lecture peut donc être, selon notre désir, silencieuse ou sonore.

Néanmoins, le choix n’a pas toujours été la norme. À l’origine, très peu d’individus (à l’exception des clercs) savaient lire et la lecture se faisait exclusivement à voix haute. Les textes se présentaient selon une suite continue de signes, comme de longs colliers de perles que seule l’oreille exercée du lecteur pouvait déchiffrer et structurer. Les majuscules, les virgules et les points sont des inventions relativement récentes.

Au xixe siècle, l’écrivain anglais Charles Dickens est mort en pleine lecture publique devant un parterre d’illettrés. À cette époque, la majorité de la population commençait à travailler très jeune dans les champs, les ateliers, et plus tard les usines. Seules les familles aisées pouvaient offrir à leurs enfants une éducation raffinée avec un précepteur à demeure. À cela, s’ajoutait le