Le métier de lire à voix haute - Frédérique Bruyas - E-Book

Le métier de lire à voix haute E-Book

Frédérique Bruyas

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Beschreibung

Frédérique Bruyas est lectrice publique. Elle arpente les livres, leur rend hommage et les fait partager avec une verve certaine. Accompagnée par des musiciens, elle crée des lectures-concerts, forme singulière où l’auditeur réside aux frontières du son et du sens. Aujourd’hui, cette chercheuse sonde d’autres concepts : lecture bilingue, lecture dansée, lecture et arts numériques, de puissants laboratoires où s’exercent les voix originelles des textes et leurs résonances. Dans ce livre, elle revient sur les mystères de ce « métier » particulier, où le spectacle se fait joie.

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Couverture

Page de titre

à Gaston Tavel

Remerciements à Jacques Rebotier et à Marc Roger qui m’ont révélé combien la lecture à voix haute pouvait être un authentique art de la parole.

Car quelque chose ne peut pas devenir une vie grâce aux grandes idées, mais grâce à ceci que l’on en dégage un métier, une chose quotidienne, et qui dure auprès de vous jusqu’à la fin. Rainer Maria Rilke

Le métier de lire à voix haute

Écrire au sujet de lire et dire ce que m’ont appris quinze années de lecture à voix haute. L’art de conduire son corps qui déchiffre les mots de l’autre se fait art de la parole, délivrant par la voix les paroles écrites dans le livre. La matière littéraire est un alliage de sons et de sens qui s’incarne dans les mots du texte. Pénétrer cette matière tout d’abord en la prononçant à la manière d’une langue étrangère. S’émerveiller que ces traces écrites produisent des sons qui, s’articulant les uns aux autres, créent du sens. Mais le sens reste une frontière toujours reculante, fruit d’une plongée dans l’histoire d’une langue revivifiée par l’écrivain. Cette histoire commence avec l’alphabet, son origine et son évolution. Chaque lettre a d’abord été une image, un pictogramme qui s’est modifié par stylisations successives. Dessiner un A revient à « puiser ses forces et son énergie des puissances de la terre. Les cornes deviennent en fait les jambes sur lesquelles l’homme trouve sa stabilité et son contact sur le sol de la terre ferme1. »

L’histoire des lettres est un glissement du dessin à l’idée puis, seulement en dernier lieu, au son : pictogramme, idéogramme et phonogramme. La lecture a d’abord été sonore, assumée par ceux qui possédaient ce savoir, les prêtres. La lecture silencieuse est venue après, comme une conquête, celle de l’intime et du secret de l’esprit. Alors qu’en est-il de la lecture à voix haute aujourd’hui ? Je ne lis pas à un public qui ne saurait pas lire mais au contraire à de fervents lecteurs. Je pense que le public vient observer de près les détails du livre, les traces de sa création, comment est fabriqué un livre. Je ne crois pas à une vérité du texte que l’auteur détiendrait. Quand des rencontres sont organisées, outre l’intérêt de la discussion qui s’engage, on apprend peu de choses sur le texte. Sa genèse n’importe guère à mes yeux. Cette connaissance-là peut même, au contraire, nous éloigner de l’œuvre qui, se confondant avec l’auteur, nous devient étrangère. Le texte est porteur en lui-même des traces de sa création, il en est le dépositaire. Si je prends l’exemple d’un maître comme Victor Hugo, comment rendre compte vocalement de tous les détails pour que la scène décrite puisse apparaître en pleine lumière ? La lecture suit la ligne, or on a sans cesse besoin de revenir en arrière pour apprécier la précision des infinis détails visuels, sonores et psychologiques. J’ai toujours l’impression que cela va trop vite. La méticuleuse observation dont témoigne son écriture m’engage à observer avec une exigence comparable le texte qui en serait la trace écrite. Alors même que la lecture ajoute les éléments au fil de la phrase, je ne dois pas les perdre en route, mais les garder bien présents à l’esprit. Lire m’inscrit dans l’écoulement du temps qui voit la matière littéraire se transformer sans cesse, terriblement vivante et appelante. Et puis, il y a de ces moments où tout est en place pour que la scène se révèle au sens du révélateur utilisé dans le développement photographique : l’image apparaît.

Je crois, à l’instar de beaucoup d’autres, que l’écoute de la voix est une voie possible vers la vision : « Et ils virent la voix ». (Exode 20, 18)

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