Lazarus Bradfer - Tome 2 - Pascale Bordes - E-Book

Lazarus Bradfer - Tome 2 E-Book

Pascale Bordes

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Beschreibung

Lazarus est plus déterminé que jamais à retrouver les derniers enfants et son grand-père. Pour l’empêcher d’agir, les Atrabiles créent l’armée des soldats noirs humains, soumis à une mystérieuse substance. Aidé par un shaman et un être de la terre, Lazarus va découvrir ses nouvelles capacités et pénétrer l’antre des créatures pour avancer sa quête. La menace de la prophétie est imminente et le pousse à se lancer dans une course contre la montre. Parviendra-t-il à temps pour accomplir sa mission afin de sauver le monde ?


À PROPOS DE L'AUTEURE 


Pascale Bordes prend goût à la lecture dès sa plus tendre enfance. Passionnée d'intrigues et de fantasy, elle met de côté son métier d'éducatrice sportive pour se lancer dans l'écriture de son premier roman en 2015. C'est dans ses souvenirs d'enfance chez ses grands-parents parisiens qu'elle puise son inspiration, notamment dans l'univers fascinant de l'Egypte Ancienne découvert lors d'une visite au musée du Louvre. C'est alors, qu'avec une plume légère, elle se lance dans la saga Lazarus, dans la lignée de JK Rowling.

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Pascale Bordes

Lazarus Bradfer

et

le Septième Singulier

Roman

Cet ouvrage a été composé et imprimé en France par les

Éditions La Grande Vague

3 Allée des Coteaux, 64340 Boucau

Site : [email protected]

ISBN numérique : 978-2-38460-053-3

Dépôt légal : Novembre 2022

Les Éditions La Grande Vague, 2022

À NELLY (ma mère)

Personnages

Lazarus Bradfer : garçon de onze ans

Rosalia : Grand-tante de Lazarus

Lazare : Grand-père de Lazarus

Iraxo, Toko, Annequin, Trow, Korrande : les cinq Orbes/Guides

Astrée : Messagère et amie de Lazarus

Hildebert : Fantôme d’un forgeron du moyen-âge

Clovis, Ralph, Gus Arbuthnot et Léonide : Chevaliers de l’Ordre

Ulysse, César, Zerk et Zem : Chevaliers de l’Ordre

Aénor : Chien

Atrabiles : Les Créatures

Le Grand Sînastre : Chef des Atrabiles

Argus : Bras droit du Grand Sînastre

L’Armée des 13 Crânes : Soldats fantômes de la grande Guerre

Jules Bilboquet : Antiquaire

Claudio Sedrob : Vieux médecin

Les Ferrus-Iratus : Fantômes des animaux de l’Abattoir de la Nausée

La grande Marcelle : Célèbre Médium

Bill : Mari de la grande Marcelle

Achille : Petit fantôme du Sanatorium de la Langue

Docteur Klass : Fantôme du cruel médecin du Sanatorium de la Langue

Élisabeth : Fantôme de l’infirmière du Docteur Klass

Le Sylphe et Lubin : Êtres de la terre

Alice Leurquin : Organiste de Notre-Dame

Jim : Gardien de Notre-Dame

Vincent et Anne-Sophie : Gardiens du musée du Louvre

Le Portepatte : Shaman

Weibao-Fengdong : L’Herboriste

Bao-Zu : Arrière-petite-fille de l’herboriste

Gaspard, Goyu, Lyla, Laslo, Germain, Eugène et Catherine : Les Singuliers

Paul et Étienne : Les deux prisonniers oubliés

Anna et Maxime : Parents de Lazarus

1

FRÉQUENCE 114.48

Dans la maison d’enfance de Léonide, régnait une certaine animation. Les trois Singuliers, Gaspard, Goyu et Lyla, y étaient à présent à l’abri. Astrée partageait une chambre au quatrième étage avec les jumelles, tandis que Lazarus en partageait une autre avec Gaspard au troisième. Léonide faisait son possible pour leur rendre la vie plus facile après toutes ces péripéties. De leur côté, Ralph et César veillaient sur leur sécurité, les représailles des Atrabiles n’allaient sans doute pas se faire attendre.

La libération des trois enfants marquait une étape importante. Mais, la mission de Lazarus était encore loin d’être accomplie. Quatre Singuliers restaient toujours captifs, et l’imminence de la Prophétie planait comme une ombre effrayante. Le Grand Sînastre allait vouloir récupérer rapidement ses précieux biens, et devait déjà œuvrer en ce sens. La vigilance restait de mise.

Lazare était toujours entre les griffes de la créature, Dieu seul savait ce qu’elle pouvait lui faire endurer pour soulager sa rage. Lazarus devait rester fort, même si parfois, un sentiment d’impuissance l’envahissait dès qu’il pensait à son grand-père.

La voix de Léonide résonna dans l’escalier pour annoncer que le repas était prêt. Sans attendre, les garçons dévalèrent les marches quatre à quatre. Les filles se firent attendre encore quelques minutes.

Dans la salle à manger, Ralph et César étaient déjà installés autour de la très grande table, sur laquelle était disposée de la vaisselle dépareillée. La petite troupe enfin installée, Léonide apporta deux belles quiches lorraines encore fumantes. Gaspard et les jumelles apprécièrent ce mets qu’ils mangeaient pour la première fois. Le repas se passa dans la bienveillance, et les échanges gestuels des jumelles pour se faire comprendre, amenèrent quelques éclats de rire. Le dessert arriva enfin, une grosse brioche bien dorée, à l’intérieur de laquelle Léonide avait glissé des morceaux de fruits confits.

Tous les volets de la maison étaient clos. Le soleil, chaud à cette heure de la journée, passait péniblement au travers des persiennes. César leur avait expliqué qu’ils devaient impérativement rester fermés. Leur présence dans la maison devait demeurer secrète. Moins ils attiraient l’attention, mieux ce serait, même si l’endroit était sûr.

Deux lampes à gaz éclairaient la pièce, rendant presque ces instants magiques. Il y avait aussi une grande cheminée, à l’intérieur de laquelle on pouvait voir les restes d’une bûche à moitié calcinée.

— Les guides ne devraient pas tarder à nous rejoindre, annonça Ralph.

Aussitôt dit, plusieurs détonations résonnèrent en provenance du conduit. Chacun se redressa sur sa chaise. Apeurées, Goyu et Lyla eurent un mouvement de recul, aussitôt rassurées par Léonide. Tous les regards étaient tournés vers la cheminée, d’où s’échappait de la poussière de suie. S’ensuivit une plus grosse détonation au moment où les cinq petites lumières apparurent dans la pièce. Les Guides prirent forme en toussant et crachant leurs poumons, puis frottèrent énergiquement leurs vêtements couverts de poudre noire.

— Quelle idée d’avoir voulu passer par là ! pesta Annequin en foudroyant Iratxo du regard.
— Ce n’était pas mon idée, mais celle de Trow, je te signale.
— Comment ça mon idée ? Pas du tout, moi j’ai suivi Toko !
— Bon, bon, bon, peu importe ! dit Korrande. L’essentiel est d’être là !

Aénor faisait des bonds en remuant la queue pour dire bonjour à ses maîtres qui lui firent des caresses en retour.

Enfin, ils aperçurent les jumelles. Korrande s’adressa aussitôt à elles dans leur langue, à la surprise générale. Les petites filles parurent tout de suite plus à l’aise et lui répondirent avec le sourire.

— Nom d’un p’tit bonhomme ! s’exclama Ralph, vous parlez la langue mongole ?
— Bien sûr, répondit Korrande. Nous savons parler toutes les langues !
— Venons-en au fait, intervint Annequin en louchant sur la suie qui recouvrait le bout de son nez.
— As-tu les Cubes d’Argent Lazarus ? demanda Trow.
— Et le Poste à Galène Doré ? ajouta Toko.
— Euh, oui, répondit Lazarus, ils sont dans mon sac. Je vais aller les chercher.

Sans perdre un instant, Lazarus remonta les trois étages, et récupéra les Cubes et le Poste dans son sac à dos. Au moment où il allait regagner l’escalier, il eut l’impression d’entendre un bruit provenant de l’intérieur du conduit de la cheminée de la chambre. Il s’arrêta et tendit l’oreille. Il l’entendit à nouveau et colla son oreille contre le muret de brique, mais n’entendit plus rien. Pensant qu’il devait s’agir d’un oiseau qui nichait quelque part sur le toit, il redescendit et revint dans la salle à manger. Il présenta d’abord les deux Cubes d’Argent aux Guides. Toko les prit délicatement et les observa, satisfait.

— Nous avons ici le corps Ethérique ! Il symbolise la santé, annonça-t-il, en montrant la gravure d’un petit homme à la tête en forme de soleil. Et voici le corps Mental, représenté par un cercle parfait.
— Ce sont des plans énergétiques très importants, souligna Iratxo.
— Quand les Cubes d’Argent auront tous retrouvé leurs emplacements originels, les sept Plans Energétiques anéantiront le pouvoir des Atrabiles, expliqua Toko.
— Ce qui entrainera leur perte. Dépourvues alors de leur force, ces créatures se figeront à jamais, précisa Annequin.
— Et votre monde retrouvera paix et sérénité, perdues depuis trop longtemps, soupira Korrande.
— Cher Lazarus, dit Trow, il va falloir te méfier davantage du Grand Sînastre, car si ses forces déclinent, il fera tout son possible pour atteindre ton mental et nuire à la tâche qui t’a été confiée.
— Il l’a déjà fait, intervint Astrée. À deux reprises. Lazarus a vu son grand-père torturé par les Atrabiles.
— Tout semblait tellement réel, ajouta Lazarus en repensant à ces mises en scène abominables. Si Astrée et Gaspard n’avaient pas été avec moi, je ne sais pas ce que j’aurais fait.
— Ils sont capables de bien des choses allant à l’encontre de nos valeurs, répondit Annequin. Malheureusement, ce que tu as vu était peut-être en partie vrai. Si tel est le cas, nous en sommes sincèrement désolés. Cependant, tu dois rester fort et concentré sur ta tâche.

Face au désarroi de Lazarus, Annequin sortit, d’une sacoche en toile de jute attachée à sa ceinture, un sachet contenant de petites baies marron.

— Voici des baies de Mandra. Elles te permettront de savoir si ce que tu vois est vrai, ou bien si c’est un leurre. Une seule suffit ! Ne dépasse pas la dose sinon tes intestins s’en souviendront.
— Je vous remercie, répondit Lazarus en observant les baies.
— Maintenant, il est temps d’utiliser le Poste à Galène Doré, dit Iratxo. Si nous sommes ici, c’est pour une raison toute particulière.

Lazarus posa la radio sur la table et recula d’un pas, pensant qu’Iratxo allait s’en servir.

— Non, non, Lazarus, c’est à toi de la mettre en marche. N’oublie pas que tu dois toujours allumer ta bougie avant de commencer.
— J’espère que la communication avec Hildebert sera possible, s’inquiéta Lazarus, en manipulant le petit appareil.
— Non, non, non, il ne s’agit pas de contacter Hildebert, répondit Toko.

Lazarus fut soudain inquiet. Avec qui allait-il devoir communiquer ? Il aurait espéré qu’Iraxo lui donne plus de détails, mais rien ne vint. Après avoir pris une grande inspiration, il se décida à mettre en route le Poste de radio, alluma sa bougie sous le regard attentif de l’assemblée, puis attendit les consignes, un peu nerveux.

— Maintenant, tourne le bouton jusqu’à la fréquence 114.48, lui demanda Korrande. Tourne très lentement surtout, car cette fréquence est très difficile à capter.

Lazarus tourna le bouton, sans montrer son appréhension. Avec beaucoup de mal, il positionna le curseur sur la fréquence demandée. Tout le monde avait les yeux rivés sur le Poste à Galène Doré dans un silence absolu. Il ne se passa rien pendant un long moment. Puis, alors que le silence devenait pesant, ils entendirent un léger son de grelots. Les guides s’agitèrent, échangeant des regards entendus.

— Qu’est-ce que c’est ? s’inquiéta Lazarus.
— C’est le Sylphe ! N’aie aucune crainte. Nous allons très vite savoir s’il accepte de t’aider, lui répondit Korrande, sans donner plus d’explications.

Constatant l’interpellation générale, Toko prit la parole.

— Nous avons demandé la permission de contacter le Sylphe. C’est un Être primordial de la Nature. Il accepte généralement d’aider toute personne ayant une mission importante. Cette dernière doit être bénéfique aux humains, à la faune, ou à la flore, ce qui est ton cas Lazarus. Mais, il ne le fait qu’à une seule et unique condition, il doit être compatible avec la personne qui a besoin de son aide. Nous allons donc savoir si cela est possible avec toi.

Toko fut interrompu par un phénomène inattendu qui provenait de l’appareil. Une brume épaisse enveloppa soudain le Poste. Un étrange personnage s’en détacha. Les regards convergèrent vers cette surprenante apparition, captivés par l’Être. Le Sylphe était là. Les Guides se positionnèrent devant lui en demi-cercle, bras écartés, paume de main vers le plafond, en signe de salut. Il les salua d’un hochement de tête, puis, lança un regard à chacun. Sa taille n’excédait pas les trente centimètres. Son corps svelte était revêtu d’écorce de bouleau. Un casque de feuilles vertes lui couvrait la tête, et autour de chacune de ses chevilles étaient fixés de petits grelots dorés. Son visage tout rond faisait penser à celui d’un bonze. À présent immobile, celui-ci ferma les yeux, semblant entrer en médiation. Sans qu’il ne prononce le moindre mot, sa voix plana dans les airs.

— « Que puis-je pour vous ? »

Astrée glissa discrètement à l’oreille de Lazarus :

— Il nous parle par télépathie.
— Le sort de l’humanité est, pour l’heure, entre les mains des Atrabiles, lui répondit Trow d’un ton grave. Ces créatures sont en train d’assombrir ce monde et sont responsables de l’enlèvement de sept enfants, les Singuliers. Ils ont été enlevés pour leur énergie particulière, elle est un élément essentiel à leur survie.
— Quand les Sept Singuliers seront réunis lors de la formation des quatre quartiers de lune, la prophétie des Atrabiles s’accomplira. Leur pérennité sera alors assurée. L’énergie néfaste qu’ils dégageront prendra le dessus, absolument sur tout. Ce sera la fin de notre monde, continua Annequin.
— Lazarus, ici présent, est notre plus grand espoir. Son Aura est très puissante. Il est déjà parvenu à libérer trois de ces enfants, que vous voyez ici parmi nous, ajouta Iratxo en désignant Gaspard et les jumelles. Ils sont désormais en sécurité. Cependant, quatre Singuliers restent toujours captifs.
— Ce n’est pas tout ! À chacun des Singuliers correspond un Cube d’Argent représentant un plan énergétique important, poursuivit Korrande.
— Si Lazarus parvient à replacer les sept Cubes d’Argent dans leurs emplacements originels, et que les Sept Singuliers sont tous délivrés lors de l’Alunéa, les Atrabiles seront anéantis et condamnés à l’immobilité. Le monde retrouverait ainsi sa sérénité, expliqua Annequin.
— Nous implorons donc votre aide, pour que Lazarus puisse mener à bien sa mission. C’est une question de vie ou de mort, ajouta Toko.
— Nous sollicitons votre pouvoir et votre bienveillance, renchérit Iratxo.

Le temps paru suspendu.

— « Laissez-moi quelques instants », répondit le Sylphe en ouvrant les yeux.

Il faisait une drôle de moue et jaugeait Lazarus, comme s’il allait prendre des mesures.

Il se rapprocha de lui en marchant sur la table. Lazarus eut un sursaut, mais Trow lui fit comprendre de ne surtout pas bouger. Le Sylphe posa ses deux mains sur ses épaules et se positionna front contre front. Des filets de lumières vives de couleur bleue les enveloppèrent tous les deux. Lazarus ressentit des picotements, ainsi que de la chaleur dans tout le corps. Les lumières virèrent ensuite à l’orange et finirent par disparaître. Le petit Être s’écarta de lui, et lui pinça les joues. Toutes les sensations bizarres que Lazarus avait pu ressentir s’évanouirent.

— « Je peux effectivement vous aider, car ma compatibilité avec ce jeune homme est à son maximum » annonça le Sylphe à l’assemblée.

Heureux de cette bonne nouvelle, les Guides manifestèrent leur soulagement. Mais, l’attitude du Sylphe changea tout à coup. Son petit visage rond se tendit.

— « Néanmoins, poursuivit-il, je peux vous affirmer que la vision du Grand Sînastre m’est apparue. Sa colère et sa détermination sont incommensurables. Il te cherche Lazarus. »
— Co…comment aller vous m’aider ? osa demander ce dernier.
— « Dès que j’apprendrai quelque chose concernant ces quatre Singuliers, je te le ferai savoir. Avant tout, je dois d’abord choisir une personne digne de confiance pour relayer mes informations. Laisse-moi invoquer l’Esprit de l’Air et interroger les cailloux pour qu’il m’envoie son nom ! »

Il sortit une poignée de petits cailloux lisses de son habit d’écorce, et les jeta sur la table comme s’il semait du blé. Il s’en approcha, les observa un moment, puis déclama :

— « Coquant Combien ! Coquant Qui ! »

Les cailloux se déplacèrent comme poussés par une main invisible et formèrent le mot : Marcelle ! En voyant ce nom apparaître, Lazarus afficha une mine réjouie.

— « Très bon choix » dit le Sylphe. Reste attentif au moindre signe Lazarus. »

La brume refit soudain son apparition, enveloppant le Sylphe tout entier. Ce dernier disparut dans le Poste à Galène Doré sans crier gare. L’entrevue était terminée !

— Nous n’avions pas trop de doute quant à ta compatibilité avec le Sylphe, dit Korrande, satisfait. Tu auras de ses nouvelles. Il lui faut juste un peu de temps.
— Je ne l’avais encore jamais vu, dit César, hébété.
— Moi non plus, ajouta Ralph, et pourtant, c’est pas faute d’en avoir entendu parler.

Astrée et Gaspard se rapprochèrent de Lazarus.

— Tu crois que c’est de la grande Marcelle dont il s’agit ? lui chuchota-elle.
— Je suis sûr que c’est elle, lui répondit Lazarus, content du choix des cailloux.
— Marcelle, ce nom me dit quelque chose, dit Léonide songeuse.

Lazarus préféra garder pour lui qu’il la connaissait. Quand il avait raconté leur rencontre avec Bill, après leurs aventures du Louvre, à aucun moment il n’avait mentionné le nom de la grande Marcelle. Ça l’embêtait de penser ça, mais il se demandait parfois à qui il pouvait faire totalement confiance.

Le Sylphe fut au cœur de toutes les discussions pendant un long moment, puis Léonide retourna ranger la cuisine. Les Guides repartirent sous leur forme lumineuse en emmenant Aénor avec eux, sous le regard subjugué des fillettes. Lazarus était un peu chamboulé et prétexta de remonter ses affaires dans sa chambre pour s’isoler un peu. Il se posa un instant sur son lit en repensant à tous ces évènements extraordinaires. Tandis qu’il réfléchissait, quelque chose attira à nouveau son attention du côté de la cheminée. Une des briques était à moitié cassée et gisait sur le sol, laissant entrevoir le noir du conduit. Intrigué, il se leva et avança lentement les sourcils froncés. Il entendit alors un battement d’ailes au-dessus de sa tête, et aperçut un oiseau qui le fixait, perché sur l’armoire.

C’était un oiseau noir. Lazarus crut d’abord qu’il s’agissait d’une corneille. Mais en le regardant plus attentivement, son bec orange et ses petites plumes blanches au niveau de ses joues, lui firent plutôt penser qu’il avait affaire à un mainate.

— Mais qu’est-ce que tu fais là toi ? Tu étais coincé dans la cheminée ?
— Toutitouuuu !!! Lazarus, Lazarus, Lazaruuuuus !!! répondit le mainate.
— Quoi ? Tu parles ? ? ? Ça alors, comment est-ce possible que tu connaisses mon nom ? ? ?
— Ton grand-père va bien toutitouuuuu, toutitouuuuu.
— Mon grand-père ? ? ? Mais… tu sais où il est ?
— Message pour Lazarus, Lazarus, Lazarus ! ! !
— Un message pour moi ? Mais quel message ?

L’oiseau se remit en mouvement et voleta au-dessus de lui quelques instants avant de laisser tomber un petit morceau de papier. Lazarus le déplia et s’empressa de le lire.

« Lazarus, ne parle surtout à personne de ce message. Je sais où est enfermé ton grand-père, et je vais faire mon possible pour le sortir de là. Ne te fie pas aux apparences, je ne suis pas ton ennemi. Continue ce que tu dois accomplir, je te recontacterai. Signé Zem. »

Il eut du mal à croire que ce message venait de Zem. Comment pouvait-il savoir qu’il se trouvait dans la maison de Léonide ? Et comment pouvait-il lui faire confiance ? Tout se bousculait dans sa tête. Il entendit Gaspard monter les escaliers et tendit aussitôt la main vers l’oiseau pour qu’il vienne s’y poser. Il lui demanda de ne pas parler en le posant à l’intérieur de l’armoire, en priant le ciel pour que celui-ci ait compris. Gaspard entra dans la chambre et plongea sur son lit.

— Les lits de votre époque sont quand même bien plus confortables qu’à la mienne ! Tu sais, chez-moi je dors sur un matelas de paille. Je vais peut-être pouvoir améliorer les choses une fois que je serai rentré à la maison.

Comme Lazarus ne lui répondait pas, il se redressa et vit qu’il avait l’air ailleurs.

— Hé, ça ne va pas ?
— Si, si, ça va, lui répondit-il. Je pensais au Sylphe.
— C’est vrai que c’était assez bizarre. J’ai toujours imaginé qu’il y existait des lutins dans nos forêts, mais je n’aurais jamais cru en rencontrer un pour de vrai. Oh, ça alors, tu as vu ? Qu’est-ce qu’il s’est passé avec la cheminée ? Il y a un morceau cassé !
— Je ne sais pas, ça devait déjà être comme ça avant qu’on arrive, répondit-il, embarrassé.
— Non je ne crois pas, je suis presque certain que le muret n’était pas cassé.
— Ben, tu sais, on voit tellement de choses improbables en ce moment, alors on n’a peut-être pas fait attention.
— Dire que je ne pourrai jamais raconter tout ce que j’ai vu depuis que j’ai été enlevé, soupira Gaspard, sinon c’est sûr, je risquerais le bûcher. Quel dommage ! Qui me croirait de toute façon ! Mes parents doivent être inquiets les pauvres, ils ne m’ont pas vu depuis une éternité. Et mes poules, qui s’en occupe ?
— Quand tu retourneras chez toi, tu passeras certainement par une Flaque d’Illusions, et ce sera comme si tu n’étais parti que depuis une heure.
— « Titoutitouuuuuuuu »
— Qu’est-ce que c’est que ça ? dit Gaspard en se redressant d’un bond. On dirait que ça vient de l’armoire ?
— Je n’ai rien entendu, répondit Lazarus. Ça doit provenir du conduit de la cheminée, il y a toujours des bruits dans les vieilles maisons.

Gaspard se dirigea droit vers l’armoire, mais fut stoppé net dans son élan, quand Astrée les interpela en frappant à la porte. Il fit volte-face et se précipita pour aller lui ouvrir, au grand soulagement de Lazarus.

— Je me demandais à quel moment on pourrait aller voir Bill pour mes jambes ? dit-elle, un peu gênée.
— Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée pour le moment, répondit Lazarus, même s’il comprenait son désarroi. Vous avez entendu ce que nous a dit César, personne ne doit savoir que nous sommes ici, nous devons rester discrets.
— Mais quand même, on ne peut pas la laisser comme ça ? rétorqua Gaspard qui grimaça en regardant les petits trous.

À nouveau, le mainate se manifesta depuis l’armoire.

— « Titoutitouuuuuu »

Il donnait des coups de bec sur le montant en bois. Surprise, Astrée fixa les garçons. Contrarié, Lazarus s’avança vers l’armoire et ouvrit la porte pour délivrer l’oiseau.

— Mais que faisait cet oiseau dans l’armoire ? s’exclama-t-elle en l’interrogeant du regard.
— Il me semblait bien que ça venait de là ! Mais… tu étais au courant pour l’oiseau ? réagit Gaspard en se tournant vers Lazarus.
— Oui, c’est moi qui l’y ai enfermé.
— Pourquoi tu ne m’as rien dit alors ?

Il leur expliqua ce qu’il s’était passé, et leur parla à contre-cœur du message de Zem.

— Vous ne devez raconter ça à personne, même pas à Léonide. C’est compris ?
— C’est compris, répondit Gaspard, fier de garder un secret.
— Tu peux nous faire confiance, ajouta Astrée.

L’oiseau voletait à présent dans la chambre, et commençait à donner des signes d’impatience. Il se posa à plusieurs reprises face au muret de la cheminée.

— Je ne sais pas comment tu as fait pour venir par là, lui dit Lazarus, mais en tout cas ce serait mieux pour toi que je te fasse repartir par la fenêtre.
— « Cheminée, cheminée, titouitouuuuu ! ».
— Tu es sûr ?
— « Cheminée, cheminée, titouitouuuu ! ».
— Bon, comme tu veux. Le mainate se posa sur sa main, puis Lazarus s’approcha du conduit. Accroupi, il se positionna au mieux devant l’orifice. L’oiseau s’y engouffra et disparut sans faire de bruit. Lazarus tenta d’y jeter un œil, mais ne vit que du noir.
— Je me demande bien comment il va faire pour sortir de là, dit Gaspard.
— Je ne sais pas ! En attendant, je vais remettre le morceau de brique à sa place, dit Lazarus. Mieux vaut éviter les questions, on ne sait jamais.

Même s’il fallait encore attendre avant de tirer cette histoire au clair, ils débattirent un moment du sujet. Lazarus reprit espoir pour son grand-père.

— Et pour mes jambes alors ? insista Astrée.

Voyant son air désespéré, Lazarus ne put se résoudre à lui répondre encore une fois que ce n’était pas le moment.

— Attendons ce soir que les autres soient couchés, et nous irons voir Bill.

Astrée parut soulagée. L’idée que Bill allait peut-être pouvoir lui soigner ses jambes lui redonna le moral.

— Au fait, pourquoi ne leur as-tu pas dit que nous savions qui était Marcelle ? lui demanda-t-elle.
— Je crois qu’il est préférable de garder ça pour nous pour l’instant.
— Mais quand même, Léonide, rétorqua-t-elle.
— Il sera toujours temps de leur en parler plus tard, ça peut attendre.
— Tu as sans doute raison. Bon, pour aller chez Bill, je pense avoir une idée. Si nous trouvions un moyen de nous déguiser, nous pourrions passer inaperçus, suggéra-t-elle.
— C’est une bonne idée, mais je ne vois vraiment pas où nous pourrions trouver ça ici, lui répondit Lazarus.
— Justement, il y a tout un tas de vieux cartons dans le grenier, répondit Astrée qui avait déjà fait le tour de la maison.

Ils s’arrêtèrent de parler en entendant Léonide monter l’escalier, elle pestait contre ses rhumatismes. Elle continua jusqu’à l’étage du dessus, et se dirigea dans la chambre des filles, certainement pour s’assurer que les jumelles allaient bien. César et Ralph étaient restés dans la salle à manger et faisaient une partie de cartes pour passer le temps. À l’extérieur, un vent très chaud était en train de se lever. Tous les volets se mirent à vibrer. Ils émirent tout à coup un sifflement effrayant qui alerta Gaspard.

— Que se passe-t-il ? demanda celui-ci, inquiet.
— C’est juste du vent, répondit Lazarus. Ce n’est rien de grave. Ça arrive quelquesfois quand il fait très chaud. C’est l’air qui s’engouffre au travers des volets. Ça les fait siffler.
— Il y a autre chose, balbutia Astrée, en jetant un œil sur la rue au travers des persiennes.

Les garçons se précipitèrent à l’autre fenêtre et regardèrent l’extérieur en plissant des yeux.

Un épais nuage de poussière marron se répandait telle une gigantesque nuée d’étourneaux entre ciel et terre. Des centaines de pigeons apeurés quittaient leurs perchoirs, cherchant un moyen d’échapper à ce phénomène spectaculaire. Le hurlement du vent devenait lugubre et s’intensifiait, n’augurant rien de bon.

2

LA PULVUS MOROSUS

Ils sortirent de leur chambre et croisèrent Léonide et les fillettes qui dévalaient l’escalier.

— Venez nous aider ! Dépêchez-vous ! leur cria Ralph. Nous devons boucher toutes les entrées d’air de la maison. Il ne faut surtout pas qu’cette poussière marron puisse s’infiltrer à l’intérieur !
— Qu’est-ce que c’est ? s’alarma Lazarus.
— Ça vient du cinquième sous-sol, où vivent les Atrabiles, vociféra César, tant le vacarme s’amplifiait.
— Prenez ces chiffons, leur hurla Léonide qui s’était précipitée dans sa cuisine pour aller les chercher. N’oubliez pas la boîte aux lettres. Vite !!!
— S’il en rentre quand même, ne la touchez surtout pas ! leur ordonna Ralph.

Pendant de longues minutes, un branle-bas de combat agita l’intérieur du QG. Puis, le vent cessa progressivement jusqu’à ce que tout redevienne calme.

— Le Grand Sînastre vient de nous montrer là de quoi il est encore capable, annonça César. Cette poussière est de la Pulvus-Morosus, elle est toxique pour notre moral. Tous ceux qui auront été touchés à l’extérieur vont devenir moroses et agressifs. Même si les effets sont de courte durée, le pire peut encore arriver.
— J’espère que ça n’aura touché qu’une petite partie de la ville, s’inquiéta Astrée.
— Je l’espère aussi. Ça va faire des dégâts ! Il n’va pas être bon d’sortir dans la rue, croyez-moi ! renchérit Ralph. Les Atrabiles manifestent leur colère. Le pire reste à venir. Ils peuvent recommencer à tout moment dans des proportions encore plus catastrophiques.

Astrée et Lazarus comprirent qu’il ne leur serait pas facile d’aller voir Bill le soir même. Elle s’y était presque résignée, quand tout à coup, Lazarus eut une idée.

— Y-a-t-il quelque chose qui empêche la Pulvus-Morosus d’agir ?
— Certainement, il y a toujours quelque chose, mais j’avoue que je ne sais pas quoi, lui répondit César.
— Nous pourrions peut-être aller consulter Claudio Sédrob ? suggéra Lazarus. Il y a tellement de remèdes dans son Naturare.
— J’allais justement en parler, intervint Léonide. Je suis de ton avis mon chéri. Je suis bien certaine que le Carabin y trouvera de quoi nous protéger.
— C’est vrai qu’s’il y en a un qui pourrait nous aider, c’est bien lui ! Le plus embêtant, c’est qu’dehors il y a d’la poussière partout ! Il va quand même bien falloir sortir d’ici pour aller jusqu’à ma camionnette, dit Ralph.
— Nous pourrions nous protéger en enfilant de grands sacs poubelle ! proposa Astrée.
— C’est une excellente idée ! s’exclama Ralph. Par-contre, désolé Astrée, mais il est préférable que j’y aille seul. Moins nous serons dehors, et moins nous prendrons de risque. César, ce serait bien que tu restes ici. Il faut quelqu’un pour les protéger au cas où.

Lazarus protesta et insista pour l’accompagner. Après concertation, César et Léonide approuvèrent. Astrée accueillit la décision avec une légère déception. Elle fut quand même satisfaite que son idée de sacs-poubelle ait fait sensation.

— Il ne faut pas tarder, les pressa César. Il est impossible de prévoir quand ils vont recommencer. Plus vite vous serez chez Claudio, plus vite vous reviendrez avec un remède. Enfin j’espère !

Léonide et Astrée partirent dénicher de grands sacs-poubelle gris-foncés, ainsi qu’un gros rouleau de ruban adhésif, puis les aidèrent à s’en couvrir. Seuls, leurs bouches et leurs yeux restèrent à découvert. Protégés par leur nouvelle tenue, ils furent prêts à sortir.

Ralph s’aventura dans la rue le premier et fit signe à Lazarus qu’il pouvait le rejoindre. Il n’y avait pratiquement personne dehors. Contrairement à ce qu’ils avaient imaginé, tout paraissait à peu près normal, mis à part l’étendue de poussière marron qui avait tout recouvert. Ralph avait garé sa camionnette dans une rue adjacente. Ils pressèrent le pas.

Ce n’est qu’en arrivant aux abords du véhicule qu’ils furent témoins de scènes complètement improbables. Ils longèrent une épicerie sous le regard suspicieux du commerçant qui, une fois qu’ils furent passés, les canarda d’abricots bien mûrs. Ils croisèrent ensuite un couple de personnes âgées. La dame donnait des coups de sac à main sur la tête de son mari, qui répliquait en lui infligeant des coups de canne sur le postérieur.

Quelques mètres plus loin, deux policiers pleuraient à chaudes larmes, tenant fermement un maraudeur qui venait de voler un portefeuille et les labourait de coups de pieds. Ralph fulmina en apercevant sa camionnette dont la couleur blanche initiale n’était plus qu’un lointain souvenir. La Pulvus-Morosus ne l’avait pas épargnée non plus. Ils s’y précipitèrent en évitant de justesse un individu qui leur fonçait droit dessus en vélo. Ils ne se sentirent en sécurité qu’une fois montés à bord.

Après avoir calfeutré toutes les entrées d’air, Ralph démarra. Il dut slalomer entre des voitures, à l’intérieur desquelles les passagers s’engueulaient pour on ne savait quelle raison. Les quartiers suivants semblaient avoir été épargnés. Ils furent soulagés de constater que le nuage de poussière marron n’avait finalement touché qu’une petite partie de la ville. Ils prirent la direction du périphérique pour sortir de Paris.

Quand ils furent éloignés de la capitale, ils roulèrent encore une petite heure en traversant plusieurs forêts. Les amortisseurs de la camionnette furent mis à rude épreuve dès qu’ils empruntèrent le chemin de terre qui menait à la maison du Carabin.

Après avoir été bien secoués, ils se garèrent enfin dans l’allée centrale. Ils descendirent de la camionnette, et enlevèrent leurs capuches d’infortunes. Lazarus alla frapper aussi fort qu’il put contre la porte d’entrée, puis ils attendirent que le vieux médecin vienne leur ouvrir.

— J’espère qu’il est là, s’inquiéta Lazarus en ne voyant personne venir.
— Il n’a peut-être pas entendu ! Je crois me souvenir qu’il est sourd comme un pot.
— Qui est sourd comme un pot ? ? ? lança une voix derrière eux.

Ils sursautèrent et se retournèrent, surpris. Le Docteur Sédrob arrivait avec un seau rempli de myrtilles.

— Ha, euh désolé Claudio, on a cru qu’vous étiez à l’intérieur et qu’vous ne nous aviez pas entendu frapper, s’excusa Ralph tout penaud.
— Comment ça à l’heure du thé ?
— Non, je disais, je vous croyais à l’intérieur et que je…
— J’avais compris, je plaisantais bien sûr, le coupa celui-ci en rigolant. Mais que faites-vous donc dans cet accoutrement ? Ce n’est pourtant pas carnaval ? Ou bien alors, j’ai loupé quelque chose ? Allez, rentrez donc.

Ils le suivirent dans la maison. Claudio les fit attendre quelques instants, le temps d’aller mettre ses myrtilles au réfrigérateur.

— Voilà, voilà, je suis à vous.

Il ajusta ses lunettes, et tout à coup reconnut Lazarus.

— Ha ! C’est toi mon grand ! Je suis bien content de te revoir. Alors ces Férus-Iratus, comment ça s’est passé ?
— Bien, grâce à vous Docteur Sédrob. Je crois que j’ai réussi à ramener la paix chez tous ces animaux.
— Je n’en doute pas un instant ! Je l’ai senti quand je t’ai vu pour la première fois. Et comment se porte ton grand-père ?
— Mon grand-père ? Hum…il…il a été enlevé par les Atrabiles, répondit-il tristement.
— Oh, cela est très fâcheux, mon garçon, très fâcheux ! Est-ce pour cette raison que vous êtes ici ?
— Non, Carabin, répondit Ralph. Nous avons dû faire face à un gros coup de vent chaud qui a amené la Pulvus-Morosus. Un p’tit cadeau des Atrabiles !
— La Pulvus-Morosus ? Grand Dieu, c’est très inquiétant ça ! Je comprends mieux maintenant pourquoi vous êtes affublés de la sorte.
— Existe-t-il une protection ? lui demanda Lazarus sans attendre.
— Je n’en sais rien, je n’ai jamais été confronté à ce phénomène. Il y a peut-être quelque chose à ce sujet dans mon Naturare. Vous avez dû bien les contrarier pour qu’ils déclenchent tout ça.
— Bien sûr qu’ils sont contrariés ! Lazarus a délivré trois Singuliers, lui répondit Ralph.
— Je vois, je vois, c’est une très bonne nouvelle, mais ça ne présage rien de bon pour la suite.

Claudio se dirigea vers sa grande bibliothèque, et grimpa sur son échelle afin de récupérer son précieux bouquin. À peine l’avait-il en main qu’il se mit à éternuer et à se gratter le nez de l’autre. Sous peine d’être déséquilibré, il laissa tomber l’ouvrage que Lazarus rattrapa in extremis.

— Désolé ! Une simple rhinite allergique, c’est de saison ! Nous allons voir ce qu’il est possible de faire, leur dit-il en reniflant. J’espère qu’il y aura quelque chose d’intéressant.

Une fois assis à son bureau, qui était toujours aussi encombré, il parcourut le sommaire en éternuant encore une ou deux fois. Pendant ce temps, Lazarus observait tout ce qui était accroché sur les murs. Dans un bel encadrement, il y avait le diplôme de médecine de Claudio, et de chaque côté plusieurs photos en noir et blanc sur lesquelles on voyait une très jolie jeune femme tenant dans ses mains un diplôme : Psychologie Infantile, Genève. Plus il regardait la jeune femme et plus il lui semblait l’avoir déjà vue quelque part. Le Docteur Sédrob leva la tête un instant et le vit observer la photo.

— Elle est belle, n’est-ce pas ?
— Oui, elle est très belle. C’est étrange, j’ai l’impression de la connaître, répondit-il en se tournant vers le vieux médecin.
— C’est Nelly, une brillante jeune femme que j’ai rencontrée dans un service hospitalier en Belgique. Nous avons suivi la même formation en psychologie infantile à Genève. Je suis tombé fou amoureux d’elle. Je crois que c’était la même chose de son côté. Malheureusement, j’étais bien trop réservé à l’époque. Je n’ai jamais osé lui déclarer ma flamme. Malgré toutes ces années, elle est toujours restée dans mes plus tendres pensées.
— C’est peut-être la même chose pour elle ? lui suggéra-t-il, ému par le regard attendri du vieil homme.
— Allez, ne remuons pas tout ça, le passé c’est le passé. Concentrons-nous plutôt sur votre affaire.

Le Carabin trouva enfin un chapitre portant le libellé « Pulvus-Morosus ». Il suivit le texte du bout de son index et poussa un petit « hourra » de satisfaction.

— C’est bien ce qu’il me semblait ! Je vais pouvoir vous concocter un remède. Je dois d’abord vérifier que je suis bien en possession de tous les ingrédients nécessaires, sinon je vais devoir aller jusque dans mon champ chercher ce qu’il me faut. Bon, j’en ai pour cinq minutes, je reviens.

Il disparut dans son laboratoire, puis revint quelques instants plus tard, l’air un peu contrarié.

— Quelque chose ne va pas ? lui demanda Ralph.
— Si, si, ça va, c’est juste qu’il me manque un bouquet de cerfeuil, mais ça va aller j’en ai dans mon jardin, dit-il en éternuant encore.
— Je peux aller vous en chercher si vous m’expliquez où il se trouve, lui proposa Lazarus.
— Surtout pas ! Il est au milieu d’un massif de persil. Il ne faudrait pas se tromper, vois-tu. C’est juste à côté, je n’en ai pas pour longtemps.

Il enfila ses bottes, prit un panier en osier ainsi qu’un petit sécateur, et sortit. En attendant son retour, Lazarus se rapprocha à nouveau de la photo de Nelly. Cette fois-ci, il fut certain de reconnaitre la jeune femme.

— Ça alors, on dirait ma grand-tante Rosalia toute jeune !
— Il n’a pas dit qu’elle s’appelait Nelly ?
— Si, mais je suis pratiquement certain qu’il s’agit bien d’elle. D’ailleurs, elle porte le même pendentif. C’est un bijou dont elle ne se sépare jamais. Cette découverte laissa Lazarus songeur.
— Maintenant que tu m’le dis, c’est vrai qu’elle ressemble à Rosalia. Tu peux peut-être lui d’mander.
— Je ne crois pas qu’il ait envie d’en parler, répondit Lazarus, réalisant soudain ce que Ralph venait de dire. Mais, vous connaissez Rosalia ?

Ralph n’eut pas le temps de lui répondre, car le Carabin revenait déjà. Claudio éternua un grand coup en rentrant dans la maison et pesta.

— Marre de ce rhume des foins ! Ce sont toujours les cordonniers les plus mal chaussés me direz-vous. J’ai trouvé ce qu’il me fallait, annonça-t-il en brandissant son bouquet de cerfeuil. Je vais tout de suite aller faire ma préparation. Vous pouvez vous joindre à moi si vous voulez.

Ils le suivirent dans son laboratoire. Lazarus fut émerveillé par tous les pots de couleur bleue qui se trouvaient dans la pièce. Chacun portait une étiquette indiquant son contenu. Sur une table, étaient posés une balance ainsi qu’un mortier et un pilon. L’odeur des plantes était agréable. Il regarda avec envie le Carabin préparer le remède. Celui-ci alla chercher deux pots. Sur le premier était inscrit : graines de ridas du Mexique, et sur le deuxième : menthe poivrée décolorée. Il pesa soigneusement les deux ingrédients, puis les versa dans le mortier.

— Je vais rajouter 21 feuilles de cerfeuil, mélanger le tout, et ensuite je vais écraser ces plantes au pilon. Ah oui, j’oubliais, où avais-je la tête ! Je dois rajouter trois décilitres d’eau d’Himalaya.

Il prit un flacon vert sur une des étagères, et ajouta deux petites rasades au mélange.

— Voilà, voilà !
— Nous allons devoir avaler ça ? s’exclama Lazarus en regardant le mélange avec dégoût.
— Pas sous cette forme, mon garçon. Oh, la tête que tu fais là, dit-il en souriant. Il va d’abord falloir attendre que la préparation soit bien sèche, ensuite vous pourrez la boire en la faisant infuser. Ce sera aussi bon qu’une tisane !

Ralph et Lazarus firent la même grimace, n’étant ni l’un ni l’autre amateur d’eau chaude. Claudio versa la préparation dans un pot en verre et la leur tendit.

— Dès que vous serez rentrés, enlevez le couvercle et laissez sécher. Ensuite, quand le tout sera bien sec, remuez avec une cuillère en bois pour mélanger à nouveau. La dose recommandée est d’une cuillère à café par personne dans une tasse remplie d’eau bien chaude. Laissez infuser et buvez cul-sec. Cela devrait suffire à vous protéger pendant au moins une bonne semaine. N’hésitez pas à en reprendre dès qu’il le faudra.
— Vous n’auriez rien contre les Atrabiles dans votre Naturare ? lui demanda Lazarus.
— Malheureusement non, la seule chose qui pourrait être envisageable serait l’amour universel. Ces êtres ont horreur de tout ce qui est beau et agréable, mais crois-tu qu’il soit possible que le monde entier devienne un monde de paix, d’amour et d’harmonie ?
— Alors ça, ça m’étonnerait ! répondit Ralph. S’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est qu’il y aura toujours plus de méchants et d’imbéciles que d’gentils !
— Il ne faut pas être si pessimiste voyons, dit le Carabin. Va au bout de ce que tu dois accomplir Lazarus. C’est le seul moyen d’anéantir ces saletés de créatures, et d’éviter qu’ils ne rendent ce monde plus morose encore. Je crois que tu peux y arriver, lui dit-il, en lui donnant une petite tape sur la tête.
— Merci Docteur Sedrob, dit Lazarus.
— Merci Claudio, nous dégusterons ce délicieux breuvage en pensant à vous ! dit Ralph en renouvelant sa grimace. Et prenez soin de vous !
— De rien, de rien. Vous savez que vous pouvez compter sur moi, dans la mesure du possible bien sûr ! Par-contre, si c’est la nuit, n’oubliez-pas de faire sonner mon téléphone avant de venir !

Ils remontèrent dans la camionnette et reprirent la direction de la capitale. Pendant le trajet Lazarus voulut reprendre la conversation au sujet de sa grand-tante.

— Vous ne m’avez toujours pas répondu concernant Rosalia.
— Qu’est-ce que je n’t’ai pas répondu ?
— Vous la connaissez n’est-ce pas ?
— Pourquoi cette question ?
— Vous aussi vous l’avez reconnue sur la photo.
— Ah la photo ? Non, je ne connais pas ta grand-tante. J’ai certainement dû la voir en photo quelque part chez ton grand-père.

Lazarus n’insista pas, mais il eut le sentiment que Ralph ne lui disait pas la vérité.

3

FRÉQUENCE 114.47

En arrivant aux abords de la maison, ils constatèrent que la rue avait retrouvé un peu de calme, malgré quelques vitres cassées, des pastèques éclatées et une ou deux voitures cabossées. Ils rejoignirent le QG et se débarrassèrent de leurs vêtements de plastique. Astrée et Gaspard se précipitèrent vers eux pour leur raconter ce qu’ils avaient entendu dans la rue, tandis que Léonide, César et les jumelles préparaient, avec les moyens du bord, un plat typique de Mongolie appelé le « tsuivan » !

— Rien de neuf par ici ? demanda Ralph en passant la porte de la cuisine.
— Non, rien depuis votre départ, répondit César, qui pleurait toutes les larmes de son corps en coupant un oignon. Avez-vous pu obtenir ce qu’il faut ?
— Oui, le Carabin nous a concocté une délicieuse eau chaude à boire. Tout c’que j’adore ! Il faudra juste patienter un peu !
— Peu importe que ce soit bon ou non, l’essentiel est que ce soit efficace, rétorqua Léonide, impatiente de voir à quoi ressemblait la décoction.

Lazarus posa le pot contenant le remède sur la table de la cuisine. Aussitôt, Astrée et Gaspard l’interpellèrent depuis le salon.

Profitant que Ralph racontait la fabrication du remède à Léonide et César, Lazarus entraîna ses camarades à l’écart.

— Nous avons trouvé de quoi nous déguiser, lui annonça Astrée tout bas.
— Il y a des boîtes remplies de vieux vêtements dans le grenier, ajouta Gaspard. Le problème, c’est qu’il n’y a que des affaires de filles.
— C’est encore mieux, répondit Lazarus. Au moins, nous passerons plus inaperçus.
— Je ne sais pas si c’est une si bonne idée, réfléchit Astrée. Ces vêtements sont peut-être un peu trop démodés !
— Et je n’ai pas franchement envie de ressembler à une fille ! insista Gaspard.
— Qu’est-ce que tu as contre les filles ? lui lança Astrée l’air offusqué.
— Rien de spécial, j’aime bien les filles, mais ça me dérange de me mettre en robe !
— Ce ne sera pas pour très longtemps, c’est juste pour aller chez Bill, lui assura Lazarus. Ça me semble être une bonne solution.
— Alors viens, on va te les montrer pendant que les autres discutent, proposa Astrée, finalement impatiente de faire des essayages.

Ils montèrent jusqu’au grenier sur la pointe des pieds. Gaspard leur passa devant pour ouvrir la pièce où s’entassaient les cartons.

Lazarus sourit en voyant ce qu’il y avait écrit dessus : Léonide 5 ans, Léonide 10 ans, Léonide 12 ans.

— Ce sont les vêtements de Léonide quand elle était enfant, leur annonça-t-il.
— C’est ce que je craignais ! Ils ne sont plus tout à fait à la mode, dit Astrée en faisant la moue.
— On va bien trouver quelque chose qui pourra faire l’affaire, répondit Lazarus en regardant le contenu d’un des cartons.

Ils fouillèrent un moment parmi les vêtements qui s’y trouvaient, et finalement, optèrent chacun pour une tenue qui leur sembla la mieux appropriée. Gaspard choisit une robe jaune unie avec des chaussettes blanches, ainsi qu’un bob bleu clair. Lazarus trouva une jupe plissée en velours beige, un gilet marron et un béret bleu marine sur lequel était écrit : Guides de France. Astrée prit une jolie robe à fleurs et l’accompagna d’un petit chapeau de toile blanc cassé. Elle opta aussi pour des lunettes de soleil de forme rondes rangées soigneusement dans un étui.

— Tu n’auras pas besoin de ces lunettes, il fera nuit quand nous sortirons, lui fit remarquer Lazarus.
— Tu as raison, mais j’aime tellement les lunettes de soleil. Tu sais, je n’en ai jamais eu. Je les poserai sur le dessus de ma tête, j’ai déjà vu des filles faire comme ça !

Se prenant au jeu, Gaspard voulut rajouter une paire de gants de communiante, et un petit sac à main, mais Lazarus lui fit non de la tête. Une fois leur nouvelle tenue en main, ils redescendirent dans leurs chambres, et mirent chacun leurs affaires dans leurs armoires respectives. Quelques instants plus tard, un petit toc, toc, toc, retentit dans la chambre des garçons. Ils se tournèrent en même temps vers la cheminée, pensant que le mainate était de retour, mais la brique rouge était à sa place.

— C’est sûrement Astrée, dit Gaspard en allant ouvrir la porte.

Il n’y avait personne. Le toc, toc, toc, recommença. Cette fois-ci, la provenance du bruit ne fit aucun doute.

— On dirait que ça vient de ton sac à dos ! C’est peut-être ta radio ? s’inquiéta Gaspard.
— Ce n’est pas possible, elle est éteinte et je l’ai rangée dans son coffre ! répondit Lazarus, tout à coup méfiant.

Il déglutit et s’approcha quand même de son sac avec prudence pour vérifier.

— Qu’est-ce que c’est ? voulut savoir Gaspard, intrigué.
— Je n’en sais rien. Le Poste s’est allumé ! J’espère juste que c’est quelque chose d’amical.
— Attends, il faudrait peut-être prévenir les autres, tu ne crois pas ?
— Non ! Je veux d’abord voir de quoi il s’agit.

TOC, TOC, TOC ! ! ! Le cognement devint plus fort et les fit tressaillir. Lazarus se décida à sortir le coffret de son sac, et l’ouvrit sur ses gardes. Le TOC, TOC, TOC, résonna à nouveau, dès que Lazarus eut le Poste à Galène Doré en mains.

— Ça vient bien de là, confirma Gaspard qui s’était rapproché. Mais pourquoi on entend juste frapper ? Tu crois que c’est un fantôme qui voudrait te parler ?
— Peut-être que celui qui fait ça attend que je me mette sur sa fréquence.
— Qu’est-ce que tu attends, tourne le bouton, on verra bien.
— Je devrais peut-être allumer ma bougie avant, hésita Lazarus, en levant les yeux vers Gaspard pour se donner du courage.
— Oui, tu as raison, c’est plus prudent. Mais ne t’inquiète pas, je suis là !

Lazarus alluma sa bougie et tourna lentement le bouton. Sa respiration s’accéléra quand il entendit les tambours de l’Armée des 13 Crânes, et passa vite à la fréquence suivante pour éviter le pire. Quand le curseur se trouva sur la fréquence 114.47, une boule de lumière orange jaillit de l’appareil, et se positionna juste à côté. Elle se mit à tournoyer en émettant un grésillement aigu, puis disparut, laissant place à un être identique au Sylphe.

— Sylphe ! C’est vous ? s’étonna Lazarus en vérifiant la fréquence.
— « Non, moi je ne sors qu’à la fréquence 114.47 ! »
— Mais…vous… vous ressemblez tellement au Sylphe !
— « Vous me flattez, mais physiquement nous sommes pourtant bien différents. De plus, le Sylphe ne vient qu’à la fréquence 114.48 et ne s’adresse à vous que par télépathie. »
— Alors qui êtes-vous si vous n’êtes pas le Sylphe ? Et pourquoi êtes-vous ici ?
— « Je suis Lubin, c’est le Sylphe qui m’envoie. »

Lazarus et Gaspard ne le quittaient pas des yeux, se demandant ou pouvait bien être la différence physique entre le Sylphe et lui.

— Vous avez un message pour moi ? lui demanda Lazarus.
— « Bien sûr, c’est mon travail ! Je délivre des messages, mais uniquement sur ordre du Sylphe ! »
— Que vous a-t-il dit ? s’impatienta -t-il.

Lubin déplia un très long rouleau de papier sur lequel seules deux lignes étaient écrites.

— « Le dénommé Lazarus Bradfer devra rencontrer Marcelle, ce jour, au numéro 27 Impasse Duchesse Anne à 22h20 précise. »
— Est-ce que c’est là où habite Bill ? réagit aussitôt Gaspard.
— Oui, c’est bien le nom de la rue de la maison de Bill et Marcelle.
— « Hem, hem ! »

Lubin avait les bras croisés, l’air agacé. Il avait manifestement encore quelque chose à ajouter. Les garçons s’excusèrent et attendirent la suite.

— « Je dois rester avec Lazarus pendant son entretien avec Marcelle. Je ne pourrais repartir que lorsqu’il l’aura vue. Le Sylphe veut être sûr que le message aura bien été délivré. »
— Comment on va faire pour l’emmener ? dit aussitôt Gaspard en dévisageant Lubin.

Craignant la réaction de ce dernier, Lazarus lui exposa les dangers qu’ils pouvaient encourir une fois à l’extérieur, ainsi que les précautions qu’ils allaient devoir prendre pour sortir de la maison.

— Nous avions justement l’intention d’aller chez Marcelle ce soir, lui précisa Lazarus. Nous avons un service à demander à Bill, son mari. Concernant notre sécurité, nous avons prévu de mettre un déguisement. Personne ne doit nous reconnaitre. Si vous devez nous accompagner, il serait bon que l’on vous en trouve un à vous aussi. Vous comprenez ?
— On ne pourra jamais le déguiser, il est bien trop petit ! ajouta Gaspard, sans prendre conscience de son indélicatesse.
— « Je ne tiens pas à être déguisé ! Je suis très bien comme je suis ! » répondit sèchement Lubin.
— C’est-à-dire que vous n’êtes pas tout à fait ordinaire. Vous risquez d’attirer l’attention si nous croisons quelqu’un, lui expliqua Lazarus avec la plus grande diplomatie.
— À moins de le faire rentrer à l’intérieur de ton sac à dos ? suggéra Gaspard.
— « C’est hors de question ! Je n’aime pas être enfermé. »
— Sans vouloir vous offenser, il va quand même falloir que l’on vous cache, s’excusa Lazarus.
— Je crois que j’ai une idée, annonça Gaspard.

Il sortit subitement de la chambre, grimpa jusqu’au grenier, et redescendit quelques instants plus tard.

— Voilà, j’ai ce qu’il vous faut !

Il avait dans les bras un vieil ours en peluche à la fourrure toute pelée. Certainement une relique d’enfance de Léonide. Il était habillé d’un pantalon en coton blanc, d’une marinière et d’une petite casquette orange !

— Tu comptes faire quoi avec cet ours ? voulut savoir Lazarus.
— Je pense que ses vêtements iront parfaitement à Lubin.

Lubin regarda l’ours avec mépris.

— « Faut-il vraiment que je porte ça ? » dit-il en faisant la moue.
— Disons que ce serait mieux, lui répondit Lazarus, peu convaincu par l’idée de Gaspard.
— « Eh bien soit, s’il le faut. », soupira Lubin, résigné.
— Vous n’êtes pas obligé de les mettre tout de suite, ajouta Lazarus afin de le mettre à l’aise. Nous devons d’abord rejoindre les autres pour le repas. De toute façon, il faudra attendre le bon moment avant de pouvoir sortir.
— « Soyez à l’heure ! »
— Ne vous en faites pas, nous ferons notre possible.
— « Très bien, je vous attends là où vous savez me trouver. Ne dites à personne que vous m’avez vu. Moins on étalera les informations importantes, mieux ça vaudra ! »

Le temps que les garçons ne réagissent, Lubin avait déjà joint les deux mains et plongé dans le Poste à Galène Doré. Par précaution, Lazarus modifia la fréquence, éteignit la radio, puis souffla sur la flamme pour éteindre sa bougie. Sans attendre, ils redescendirent rejoindre les autres. Astrée, qui descendait elle aussi, les croisa dans l’escalier. Lazarus avait prévu de lui expliquer la venue du Lubin une fois le repas terminé. Elle devait être tenue au courant, puisqu’elle allait de toute façon découvrir l’Être de la nature à un moment ou un autre. Des éclats de rires provenaient du salon.