La Vénus d’Ille - Prosper Mérimée - E-Book

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Prosper Mérimée

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Beschreibung

La Vénus d’Ille est une nouvelle fantastique de Prosper Mérimée, publiée en 1837.
L’histoire se déroule à Ille-sur-Têt, une petite ville des Pyrénées-Orientales.
Résumé
| L'histoire se déroule à Ille (nom inspiré par un lieu réel : Ille-sur-Têt) durant trois jours et demi. L'histoire se prolonge ensuite pendant environ deux mois et demi. |
|Source Wikipédia|

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SOMMMAIRE

I

II

PROSPER MÉRIMÉE

LA VÉNUS D'ILLE

Nouvelle

Colomba et autres contes et nouvelles

Charpentier | 1845 (pp. 155-189)

Raanan Éditeur

Livre numérique 479 | édition 2

LA VÉNUS D’ILLE.

I

 

Ἵλεως, ἢν δ’ἐγώ, ἔστω ὁ ἀνδριὰς καὶ ἤπιος οὕτως ἀνδρεῖος ὤν.

ΛΟΥΚΙΑΝΟΥ ΦΙΛΟΨΕΥΔΗΣ

 

Je descendais le dernier coteau du Canigou, et, bien que le soleil fût déjà couché, je distinguais dans la plaine les maisons de la petite ville d’Ille, vers laquelle je me dirigeais.

— Vous savez, dis-je au Catalan qui me servait de guide depuis la veille, vous savez sans doute où demeure M. de Peyrehorade ?

— Si je le sais ! s’écria-t-il, je connais sa maison comme la mienne ; et s’il ne faisait pas si noir, je vous la montrerais. C’est la plus belle d’Ille. Il a de l’argent, oui, M. de Peyrehorade ; et il marie son fils à plus riche que lui encore.

— Et ce mariage se fera-t-il bientôt ? lui demandai-je.

— Bientôt ! il se peut que déjà les violons soient commandés pour la noce. Ce soir, peut-être, demain, après-demain, que sais-je ! C’est à Puygarrig que ça se fera ; car c’est mademoiselle de Puygarrig que monsieur le fils épouse. Ce sera beau, oui !

J’étais recommandé à M. de Peyrehorade par mon ami M. de P. C’était, m’avait-il dit, un antiquaire fort instruit et d’une complaisance à toute épreuve. Il se ferait un plaisir de me montrer toutes les ruines à dix lieues à la ronde. Or je comptais sur lui pour visiter les environs d’Ille, que je savais riches en monuments antiques et du moyen-âge. Ce mariage, dont on me parlait alors pour la première fois, dérangeait tous mes plans.

Je vais être un trouble-fête, me dis-je. Mais j’étais attendu ; annoncé par M. de P., il fallait bien me présenter.

— Gageons, monsieur, me dit mon guide, comme nous étions déjà dans la plaine, gageons un cigare que je devine ce que vous allez faire chez M. de Peyrehorade ?

— Mais, répondis-je en lui tendant un cigare, cela n’est pas bien difficile à deviner. À l’heure qu’il est, quand on a fait six lieues dans le Canigou, la grande affaire, c’est de souper.

— Oui, mais demain ?… Tenez, je parierais que vous venez à Ille pour voir l’idole ? j’ai deviné cela à vous voir tirer en portrait les saints de Serrabona.

— L’idole ? quelle idole ? Ce mot avait excité ma curiosité.

— Comment ! l’on ne vous a pas conté, à Perpignan, comment M. de Peyrehorade avait trouvé une idole en terre ?

— Vous voulez dire une statue en terre cuite, en argile ?

— Non pas. Oui, bien en cuivre, et il y en a de quoi faire des gros sous. Elle vous pèse autant qu’une cloche d’église. C’est bien avant dans la terre, au pied d’un olivier, que nous l’avons eue.

— Vous étiez donc présent à la découverte ?

— Oui, monsieur. M. de Peyrehorade nous dit, il y a quinze jours, à Jean Coll et à moi, de déraciner un vieil olivier qui était gelé de l’année dernière, car elle a été bien mauvaise, comme vous savez. Voilà donc qu’en travaillant, Jean Coll, qui y allait de tout cœur, il donne un coup de pioche, et j’entends bimm… comme s’il avait tapé sur une cloche. Qu’est-ce que c’est ? que je dis. Nous piochons toujours, nous piochons, et voilà qu’il paraît une main noire, qui semblait la main d’un mort qui sortait de terre. Moi, la peur me prend. Je m’en vais à monsieur, et je lui dis : — Des morts, notre maître, qui sont sous l’olivier ! Faut appeler le curé. — Quels morts ? qu’il me dit. Il vient, et il n’a pas plutôt vu la main qu’il s’écrie : — Un antique ! un antique ! — Vous auriez cru qu’il avait trouvé un trésor. Et le voilà avec la pioche, avec les mains, qu’il se démène et qu’il faisait quasiment autant d’ouvrage que nous deux.

— Et enfin que trouvâtes-vous ?

— Une grande femme noire plus qu’à moitié nue, révérence parler, monsieur, toute en cuivre ; et M. de Peyrehorade nous a dit que c’était une idole du temps des païens… du temps de Charlemagne, quoi !

— Je vois ce que c’est… Quelque bonne-vierge en bronze d’un couvent détruit.

— Une bonne-vierge ! ah bien oui !… Je l’aurais bien reconnue, si ç’avait été une bonne-vierge. C’est une idole, vous dis-je ; on le voit bien à son air. Elle vous fixe avec ses grands yeux blancs… On dirait qu’elle vous dévisage. On baisse les yeux, oui, en la regardant.

— Des yeux blancs ? Sans doute ils sont incrustés dans le bronze. Ce sera peut-être quelque statue romaine.

— Romaine ! c’est cela. M. de Peyrehorade dit que c’est une romaine. Ah ! je vois bien que vous êtes un savant comme lui.

— Est-elle entière, bien conservée ?

— Oh ! monsieur, il ne lui manque rien. C’est encore plus beau et mieux fini que le buste de Louis-Philippe, qui est à la mairie, en plâtre peint. Mais avec tout cela, la figure de cette idole ne me revient pas. Elle a l’air méchante… et elle l’est aussi.

— Méchante ! Quelle méchanceté vous a-t-elle faite ?

— Pas à moi précisément, mais vous allez voir. Nous nous étions mis à quatre pour la dresser debout et M. de Peyrehorade, qui lui aussi tirait à la corde, bien qu’il n’ait guère plus de force qu’un poulet, le digne homme ! Avec bien de la peine nous la mettons droite. J’amassais un tuileau pour la caler, quand, patatras ! la voilà qui tombe à la renverse tout d’une masse. Je dis : Gare dessous ! Pas assez vite pourtant, car Jean Coll n’a pas eu le temps de tirer sa jambe…

— Et il a été blessé ?

— Cassée net comme un échalas, sa pauvre jambe ! Pécaïre ! quand j’ai vu cela, moi, j’étais furieux. Je voulais défoncer l’idole à coups de pioche, mais M. de Peyrehorade m’a retenu. Il a donné de l’argent à Jean Coll, qui tout de même est encore au lit depuis quinze jours que cela lui est arrivé, et le médecin dit qu’il ne marchera jamais de cette jambe-là comme de l’autre. C’est dommage, lui qui était notre meilleur coureur et, après monsieur le fils, le plus malin joueur de paume. C’est que M. Alphonse de Peyrehorade en a été triste, car c’est Coll qui faisait sa partie. Voilà qui était beau à voir comme ils se renvoyaient les balles. Paf ! paf ! Jamais elles ne touchaient terre.

Devisant de la sorte, nous entrâmes à Ille, et je me trouvai bientôt en présence de M. de Peyrehorade. C’était un petit vieillard vert encore et dispos, poudré, le nez rouge, l’air jovial et goguenard. Avant d’avoir ouvert la lettre de M. de P., il m’avait installé devant une table bien servie, et m’avait présenté à sa femme et à son fils comme un archéologue illustre, qui devait tirer le Roussillon de l’oubli où le laissait l’indifférence des savants.