Lazarus Bradfer - Tome 1 - Pascale Bordes - E-Book

Lazarus Bradfer - Tome 1 E-Book

Pascale Bordes

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Beschreibung

Portées par une prophétie, des créatures malfaisantes, vivant dans les profondeurs des sous-sols parisiens, enlèvent sept enfants, qu’ils nomment les « Singuliers ». Suite à cela, un jeune garçon ordinaire de onze ans nommé Lazarus, s’éveille. Depuis la disparition de ses parents, il est élevé à la campagne par sa grand-tante Rosalia. Mais durant les vacances chez son grand-père à Paris, une succession d’étranges péripéties l’amènent à découvrir en lui une Aura particulière et grandissante. Une Aura qui va le propulser dans un monde surnaturel. Un monde magique où énergie positive et négative sont maîtres. Guidé par un fantôme et une médium au grand âge, Lazarus va découvrir le monde de l’invisible et apprendre à se servir de ses capacités. Porté par son courage, le jeune garçon accompagné de ses amis, part à l’aventure affronter les Atrabiles dirigés par le grand Sinastre afin de libérer « les sept Singuliers » et sauver le monde des humains.


À PROPOS DE L'AUTEURE

 
Pascale Bordes prend goût à la lecture dès sa plus tendre enfance. Passionnée d'intrigues et de Fantasy, elle met de côté son métier d'éducateur sportif pour se lancer dans l'écriture de son premier roman en 2015. C'est dans ses souvenirs d'enfance chez ses grands-parents parisiens qu'elle puise son inspiration, notamment dans l'univers fascinant de l'Egypte Ancienne découverte lors d'une visite au musée du Louvre. C'est alors, qu'avec une plume légère, elle se lance dans la saga Lazarus, dans la lignée de JK Rowling.

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Pascale Bordes

Lazarus Bradfer

et

la prophétie des 4 Lunes

Roman

Cet ouvrage a été composé et imprimé en France par les

Éditions La Grande Vague

Site : www.editions-lagrandevague.fr

3 Allée des Coteaux, 64340 Boucau

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-38460-043-4

Dépôt légal : Mai 2022

Les Éditions La Grande Vague, 2022

Toute ressemblance avec des personnages fictifs, des personnes ou évènements existants ou ayant existé est purement fortuite.

Personnages

Lazarus Bradfer : Garçon de 11 ans

Rosalia : Grand-tante de Lazarus

Lazare : Grand-père de Lazarus

Iratxo, Toko, Annequin, Trow, Korrande : Les cinq Orbes/Guides

Astrée : Entité de 11 ans

Hildebert : Fantôme d’un forgeron du moyen-âge

Clovis, Ralph, Gus Arbuthnot, Léonide Clarysse : Chevaliers de l’Ordre

Ulysse, César, Zerk et Zem : Chevaliers de l’Ordre

Aénor : Chien

Atrabiles : Créatures

Grand-Sînastre : Maître des créatures

Argus : Bras droit du Grand Sînastre

L’Armée des 13 Crânes : Militaires fantômes de la Grande Guerre

Jules Bilboquet : Antiquaire

Claudio Sedrob : Vieux médecin

Les Ferrus-Iratus : Animaux fantômes de l’Abattoir de la Nausée

La Grande Marcelle : Médium

Bill : Mari de Marcelle

Achille : Fantôme du Sanatorium de la Langue

Gaspard, Goyu et Lyla : des Singuliers

Le Docteur Klaas : Fantôme cruel du médecin du Sanatorium de la Langue

Élisabeth : Fantôme de l’infirmière du Docteur

Klaas

PROLOGUE

Tout était sombre, et l’odeur fétide qui se dégageait du lieu était épouvantable. L’assemblée était en cercle, autour d’une silhouette dont on ne distinguait pas la forme, et qui bougeait péniblement dans un désintérêt général.

Une voix rauque et inquiétante s’éleva.

— Aaaah comme j’aime toute cette désolation, la souffrance a une odeur qui m’est agréable et me redonne de la force. Avez-vous retrouvé le « Nouvel Élu ? »

— Non, pas encore Magister, mais tous nos sens sont en alerte.

— Nous sommes proches du non-retour. Plus personne ne doit venir perturber les Astres désormais.

— Nous faisons notre possible « Grand Sînastre »...

1

LE CHOIX DES ORBES

La pleine lune illuminait le ciel et le silence régnait à l’intérieur de la maison. Les cinq Orbes flottaient dans la chambre, fixant avec attention le garçon qui dormait.

Les petites boules de lumière se rapprochèrent de lui pour vérifier une dernière fois si leur choix était le bon.

— Il n’y a aucun doute, ce choix était inévitable, murmura Trow.
— Nous ne nous sommes pas trompés, ajouta Toko.
— Voilà une nouvelle réjouissante, dit Annequin.
— Nous avons bien fait de ne pas agir dans la précipitation, chuchota Iratxo.
— L’espoir est enfin de retour, conclut Korrande…

Lazarus s’étira comme un chat et bailla à s’en décrocher la mâchoire quand son réveil sonna huit heures. Il se leva au ralenti et enfila son vieux sweet-shirt. Il n’avait pas très bien dormi. Cette nuit encore, il avait eu cette impression bizarre que quelqu’un l’avait observé pendant son sommeil. Ce phénomène se répétait depuis quelque temps déjà. À chaque fois, c’était la même chose, il allumait sa lampe de chevet et constatait qu’il n’y avait personne. Il finissait toujours par se rendormir, car il n’était pas vraiment inquiet. Cependant, ses nuits s’en trouvaient perturbées et il était clair qu’il se réveillait fatigué. Il descendit l’escalier, passa par la cuisine pour embrasser sa grand-tante Rosalia et sortit dans le jardin pour profiter de la fraîcheur du matin. Il aimait observer la nature quand tout était calme, même si par moment les bruits de la ville lui manquaient. Il s’était bien accommodé à sa nouvelle vie dans ce lieu si reculé de tout. Lazarus habitait un très petit village où les maisons étaient toutes différentes, comme s’il y avait eu une bataille de style à cet endroit précis de la terre. La plupart des habitations possédait un grand jardin avec des arbres fruitiers. La récolte des fruits était d’ailleurs l’occasion d’une grande fête dans le village. Toutes festivités étaient toujours bienvenues, car depuis quelques années, sans que l’on ne puisse en expliquer la cause, une grande partie des réseaux de communication ne fonctionnait plus nulle part et seuls les téléphones fixes, et les bonnes vieilles radios, avaient retrouvé leur utilisation d’antan. Finalement, les gens s’y étaient accommodés et retrouvaient petit à petit des plaisirs simples oubliés.

Le village n'était pas grand puisqu'on pouvait en faire le tour en moins d'un quart d'heure. À une centaine de mètres de son entrée, se tenait un vieux moulin qui avait perdu ses ailes.

Depuis plusieurs semaines, quelques habitants affirmaient apercevoir une faible lueur à l'intérieur, comme si quelqu'un y avait allumé une bougie. Les discussions allaient bon train et certains le disaient même hanté. Lazarus fut très déçu quand Rosalia lui avait expliqué en riant que c’était le fait d’un petit plaisantin du village qui voulait tout simplement alimenter les racontars. Pour une fois qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire. S’il n’avait pas eu son bus à prendre ce matin-là, il serait quand même allé jusqu’au moulin pour vérifier.

Il vivait depuis quatre ans avec sa grand-tante. En réalité, Rosalia n’était pas son véritable prénom. Elle avait opté depuis très longtemps pour celui-là, car elle avait la passion des roses. Lazarus l’avait d’ailleurs toujours connue sous cette identité et n’avait même jamais cherché à savoir quel était son véritable prénom. L’intérieur de la maison de Rosalia était chaleureux. On y trouvait autant d'objets hétéroclites que dans un musée : bibelots, tableaux, vaisselle, des vieilleries quoi ! Sa chambre était la pièce la moins encombrée. Elle comportait juste un lit double, parce qu’il aimait s’étaler, une armoire, un bureau, une bougie, qu’il allumait tous les soirs tant sa clarté lui faisait du bien. Cette bougie avait de l’importance pour lui. Un jour, sa mère lui avait demandé de choisir un des objets posés sur la vieille commode de la maison. Ils étaient dans la famille depuis longtemps et elle avait à cœur qu’il en garde un pour lui. Il y avait un vieux plumier en étain, ainsi que l’encrier et son stylo à plume, le bol énorme de l’arrière-grand-père, une petite loupe, un poinçon à ticket de tiercé et enfin un joli photophore en pâte de verre de toutes les couleurs avec une bougie à l’intérieur. Lazarus n’aimait pas tous ces vieux trucs, pourtant, il avait tout de suite été attiré par le photophore et sa bougie, qu’il avait pris soin de ranger dans ses affaires…

— Lazarus mon chéri, j'espère que tu as fait ton sac, lui dit Rosalia. Mr. Brocoli vient te chercher pour te déposer au bus de 9h45.

Mr Brocoli n'était pas non plus son vrai nom, en réalité il s'appelait Mr. Broc, mais Rosalia trouvait qu’il ressemblait à un brocoli. Il avait une tête ronde surmontée de cheveux frisés en bataille. Elle renommait assez facilement tout le monde, comme madame Caddie qui était sa voisine et qui conduisait son caddie dans le supermarché comme si elle conduisait une voiture de course.

— Oui, répondit-il, je l’ai fait ce matin en me levant. Tu peux me dire où sont rangées mes chaussures de rando ?
— Tes chaussures de rando ? Mais pourquoi faire ? Voyons mon chéri, à Paris tu n'en n'auras pas besoin !
— Si, grand-père m'a dit que nous marcherions beaucoup, il a des trucs à me faire voir.
— Ah bon, bien. Elles sont rangées au fond du garage sur l’étagère métallique juste derrière les vélos, mais je connais ton grand-père, il ne se déplace qu'en métro.
— Alors nous ferons de la rando dans le métro, lança-t-il, avec un petit sourire en quittant la pièce.

Il se rendit aussitôt dans le garage à la recherche de l’étagère qu’il aperçut derrière les vélos. Les boîtes à chaussures étaient rangées tout en haut et il dut grimper sur une malle en bois, qui se trouvait juste devant, pour pouvoir les attraper. C’était la première fois qu’il remarquait cette malle et la trouva jolie. Il frotta la poussière qui la recouvrait avec le revers de sa manche et vit aussitôt briller quatre petites pierres en forme de croissant de lune. Il y avait aussi deux petits personnages sculptés qui ressemblaient à des korrigans. Intrigué, il essaya de l’ouvrir mais n’y arriva pas. Il s’approcha du système de fermeture et distingua un tout petit mécanisme incrusté avec des chiffres à la base du couvercle. Il n’avait plus assez de temps pour en étudier le fonctionnement, mais à son retour, il comptait bien demander à Rosalia de le lui montrer. Quand il revint dans la maison, elle était toujours dans la cuisine en train de terminer les sandwichs qu’elle lui préparait pour son voyage.

— J’ai trouvé mes chaussures, dit-il en brandissant la boîte, et aussi cette jolie malle que tu as encore dû dénicher dans une de tes brocantes.

Rosalia sursauta, laissant tomber le cornichon qu’elle s’apprêtait à mettre dans le sandwich, puis le regarda d’un air surpris.

— Quelle malle ?
— Celle qui est devant l’étagère où tu as rangé les boîtes à chaussures.

Rosalia marqua un petit temps d’arrêt et fit un petit geste de la main, comme si ce n’était pas important

— Ho, oui, cette malle ! Tu ne l’as pas ouverte au moins ? Elle n’est pas à moi. Je l’ai mise là en attendant que son propriétaire vienne la récupérer. Oublie cette malle mon chéri, elle ne sera plus là quand tu reviendras.

Comme il était sur le départ, il se fit une raison. Il allait très souvent chez son grand-père, à Paris. Ce dernier s’appelait Lazare, d’où le choix du prénom de Lazarus. Lui et Rosalia étaient la seule famille qui lui restait.

Ses parents étaient deux archéologues renommés qui avaient contribué à faire avancer l’histoire de certains grands animaux préhistoriques. Ils avaient notamment participé à la découverte du plus grand des diplodocus dans l’état du Colorado. Malheureusement, ils n'étaient plus là. Quatre années auparavant, alors qu’il n’était âgé que de 7 ans, on lui avait appris leur disparition. Ils étaient partis pour une de leurs expéditions archéologiques aux États-Unis où ils devaient aller faire un repérage sur un terrain inexploré. Ils avaient purement et simplement disparu sans laisser de traces. Seul leur 4x4 avait été repéré près d'un petit canyon. Les recherches avaient duré plusieurs semaines, mais on ne les avait jamais retrouvés. Les secouristes en avaient conclu qu'ils étaient certainement tombés dans une cavité profonde et étaient morts. Lazarus avait continué à espérer, se persuadant qu’ils devaient toujours être en vie quelque part, mais au bout de deux longues années, avec le soutien de son grand-père et de sa grand-tante, il s’était résigné à accepter le fait qu’il ne les reverrait jamais.

Rosalia regarda son petit neveu tendrement avec un hochement de tête. Il avait toujours sa mèche rebelle qui rebiquait sur son front. Son épaisse chevelure châtain clair lui rappelait celle de son père et ses yeux bleu azur, ceux de sa mère.

Mr Brocoli klaxonna trois fois. Lazarus alla mettre son sac dans le coffre de la voiture et retourna embrasser Rosalia. Il s’installa à côté du chauffeur et le regarda en se disant que sa grand-tante avait raison pour le surnom. Ce dernier n’avait pas beaucoup de conversation, il se raclait tout le temps la gorge comme s’il avait avalé une couleuvre. Heureusement, le trajet n’était pas trop long pour arriver jusqu’au bus, parce que ces petits toussotements étaient particulièrement agaçants. Les amortisseurs de sa vieille voiture étaient carrément usés. À chaque petit défaut de route, tous les deux faisaient un bond en se cognant la tête au plafond.

Après 30 minutes de raclements de gorge et de rebonds, Mr Brocoli déposa enfin son passager à côté de la gare routière.

— Voilà mon garçon, tu es arrivé, enfin presque ! Ton bus est tout au fond là-bas, c’est le vert. Donne bien le bonjour à ton grand-père de ma part.
— Merci monsieur Brocol… euuuh, Mr Broc, c’est gentil à vous de m’avoir emmené.
— De rien mon grand, passe de bonnes vacances !

Après un dernier petit signe de la main pour lui dire au revoir, il tira son gros sac comme il put jusqu’à son bus. Sa grand-tante lui avait pourtant promis une valise à roulettes, mais celle-ci tardait à venir. Avec l’aide du chauffeur, il balança son sac dans le coffre à bagages, monta à bord, puis alla s’asseoir là où la fenêtre était la plus dégagée, parce qu’il aimait regarder le paysage.

Bercé par les mouvements du bus, il ne vit pas grand-chose finalement, car il finit par s’endormir. Deux grosses secousses le réveillèrent en sursaut. Pendant un instant, il se demanda où il était. Il regarda les autres passagers qui n’avaient pas l’air inquiets, certainement un dos d’âne. Il posa ensuite les yeux sur le chauffeur et remarqua que celui-ci le regardait de façon étrange. Lazarus n’avait pas fait attention en montant dans le bus, mais ce dernier avait lui aussi une drôle de tête. Il pensa aussitôt à Rosalia qui l’aurait sûrement appelé monsieur Bigleux, ou monsieur Moustaches. Il avait de très grandes moustaches blanches, des sourcils épais très noirs et surtout, une très grosse verrue sur le nez. Il portait des culs de bouteille en guise de lunettes, ce qui rendait ses yeux globuleux. Après avoir échangé plusieurs regards, le chauffeur reprit le contrôle de sa route. Lazarus le trouva bizarre et se demanda pourquoi il l’avait regardé avec autant d’insistance.

Le paysage défilait avec des champs à perte de vue où des vaches paissaient en toute quiétude. Les villes et les villages traversés paraissaient si tranquilles. Ils passèrent devant de grandes étendues de forêts et de prés, où il aperçut quelques biches et renards et pour finir, une grande partie d’autoroute qui n’en finissait plus.

Assurément, les voyages en bus n’étaient pas sa tasse de thé, mais prendre le train était compliqué et surtout beaucoup plus cher.

Enfin, quatre heures plus tard, le bus arriva sur la capitale et s’arrêta à la gare routière de Gallieni. Tous les voyageurs commencèrent à bouger et à rassembler leurs affaires. L’ouverture des portes se déclencha et le chauffeur descendit le premier pour sortir les bagages du coffre. Les passagers le suivirent et récupérèrent chacun leur tour, sacs et valises. Quand Lazarus voulut récupérer le sien, le chauffeur fit mine de ne pas le voir et continua à sortir ceux des derniers voyageurs. Pour finir, il ne restait plus que le gros sac de Lazarus à l’intérieur. Ce dernier commença à s’impatienter.

— S’il vous plait monsieur, ce sac est à moi. Pouvez-vous m’aider à le sortir ?
— Ce sac est à toi mon garçon ?
— Oui, c’est le mien ! Vous voyez bien que tout le monde a déjà récupéré le sien !

Le chauffeur le regarda droit dans les yeux, ce qui le fit reculer d’un pas. Son drôle de regard derrière ses grosses lunettes avait quelque chose d’inquiétant.

— Y as-tu bien mis toutes tes affaires ? N’as-tu rien oublié d’important ?

Pourquoi ces questions ? Décidément, un je ne sais quoi ne tournait pas rond chez cet homme, pensa-t-il. Il regarda autour de lui, espérant voir son grand-père, mais il n’était pas encore là. C’était la première fois qu’une telle situation le mettait aussi mal à l’aise. Il se força à répondre, afin de ne pas paraître impoli.

— Oui, bien sûr que j’ai pris toutes mes affaires. Je vais chez mon grand-père pour les vacances ! Mais, pourquoi me demandez-vous ça ?

L’homme aux grosses lunettes releva la tête l’air contrarié. Il plissa ses yeux globuleux en regardant au loin.

— Demander quoi jeune homme ? ? ?
— Ohé LAZARUSSSSS je suis lààà ! lança une voix familière.

Ouf, pensa Lazarus, heureux de voir son grand-père arriver.

— Grand-père ! s’écria-t-il en se jetant dans ses bras.

Il l’aimait beaucoup. Ils partageaient tellement de choses et de souvenirs tous les deux. Chaque fois qu’ils se voyaient, le temps passait trop vite.

Le chauffeur sortit en vitesse le gros sac sans même se retourner. Lazarus le récupéra, soulagé de quitter cet endroit.

— Ton voyage s’est bien passé ?
— Oui, ça a passé beaucoup plus vite que je ne l’aurais imaginé. Je me suis endormi.

Il ne trouva pas nécessaire d’évoquer l’incident avec le chauffeur, d’autant plus que celui-ci était déjà remonté dans son bus. Après tout, il était arrivé et c’était tout ce qui comptait pour lui.

Ils se dirigèrent vers la station de métro la plus proche et attendirent sur le quai. Il n’y avait qu’un petit quart d’heure de trajet pour aller sur Ménilmontant. La rame de métro arriva. Il y avait du monde à cette heure de la journée. Ils durent jouer des coudes pour monter à bord. La sonnerie de fermeture retentit et ils se retrouvèrent serrés comme des sardines. Les effluves les plus variées flottaient autour de leurs narines, mélangeant entre autres, des odeurs de dessous de bras. Pendant quelques instants, Lazarus regretta le bon air de la campagne.

La rame s’arrêta à la station du Père Lachaise et la moitié du wagon se vida, ce qui leur permit de s’asseoir. Au moment où elle redémarra, il crut reconnaître le chauffeur de bus sur le quai. L’homme semblait regarder dans sa direction.

Il se demanda comment ce dernier avait pu se retrouver là aussi vite. Mais le temps qu’il veuille en parler à son grand-père, l’homme avait déjà disparu. C’était peut-être tout simplement quelqu’un qui lui ressemblait. Après tout, on a tous un sosie quelque part. Cette apparition le laissa quand même songeur tout le reste du trajet.

À la station de Ménilmontant ils sortirent du métro. Lazare prit le gros sac de son petit-fils et ils se mirent en marche vers la maison, au 14 rue de la Mare.

Lazarus aimait cet endroit. Son grand-père lui avait raconté tellement d’histoires sur son quartier. La passerelle métallique devant la maison était connue parce qu’il y avait longtemps, un chanteur nommé Maurice Chevalier y avait chanté une chanson sur Ménilmontant. Il adorait aussi la petite boutique qui se situait juste au pied de la passerelle qui portait l’enseigne : « Chez la Mère Clarysse ». La propriétaire des lieux était une chiffonnière qui récupérait tout un tas de trucs hors du temps. On y trouvait de vieilles robes de haute couture usagées, des costumes d’époque, des chapeaux, de la vaisselle, des bouquins, des candélabres de toutes les sortes, des jouets anciens, bref, un vrai petit paradis pour les chineurs et les enfants curieux. Celle-ci se plaisait à raconter à ses clients, que s’ils ne lui achetaient rien, elle les enfermerait derrière la trappe qui se trouvait au fond de sa boutique. Léonide Clarysse était une petite bonne femme toute ronde, très sympathique, avec des cheveux grisonnants coiffés un peu n’importe comment, toujours prête à rendre service.

À l’extrémité de la rue de la Mare, il y avait une impasse qui longeait la voie ferrée où il aimait bien aller regarder passer les trains. Il y observait les quelques sans-abris qui s’y risquaient de temps en temps pour aller dormir dans un petit bâtiment désaffecté maculé de graffitis.

Enfin devant la maison, Lazare posa le gros sac par terre pour ouvrir côté jardin. Lazarus vit tout de suite le beau régime de bananes accroché à l’arbre, qui n’attendait plus qu’à être cueilli. Ce magnifique bananier avait été ramené d’Afrique par un aïeul. Il avait survécu à de nombreux hivers parisiens. Chaque année en été, il faisait un régime dont on prélevait un fruit à chaque repas.

Après être rentrés, ils passèrent par l’atelier afin d’accéder à l’étage. Lazare était le dernier artisan de cannes à pêche de la capitale. De nos jours, tout était fait de façon industrielle. Son atelier occupait tout le rez-de-chaussée et, même s’il ne travaillait plus, il lui arrivait de temps à autre d’en fabriquer une pour des amis. Il y avait de grosses bottes de bambous qu’il faisait venir du Japon, car il travaillait encore à l’ancienne, ainsi que des boîtes d’hameçons de toutes les tailles, des cuillères, des bouchons, et des rouleaux de fils de nylon. Ça sentait bon la colle et l’odeur des machines. Un ami pêcheur lui avait offert une énorme tête de brochet séchée qui trônait juste à l’entrée de l’atelier. La bête impressionnait chaque visiteur par ses innombrables petites dents.

2

LE TRAIN DE 13H14

Une fois à l’étage, Lazarus se précipita juste à temps à la fenêtre de sa chambre en entendant un train arriver. À sa grande surprise, quelqu’un faisait des signes dans sa direction depuis l’intérieur, comme si ça lui était adressé. Il ne quitta pas le wagon des yeux jusqu’à ce que celui-ci disparaisse. Il regarda l’heure sur sa montre, il était 13h14. Ce début de journée était décidément particulier.

— As-tu faim mon chéri ? lui lança son grand-père.
— Non, je te remercie, tante Rosalia m’avait préparé des sandwichs que j’ai mangé tout à l’heure.
— Alors installe-toi et range tes affaires, je descendrai ton sac dans mon bureau pour que tu aies plus de place. Ha, au fait, j’espère que tu as pris de bonnes chaussures, car nous allons avoir beaucoup de marche à faire tous les deux.
— Qu’allons-nous faire grand-père ?
— C’est une surprise mon garçon, ce sera pour demain !
— Juste un p’tit détail ?
—  Ben non, sinon ce ne serait plus une surprise. En tout cas, je pense que ça devrait te plaire, dit Lazare tout sourire en lui faisant un clin d’œil.

Il rangea donc ses affaires soigneusement sur l’étagère en bois et regarda à nouveau par la fenêtre en entendant un autre train circuler. Il ne constata rien d’anormal cette fois-ci. Il savait qu’il allait vivre de bonnes vacances et sauta sur son lit pour s’allonger. Celui-ci grinça dangereusement comme à son habitude. C’était un vieux lit-cage métallique qui datait un peu. Heureusement, l’assise résista à l’assaut, mis à part une petite vis qui sauta sur le plancher et roula jusqu’en dessous de la commode en chêne. Lazarus s’assura qu’il tenait bon en rebondissant plusieurs fois sur les ressorts. Comme tout avait l’air ok, il estima que la petite vis ne devait pas être un élément majeur !

Les mains sous la tête, il repensa aux évènements bizarres de cette partie de journée et se dit que son imagination était peut-être trop débordante. Il se leva pour aller chercher sa bougie dans son sac, celle-ci le suivait dans tous ses déplacements, puis l’alluma avec un vieux zippo déniché l’année précédente chez la Mère Clarysse. La petite flamme se mit à tanguer et sa lumière lui fit du bien. C’était une sorte de rituel quand quelque chose le préoccupait ou qu’il pensait à ses parents.

Après ce petit moment de calme, il rejoignit son grand-père dans son atelier. Ce dernier était en train de terminer une canne à pêche pour un voisin qui lui avait rendu service.

— Je trouve la pêche vraiment cruelle. Les poissons doivent souffrir avec un hameçon dans la gueule. Je ne pourrai jamais être pêcheur sans vouloir t’offenser.
— Tu as raison, c’est pour ça que maintenant, je ne fabrique des cannes à pêche que pour les gens qui relâchent les poissons. Les hameçons sont très fins et les blessent à peine. Bon, que penserais-tu d’aller faire un tour ? lui proposa Lazare en posant son matériel.
— Je pense que c’est une bonne idée ! J’ai été assis un bon moment aujourd’hui et j’ai envie de me dégourdir les jambes.
— Alors vas mettre tes chaussures de marche, ça nous permettra de mettre nos pieds en condition. Ensuite, nous irons faire quelques courses pour demain !
— Chouette, s’écria-t-il. Tu vas enfin m’expliquer ce qui m’attend ?
— Hahahaha non, toujours pas !

Il remonta quatre à quatre dans sa chambre et enfila ses chaussures de rando. Son grand-père fit de même, puis ils sortirent par l’atelier. Ils empruntèrent l’escalier métallique de la passerelle et de l’autre côté, saluèrent Léonide Clarysse qui était devant sa boutique.

— Bonjour Léonide, pas beaucoup de chineurs aujourd’hui ? lui lança Lazare.
— Non répondit-elle, je n’en ai eu que deux. En regardant Lazarus, elle ajouta : « Comme ils ne m’avaient rien acheté, je les ai balancés par la trappe » et elle partit à rire joyeusement.
— Ça va finir par faire beaucoup de monde ! lui répondit Lazare, fier de sa répartie.

Ils continuèrent et se dirigèrent à nouveau vers la station de métro. Là, ils attendirent sur le quai qui était moins bondé qu’en fin de matinée. Malgré le peu de monde, quelqu’un trouva le moyen de bousculer si fort Lazarus qu’il en perdit l’équilibre. Son grand-père n’eut que le temps de le rattraper par le bras avant qu’il ne tombe par terre. Ils eurent beau regarder qui avait pu être aussi maladroit, mais l’indélicat avait déjà pris la poudre d’escampette sans s’excuser.

Tout en époussetant son pantalon, il fut attiré par un portefeuille qui était par terre.

— Regarde grand-père, il a fait tomber ça ! dit-t-il en montrant l’objet.
— Eh bien, au moins on va savoir à qui il appartient !

Lazarus ramassa l’étui en cuir et défit la petite pression, mais celui-ci ne comportait aucun papier d’identité, ni même de l’argent. Il contenait seulement une photo de train en noir et blanc.

— Encore un voleur à la sauvette ! Ce garçon a mis l’argent dans sa poche avant de se débarrasser des papiers, dit Lazare. Il n’y a plus qu’à le mettre dans une poubelle. Ça ne sert à rien de le garder, de toute façon on ne retrouvera pas son propriétaire.
— Je voudrais juste conserver la photo du train. J’aime beaucoup les photos en noir et blanc. Elle ira dans mon album de curiosités.
— Je n’y vois pas d’inconvénients. Garde cette photo si tu veux.

Il la mit dans sa poche et le métro arriva l’instant d’après. Ils purent aller directement s’asseoir. La rame redémarra.

— Tu pourrais au moins me dire de quel côté nous allons grand-père ?

Lazare marqua un petit temps avant de répondre, histoire de titiller la curiosité de son petit-fils.

— Pour commencer, nous devons aller vers Barbès.
— Tu m’emmènes au Sacré-Cœur ?
— Pas tout à fait, mais nous n’en serons pas très loin. À vrai dire, nous allons au marché, car nous avons besoin de deux ou trois choses.
— Et de quoi avons-nous besoin ?
— Tiens regarde, j’ai fait une liste. Ça te mettra sur la voie.

Lazarus prit le papier et lut : deux lampes frontales, deux petits sacs à dos, deux sifflets, deux couvertures de survie, de quoi faire des sandwichs et de l’eau !

— Waouuuuu ! Tu m’emmènes camper ?
— Non, ce sera encore plus fun que ça ! Je te laisse réfléchir. Si vraiment tu ne trouves pas, je t’accorderais un autre indice.

Ils quittèrent le métro à la station Barbès-Rochechouart et traversèrent le boulevard.

L’animation et la frénésie du marché leur en mirent plein les oreilles. Les marchands racontaient des blagues pour attirer les clients et criaient à tout va en vantant leurs marchandises. Après avoir acheté les quelques courses alimentaires dont ils avaient besoin, ils se dirigèrent vers un petit angle de rue où se trouvait un étal bien différent des autres. Une vraie caverne d’Ali Baba pour les randonneurs. On y trouvait tout ce qu’il était possible d’imaginer pour camper, randonner, partir en trek. Bref, on aurait même certainement pu partir sur la lune. Lazarus ne savait plus où donner de la tête, tellement ce stand était incroyable.

— Salut Raph, dit Lazare
— Ho, salut mon pote, comment vas-tu ? Ne m’dis pas qu’ce jeune homme est ton petit fils ? 
— C’est bien lui ! Je te présente Lazarus, aussi beau que son grand-père hein ?
— Ben dis donc, tu m’en diras tant. Qu’est-ce qui t’amène mon pote, j’espère que c’est pour la bonne cause hein ?
— Je ne sais pas de quoi tu parles, répondit Lazare légèrement contrarié. J’ai juste besoin de matériel pour une expédition particulière.
— Oh, oui bien sûr, donne-moi donc ta liste, je vais r’garder ça. J’ai tout c’qu’il vous faut, dit Ralph après avoir jeté un œil sur le papier. Vous pourrez même choisir la couleur de vos sacs à dos.
— Très bien, répondit Lazare. Par-contre, pour les lampes frontales donne-moi les meilleures, je ne voudrais pas rester en rade.
— Je peux comprendre ça ! commenta Ralph en se grattant la tête, comme s’il avait deviné où Lazare comptait emmener son petit-fils.

Lazarus commençait à ronger son frein. Il s’impatientait de savoir ce que lui avait préparé son grand-père. Le marchand de cet étal était un original. Sa longue barbe était divisée en trois tresses. Il avait une boucle d’oreille à l’oreille droite et portait un béret basque sur la tête. Lazarus le regardait préparer les marchandises quand tout à coup, ses yeux se posèrent sur un petit tatouage qu’il avait au niveau de son poignet. Ralph s’en aperçut et fit mine de se frotter le bras tout en baissant la manche de sa chemise.

Lazarus avait pourtant eu le temps de voir ce que représentait le tatouage et tenta d’en savoir davantage.

— Il est sympa votre tatouage. Ça me plairait d’en avoir un plus tard, mais ça doit faire mal non ?

Il avait imaginé que Ralph allait soulever sa manche en exhibant à nouveau son avant-bras pour lui parler du dessin à l’encre, mais il n’en fut rien. Bien au contraire, il éluda la question et lui demanda avec un grand sourire :

— Le sac à dos, tu l’veux marron ou bleu foncé ?

Perdu dans ses pensées, il ne répondit pas tout de suite. Le tatouage lui rappelait les petites décorations qu’il avait vues sur la malle chez Rosalia, quatre quartiers de lunes et deux petits korrigans.

— Alors mon grand, bleu ou marron ?

Il sursauta et regarda tour à tour les deux couleurs.

— Le bleu s’il vous plait.
— Très bien, donc ton grand-père prendra l’marron. Vous n’allez quand même pas prendre les deux mêmes, dit-il en lui faisant un clin d’œil.

Ils récupérèrent leurs achats et se remirent en marche après avoir salué Ralph. À peine s’étaient-ils éloignés, qu’ils l’entendirent crier quelque chose.

— N’oublie pas ce qui est important !

Lazarus regarda son grand-père pour s’assurer que c’était bien à lui que Ralph s’adressait.

— Qu’est-ce qu’il a voulu dire par là ?
— Oh, rien de spécial. Ralph aime bien blaguer.

Sur le trajet, il avançait pensif en regardant ses chaussures. C’était la deuxième fois de la journée qu’on lui disait ça.

— Je te trouve bien silencieux tout à coup, dit Lazare. Tu es peut-être fatigué ? Après tout, tu commences à peine tes vacances et moi je t’emmène déjà en vadrouille.
— Non, non, ça va. Je ne suis pas fatigué du tout. J’adore quand tu m’emmènes partout, ça me change du village et des arbres fruitiers !
— Alors il y a quelque chose qui te préoccupe ? Tu ne veux pas te confier ? Tu sais que tu peux tout me dire.
— Eh bien, c’est à propos de Ralph. J’ai vu qu’il avait un tatouage sur le poignet
— Oui, c’est un vieil excentrique. Il en a bien d’autres tu sais, au moins sept. Il les a fait faire quand il était jeune.
— Mais tu le connais depuis longtemps alors ?
— Exact. Je le connais depuis 54 ans ! Nous habitions dans la même rue lui et moi. Nous faisions du patin à roulettes pendant des heures et aussi les quatre cents coups !
— Ça alors, mais tu ne m’as jamais parlé de lui.
— Non, parce que nous nous sommes perdus de vue ces dernières années. C’est Léonide qui m’a dit qu’elle l’avait revu sur le marché.
— Elle le connait aussi ?
— Bien sûr. Tu sais quand j’étais gamin, chaque quartier de Paris était comme un village et tout le monde se connaissait. Ça a bien changé maintenant, je le regrette, mais c’est comme ça. Bon, tu ne m’as toujours pas dit ce qui te tracassait.
— Le dessin du tatouage de Ralph, je l’ai déjà vu ce matin.
— Comment ça ? Ce matin tu étais encore chez Rosalia !
— Oui, justement, c’est chez Rosalia que je l’ai vu !

Lazare releva les sourcils et s’arrêta de marcher en fixant son petit-fils l’air inquiet.

— Explique-toi Lazarus.
— Ce matin, je cherchais mes chaussures de rando, Rosalia m’a dit qu’elles étaient dans le garage. Je suis allé les chercher et c’est là que j’ai vu la malle.

Lazare prit un air plus grave qu’il ne l’aurait voulu et lui demanda à quoi ressemblait cette malle.

— Je ne l’ai pas bien vue parce qu’elle était recouverte de poussière. Rosalia m’a dit qu’elle ne lui appartenait pas. Elle était en bois et sur le couvercle il y avait quatre petites lunes brillantes en forme de croissant et aussi deux petits personnages. Tu sais comme des korrigans. J’ai vu la même chose sur le bras de Ralph, j’en suis sûr, c’était le même dessin !

Lazare inspira un grand coup comme s’il venait de terminer un marathon, s’efforçant de prendre un air serein pour répondre.

— Tu sais, quelques fois on a des impressions de déjà vu, ça m’arrive souvent. Oublie ça et arrête de te prendre la tête. On va rentrer à la maison et on va préparer nos affaires pour demain, tu as mérité un autre indice !

De retour à la maison, ils montèrent à l’étage et étalèrent leurs achats sur la table de la salle à manger. Enfin, si on pouvait appeler cette pièce salle à manger. Elle contenait un lit deux places, où dormait Lazare, ainsi qu’un piano et une table autour de laquelle on pouvait manger à six. Il y avait aussi deux grandes étagères pleines de livres. Lazarus dormait toujours dans la chambre au lit cage quand il venait et l’unique fenêtre avait vue sur les rails du chemin de fer. La cuisine était minuscule et donnait côté jardin d’où l’on pouvait apercevoir le bananier, de même qu’un tout petit potager où Lazare réussissait à faire pousser des tomates. Enfin, une mini salle de bain où il fallait se contorsionner pour rentrer dans la douche.

Une fois ses affaires rangées dans son sac à dos, il réclama son indice.

— Là où nous allons, le soleil ne vient jamais ! clama Lazare.
— C’est ça l’indice ? protesta-t-il. 
— Oui, réfléchis bien. Je suis sûr que tu vas trouver, lui répondit-il, en le regardant par-dessus ses lunettes.
— Tu pourrais quand même m’en dire un peu plus !

Lazare fit non de la tête.

— Bon, si tu veux aller bouquiner, je vais nous préparer un bon plat de spaghettis sauce bolognaise.
— Humm, j’ai déjà faim d’avance. Je vais aller voir les dernières BD que tu as achetées.
— C’est ça, et profites-en pour aller te laver les mains. Tu sais bien que dans le métro, c’est plein de microbes.

Après être passé par la salle de bain, il alla s’installer sur son lit et réfléchit à l’indice. Il pensa d’abord à une grotte, mais où pouvait-il y avoir une grotte dans Paris ? Finalement, il se dit que c’était bien plus cool de ne pas savoir. De toute façon, il était sûr que la surprise de son grand-père serait géniale. Le téléphone sonna, Lazare décrocha. Lazarus l’entendit répondre, mais sa façon de parler lui parut bizarre, car il parlait à voix basse. Comme il avait l’oreille fine, il perçut quand même quelques bribes de la conversation.

— Oui, je suis au courant...je ne pensais pas que ça irait aussi vite. Je vais faire en sorte que ça n’arrive pas, pas maintenant…il n’est pas prêt…

Il se demanda qui n’était pas prêt à quoi ? Il repensa soudain à la photo trouvée dans le portefeuille et la sortit de sa poche. Deux wagons y étaient photographiés. Son regard fut tout de suite attiré par un petit carré blanc que l’on aurait dit collé sur une des fenêtres. Il rapprocha la photo pour voir de quoi il s’agissait, mais tout était tellement petit qu’il ne vit rien de mieux. Il alla chercher une loupe qu’utilisait parfois son grand-père pour sa collection de timbres, ainsi que la lampe frontale qu’il avait rangée dans son sac à dos. Après l’avoir allumée, il regarda à nouveau la photo avec l’aide de son attirail. Son cœur s’accéléra. Il fut tellement surpris par ce qu’il vit qu’il dut y regarder à deux fois.

Une fille qui paraissait avoir à peu près son âge, tenait dans ses mains une feuille de papier qu’elle maintenait contre la fenêtre d’un des wagons. Il y avait quelque chose d’écrit, mais la loupe n’était pas assez grossissante pour le lire. D’un bond, il se dirigea vers l’armoire où Lazare rangeait sa collection de timbres, espérant y dénicher une loupe plus puissante. Il ouvrit chaque petite boîte et finit par en trouver une beaucoup plus grosse. Il sauta sur son lit, qui grinça encore plus dangereusement que précédemment et regarda à nouveau la photo.

Il était écrit : TRAIN 13H14

Il fronça les sourcils, c’était l’heure à laquelle il avait cru voir quelqu’un lui faire des signes depuis le train qu’il avait vu passer plus tôt dans la journée.

3

L’EXPÉDITION

Lazarus n’avait pas très bien dormi. Il avait repensé une bonne partie de la nuit au train de 13h14, ainsi qu’au message. Il s’était mis en tête que tout ça n’était pas lié au hasard et que forcément ça lui était adressé.

Il entra dans la salle à manger, la tête enfarinée, pour prendre son petit déjeuner. Le réveil avait sonné à 7h30 de façon exceptionnelle pour des vacances, mais il fallait se lever tôt pour partir à l’aventure.

— Bien dormi mon chéri ?
— Oui, comme un loir, mentit-il en baillant.
— Très bien, j’ai déjà préparé nos sandwichs. Il n’y a plus qu’à petit-déjeuner, s’habiller et y aller. Au fait, prends ta polaire.
— Mais il fait déjà au moins 25° dehors !
— C’est exact, mais prends-la quand même dans ton sac à dos, nous en aurons sûrement besoin là où nous allons.

Pendant quelques instants, l’excitation de cette journée lui fit oublier son remue méninge de la nuit passée.

Lazare avait mis son pantalon et ses chaussures de randonnée, un tee-shirt vert kaki où était inscrit : « I love New-York » et s’était coiffé d’un super Stetson comme les cow-boys. Lazarus était vraiment fier de son grand-père. En le regardant, il se disait qu’il avait beaucoup de chance.

Il était l’heure de partir. Ils passèrent par l’atelier pour sortir de la maison, saluèrent de concert la tête de brochet en rigolant et sortirent côté passerelle.

Le ciel était légèrement voilé et annonçait une journée très chaude sur la capitale. Ils gravirent les marches métalliques, aperçurent Léonide au fond de sa boutique et se mirent à marcher d’un pas décidé.

Lazarus se laissa guider sans poser de question, se réjouissant à l’avance de ce qu’il allait découvrir.

Ils prirent la direction de la rue Henri Chevreau, puis vers l’avenue Gambetta et la rue de Bagnolet. Ils marchaient depuis une bonne vingtaine de minutes quand ils arrivèrent rue Florian. L’air était encore frais et la circulation des voitures discrète. C’était un petit moment magique que chacun préservait en gardant le silence. Lazare ralentit et annonça :

— C’est ici que notre aventure commence mon chéri !

Lazarus regarda autour de lui, surpris de ne rien voir de particulier. Ils avancèrent jusqu’à un petit portail perdu au milieu d’une haie de verdure. Après avoir ouvert le cadenas qui en condamnait l’accès et dont Lazare avait la clé, ils passèrent de l’autre côté en prenant soin de bien le refermer.

Le chemin qui s’ouvrait à eux longeait des voies ferrées désaffectées. L’atmosphère qui s’en dégageait annonçait quelque chose d’aussi génial qu’inquiétant.

— Nous sommes sur une ancienne voie de chemin de fer, expliqua Lazare. Cette partie est particulière, car tout le monde n’a pas l’autorisation d’y venir. Nous allons retrouver un de mes vieux copains qui nous servira de guide. Nous avons encore de la marche avant de rejoindre notre point de rendez-vous.

Lazarus était subjugué par cet endroit insolite et suivait son grand-père en se sentant privilégié.

Le soleil commençait à pointer son nez et la douceur de l’été s’installait timidement. Le chemin sentait bon l’herbe mouillée et la ferraille des voies désaffectées, ce qui rendait le lieu encore plus fascinant. Ils passèrent devant une immense plante que Lazarus n’aurait jamais imaginé voir à cet endroit.

— Regarde grand-père, on dirait une Gobe Mouches géante !
— C’en est une. Si tu t’avances encore plus près tu sentiras une étrange odeur, pas très agréable je l’avoue.

Il s’approcha de la plante et renifla. Une odeur nauséabonde s’en dégagea et lui vrilla les narines. La plante se mit à bouger, refermant une de ses énormes feuilles tenaille comme si elle voulait l’attraper. Il fut tellement surpris qu’il faillit tomber à la renverse. Son grand-père éclata de rire en le rattrapant in extremis.

— Tu as bien failli te faire piéger mon vieux ! Cette plante est arrivée là on ne sait trop comment. En tout cas, elle doit se plaire à cet endroit, parce qu’elle est devenue énorme.
— C’est répugnant ! Je n’ai jamais senti un truc pareil.
— Allez, continuons, je ne voudrais pas faire attendre Clovis
— Encore un de tes amis que je ne connais pas !
— Effectivement, Clovis est aussi un très vieil ami.

Lazare ne s’attarda pas sur les détails de cette amitié et le fit avancer. Ils longèrent un vieux bâtiment désaffecté sur lequel étaient tagués des dessins dignes d’une bande dessinée. Mise à part cette vieille bâtisse, on aurait pu se croire à la campagne. Les cailloux qui entouraient les rails crissaient sous leurs pieds, rythmant leurs pas décidés. Ils s’arrêtèrent devant l’entrée d’un tunnel, duquel dépassaient à espaces réguliers des tiges de fer plantées dans la partie supérieure, comme une énorme gueule béante.

— Voilà, nous y sommes presque. Nous allons faire vingt et une grandes enjambées à partir d’ici.

Ils comptèrent jusqu’à vingt en allongeant leurs pas.

VINGT ET UN

Ils entendirent alors plusieurs coups de sifflets, des longs et des courts.

— C’est Clovis qui s’annonce en morse.

Voyant l’interrogation sur le visage de son petit-fils, Lazare lui expliqua ce qu’était le morse.

— C’est un code permettant de transmettre un message à l’aide de séries d’impulsions courtes et longues, ainsi tu peux communiquer.
— Tu connais le morse ?
— Bien sûr, on s’est entraîné avec tous mes vieux potes, mais c’est une longue histoire et ça remonte à très longtemps.
— Tu m’apprendras ?
— Certainement, ça peut toujours servir, mais on verra ça un autre jour.

Quelques secondes plus tard, une lueur apparut dans la partie la plus noire du tunnel. Le halo grossissait à vue d’œil. Ils aperçurent enfin la silhouette de Clovis qui leur faisait de grands signes.

— Hello les aventuriers ! Vous ne vous êtes donc pas perdus ?
— Salut Clovis, tu vois nous sommes pile à l’heure.
— Comme d’habitude non ?
— Voici Lazarus, mon petit fils
— Ha, je sais que vous avez cherché loin pour le prénom, plaisanta Clovis. C’est donc lui. Alors mon p’tit gars, prêt pour l’immersion ?
— Oui, je crois. À vrai dire, je ne sais toujours pas ce que nous allons faire. Grand-père n’a rien voulu me dévoiler.
— C’est tant mieux, comme ça tu auras moins peur.

Jusqu’à maintenant Lazarus n’était pas inquiet, mais la remarque de Clovis l’interpela.

— Bien, vous allez mettre vos frontales et les allumer. Ensuite, nous nous encorderons pour plus de sécurité. Vous resterez derrière moi et nous marcherons au même rythme. Mettez vos sifflets autour de votre cou. Ne vous écartez pas de votre trajectoire et ne parlez pas. Si vous avez quelque chose qui ne va pas, tirez deux coups vifs sur la corde. Tout le monde a compris ?

Ils firent oui de la tête. Ces consignes déclenchèrent une certaine inquiétude chez Lazarus. Ne voulant rien faire paraitre à son grand-père, il fit comme si tout allait bien. Une fois leurs lampes allumées, ils s’encordèrent après avoir enfilé leur polaire, car la fraîcheur se faisait ressentir à l’intérieur du tunnel. L’humidité ambiante était importante. On entendait tomber des petites gouttes d’eau provenant de la condensation sur les murs de pierres.

La cordée s’ébranla.

Le miaulement d’un chat les fit sursauter. Apeuré, celui-ci leur fila entre les jambes. L’aventure s’annonçait palpitante. Ils entreprirent leur progression, avançant prudemment pour ne pas trébucher, car il y avait de temps en temps des obstacles. Quand ils arrivèrent au niveau d’une large courbe, deux coups secs firent vibrer la cordée.

— Rien de grave ! chuchota Lazare. Un de mes lacets s’est défait !

Après que Lazare ait renoué sa chaussure, ils repartirent lentement. Le temps de marche parut interminable à Lazarus. Le sol n’était pas sûr et il y avait tout un tas de bruits bizarres. De temps en temps, il avait l’impression que ses pieds s’enfonçaient dans du sable mouvant et des toiles d’araignées lui caressaient les cheveux. Il n’osait pas avouer qu’il commençait à avoir peur. Des frissons lui parcoururent le corps. Plusieurs grincements résonnèrent tout à coup très forts. Clovis marqua un temps d’arrêt, leur intimant l’ordre de ne surtout pas parler. La tension était montée d’un cran. Lazarus s’agrippa machinalement au bras de son grand-père pour se rassurer. Quelque chose semblait se déplacer dans une galerie voisine. Finalement, les grincements cessèrent aussi soudainement qu’ils avaient commencé. Clovis fit un petit signe de tête pour qu’ils se remettent en route. Au bout d’une vingtaine de minutes, il s’arrêta de nouveau.