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Été 1998, seule dans ma chambre, allongée nue sur mon lit aux draps froissés, sous l’effet de mes caresses précises destinées à un amour injustement absent en ce jour fatidique, je jouis.
Durant mon enfance, j’ai longtemps cru, comme bon nombre de jeunes filles, au prince charmant qui, descendu de sa monture, à genoux me demande en mariage. Je pensais trouver ce personnage idyllique en la présence de Sylvain, le garçon qui troubla le premier mon cœur. Durant des années j’ai joui, me donnant à lui manuellement, rêvant de nos premiers baisers.
Quand, devenue étudiante, elle apparut, mon avenir prit un large détour. Sans m’en rendre compte je devins dans ses bras une femme, follement amoureuse, digne héritière de Sapho, cette icône qui jadis, à en croire ses écrits, convoitait ses compatriotes résidentes de l’ile de Lesbos.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après un premier roman policier paru en 1984,
Daniel Deloget a provisoirement abandonné sa plume pour la reprendre en 2015, poussé par l’envie de son épouse à partager ce plaisir qu’est la rencontre des lecteurs. Ses récits, qu’ils soient romans d’actualités, ou érotiques ont pour but de provoquer le dialogue dans les familles face à des sujets graves que la société nous inflige.
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Seitenzahl: 260
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Daniel DELOGET
S’aimer entre Femmes
Entre 1988 et 1998
Roman
Cet ouvrage a été composé et imprimé en France par Libre 2 Lire
www.libre2lire.fr – [email protected] rue du Calvaire – 11600 ARAGON
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN Papier : 978-2-38157-073-0ISBN Numérique : 978-2-38157-074-7
Dépôt légal : 2020© Libre2Lire, 2020
DU MÊME AUTEUR
L’EMPRISE DU NÉANTÉditions BAYARDERE – 1984 – Roman Policier
DESTINS MACHIAVÉLIQUES Éditions EDILIVRE – 2016 – Roman Psychologique
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ANGÉLINALibertine Éditions – 2019 – Tomes 1, 2, 3, 4,5Nouvelles érotico sentimentales (Poly Amour)
L’INTÉGRAL D’ANGÉLINALibertine éditions – 2019 – Recueil de ces nouvelles érotico sentimentales
NATHALIEPlumes direct Édition – 2020 – Sujet d’actualité (Violences Conjugales)Premier prix de l’édition obtenu lors de la nuit de la lecture 2020
MON PREMIER COUPLE ÉCHANGISTEÉvidence Éditions – 2020 – Nouvelle érotique en cours de parution. Dans un recueil de plusieurs auteurs
Sappho, appelée aussi Sapho, poétesse grecque de l’Antiquité qui vécut entre le septième siècle et le sixième siècle av. J.-C. à Mytilène, sur l’île de Lesbos, est connue pour avoir exprimé dans ses écrits son attirance pour les jeunes filles, d’où le terme saphisme pour désigner l’homosexualité féminine, tandis que le terme lesbienne est lui, dérivé de Lesbos.
D’après les écrits historiques, bien avant le premier millénaire, les peuples connurent le libertinage au plus haut niveau. Durant l’ère du moyen-âge, nos ancêtres appliquèrent cette insouciance sexuelle dès l’âge dit de maturité (la puberté à l’époque). De tout temps la bisexualité animale ou humaine fut pratique courante. L’arrivée de diverses croyances puritaines a contraint à stigmatiser nos manières d’aimer. L’amour physique fut canalisé. Sortir des rangs devint impossible autrement qu’en se cachant d’autrui, au risque de se voir répudié ou assassiné.
Ce n’est que depuis le troisième tiers du vingtième siècle que l’évolution des mentalités semble, au fur et à mesure développer la maturité et petit à petit transcrire certaines tolérances sexuelles et sentimentales.
Les musiques, les danses, les vêtements donnent plus d’éclats à la femme qui les porte. 1968 marqua un virage à quatre-vingt-dix degrés pour la jeunesse. Nos parents en leur temps osèrent affronter les leurs pour imposer des idées naissantes.
Nos enfants tentent de nous inculquer les leurs, c’est ainsi depuis des générations. L’être humain ne peut aller que dans ce sens.
Les années de libérations durant lesquelles ont pu naître les manifestations, telles que les concerts sur l’île de Wight prônant la paix et la liberté sexuelle pour tous, Simone Veil et son combat pour la libération de la femme, les défilés Gay-Pride, ainsi que toutes autres demandes qui furent légalisées.
Toutes ces années démontrent que nous changeons de comportement, et que nous suivons une certaine évolution mentale.
Pourtant en ce vingt et unième siècle, il semble encore difficile de comprendre la nature qui se profile dans nos âmes et définit un être plus proche sexuellement d’un homme ou d’une femme. Il semblerait que mentalement, nous reculions. Pourquoi ne pas tenter de s’expliquer plutôt que d’infliger à des innocents une morale largement prohibée ?
UNE FEMME AVEC UNE FEMME
Mécano 1988
Véritable hymne à la tolérance. Cette chanson est avant tout pour toutes les personnes qui ne comprennent pas encore qu’une femme ne doit pas se sentir obligée d’être tout à fait comme les autres. Pour que tous les préjugés et les jugements de valeur qui n’ont d’égales que la médiocrité et la petitesse d’esprit de certains bienpensants cessent. Pour que cette homophobie latente et malheureusement toujours bien présente s’arrête. Merci pour elles.
Deux femmes qui se tiennent la main
Ça n’a rien qui peut gêner la morale
Là où le doute s’installe
C’est que ce geste se fasse sous la table
Quand elles sont seules
Comme elles n’ont rien à perdre
Après les mains, la peau de tout le reste
Un amour qui est secret
Mêmes nues elles ne pourraient le cacher
Alors sous les yeux des autres
Dans la rue elles le déguisent en amitié
L’une des deux dit que c’est mal agir
Et l’autre dit qu’il vaut mieux laisser dire
Ce qu’ils en pensent ou disent ne pourrait rien y faire
Qui arrête les colombes en plein vol
À deux au ras du sol
Une femme avec une femme
Je ne veux pas les juger
Je ne veux pas jeter la première pierre
Et si en poussant la porte
Je les trouve bouche à bouche dans le salon
Je n’aurai pas l’audace de tousser
Si ça dérange, je n’ai qu’à m’en aller
Avec mes pierres elles construiraient leur forteresse
Qui arrête les colombes en plein vol
À deux au ras du sol
Une femme avec une femme
L’une des deux dit que c’est mal agir
Et l’autre dit qu’il vaut mieux laisser dire
Ce qu’ils en pensent ou disent ne pourrait rien y faire
Qui arrête les colombes en plein vol
À deux au ras du sol
Une femme avec une femme
Oh oh oh oh oh
Qui arrête les colombes en plein vol
À deux au ras du sol
Une femme avec une femme.
14 juillet 1998, éclairée par les faibles rayons lunaires, seule dans ma chambre, allongée nue sur mon lit aux draps froissés, sous l’effet de mes caresses précises destinées à un amour injustement absent ce jour fatidique, je jouis. Je hèle, je sue, je tremble en évoquant les souvenirs de nos instants secrets. Le va-et-vient de mes doigts en moi, passant sur mon bouton luisant, les autres sucés par ma langue, imitant ainsi le plaisir que je ressens par sa bouche à chaque baiser posé sur ma vulve humide, procure la montée d’une fièvre intense. Je l’aime tant que rien ni personne ne pourrait détruire cet amour, pas même la distance importante qui nous sépare. Je crie si fort que mon oreiller peine à couvrir mon envie. Pendant que de mes mains, je tente de reproduire les effets ressentis au contact de sa peau. Les yeux fermés, je vois son visage enjoliveur s’approcher du mien. Des mois sans aucune nouvelle, et pourtant je porte encore sur moi le parfum de ses baisers. J’ai l’impression de ne jamais l’avoir quittée. Les larmes aux yeux, je crois retrouver la douceur de ses caresses sur ma poitrine aux pointes fièrement dressées.
N’en pouvant plus je m’abandonne pour la troisième fois sur mon drap avant de lécher un à un mes doigts imprégnés de cette envie incontrôlable…
Quelques heures auparavant. Nous sommes en plein été, le 14 juillet 1998, à l’heure où le soleil joue à cache-cache avec l’horizon formé par les vagues, encore vingt-cinq degrés sur la terrasse qui domine notre propriété, dont la vue plonge sur la méditerranée paisible. Je fête ce jour mes vingt-sept ans en compagnie de mes parents, de ma sœur Liliane, qui à bientôt treize ans, aborde l’âge de l’insouciance et Adrien, mon frère, jeune adulte de presque vingt ans, qui lui n’a pas quitté les années d’imbécilité. Il est accompagné de sa fiancée, Annick, nettement plus mûre, mentalement et physiquement, puisqu’elle approche quarante ans. De par sa maturité, elle est plus proche de mon père Robert dont les tempes grisonnantes et la fameuse piste d’atterrissage, c’est ainsi que j’appelle sa calvitie, démontrent qu’il dépasse la cinquantaine. Lydie, ma mère fêta ses quarante-cinq ans le mois dernier.
Vient le gâteau, d’où pointent les mèches de deux bougies, l’une portant le chiffre deux et l’autre, le sept, apporté par une employée en tenue de servante. L’ambiance est à la joie. Pendant que je prends mon souffle, mon frère amorce un dialogue :
Je m’épuise à éteindre les flammes.
Je le fixe de mon regard le plus féroce.
Il en désigne sa fiancée.
Mon paternel et mon horrible frère se moquent souvent de moi en abordant ce sujet. Ce à quoi je réplique :
Ces paroles résonnent dans les oreilles de sa fiancée, mais faut le reconnaître qu’il ne cesse de me chercher des embrouilles. Dans ma lancée je poursuis.
Furieuse, je quitte la table, sans oublier de m’adresser à mes parents.
Je pars me réfugier dans ma chambre, les laissant débattre entre eux de leurs plaisanteries douteuses. En larme, je me jette sur mon lit. Seule devant la glace de mon armoire, je désire vérifier mon physique soi-disant attirant. Je ferme la porte à clé et je me déshabille. Debout, nue, je contemple l’œuvre de mes parents.
Mes longs cheveux blonds, comme l’était mon père avant sa piste d’atterrissage, ondulent jusqu’à ma poitrine opulente et ferme. Je descends mes mains le long de mon corps jusqu’à la partie la plus intime que je prends soin de limiter à perfection dans une forme triangulaire. Aucun excès de graisse n’apparaît. Je ne suis pas maigre comme ces mannequins anorexiques qui défilent pour la haute couture, mais musclée et fuselée juste à volonté. Je suis fière de mes soixante-cinq kilos pour un mètre soixante-quinze. Outre la chevelure, je tiens ce physique de ma mère.
Quelques coups sont frappés à ma porte.
J’enfile ma robe de chambre en vitesse. Je m’allonge sur mon lit.
Je pensais que Maman venait me réconforter et, surprise.
Elle s’assied à côté de moi.
Elle me caresse la joue, probablement en signe de pardon. Je sens au contact de sa peau monter en moi un étrange frisson. Elle se penche vers moi pour biser ma joue. Tout à coup j’aperçois ce qui semble plaire à Adrien, malgré la différence d’âge. Je me détends peu à peu. Je reprends mes esprits afin de recouvrir correctement mon corps qui involontairement se dévoile. Constatant l’ouverture de son chemisier, elle paraît tout autant gênée, que moi.
Je mange la part du dessert qu’elle m’apporta, et entre deux bouchées :
Je la fixe en affirmant :
Elle me caresse à nouveau les joues et embrasse l’une d’elles avant de quitter ma chambre.
La nuit venue, au creux de mon lit, je pleure. Deux raisons à ce chagrin : mon frère et sa copine ne m’ont rien offert. J’ai reçu juste de la part de mes parents un simple miroir, un petit cadeau de rien du tout par rapport aux autres années, et la personne que j’aime en secret de tout mon cœur, de tout mon être, mon âme sœur, ma moitié, ma vie, ne m’a ni envoyé de carte, ni de cadeau. Elle n’a même pas pensé à me téléphoner pour me souhaiter comme à son habitude, de passer une agréable journée.
Mon frère a pour habitude de tout gâcher. À la longue, je n’y prête plus grande attention, mais ne pas avoir de nouvelles de mon amour, sachant qu’une grande distance, évaluée à plusieurs milliers de kilomètres, nous sépare, me ronge. Suis-je tombée dans les oubliettes ? Vais-je être classée dans les souvenirs ? Je relis pour la énième fois mon journal intime, ce confident qui retrace l’évolution de mes sensations et de mes sentiments depuis de nombreuses années.
Allongée nue dans mon lit, bercée par ces souvenirs, je rêve.
Il était ce que l’on appelle un ami d’enfance, le frère qui à l’époque manquait à mes côtés. Nous grandîmes ensemble, dans le même quartier à Selongey, dénommé on ne sait pas pourquoi « La Charme », bien qu’aucun de ces arbres n’y soit planté depuis plus d’un siècle. Au temps jadis peut-être. Ils y régnaient en maître parmi les espaces verts, des vieux tilleuls. Là où cela semblait logique, aucun de ces arbres n’existait aux abords de la rue appelée « Rue des Tilleuls ».
Je me souviens de nos premiers baisers. Dès mon enfance, mes parents d’origine bourgeoise cherchaient à me combler en m’offrant tout ce que je désirais, pliant à tous mes caprices, de fille unique, et ce, durant sept ans. Leurs revenus de Président Directeur Général, héritier d’une entreprise familiale pour lui, et infirmière en CHU pour elle, permettaient de résoudre ces difficultés passagères.
Sylvain Fignard lui, vivait au sein d’une famille plus modeste, à près de six cents mètres de la maison de mes parents. Son père était ouvrier en usine, dans l’entreprise « Neuville Plastique », la société familiale que dirigeait mon paternel, et sa mère restait au foyer. Je ne sais encore à ce jour ni pourquoi ni comment nos familles si distantes socialement, étaient devenues amies.
Le 14 juillet 1979. Ce jour-là, nous fêtâmes mes huit ans, effectifs depuis deux heures du matin (l’heure se révélera importante par la suite), deux mois avant son dixième anniversaire. À table se tinrent Robert, mon père, mon frère Adrien, six mois, assis dans sa chaise haute en bois, Sylvain et ses parents, Angeline et René, qui étaient à ma grande joie respectivement ma marraine et mon parrain. Maman apporta le gâteau recouvert de crème chocolatée, rehaussée des huit petites bougies allumées.
Le vouvoiement était dans notre famille, de rigueur entre les enfants et les parents, une façon de marquer le respect, transmise par les ancêtres de ma mère portant un nom de jeune fille à particule, « De Langry ». Je me souviens de mon père qui pour me réprimander, un des rares jours où je l’avais mis en colère, m’interpella en me disant :
Ce qui en langage populaire se définirait autrement.
Il joignit ses efforts aux miens pour éteindre les mèches enflammées sous le regard de nos parents ravis de notre complicité. Le dessert terminé, les adultes prirent place dans le salon Louis XV pour déguster ce qu’ils appelaient, le pousse-café. Ils parlèrent de sujets divers, incompatibles à nos âges.
Sylvain comprenait difficilement nos différences de langages lorsque je m’adressais à mes parents. Entre nous il n’était pas question d’un tel comportement. Je le considérais comme mon frère, celui que je n’avais pas eu durant mes sept premières années, et je pensais que son sentiment envers moi était le même.
Notre vaste propriété était prolongée d’une pelouse qui s’engouffrait dans un bosquet, à l’intérieur duquel nous construisîmes, aidés de mon père pour l’ameublement, une cabane en planche et en rondins de bois, élevée à trois mètres du sol, fixée entre deux troncs de sapins centenaires. À l’intérieur, nous partageâmes nos joies et nos peines, assis sur les petits bancs et devant la table que nous confectionna à ma demande mon adorable paternel. Un rosier fleuri de pétales rouges en contournant la petite fenêtre recouvrit le toit. Le soleil brilla en cet après-midi de juillet.
Mon idée sembla le satisfaire et comme promis, je maintins ma bicyclette jaune, à l’arrière, pendant que lui tenta de déplacer tant bien que mal, ce nouveau moyen de locomotion. Les premiers coups de pédales l’eurent tout naturellement conduit à la chute inévitable qui me fit rire à ses dépens.
Au bout de deux heures, à force de persévérance, Sylvain réussit à maintenir une trajectoire respectable qui nous conduisit au pied de notre cabane en bois. Après avoir posé le vélo contre le tronc d’un sapin, il me prit la main et m’entraina dans une course folle, à travers le bosquet. Je trébuchai sur une racine courant sur le sol. En tentant de m’agripper à Sylvain, je le fis involontairement tomber sur un tas de feuilles sèches.
Une légère pente nous obligea à rouler sur une dizaine de mettre et sans signe précurseur, il m’embrassa sur une joue, ses lèvres frôlant la commissure des miennes.
Il me fixa de ses yeux scintillants de joie.
Je me redressai et alors que je m’apprêtais à partir, Sylvain m’agrippa par le bras.
Une petite lueur espiègle traversa à cet instant mon esprit.
14 juillet 1998. Seule dans mon lit, nue, éclairée par la faible lueur de la lune, je rêve. Le sourire aux lèvres, les doigts humides je caresse ma joue. J’ai menti bien entendu à Annick, bien que j’aie perdu le petit voile de virginité, je suis d’un certain côté pucelle et pour cause…
Septembre 1981. Deux années s’étaient écoulées. Bien dans ma scolarité, je rentrai en sixième au collège « Champs et Lumières » récemment construit en bas de mon quartier. Suite à un regroupement scolaire, Sylvain y effectua son entrée en quatrième. Cette avance scolaire était pour moi bénéfique pour m’aider à assimiler les cours appris la journée. N’avait-il pas promis ?
Un après-midi de printemps, alors que nous nous occupâmes à nos révisions respectives, assis côte à côte sur l’herbe, il posa son livre d’histoire et s’écria.
Il se précipita de le cueillir et le glissa dans la blondeur de mes cheveux bouclés, puis, dans son élan de joie, il confectionna une bague à l’aide de pâquerettes, qu’il glissa à mon doigt.
Il conclut par un léger baiser sur mes lèvres, qu’il sembla regretter aussitôt.
Je le rassurai.
Et pour lui prouver ma sincérité, je lui redonnai furtivement son petit baiser. La vie était douce et belle, moi la petite fille sage de dix ans, je venais de me promettre à mon chevalier servant blond aux yeux émeraude. Nous nous quittâmes ce jour sur cette joyeuse pensée.
Chez moi, une désagréable surprise m’attendait. Assis dans son fauteuil près de la cheminée du salon, Papa affichait un air grave, il m’appela.
Ce fut la première fois que je vis mon père dans cet état. Je pris place sur ses genoux.
Je ne compris pas vraiment ce que cachaient ces mots, mais je sentis naître un mauvais présage. Il poursuivit :
Cette proposition innocente et pourtant à mon sens, logique, le fit sourire.
Je cherchai toutes les excuses possibles pour le retenir.
Comprenant que malgré mes remarques, la décision semblait déjà prise, je criai.
Désespérée, je me tournai vers ma mère. Entre deux sanglots, je fixai la bague de fleur que Sylvain avait glissée à mon doigt.
Je pensais qu’elle prendrait mon parti, bien m’en fit.
Je courus me réfugier dans ma chambre. Je me jetai sur mon lit pour verser toutes les larmes qui oppressaient mon petit cœur.
14 juillet 1998, malgré le chagrin que me rappelle ce passé, je ne peux m’empêcher de dessiner le contour de mes lèvres, celles qui ont conservé le goût des premiers baisers d’enfants et des échanges d’adolescents. Je glisse les couvertures jusqu’à mes pieds pour me sentir plus à l’aise…
Fin septembre 1981, allongée sur mon lit, en proie d’un immense chagrin, je pense.
Comme un mauvais présage, le trèfle à quatre feuilles se détacha de ma chevelure. Je pris ce valeureux bijou entre mes doigts.
Le quitter ainsi me parut impossible, pas après notre promesse. Je devais le voir avant de partir.
Une autre surprise de taille m’attendait. Alors que je m’apprêtais à frapper sur la porte, j’entendis des cris provenir de l’intérieur. Le père de Sylvain venait, semblait-il, d’apprendre lui aussi une mauvaise nouvelle. Mon chevalier m’autorisa à entrer.
De mes yeux perlaient encore quelques larmes…
Je me serrai fort contre lui
Les cris de monsieur Fingnard, mon parrain, perturbaient nos pensées…
Il me vit dans les bras protecteurs de Sylvain…
Que pouvais-je répondre, moi qui ne comprenais rien à ce comportement d’adulte, si ce n’était que renouveler le chagrin qui pesait lourd sur mon cœur fragile. Tant d’années de bonheur s’effondrèrent en quelques minutes. Pourquoi s’en prit-il à moi ? Je pensai au contraire obtenir de la considération et son soutien à mon idée de rester vivre à Selongey. J’étais prête à tout. L’adoption par mon parrain et ma marraine m’effleura même. N’importe quoi pour ne pas quitter celui à qui je m’étais promise, celui qui serait plus tard l’homme de vie. Durant tout ce temps, je ne serais restée qu’une pauvre petite fille de riche à ses yeux. Sylvain prit ma défense.
Je ne pus plus supporter ces accusations, rejetée à dix ans comme un démon sans même prendre le temps de donner des adieux comme je le souhaitais. Je fuis et ma course se termina dans la cabane, notre chère maisonnette qui ne pourrait plus jamais partager nos humeurs. La pièce au pied de laquelle j’avais reçu le jour de mes huit ans, mon premier baiser.
14 juillet 1998, les larmes coulent de mes yeux en souvenir de cette triste période. Néanmoins, je sens encore la douceur des lèvres de cet amour et son parfum m’enivre. Mes mains se promènent sur mes seins qui petit à petit semblent ériger leurs pointes vers le plafond. Des bouffées de chaleur montent en moi. Ma bouche entrouverte réclame la sienne…
Octobre1981. Dans les rues du centre-ville, sous le regard de l’habitant par les fenêtres ouvertes, filmé par la télévision régionale et nationale, défila le cortège des manifestants, qui proclamaient leur mécontentement, suite aux nombreux licenciements qui suivirent la vente de l’entreprise Neuville Plastique, rebaptisée par les acquéreurs en « Générale Plastique ».
Cinq hommes rangèrent soigneusement les meubles hérités de plusieurs générations fondatrices et innovatrices dans l’art de fournir le mobilier de jardin, dans un camion de déménagement. Vint l’heure du départ. Je regardai, nostalgique cette maison construite en pierre taillée, cette demeure qui connut mes premiers cris de joie et de peine, là où péniblement, maman et son amie de toujours avaient soutenu mes premiers pas comme elles l’auraient certainement fait à mon petit frère. Un musée de souvenir qui tint à l’intérieur d’un camion semi-remorque. Sylvain ne fut pas présent. Ce mardi, il était en entre-cours.
Sylvain n’avait aucunement l’intention de prendre soin de sa santé.
Laurent, surpris le questionna.
Sylvain entama une course effrénée en direction du quartier de « La Charme ».
J’étais assise à l’arrière, contre la portière de notre coupé Mercedes, à côté du berceau dans lequel dormait paisiblement mon frère, lorsque j’aperçus mon bien-aimé, peinant à reprendre son souffle.