La recrue - Pascal Ninot - E-Book

La recrue E-Book

Pascal Ninot

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Beschreibung

Quarantenaire divorcé avec une passion pour l’écriture, Hugo trouve sur un site de rencontres Emmanuelle, son évidence.

Mais autour de leur nid d’amour aux Cévennes se multiplient les incidents étranges : des vols répétés chez la propriétaire de l’immeuble, la disparition d’une résidente de la maison de retraite où travaille Emmanuelle…
Quand le couple se retrouvera mêlé à une nouvelle disparition tragique en Tunisie, Hugo devra utiliser toutes les ressources disponibles pour résoudre une affaire d’envergure mondiale. Et alors que les mystères impliquant son aimée affluent, une rencontre avec un agent spécial pourrait bien changer leur vie.

Un roman au suspense captivant, entre amour et mystères !

EXTRAIT

Un premier regard sur un quai de gare vient compléter ces phrases, un dimanche de septembre 2014 à 18 h 52. Ses yeux verts reflètent la pureté de sa voix que seule la lumière des Cévennes peut lui offrir. Elle est enfin là devant Hugo, il l’a trouvée. Leurs lèvres se frôlent puis se touchent pour s’ouvrir sur cette lumière qui leur fait à tous deux fermer les yeux, éblouis par la chaleur de ce premier contact tant attendu. Son odeur légèrement ambrée est un parfum, le nectar d’un fruit goûteux du Sud de la France. Leurs doigts entrelacés font leurs mains se serrer pour ne plus jamais se séparer. Les mots ne sortent pas tant leurs regards sont intenses, se demandant pourquoi ils ne se sont pas croisés plus tôt, il y a dix-neuf ans. Sur ce quai de gare bondée, ils sont seuls.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pascal Ninot est né en 1964 en Seine-et-Marne, après une école d'arts à Paris, il gravira durant plus de 20 ans toutes les étapes de la publicité pour arriver comme directeur artistique sur les Champs Élysée. Il va créer deux sociétés.
Après un accident lui apportant de graves lésions cérébrales (voir son autobiographie édité en février 2015 Les Dix-sept Marches) il tombe dans un coma profond de plusieurs jours. Est-ce cet improbable réveil qui le fit quitter les affaires et le business, lui faire comprendre que la vie était courte mais large, certainement.
Pascal Ninot se consacre maintenant à ses nombreuses passions dont la photo et l'écriture qu'il nous fait partager.

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Pascal Ninot

NéMéSIS

La recrue

Pour Léna et Shana…

Némésis est la déesse grecque de la juste colère des dieux et de la rétribution. Elle est l’équilibre des hommes dans ce qui leur est dû et de la responsabilité de leurs actes. Elle est justice mais aussi, vengeance.

Némésis est aujourd’hui le nom de l’organisation dirigée depuis des décennies par Thémis, une femme dont l’intelligence mettrait en déroute les plus complexes cerveaux connus sur notre planète. Rares sont ceux qui l’ont vue, peu sont ceux qui savent qu’elle existe.

Thémis n’est ni déesse céleste, ni même spirituelle. Seule, en haut de la pyramide des hommes, elle en regarde une poignée.

Elle scrute et punit ces quelques hommes qui la composent, et élimine les proches chargés de leurs exactions.

Ces hommes sont les plus riches, vous ne les connaissez pas. Ils dirigent et mettent en place les plus influents à vos yeux, ceux que vous connaissez et que les médias vous montrent.

Ces hommes installent eux-mêmes les chefs d’États dans les différents pays, et tout cela sans vergogne, ni gêne maintenant, aux yeux de tous ! Pensez-vous qu’un Trump aux États-Unis d’Amérique ou peut-être bientôt un Macron en France, des hommes ne sachant que manier l’argent et ne connaissant que la finance, auraient pu être chefs d’États il y a trente ans ? Ils contrôlent les plus grandes fortunes référencées dans Forbes, fortunes qui deviennent des pions avec lesquels cette poignée d’hommes ne fait que jouer. L’arbitre est Thémis.

Une organisation comme Némésis nécessite un grand nombre de personnes et telle une armée, elle est hiérarchisée. La seule différence, est que c’est elle qui vous choisit. Votre voisin de palier est peut-être un membre de « Némésis ». Vous ne le savez pas, mais Thémis vous regarde, teste votre honnêteté et vos actes depuis peut-être plusieurs mois. Elle sait ce qu’elle veut et ce qu’elle recherche, c’est peut-être vous. Vous êtes partout et la technologie de Némésis ne s’arrête pas à connaître votre simple numéro de sécu. Non.

Un simple exemple : vous avez un ordinateur ou un téléphone avec une webcam, le petit œil sur votre appareil vous le voyez ? Pensez-vous être la seule personne à pouvoir l’activer ?

Thémis vous dit « non », elle peut voir tout ce qui se trouve dans son champ visuel quand elle le désire. Vous n’êtes jamais seuls.

Hugo pense le contraire, qu’il est seul. Son aventure au sein de Némésis ne fait que commencer.

Hugo s’inscrit sur un site de rencontres et très vite, Emmanuelle est déjà là, près de lui à 900 km. Cette voix ne le quitte pas, douce et sans contrainte, elle glisse pour le remplir d’une ivresse qu’il recherche sans l’avoir juste soupçonnée. Son timbre pourrait affronter les pires démons, que même leurs alliés refuseraient de l’affronter, tant sa pureté les effraierait.

Ses paroles le cinglent sans violence, avec la douceur d’une caresse qu’aucune femme ne possède, leurs mots résonnent dans ce qui est en train de naître, l’amour entre une femme et un homme, qui ne se sont vus que sur de simples photos.

De son visage elle en fait son œuvre et sans le connaître, en décrit le plus profond de son âme.

Sa vie défile devant ses yeux, les siens s’ouvrent pour la première fois et lui montrent ce qu’elle a trouvé, ce point de non-retour que l’on ne veut plus quitter.

Ces phrases qui sont sourires, rires, pour se poser dans leurs délires, deviendront sa vie, bousculée par ce puissant amour que même vos dieux ne possèdent, tant vous les avez loués.

Juste une voix qui lui parvient depuis trois mois.

Un premier regard sur un quai de gare vient compléter ces phrases, un dimanche de septembre 2014 à 18 h 52. Ses yeux verts reflètent la pureté de sa voix que seule la lumière des Cévennes peut lui offrir. Elle est enfin là devant Hugo, il l’a trouvée. Leurs lèvres se frôlent puis se touchent pour s’ouvrir sur cette lumière qui leur fait à tous deux fermer les yeux, éblouis par la chaleur de ce premier contact tant attendu. Son odeur légèrement ambrée est un parfum, le nectar d’un fruit goûteux du Sud de la France. Leurs doigts entrelacés font leurs mains se serrer pour ne plus jamais se séparer. Les mots ne sortent pas tant leurs regards sont intenses, se demandant pourquoi ils ne se sont pas croisés plus tôt, il y a dix-neuf ans. Sur ce quai de gare bondée, ils sont seuls.

*

L’un contre l’autre, leurs premiers pas les emmènent dans le centre-ville d’Alès, une ville du Gard située à 40 km de Nîmes. Les pavés de cette immense rue piétonne bordée de cafés et de restaurants les rapprochent davantage, lui faisant sentir qu’ils ne font plus qu’un. Les pas deviennent plus rapides, l’excitation, la peur que tout s’arrête ou l’envie de rattraper le temps qu’ils pensent avoir perdu loin l’un de l’autre ?

Une banquette de rotin tressée à ras le sol, coiffée d’un douillet coussin beige est la première halte de leur vie. Ils n’ont quasiment pas parlé durant ces huit cents premiers pas, mais découvert ensemble leur nouveau monde ; Emmanuelle y habite depuis longtemps mais lui dit qu’à ses côtés, tout lui semble différent, agréable.

Les premières conversations ont le ton de l’étonnement, pourquoi eux ? Pourquoi tant de bonheur ? L’amour qu’ils ressentent est si grand que ce simple mot, qui pour Hugo est le plus important et le plus fort de tous les mots, ne correspond pas assez à Emmanuelle qui en trouve un qui pour elle est encore plus fort : leur « évidence. » Emmanuelle trouve donc évident qu’ils soient ensemble et que le Divin l’ait souhaité et donc décidé. Hugo est, lui dit-elle, sa troisième évidence. Les deux premières sont toujours bien là, près de son cœur et non loin d’elle mais se reposent pour mieux lui revenir, affectées par un mal qu’elle a fait entrer il y a dix-neuf ans dans sa vie, un mal pervers qui emprisonne pour mieux vous affaiblir, mais trop faible pour détruire les évidences. Emmanuelle a deux fils.

Un grand jeune homme brun d’une trentaine d’années vient les réveiller afin qu’ils passent commande, Emmanuelle lève son visage du creux de l’épaule d’Hugo et demande un double expresso ; absorbé par tout ce qu’elle lui donne, Hugo pense avoir pris la même chose.

Leur conversation commence par remercier le Divin car ils jugent que sans son intervention, leur rencontre n’aurait jamais pu se faire. En effet, un grave quiproquo aurait bien pu ne jamais les faire se rencontrer. Quand ils s’étaient parlé pour la première fois, il y a trois mois, Hugo venait de terminer un livre. Oui, il est écrivain. L’histoire banale d’une période de sa vie qu’il lui fit parvenir, cela ne faisait que quelques semaines qu’ils échangeaient mais déjà d’intenses sentiments étaient nés entre eux. Dans ce bouquin plus que réaliste – puisqu’il parle de sa vie et que rien n’y est vraiment transcendant –, Hugo décide d’y inclure une petite partie de romance, afin de satisfaire le lecteur endormi. Une femme, déesse sortie de son imagination arrive au 5e chapitre, Miyang. Faisant connaissance (dans le livre) avec cette Miyang au corps de rêve, à l’intelligence à batifoler dans tous les coins et à aimer dans tous les sens du terme, « sa » Miyang, assise à côté de lui, sur sa banquette en rotin tressé, s’est dite trois mois plus tôt que cet homme qu’elle commence à aimer ne pourra jamais l’aimer avec cette Miyang dans la tête (celle du bouquin) – vous nous suivez là ? Elle décida donc, en pleurs, de fermer le livre sans lire la fin, fin où Hugo annonce à ses lecteurs réveillés que Miyang n’est que pur fantasme, sortie de son imaginaire.

Ce n’est qu’après quinze jours de silence et sans aucune nouvelle qu’il avait reçu un SMS d’Emmanuelle lui demandant comment il allait. S’en était suivie une conversation téléphonique où elle lui avait dit avoir apprécié le livre, il lui avait avoué que d’autres l’avaient aussi aimé, que cela devait venir de la véracité de ses écrits et du fait d’avouer son seul mensonge à la fin du livre : que Miyang n’existait pas.

Un long silence s’installe, Emmanuelle lui explique ce que je viens de vous raconter, l’aime de nouveau et elle remet sa tête au creux de l’épaule d’Hugo. Emmanuelle ne peut expliquer pourquoi elle a envoyé ce SMS salvateur pour eux deux. Vous comprenez maintenant leurs remerciements au Divin ?

Le grand gentil barman brun revint, les faisant sursauter, désolé de les avoir oubliés durant plus d’une demi-heure et pose les doubles expressos qu’ils ont eux-mêmes oubliés.

Le temps leur appartient maintenant, et plus rien ni personne ne peut s’interposer à leur bonheur, personne excepté eux.

Emmanuelle avait proposé l’idée de graver ce jour en réservant une chambre dans un hôtel pittoresque d’un village près de chez elle, Anduze. Ayant trois jours d’avance, Hugo ne connut pas ce village mais celui d’Emmanuelle, Célas. Un village d’une cinquantaine de maisons, bâties de grosses pierres grises chargées d’histoire. Un porche voûté de ces mêmes pierres les amène dans une cour intérieure où quelques pas les séparent d’un escalier les emmenant jusqu’à la porte de son appartement, leur « nid d’amour », aime-t-elle lui dire.

–Bonsoir Mme Jacob, je vous présente mon ami Hugo, comment a été votre journée ? dit Emmanuelle à la vieille femme descendant l’escalier.

–Bonsoir Emmanuelle, enchantée jeune homme. L’homme est encore venu chez moi prendre mon argent pendant que je dormais, il est malin mais je l’aurai, dit-elle sûre d’elle.

–Heureusement que je m’occupe de tous ses papiers, dit Emmanuelle, expliquant que Mme Jacob est une gentille femme, que son vieil âge lui fait perdre la tête.

Veuve d’un riche industriel, elle vit seule. Propriétaire de cette grande maison et sans aucune descendance, elle n’a gardé que l’étage du dessus, plus vaste, louant la partie basse, le nid d’amour.

Depuis leur rencontre, chacun de leurs pas est ponctué de baisers, ils sont seuls maintenant et plus rien ne les retient, les deux corps font connaissance et s’enlacent toute la nuit. Au petit matin, avec le soleil du sud, un amour nouveau, plus fort et plus intense se lève, éclairant leurs deux visages irradiés par le plaisir charnel de l’évidence d’une nuit.

Emmanuelle travaille ce lundi, dans le tumulte d’une douche, d’un café et d’un baiser, elle disparaît pour prendre son plus jeune fils à Saint-Privat, un village jouxtant Alès où elle exerce à 8 km de chez elle. Ces quinze minutes de transport avec lui sont importantes, mais trop courtes pour parler à son enfant, Emmanuelle le sait et l’accepte sans en avoir le choix, il restera dans sa tête jusqu’au lendemain matin.

Cadre et responsable de la bonne gestion d’une importante maison de retraite de plus de 180 lits, Emmanuelle est dans son travail comme une femme en mission humanitaire à l’autre bout du monde. Elle ne compte ses heures et fait tout dans l’excès, frôlant l’overdose dans ce qui la concerne indirectement, pour fuir ces tristesses qui la touchent de près. Si elle se donnait un dixième de son énergie consacré aux autres, Emmanuelle serait la plus heureuse des femmes. Mais tout sera plus clair pour Hugo dans quinze jours.

Leur journée est remplie de SMS d’amour et d’une coupure. Durant sa courte pause du midi, elle fait un aller-retour de 16 km pour lui déposer un simple baiser. Leur « évidence » est toujours bien là.

Le retrouvant à 18 heures, Emmanuelle est étonnée de voir du linge sécher dans la cour, l’appartement à peu près rangé et la vaisselle faite, lui disant que ce n’est pas à lui de faire ce genre de tâches. Hugo dut lui expliquer qu’elle travaillait, que le temps de ces obligations quotidiennes qu’elle aurait dû effectuer, est du bonheur en plus le soir pour eux deux. De tendres baisers lui font comprendre qu’elle est d’accord et elle lui annonce qu’elle a posé son jeudi et son vendredi afin qu’ils aient quatre jours complets ensemble, qu’elle souhaite passer plus de temps avec lui.

Leur première réelle soirée est celle de deux ados découvrant le monde des adultes. De spirituelles conversations, entrecoupées de larges fous rires à en faire pipi dans la culotte, des cavalcades dans l’appartement afin qu’Hugo la prenne en photo, se terminant sur le canapé par de tendres moments câlins qu’ils ne laissent s’emballer, afin de savourer leur évidence de la nuit. De longues séances sur leurs ordinateurs, afin de se présenter leurs familles respectives et leur histoire, avec Emmanuelle sur les genoux d’Hugo lui caressant les cheveux, les yeux plissés par ses questions, grands ouverts par ses réponses et remplis de larmes de rires par leurs conclusions. Le temps défile sans eux et les ados doivent se coucher pour s’endormir des heures plus tard, Emmanuelle sur le côté avec sa tête sur le ventre d’Hugo, lui entourant la nuque afin que sa main repose sur son sein, Emmanuelle lui dit qu’elle la protège de tout.

Ce matin de septembre, le réveil remplace le soleil du sud, le faisant sonner plus tôt, empiétant sur leur sommeil afin de profiter de ce moment unique de la journée, de cette odeur encore tiède de l’amour, d’un long et tendre câlin et du « Bon ! Un dernier bisou. »

Il fait encore nuit quand ils traversent la cour pour rejoindre la voiture, un chien leur fait un signe de la tête pour la reposer entre ses pattes, dans ce village de pierres encore endormi, il est le seul à souhaiter la bonne journée.

Durant ces 8 km les séparant de Saint-Privat, la légère nervosité d’Emmanuelle à présenter son fils est palpable. Hugo voit un jeune homme de seize ans, les épaules légèrement recroquevillées par la timidité de le connaître sans avoir été prévenu, peut-être aussi par une habitude pesante qu’il ne comprend plus ? Une fois déposé devant son lycée, Emmanuelle dit, agréablement surprise, qu’il a été bavard et qu’elle a bien aimé ce court moment passé tous les trois. Arrivée devant son travail, elle fait un long baiser tout en donnant les clefs de sa voiture à Hugo, lui conseillant de ne pas rester dans l’appartement mais de faire connaissance avec cette ville qui serait maintenant son principal point de chute.

La première envie d’Hugo est de retourner au café de leur premier soir, besoin de faire le point et de comprendre que tout est bien vrai. Le coussin beige est toujours sur la banquette au ras du sol en rotin, et tout est à sa place. Il s’assoit, commande un grand crème au grand jeune homme brun qui, le reconnaissant, le salue. Hugo est vite surpris par une étrange sensation, celle de ne plus être à sa place. Un fragment de réflexion lui dit qu’Emmanuelle lui manque déjà terriblement. Seul chez elle, il y a son odeur, tous ces objets qui l’entourent et la représentent, mais là ? Hugo est comme perdu et part, jugeant être beaucoup trop loin d’elle et retourne à l’appartement, tout sera plus clair pour lui dans quelques jours.

Après de nombreux et tendres messages, le préféré : « jquitte à 17 heures vient mchercher jtaime ».

Elle éprouve aussi l’envie de retourner sur la banquette à ras du sol, tout ce qu’ils peuvent voir est sujet à discussion et quand ils se regardent, il y a toujours cet étonnement d’être ensemble. Ils remercient encore le Divin. Ce qui les frappe le plus est le naturel de chacun, aucune retenue l’un pour l’autre, tous gestes et paroles s’emboîtent sans aucune contrainte. Ils sont ensemble depuis deux jours et le quai de la gare est à des milliers de kilomètres. Les paroles sont légères et seul le moment présent est important.

Ce n’est que de retour à l’appartement qu’une conversation sur leur proche avenir commun voit le jour. Emmanuelle annonce qu’ils vont passer le week-end en Lozère chez sa meilleure amie qui a invité, de ce fait, les amis auxquels Emmanuelle tient le plus, de « belles personnes », aime-t-elle dire. Flatté mais surtout rassuré qu’elle ait envie de présenter son « évidence » aux personnes qui lui sont les plus chères, Hugo lui dit qu’il n’ira pas les mains vides.

Le courrier demandant à son supérieur ces deux jours en fin de semaine n’ayant pas été regardé, fait leur bonheur se projeter plus loin dans le futur. Ils prennent la décision de garder ces deux jours pour la fin de la semaine prochaine. Fin de semaine qui les emmènera sur Paris pour quatre jours afin qu’Hugo lui présente sa famille et voit ses deux filles. Leur bonheur continuant son ascension, ils décident aussi qu’Hugo ferait dès demain un courrier à son propriétaire lui annonçant qu’il quittait son appartement pour venir vivre dans ses bras. La soirée est encore plus exceptionnelle que la veille et leur nuit encore plus évidente.

Le lendemain matin, son fils ne décroche pas un mot, il a eu les commentaires du « malin » la veille au soir, et se contente de répondre aux questions du quotidien de sa mère.

Après avoir déposé Emmanuelle au travail et arrivé à l’appartement, Hugo envoie, comme à son habitude, un message pour lui dire qu’il est bien arrivé, tout en lui demandant de lui ramener une enveloppe pour le courrier à son proprio. Emmanuelle répond qu’elle lui donnera ce soir, suivi d’un autre message, et d’un échange en général :

Emmanuelle :

« Ne le prends pas mal

mais tu ne penses pas

que l’on va un peu

trop vite pour l’appart »

Hugo :

« Je vais garder

mon appart si ça te fais

peur bb, tu as raison »

Emmanuelle :

« Cé se donner le temps

mais je n’ai aucune

crainte j’taime »

Hugo :

« Tu veux quelqu’un

qui vienne qu’un

week-end de temps en temps ? »

Emmanuelle :

« Tu es l’homme de ma vie.

Non j’te veux tout

le temps mais j’ai peur

et c’est normal, j’taime

j’te veux à mes côtés

il faut me défaire

de cette peur et j’taime.

Ecris ta lettre, tu seras

avec moi, j’taime »

Hugo :

« Tu as peur de quoi

mon amour, je t’aime

et tu m’aimes.

Tu veux qu’on attende

qu’un de nous ait un

accident pour nous dire

si on avait su ?

Le destin nous donne

une opportunité,

on a toujours le choix

dans la vie, tu sais »

Emmanuelle :

« J’prends l’choix d’être

avec toi. Ne te fais

pas de soucis, quand

j’ai une crise de panique

c’est la kata, j’taime »

Hugo :

« Je ne m’inquiète pas

si tu me dis tout

de suite tes doutes

durant ces crises

de panique,

je t’aime mon amour »

Hugo est rassuré qu’elle lui dise ses doutes tout de suite, quand elle n’est pas bien durant ces « crises de panique », concernant une décision qu’ils avaient prise. Il prend quand même la décision de ne pas envoyer cette lettre, ils auront l’occasion d’en reparler.

Ce matin, ni le soleil des Cévennes, ni le réveil mais les caresses d’Emmanuelle font ouvrir les yeux d’Hugo. Nous sommes jeudi, et quatre jours d’un total bonheur les attendent ensemble du matin jusqu’au soir, chacune de ces secondes allait être savourée, ils dévoraient tout.

*

Dès que l’on passe ses portes, Uzès est un autre monde. Premier Duché de France, vous entrez dans un musée où chaque coin de rue est une œuvre et dans ce décor, Emmanuelle brille au-dessus de tout. Main dans la main, ils sont dans un autre temps, que même leurs voix se veulent chuchotement, tant ce site donne le respect des histoires passées et des mots échangés.

Une agréable sensation qu’Hugo n’a jamais ressentie, lui revient sans cesse depuis leur arrivée dans ce musée. Il en fait part à Emmanuelle, qui lui dit sans la moindre hésitation qu’elle ressent aussi cette même douceur dans le regard des personnes qui les croisent. Quand ils les regardent, des sourires complices ponctuent même certains des regards qui leur sont adressés. Avec un tendre bisou, ils en concluent que tous ces gens avaient dû connaître ou connaissaient l’« évidence », et qu’ils devaient la voir en les croisant.

Vous pouvez rester plus de trente minutes dans le croisement de deux ruelles, il suffit de tourner la tête pour obtenir une superbe photo architecturale, perspective fuyante allant mourir sur la naissance d’une autre place, bordée de pittoresques cafés. Emmanuelle trouve qu’Hugo a du talent. Que toutes ses photos sont d’une simplicité bluffante. Et que tout est au bon endroit. Lui dit-elle ?

De sa main gauche il la prend par la hanche, pour la placer juste devant lui, les reins d’Emmanuelle plaqués contre son ventre. Il met son visage au creux de son épaule tout contre le sien, afin que leurs regards aillent dans la même direction, lui prenant la main, il la fait monter vers un grand arbre.

–Regarde les branches de l’arbre, si nous les mettons en haut à gauche de notre photo, nous aurons un magnifique premier plan, ce grand et vieux réverbère à droite, un superbe second plan laissant place dans le milieu à la ruelle se terminant tout au fond sur la place, vas-y ! Prends l’appareil !

–Alors l’arbre, le réverbère et la place au fond en bas de la photo. Regarde ! lui dit-elle en lui montrant l’écran de l’appareil, tout en trépignant.

La photo est superbe, le visage d’Emmanuelle rayonne de joie et de fierté du chef-d’œuvre accompli.

Hugo la prend par l’épaule pour descendre jusqu’à la Place des Herbes. Cette immense place entourée de voûtes, abrite divers magasins et cafés. Au milieu, de larges platanes trônent en seigneurs des lieux.

Emmanuelle attrape la main d’Hugo et l’attire devant un magasin de vêtements, une marque anglaise qui selon elle, correspond tout à fait à son style.

–J’ai envie de te gâter, dit-elle à l’intérieur.

–Je n’ai besoin de rien, toi seule me suffis, dit-il en ponctuant avec un tendre baiser.

–Regarde elle te plaît ? Laisse-moi te faire plaisir ! D’accord ? dit Emmanuelle en prenant, le regard excité, une chemise parsemée de petites feuilles vertes, chacune d’une tonalité différente.

Voyant l’envie du bonheur dans ses yeux, Hugo ne peut que l’essayer et en effet, elle lui plaît. Elle est très belle, mais aucune femme ne lui a jamais fait de cadeaux.

Le temps qu’il se retourne, Emmanuelle lui tend un superbe gilet de laine vert pâle, se fermant dans le bas par quatre boutons de cuir marron. « Allez s’il te plaît, pour moi ! » disent ses grands yeux, maintenant excités.

En sortant du magasin, dans le sac que tient Emmanuelle il y a pour Hugo, beaucoup plus qu’une chemise et un gilet. De ses deux mains, elle prend son visage pour y déposer un baiser.

–Mais tu trembles ? dit-elle doucement.

Ce moment est interrompu par la sonnerie du téléphone d’Hugo, sa plus grande fille Gaëlle veut, comme très souvent, avoir de ses nouvelles. Le croyant chez lui, elle est agréablement étonnée quand il lui dit, avec quelques explications, sa présence dans le sud auprès d’Emmanuelle.

–Ta voix est bizarre papa, tu as quoi ? dit Gaëlle, inquiète.

Après lui avoir expliqué ce qu’Emmanuelle venait de faire pour lui, elle lui dit gentiment.

–Mais c’est normal papa, tu n’as pas l’habitude mais tu le mérites.

Leur nonchalance amoureuse sur cette place, les pose devant la vitrine d’un magasin artisanal où sacs, bijoux et vêtements, s’entremêlent dans un ordre bien établi par une petite femme rousse, aux lunettes circulaires portées haut sur le front. À l’intérieur de Chez Julie, que de jolies choses !

–Regarde ces boucles d’oreilles, j’ai vu les mêmes chez toi, tu les as eues ici ?

–Oui, il y en a de différentes couleurs, regarde ! Gabrielle les avait trouvées jolies quand elle les avait vues.

Hugo en prit une paire beige clair à dentelle en forme de trèfle, partant le lendemain en Lozère chez sa meilleure amie, il ne souhaitait pas y aller les mains vides et donc les lui offrir.

Julie la petite rouquine pétillante lui met dans un beau sachet cadeau et ayant, non pas en retour, mais par amour pour son évidence, envie aussi de lui faire plaisir, Hugo prend un joli sac en cuir de différentes couleurs.

–Il est hors de question que tu m’achètes quelque chose ! Garde ton argent pour venir me voir le plus souvent possible avant que l’on vive ensemble ! Et on ne m’achète pas ! dit Emmanuelle, sans qu’il ait eu le temps de dire quoi que ce soit.

Elle lui arrache le sac des mains, le timbre de sa voix est sorti du plus profond d’Emmanuelle avec une méchanceté qui glace le sang, ses yeux presque révulsés par la rage envoient Hugo à l’autre bout de magasin. Qui est cette femme ?

Hugo sort avec ses boucles d’oreilles, et va s’asseoir à la terrasse du café, juste à côté.

Sans lui adresser un mot, Emmanuelle vient le rejoindre, s’assoit tout près de lui et commande deux cafés. Elle lui prend la main tout en posant sa tête sur son épaule, les yeux dans le vague.

–Excuse-moi Hugo, il me maltraitait pendant des jours, et me faisait un cadeau les soirs où il voulait faire l’amour, tu comprends ? dit doucement Emmanuelle.

La regardant dans les yeux, tout en lui balayant doucement la mèche de son front, Hugo boit sans répondre son café.

Il comprendra bien plus tard que son excitation n’est que le reflet de ses angoisses, Emmanuelle ne dit ses réelles pensées, elle bouge ou ne dit rien et seul M. Bourel, son psychiatre en connaît le code.

Plus son amour pour lui grandit et plus l’amour de ses enfants pour elle, ce qu’ils pensent d’elle, l’obsède. Emmanuelle commence à culpabiliser du bonheur et de ce qu’elle vit aux côtés d’Hugo. Elle se sent toujours coupable d’avoir quitté le foyer familial et demandé le divorce, laissant ce qui lui était le plus cher, ses deux fils, sans aucune explication du jour au lendemain. Emmanuelle commence alors à parler de leur père, François. Un homme de son âge, quarante-six ans. Ils se connurent à l’âge de vingt-sept ans et eurent très vite, un an après, leur premier garçon.

François est cadre dans une très importante société à Alès, bien connue dans le monde entier, spécialisée dans l’électroménager et l’usinage de haute technologie.

Emmanuelle dit qu’il adore le « paraître » et être reconnu, être le « nombril du monde » est vital pour lui. Avoir une femme irréprochable est donc indispensable et être un bon mari aux yeux de tous, primordial pour son ego, lui dit-elle.

Les soirées, plus que festives étaient fréquentes, l’alcool coulait à flots au même rythme que les discutions. Les premiers verres étaient spirituels, le suivant prenait le chemin de la connerie pour finir dans le salace, et le tout devant les jeunes enfants. Emmanuelle n’approuvait pas ces comportements et au fil des mois et des années de beuverie, les quelques remarques qu’elle s’accordait à la tribu, firent qu’elle se mit la majeure partie des convives à dos, mais continuait à bien recevoir par de jolis petits plats, que toute femme bien attentionnée à son mari, se devait de faire.

Les « faux-culs superficiels » partis, continuait Emmanuelle, François commençait ses reproches, la mettant plus bas que terre devant ses fils. Ce comportement était né le jour de la naissance de leur fils, la proie était prise.

Dès ce jour elle ne vit plus un centime de son propre salaire, les insultes et réprimandes pleuvaient mais comme Cendrillon, l’esclave de tous les jours redevenait la princesse des soirées entre amis.

Au fil des années, les dépressions successives réprimandées par François qui ne voulait pas avoir ce boulet au pied de son esclave, avaient fini par la détruire. Voilà comment Emmanuelle présente son ex-mari, un « pervers narcissique », lui dit-elle.

« Si vous ne fuyez pas cet homme, vous allez mourir madame, de quelle façon je ne sais pas, mais vous allez mourir ! » lui disait M. Bourel, son psychiatre.

Les trente minutes de route les ramenant chez Emmanuelle à Célas, dans leur nid d’amour, se font dans le silence des pensées du bien-être qu’ils venaient de vivre ensemble. Sa main sur sa cuisse, elle le regarde, Hugo conduit mais sent ses pensées, ses songes posés sur sa tempe, allait-elle tirer ou patienter ?

Tout sera clair plus tard.

Après une douce nuit agitée par les flux et reflux de leur amour, les sacs sont près pour la Lozère.

En seulement quelques minutes, vous passez d’un quasi plat pays, aux vallons boisés du parc des Cévennes, Florac vous annonce la montagne.

Emmanuelle tout excitée, parle de Gabrielle, de tous ses amis qu’elle va lui présenter. Lui dit de ne s’inquiéter, qu’il allait les apprécier.

Gabrielle habite à Saint-Étienne-du-Valdonnez, un petit village à neuf cents mètres d’altitude. Célibataire de quarante-quatre ans et maman de deux superbes enfants, Benoît âgé de 13 ans et Julie, jolie jeune fille de 11 ans. Hugo comprend très vite que la devise de Gabrielle est : « Prendre du plaisir mais jamais se prendre la tête ».

Le week-end commence par la balade sportive que s’impose Gabrielle chaque jour. Trente minutes de marche intensive dans un petit chemin escarpé autour du Bramont, une rivière de vingt-cinq kilomètres, se voulant torrent au gré de ses humeurs, montante et descendante.

Hugo derrière avec son appareil photo, Gabrielle et Emmanuelle devant, toujours pétées de rire, deux amies qui se retrouvent, quoi. Emmanuelle, se retournant sans cesse afin d’avertir Hugo dès qu’une pierre un peu branlante pourrait attenter à sa vie.

Hugo mitraillant les arbres verts, jaunes et cette rivière, calme et silencieuse puis torrent impétueux comme Emmanuelle, qu’il regarde. Ses jambes balancent ses hanches et dans ses pensées inavouables, leurs nuits se répètent, son corps et les moindres détails de sa peau, son odeur à vingt mètres d’Hugo lui manque. L’obsession d’une folle passion ?

Posant une main sur l’épaule de Gabrielle en lui souriant, Emmanuelle revient vers Hugo, pose un baiser sur ses lèvres tout en lui glissant qu’elle l’aime dans le creux de l’oreille, puis lui prend l’appareil.

–Je ne l’avais jamais vue comme ça, depuis qu’elle n’est plus avec François, dit Gabrielle, souriante, avec un regard légèrement fouineur et interrogateur.

–Je dois le prendre comme un compliment, venant de toi qui la connais mieux que personne ?

Hugo se sent sourire de complaisance.

–Je t’ai vu la regarder, tu as l’air de l’aimer vraiment, dit Gabrielle, complice.

–Elle t’a raconté notre histoire depuis le début, tout ça est si fou, mais Emmanuelle est exceptionnelle et j’y tiens énormément.

–Son attitude, sa joie de vivre et ce qu’elle me dit de toi, elle est folle amoureuse Hugo, tu t’en es rendu compte ?

L’intonation de voix de Gabrielle et cette interrogation, ne laissaient planer aucun doute, Hugo ne devra jamais faire souffrir son amie.

Ils marchent maintenant plus doucement, Emmanuelle derrière eux, bombarde son entourage.

–L’arbre super vert avec tous les petits jaunes derrière, tu vas voir Hugo, tu vas être bluffé ! dit Emmanuelle, sérieuse et droite, concentrée.