Le Combat d'une Mère - Daniel Deloget - E-Book

Le Combat d'une Mère E-Book

Daniel Deloget

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Beschreibung

En mon for intérieur saigne une plaie béante, bien qu’invisible, un passé qu’il m’est impossible de taire plus longtemps. Je n’avais rien vu venir, pas même les prémices de ce qui allait se produire, au cours de cette arrestation arbitraire en ce matin de 1970. Je n’oublierai jamais ce fameux jour, ce matin-là. À tout juste vingt et un ans, j’étais mariée depuis seulement quatre mois à un homme de dix ans mon aîné. Je revis sans cesse cet instant où huit agents des forces de l’ordre sont venus à six heures précises.
À l’étage dormaient paisiblement sur des lits superposés, mes quatre jumeaux, deux garçons âgés de cinq ans et deux filles de trois ans.
Mes quatre enfants fondirent en larmes à l’idée d’être séparés de moi. J’entendais leurs appels au secours.
« Maman ! Maman, je veux ma maman ! » ne cessa de répéter William.
Le visage collé à la fenêtre, je vis disparaître mes quatre petits anges, agrippés à la vitre arrière de la voiture, sans que je ne puisse réagir.
Dans la vie, aucune mère digne de ce nom n’est prête à renoncer à ses enfants. Mais qu’avais-je fait pour mériter cet acharnement ?
Fan inconditionnelle de Johnny Hallyday, côtoyé du temps de ma jeunesse dorée, j’ai pu dans l’ombre bénéficier de son soutien amical sans faille.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après un premier roman policier paru en 1984, Daniel Deloget a provisoirement abandonné sa plume pour la reprendre en 2015, poussé par l’envie de son épouse à partager ce plaisir qu’est la rencontre des lecteurs. Ses récits, qu’ils soient romans d’actualités, ou érotiques ont pour but de provoquer le dialogue dans les familles face à des sujets graves que la société nous inflige.

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Daniel DELOGET

Le Combat d’une Mère

Roman

Cet ouvrage a été composé et imprimé en France par Libre 2 Lire

www.libre2lire.fr – [email protected], Rue du Calvaire – 11600 ARAGON

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traductionintégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN Papier : 978-2-38157-164-5ISBN Numérique : 978-2-38157-165-2

Dépôt légal : Mai 2021

© Libre2Lire, 2021

Demandez-moi tout ce que vous voulez

Mais ne m’interdisez pas de les aimer

Et surtout ne m’obligez pas à les oublier

DU MÊME AUTEUR

L’Emprise du Néant – Éditions Bayardere 1984

Un Réveillon de Noël – Édition ACAI 2017

Incluse dans le recueil : Heures exquises

La Maison de La Honte - Évidence éditions 2018/2019

Collection Électron libre – Sujet d’actualité

Angelina l’Intégrale - Libertine édition 2019

Romance érotique

Soumise à mon prof de FAC - Évidence éditions 2019

Collection indécence - Romance érotique

Plusieurs nouvelles érotiques - Évidence éditions 2018/2019

Nathalie – PlumesDirect édition 2020

Nouvelle qui rend hommage aux victimes de violences conjugales – Prix de la nuit de la lecture 2020

S’aimer entre Femmes – Libre2Lire 2020

Roman érotique

MOTS DE L’AUTEUR

Je dédie ce plaidoyer à toutes les mères. À celles pour qui la justice, souvent aveuglée par d’autres faits monstrueux, n’a pas su ou n’a pas voulu envisager d’autres solutions que le déchirement. À celles qui luttent tel le pot de terre contre le pot de fer.

En souvenir de Muriel (alias Huguette) et Edwige, sa fidèle confidente du moment que j’ai côtoyées quelques mois, j’ai créé cette fiction dans laquelle apparaissent quelques protagonistes ayant excités, en fonction du peu d’éléments obtenus à l’époque pour comprendre la véritable situation. Involontairement cette histoire écrite en 2016 rend hommage à Johnny Hallyday. Vous le trouverez tel que Muriel me l’avait décrit dans ce qui fut probablement des rêves inaccessibles d’une inconditionnelle fan. Il se trouvait que j’étais moi aussi à l’époque fan de ce chanteur. Pas au point d’imaginer ce qu’elle pensait de lui, ce qui explique sans doute une partie des instants vécus en commun.

J’ai donc écrit cette fiction en souvenir de Muriel, alias Huguette qui traversa et bouleversa ma vie. J’ai par ailleurs tenu à rendre hommage à Johnny Hallyday ce chanteur disparu depuis, à qui elle vouait une intense fidélité en prétendant le connaître personnellement. Notre relation fut si tumultueuse que je n’ai jamais pu vérifier la véracité de ses propos.

AVANT-PROPOS

Mettre en sécurité des enfants maltraités est un bien issu de bon sens, les protéger est une nécessité prouvée. Trop de parents sont, souvent inconsciemment, ou quelques fois, mais cela je me refuse à le croire, en totale conscience, d’horribles bourreaux. Trop d’enfants sont victimes de diverses maltraitances physiques ou morales. À l’heure où je rédige une partie de mon histoire, se déroule le procès des parents de la petite Fiona. Une innocente victime parmi tant d’autres.

Mais pourquoi soustraire à la mère attentive que j’étais sa progéniture sous prétexte d’une probable culpabilité de complicité jamais prouvée. C’est ce qui m’arriva un matin. Sans comprendre pourquoi, mon cœur fut poignardé, déchiré et jamais cicatrisé.

Vous, les bienpensants, vous pouvez m’accabler de nombreuses maladresses, me traiter de toutes sortes, mais en aucun cas, vous ne pouvez-vous permettre de me reprocher cet état de fait : celui d’avoir géré ma vie dans le seul but de retrouver mes enfants injustement arrachés à mon cœur.

Une mère peut vivre sans soleil, mais pas sans la chaleur que procure l’amour de ses enfants. Demandez-moi tout ce que vous voulez, mais ne m’interdisez pas de les aimer, et surtout, ne m’obligez pas à les oublier.

PROLOGUE

Je n’oublierai jamais ce fameux jour, ce matin du 9 septembre 1970, à tout juste vingt et un ans, j’étais mariée depuis seulement quatre mois à un homme de dix ans mon aîné. Cet instant où huit agents des forces de l’ordre sont venus à l’heure dite précisément légale. À l’étage dormaient paisiblement sur des lits superposés, mes quatre jumeaux, deux garçons âgés de cinq ans et deux filles de trois ans. Je dormais tout aussi paisiblement, dans la chambre voisine, lorsque j’entendis frapper des coups à ma porte.

— Ouvrez ! Gendarmerie !

À peine éveillée, je tentai de déchiffrer l’heure affichée à mon réveil, qui sembla signaler six heures.

— Christian, dépêche-toi, les flics sont là.

Je le secouai, en vain.

— Mhhhmmm… Mhhhmmm… Mhhhmmm ! râla-t-il. Que veulent-ils encore ces fouteurs de merde ?
— Va voir, et tu sauras.
— Vas-y toi. Je dors.

Rapidement, j’enfilai tant bien que mal une robe de chambre pour couvrir ma nudité. Je descendis les marches de l’escalier qui conduisaient à la porte d’entrée, via la cuisine. À peine ouvris-je cette porte que j’entendis une voix féminine me préciser.

— Bonjour madame ! Catherine Vidalet. Je suis mandatée par la juge des affaires familiales, Forey Gisèle, saisie par la justice, via la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales de Mulhouse. Vous êtes bien Huguette Violet ?
— Oui.
— Où sont vos enfants ?
— Couchés, avouai-je hésitante et surprise, pourquoi cette question ?

À peine eus-je eu le temps de répondre à cette inconnue, que huit gendarmes pénétrèrent de force, me bousculant au passage, dans notre maison située à l’époque à Ferrette, dans le Sundgau, une région du sud alsacien, proche des frontières suisse et allemande.

— Où sont leurs chambres ? exigea la mandatée de la DDASS.
— À l’étage, à côté de la nôtre, comme dans beaucoup de maisons.

Cette réponse me parut somme toute banale, mais que me voulait cette Catherine Vidalet ?

— Messieurs, faites votre devoir ! ordonna-t-elle aux brigadiers.
— Leur devoir, quel devoir ? demandai-je.
— À compter de ce jour, nous ne vous laissons plus vos enfants, considérés en danger. Nous les confions provisoirement aux bons soins d’une institution d’accueil, en attendant la décision définitive du JAF. Décision qui suivra celles convenues lors de vos procès.
— Des procès ? Pourquoi ? Et mes enfants ? Vous m’enlevez mes enfants ? Mais pourquoi ?
— Vous savez très bien pourquoi, ne faites pas comme si vous n’étiez au courant de rien.
— Non ! Je vous assure, mais, vous n’avez pas le droit ! criai-je en tentant de m’opposer à cet enlèvement.
— Il fallait y réfléchir avant, c’est désormais trop tard, affirma la représentante de la DASS, convaincue de sa position.
— Je n’ai rien commis de mal, c’est lui le coupable, pas moi ! avouai-je désespérément, sans me rendre compte de la portée de mes paroles.
— Non, laissez-moi mes enfants ! hurlai-je en les voyant vêtus de leur seul pyjama, dévalant les escaliers tout en pleurant, poussés par les gendarmes.
— Maman ! crièrent en chœur mes petites dernières, Cindy et Josy, en me tendant leurs petits bras, elles qui venaient dans la joie, de souffler la veille leurs trois bougies.
— Ne pleurez pas mes amours, maman viendra bientôt vous chercher, criai-je au bord des larmes.

J’espérai au plus profond de mon être que ce mensonge deviendrait réalité.

— Je veux rester avec maman, supplia l’un des jumeaux aînés, Anton, qui à cinq ans ne comprenait rien à cette stupide situation, tout comme son frère William.
— Pourquoi venez-vous nous chercher ? quêta-t-il innocemment aux hommes présents. S’il te plaît maman, ne les laisse pas nous emmener. Nous serons sages.

Tant de tourments pour ces pauvres petites âmes innocentes. Je tentai de prendre mes quatre chérubins dans mes bras, en vain. L’horrible panthère à lunettes que m’avait envoyée la DASS s’interposa.

— Inutile madame.

Elle se tourna vers Anton, et d’une voix faussement aimable, ajouta.

— C’est une histoire d’adultes, tu n’y es pour rien mon pauvre petit, là où vous allez, vous serez mieux, tu verras.

Puis elle s’adressa aux forces de l’ordre.

— Allez messieurs, plus vite ce sera fait, mieux cela vaudra. Ne perdons pas notre temps avec des gens comme ça !
— Des gens comme ça ? Que voulez-vous dire ? Comment pouvez-vous prétendre que des enfants seraient mieux qu’avec leurs parents ?
— Inutile d’y revenir, vous connaissez parfaitement la raison qui m’a amenée à cette éventualité. Vous venez même de déclarer que, je cite : « c’était lui le responsable », en parlant de votre mari je suppose.
— Maman vous a fait du mal ? quémanda William. Parce qu’avec nous, elle est très gentille. 

Ces paroles innocentes me touchèrent profondément et m’attristèrent. En un instant je fondis en larmes. À la vue de ce chagrin, mes quatre petits chéris se débattirent pour se précipiter vers moi et tenter de me protéger en m’entourant de leurs bras.

— Allez les enfants, il est temps de quitter vos parents, insista la fameuse Catherine Vidalet, la traitresse.
— En avez-vous ? demandai-je entre deux éclats de sanglots.

Elle me fixa longuement.

— Non, mais si j’en avais, je les élèverais certainement mieux que vous.
— Mes enfants sont bien élevés chère madame, m’offusquai-je. Ils ont de bonnes notes à l’école et reçoivent une bonne éducation.
— Tenez-vous vraiment à ce qu’ils entendent la véritable version des faits ?

C’est cet instant que Christian, mon mari et leur père choisit pour enfin émerger de la chambre.

— Hé ! Que se passe-t-il encore ? Pas moyen de dormir. Qui est cette pétasse ? Pourquoi tout ce vacarme dès le matin ? ajouta-t-il.
— Ils nous enlèvent nos enfants ! criai-je.

Christian crut bon de s’interposer par la force en donnant des coups de poing aux brigadiers, ce qui n’arrangea pas les accusations déjà importantes d’après cette dame. Bras dans le dos, menottes aux poignets, il fut conduit immédiatement et sans ménagement à une des estafettes de gendarmerie, puis emmené aussitôt au poste le plus proche.

Mes quatre enfants pleurèrent à l’idée d’être séparés de moi. J’entendis leurs appels au secours.

— Maman ! Maman, je veux ma maman ! ne cessa de répéter William.

Le visage collé à la fenêtre, je vis disparaître mes petits anges agrippés à la vitre arrière de la voiture, sans que je ne puisse réagir. Mais qu’avais-je fait pour mériter cela ? Je vivais paisiblement en famille, avec un bon mari, homme d’affaires. Je ne me posais aucune question sur la vie aisée que nous menions. Avec le recul, j’aurais dû certainement m’inquiéter plus tôt de la provenance des revenus élevés de mon époux. Mais l’amour rend aveugle et la vérité, quelle qu’elle soit ne se voit pas toujours au grand jour. Surtout lorsque vous aimez un homme séduisant, qui sait user de son charme et de ses belles paroles.

Vacances au bord la mer, mariage sur un yacht amarré aux bords des Bahamas, voyages dans les îles de Madère, îles Baléares, et bien d’autres. Il excellait d’après lui, dans un commerce international, d’où la largesse de ses revenus. Argent qu’il avait su fructifier en devenant producteur associé, pour financer certains concerts ainsi que certains films. Nous profitions de cette vie, aidés par des personnes compétentes, pour l’accompagner les enfants et moi. C’est au cours d’un de ces voyages que Christian me présenta Robert comme étant un de ses associés en affaires.

Peut-être qu’inconsciemment, j’avais choisi de mettre des œillères devant mes yeux.

En 2016, à l’heure matinale où je me souviens de cette partie de ma vie, une des plus tristes, la plus tourmentée, après celle bien sûr où mon cœur fut à jamais brisé, ces années qui furent aussi les plus belles, celles qui m’avaient en peu de temps redonné goût à la vie. Grâce à elles, j’espérais refonder une famille et retrouver mes quatre enfants. Elles furent une entrave bénie, malgré les autres années qui suivirent.

Alors que je regarde les cicatrices gravées sur mes bras, mes poignets et d’autres parties de mon corps, traces indélébiles de ces instants forts en émotions que m’avait offerts la vie, je pense aux moments de doute qui suivirent les mois entrecoupés de plusieurs semaines de bonheur que l’éternel daigna m’accorder. Aujourd’hui, je m’apprête à dévoiler à ma fille Katel les instants de sa véritable conception, un lourd secret que seul mon nouveau compagnon partage en silence avec moi.

En mon for intérieur saigne une plaie béante, bien qu’invisible, un passé qu’il m’est impossible de taire plus longtemps.

CHAPITRE PREMIER

.

J’habite à Eguisheim, un des plus typiques, si ce n’est à mon sens le plus beau des villages alsaciens, tant il a su conserver ses rues étroites pavées, ses maisons à colombages fleuries de multiples couleurs du seuil au toit. Ce bourg n’en est pas moins le berceau d’un vignoble réputé.

Classé parmi les plus beaux villages de France, cette bourgade abrite depuis toujours une auberge, signalée par une pancarte représentant un couple régional dansant sur une musique traditionnelle, signalisation fixée au mur par un ensemble de tiges en fer forgé, et dénommée comme il se doit, AUBERGE ALSACIENNE, Hôtel Restaurant, établissement tenu par ma famille depuis trois générations, composée pour l’heure de notre couple profitant de nos retraites fictives bien méritées.

Soixante-six ans pour mon ami Franz, et soixante-sept ans pour moi, Muriel, deux filles Katel, et Grete abordant respectivement trente-six printemps pour la plus âgée et trente ans pour la cadette, l’actuelle véritable gérante de cet établissement, héritage familial. Mon mari depuis trente ans, fit fortune dans l’immobilier de luxe.

La veille, le 8 septembre 2016, même date que le jour anniversaire de mes jumelles, toute la famille se prépara à une fête, celui de Katel qui avait choisi ce jour pour m’annoncer une nouvelle qui sembla importante à ses yeux, à la suite de quoi, je prévis moi-même lui dévoiler plusieurs vérités à mon sujet tout aussi importantes.

Huit mois que Katel fréquentait un homme de trente-deux ans, bien sous tous rapports comme l’on dit souvent, issu d’une famille bourgeoise, dont les parents, chirurgiens au Centre Hospitalier de L’Alsace, à Colmar, avaient pu lui financer des études notariales. Ronald, clerc de notaire, connu ma fille Katel par les moyens modernes de nos jours, les réseaux sociaux, en l’occurrence, un site de rencontre renommé et normalement sérieux.

Dix-huit heures sonnèrent à l’horloge comtoise de la salle à manger, un meuble qui eut son importance dans mon histoire, quand la clochette de la porte tinta.

— C’est lui ! s’écria Katel, ravie de la venue de l’invité.

Après un long baiser, elle prit son fiancé par la main, le conduisit auprès de la famille qui patientait dans le salon.

— Papa, Maman, Ronald a une nouvelle à vous annoncer, ou plus exactement une demande à formuler. 

Les yeux de ma fille aînée scintillèrent de bonheur.

— Allez ! Dépêche-toi ! supplia-t-elle, impatiente.
— Muriel… Franz…

Il cherchait ses mots.

— Vous semblez m’apprécier, tout du moins je l’espère.
— Où veux-tu en venir ? coupa Franz, qui se doutait de la demande en question.
— Laisse-le, suggérai-je. Le pauvre, tu vois bien qu’il se donne du mal. Continue mon petit Ronald.
— Merci Muriel. Voilà. J’aime votre fille, et je sais qu’elle m’aime aussi, nous voudrions avoir un enfant…
— Déjà ? coupa de nouveau Franz.
— Oui, mais pour remettre les choses dans l’ordre, je voudrais, enfin j’aimerais… Nous souhaitons…
— Tu vas nous réciter toute la conjugaison ? ironisa Franz.
— Papa s’il te plaît, laisse-le finir, pria Katel.
— Puis-je avoir la main de votre fille ? 

Franz se mit à rire.

— Il me semble que tu as déjà obtenu plus que la main, et sans m’avoir demandé quoi que ce soit.
— Papa ! s’insurgea Katel.
— Quoi ? C’est la vérité, non ? Allez, je te charrie un peu, bien sûr que nous te l’accordons. Et pour le petit, attendez quand même un peu, mais pas trop, que je puisse le voir grandir. 

Katel fut ravie et se jeta au cou de son père.

— Merci papa, merci maman, ajouta-t-elle en distribuant des bises sur les joues à tour de rôle. Vous êtes les meilleurs parents du monde.
— Pas tant de caresses ma fille, lui suggérera Franz.

À les voir s’enlacer, personne ne pouvait douter de la filiation qui les liait. Je ne remercierai jamais assez Franz de l’attention qu’il m’avait portée alors que j’étais moralement au plus bas, après les épreuves que je venais de traverser durant les années soixante-dix. Néanmoins, en ce jour de fête, je me devais de tout avouer.

Je m’apprêtai à quitter la table dans le but de ramener le dessert, quand ma fille Katel proposa.

— Je peux t’aider si tu veux maman.
— Volontiers, approuvai-je.

Pendant qu’elle coupa les parts du moka enduit de crème au goût noisette, préparé pour l’occasion, je m’attachai de mon côté aux préparatifs du café.

— Tu l’aimes ? demandai-je à Katel.
— Oui maman, c’est le premier qui me comprend à ce point.
— Et tu voudrais avoir un enfant avec lui ?
— C’est son désir, et vu son comportement avec moi, je ne peux que le lui accorder. De plus je suis en âge avancé pour un premier, ne crois-tu pas ? Mais pourquoi ces questions ? s’étonna-t-elle. Y aurait-il des problèmes avec Papa ?
— Pas le moins du monde, mais si je te dis cela c’est parce que tu devrais réfléchir encore un peu.
— Tu m’inquiètes maman ! Je pensais que vous l’aimiez bien Papa et toi.
— Après le repas, pourras-tu m’accorder quelques instants ? Je dois te parler de quelque chose de très important.
— Tu deviens de plus en plus mystérieuse, ai-je dit ou fait quelque chose de mal ? 

Je pris ma fille dans mes bras.

— Rassure-toi mon ange, il ne s’agit pas de ton anniversaire, mais pour ton avenir je dois te parler sincèrement d’un secret que j’ai en moi. Tu dois le connaître, surtout si tu veux un enfant.
— Vas-y ! Dis-moi tout, tout de suite qu’on en finisse. 

Puis son regard changea. Une once de peur traversa son visage.

— Ne me dis pas que j’ai été adoptée ? Ou que vous vous séparez Papa et toi ? Non pas ça, pas aujourd’hui !
— Non, tu es bel et bien la chair de ma chair, et pas question de divorce dans l’air, mais, patience, je préfère que nous en parlions tranquillement quand tu auras un long moment à m’accorder, ce soir ou demain matin si tu préfères. 

Finalement Katel choisit de me consacrer les premières heures matinales du lendemain. Quand vint l’heure de se coucher, je me démaquillai dans le petit réduit qui prolongeait notre chambre. Franz attendait, allongé, sur le lit.

— Que penses-tu de ce mariage ? demandai-je.
— Je l’aime bien ce petit, et notre fille semble y tenir particulièrement. Il est différent des précédents qu’elle nous avait présentés.
— Justement à propos de NOTRE fille.
— Que veux-tu dire ? Je ne crois pas émettre la moindre différence entre Katel et Grete, s’étonna-t-il.
— Je m’allongeai à ses côtés, dans la même tenue que lui et entre deux baisers déposés sur sa poitrine enneigée, comme sa chevelure, j’affirmai.
— Je sais et je t’en remercie mon chéri, mais je pense qu’il est temps de dire à Katel toute la vérité sur mon passé.
— Tu veux dire, tout ton passé ? Sans rien occulter ? 
— Oui, et peu importe son jugement, elle est en droit de savoir. J’ai mis tant d’années à me reconstruire. Tant d’années pour en arriver là et c’est en partie grâce à toi, grâce à ton soutien sans faille que j’ai pu réussir. Jamais je ne pourrai te remercier autant que tu le mérites, tu sais que je l’aime encore et tu ne m’en veux pas.
— Tu mérites tellement que je ne peux pas aller contre, du moment que tu arrives à nous différencier. Tu ne trouveras pas beaucoup d’hommes qui accepteraient que tu penses à un autre que lui quand tu lui fais l’amour. 

Je caressai son torse recouvert de neige.

— Je sais parfaitement vous différencier, ne t’inquiète pas pour ça, dans ces moments-là, je suis bel et bien avec toi, pas avec lui. Encore une fois merci de me comprendre, et rassure-toi, je ne pense pas à lui systématiquement. Tu as aussi ta place dans mon cœur et une grande part de mon bonheur t’est due.
— Es-tu certaine de devoir lui dire toutes ces choses ? demanda-t-il.
— Je n’ai pas le choix. Non seulement elle veut fonder une famille, et par conséquent agrandir la nôtre. Toutes ces journées durant lesquelles je lui ai caché les véritables raisons qui m’ont amenée ici. Elle doit savoir ce que je garde en moi depuis si longtemps. 

Franz me prit dans ses bras protecteurs. Bien que sexagénaire, bientôt septuagénaire, mon corps usé, ridé par le temps, marqué par les périodes amères, semblait encore lui plaire.

— Tu vois, même sans pilule bleue, à soixante-six ans passés, elle te montre tant bien que mal du respect.
— Moi aussi je te respecte, et je vais te le prouver par ta caresse préférée. 

J’avais mis du temps avant d’accorder à mon nouvel ami un enfant, déçue par la vie, affaiblie par les épreuves que j’avais traversées. Je n’avais plus le cœur à fonder une nouvelle famille. Franz fut plus que patient. Il fut récompensé de son sacrifice. Jamais je ne pensais trouver un jour un homme aussi compréhensif. Depuis quelques années, faire l’amour n’avait plus pour nous la même signification et certaines attentions particulières suffisaient à nous satisfaire.

Pendant ce temps dans la chambre de Katel et Ronald.

— Tu es bizarre ce soir, constata Ronald, tu sembles rêveuse, ou loin d’ici, en tout cas pas avec moi. C’est ma demande en mariage qui te chagrine ?
— Non ce n’est pas ça, c’est Maman.
— Quoi ta mère ? Elle n’est pas d’accord ?
— Non… C’est… enfin je ne sais pas exactement. Elle m’a dit quelque chose ce soir, juste avant le dessert, quelque chose de troublant.
— Comment ça ?
— Je ne sais pas comment te l’expliquer, mais Maman veut me dévoiler son passé qui d’après elle, est nécessaire pour notre avenir.
— J’avoue que je ne comprends pas grand-chose, mais si elle te le dit. Enfin, le principal est que tes parents accordent notre union. 

Ronald emprisonna Katel dans ses bras, picora son corps de petits baisers, tout en exprimant.

— Pour… l’instant… laisse-toi… aller, et pourquoi ne pas… commencer tout de suite… notre future… famille.
— Pas… avant… le mariage, affirma-t-elle entre chaque petit soupir.

Le matin suivant, 8hoo, Katel et Grete patientaient, assises de chaque côté de la table de la cuisine, pour partager le petit déjeuner, pendant que nos deux hommes effectuaient un jogging sur les sentiers qui conduisaient aux vignes situées en périphérie du village.

— Tout est prêt Maman ! affirme la plus grande, tu n’as plus qu’à t’installer.
— Merci, tentai-je d’articuler après un petit bâillement, merci les filles, ça fait du bien de temps en temps de se faire servir.
— Alors ? J’ai pensé à ça toute la nuit. Tu me fais peur Maman, racontes. À moins que tu ne veuilles pas de la présence de Grete que j’ai moi-même souhaitée.
— Au contraire, ta sœur aussi est concernée par mon histoire.

Je montrai mes poignets, mes bras et aussi quelques traces indélébiles sur mon corps.

— Tu vois ces cicatrices ?
— Oui, tu les as depuis longtemps, tu nous as dit que tu avais souffert dans ton passé avant de connaître Papa. Si tu crois que Ronald est ce genre d’homme, tu te trompes, jamais il n’oserait lever la main sur moi, si c’est ce qui t’inquiète. Il n’est pas mon premier comme tu le sais. J’ai pu étudier le comportement de ceux qui l’ont précédé, et crois-moi, c’est lui que je choisis.
— Je suis ravie pour toi, mais il ne s’agit pas de ton futur époux que j’apprécie énormément, tout comme Franz d’ailleurs. Non, si je te parle de ces cicatrices, c’est pour te dire qu’un jour, ma vie s’est brusquement suspendue, presque arrêtée, un mercredi matin, un de ces matins glacials de décembre à Dijon, dans le train qui me ramena en Alsace, assise sur un fauteuil, blottie au creux de mes sentiments, au travers de la vitre, je vis s’éloigner l’amour que j’avais choisi pour vivre le restant de mes jours…
— L’histoire que je vais te conter, poursuivis-je, prit un autre départ. Et contrairement aux apparences, ces cicatrices sont les traces d’une éclaircie dans le ciel obscur qu’était ma triste vie. Les souvenirs d’un samedi, le 12 mai 1979, un jour de fête patronale à Prauthoy, commune du plateau de Langres, pour te situer les lieux. Mais avant je dois te dévoiler ce qui a conduit à notre vie actuelle et pour cela, permets que je remonte à mon adolescence…

Je vivais au sein d’une famille heureuse et fière de gérer l’auberge héritée de mes grands-parents alsaciens, qui avaient su en préserver en intégralité son originalité, malgré les déboires de la dernière guerre. Fille aînée, suivie de deux sœurs Frida la cadette et Greta, la benjamine, âgées respectivement de dix et huit ans, j’avais tout juste quinze ans, en cet été 1964, lorsque je rencontrai lors d’une cérémonie de mariage un homme qui fut désigné comme mon cavalier.

Rendez-vous était donné devant la mairie d’Eguisheim. Les présentations furent furtives.

— Ce beau jeune homme au regard de braise sera ton cavalier, précisa la future mariée, ma cousine Jeannine. Il est parent à Serge, mon futur, un cousin éloigné je crois. Peu importe qu’il soit plus âgé que toi de dix ans environ, je pense que tu ne regretteras pas mon choix. 

Puis elle me glissa à l’oreille.

— En plus d’être beau, il est riche et il a, paraît-il, un faible pour les blondes. 

Il m’embrassa naturellement sur les joues, comme tout à chacun en ce jour de fête. Nous nous dévoilions le strict nécessaire qui permit de nous connaître un peu plus. Bien que près de dix ans nous séparaient, il était beau et charmant, et son allure sûre me séduisit immédiatement.

La cérémonie se déroula sans encombre : serments prononcés à la mairie, puis défilé sur la ruelle étroite et pavée qui traverse en son centre le village, jusqu’à l’église toute proche. Serments renouvelés, approuvés par plus de cent invités.

Le repas prévu dans le parc boisé du lieudit « les Trois Châteaux » à Husseren les Châteaux, un village limitrophe, était entrecoupé par des jeux préparés pour agrémenter la soirée, et des chansons jouées par un petit orchestre réputé en Alsace.

Il s’amusa comme un fou et dansa à merveille. L’accompagner sur toute sorte de musiques fut un véritable enchantement. À la nuit tombée, il me proposa une petite escapade dans sa Renault 8 Gordini bleue rayée de blanc. Non loin du parc, le long d’un petit chemin forestier, il stoppa sa voiture et m’embrassa tendrement. Il ouvrit les vitres à l’avant. Il enclencha une invention récente, une cassette audio. Ma vie d’Alain Barrière, le plus grand succès de cet été 1964, berça ces minutes enchanteresses. Il fut le premier homme à m’embrasser ainsi sur les lèvres. Le premier à me regarder autrement qu’une gamine.

Il fut doux, prévenant. Ses caresses me donnèrent des frissons. Il me parla comme à une femme. Il me trouva belle et désirable.

— Tu as la peau douce, précisa-t-il à l’oreille.
— Tu es jolie, tu feras des ravages dans la vie, poursuivit-il en dégrafant mon soutien-gorge.
— Quelle poitrine, tout ce que j’aime, je peux les embrasser ? pria-t-il

Envoutée par ses yeux bleus scintillants, bercée par sa voix mélodieuse, je ne savais plus où j’étais, ni ce que je faisais, et sans m’en rendre compte j’encourageai sa demande. Allongée, à moitié dévêtue sur le siège mis en position couchette par ses soins, je lui cédai. La douleur de l’instant fut rapidement apaisée par son expérience. Il put prétendre cette nuit-là, d’être mon premier amant, mon premier amour.

Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. Deux mois après cette fameuse soirée, je ressentis des vertiges matinaux, à peine avais-je mis le pied sur le plancher de ma chambre. Ce fut au cours d’un petit déjeuner que se déclencha un symptôme que toutes les mères savent déceler. Les toilettes furent rapidement les bienvenues. Papa pensa aussitôt à une grippe intestinale, ancienne appellation de la gastro-entérite, ou quelque chose de similaire, et appela le médecin.

Cela n’a pas été facile de devoir avouer à mes parents mon aventure avec cet homme pratiquement inconnu, ce cavalier que j’avais vu une seule et unique fois. Ce jour-là fut horrible.

Le praticien, ami de la famille m’ausculta en présence de ma mère. Un bon quart d’heure après, il n’avait plus aucun doute sur mon état, et demanda à me parler en privé.

— Elle est mineure, affirma ma douce mère. Je dois rester avec elle.
— Juste quelques instants Petra, promis je ne serai pas long, suggéra-t-il.

Confiante, maman céda à sa demande et rejoignit mon père au salon.

— J’ai une question à te poser, précisa le médecin, réponds moi franchement. Un homme t’a-t-il forcée à commettre des actes que tu ne voulais pas lui accorder ?
— De quoi voulez-vous parler docteur ?
— As-tu eu des rapports sexuels non consentis récemment ?
— Non ! Pas le moins du monde.
— Tu es mineure et tu es enceinte de deux mois environ, je devrais te voir à mon cabinet pour un examen plus approfondi. Mais cela ne fait aucun doute sur ton état. Qui est le père ?

Soudain, le souvenir de la nuit qui suivit le mariage me vint en mémoire.

— Christian, Christian Violet, mon cavalier au mariage de ma cousine.
— Il est majeur ! S’il t’a forcée, je dois prévenir tes parents ainsi que cet homme.
— Non pas ça ! priai-je, je n’ai pas été violée, j’étais consentante docteur, c’était bon, il est si beau et…
— C’est bon, épargne-moi les détails jeune fille, je n’ai pas le choix, c’est la loi. 

À cet instant, maman ouvrit rapidement la porte de ma chambre.

De quoi ? Ai-je bien entendu ? Tu as couché avec Christian Violet et il t’a mise enceinte ?

— Tu écoutais derrière la porte ? constatai-je offusquée.
— Oui, peu importe. Que pouvons-nous faire Charles ? demanda Maman. Avorter ? Déposer plainte pour viol sur ma fille ?
— Non ! Je n’ai pas été violée, insistai-je.
— L’avortement ? Vous n’y pensez pas ! C’est illégal en France, nous sommes en 1964, certes certains mouvements se profilent pour d’éventuelles futures contraceptions accordées aux femmes, mais avorter, non grand dieu, c’est impossible. 

Mon père avait surpris les principales phrases de notre conversation et surgit dans ma chambre en furie. Et, sans que je m’y attende, il me gifla violemment. Ce fut la première et j’espérai la dernière fois qu’il montra une telle rancœur à mon comportement. Ma joue droite me brûla.

— Papa ! dis-je en pleurant, pourquoi ?
— Tu me déçois ma fille, je pensais que tu étais plus sérieuse. Enceinte à quinze ans, non mais, et tu en es fière en plus !
— Non papa, je n’en suis pas fière, mais je ne pensais pas tomber enceinte si rapidement. Si vous m’aviez expliqué ce à quoi je devais m’attendre aussi, je n’en serais peut-être pas là. 

Il me menaça d’une seconde gifle, son geste fut stoppé par Charles, le médecin de famille.

— Petite effrontée, tu oses tenir tête à ton père ! cria mon paternel, envahi par la colère. Rassure-moi, enfin si l’on peut dire, ce Christian, c’était le premier ?
— Je te le jure, j’étais encore vierge avant lui !
— C’est donc lui qui a profité de ta naïveté !
— Nous sommes face à un problème de taille, précisa Charles, le praticien. Je suis contraint de déclarer cette situation vis-à-vis de la loi. Huguette est mineure et si le rapport n’est pas consenti comme je le suppose…
— Ne faites rien, suppliai-je, je vous en prie, laissez-moi le contacter et nous trouverons sûrement un terrain d’entente.
— Ce n’est pas toi qui décides ma fille ! précisa ma mère.
— Je vous en prie, Maman, Papa, je ne vous avais pas déçu jusqu’à ce jour ? Laissez-moi réparer mon erreur, implorai-je à nouveau.

Ma requête fut exaucée. Mes parents contactèrent Jeannine, ma cousine, la jeune mariée, pour connaître l’adresse de Christian. Puis un jour, mon cavalier d’un soir réapparut. Nous fûmes assis au salon, moi sur le canapé, entourée de mes parents, et Christian assis au creux d’un fauteuil en cuir, séparé de nous par une table basse dont les pieds, sculptés dans le chêne, dessinaient des couples enlacés. Le pauvre homme subit un interrogatoire en règle.

— Rassurez-vous, je suis prêt à prendre mes responsabilités, admit-il, je reconnaitrai cet enfant comme le mien.
— C’est la moindre des choses, ajouta mon père, mais encore ?
—