Le garçon de la rue - Séléna Urquizar - E-Book

Le garçon de la rue E-Book

Séléna Urquizar

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Beschreibung

Álvaro vit dans la rue depuis peu. Grâce à une application qu'il a créée, « L'Internet », qui fonctionne par don, il gagne de l'argent et peut rester en vie. Un généreux donateur inconnu lui offre plus que ce qu'il espère. Au fur et à mesure de leurs échanges, ils se confient, mais toujours dans l'anonymat. Álvaro compte bien découvrir qui est cet inconnu, se demandant pourquoi quelqu'un s'intéresserait à lui...

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Seitenzahl: 301

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Séléna Urquizar

Le garçon de la rueRoman

©2022, Séléna Urquizar

Édition : BoD – Books on Demand, [email protected]

Impression : BoD – Books on Demand, In de Tarpen 42, Norderstedt (Allemagne)

Impression à la demande

ISBN : 978-2-3222-5345-6

Dépôt légal : octobre 2022

Chaque vie qui vaut la peine d’être vécue est une lutte constante.Dean Stanley

Prologue

C’est étrange pour lui d’être ici. Cela fait si longtemps qu’il n’y est pas venu. Il regarde dans tous les sens, de tous les côtés, pour être sûr de ne pas être vu. Mais qui le verrait à travers cette immense foule de gens ? Surtout en pleine nuit… La réponse est évidemment « personne ». Mais lui, il n’y croit pas, jamais. Il a toujours peur d’être épié, d’être repéré, d’être reconnu. Mais qui fait attention à un jeune quand la foule est en délire ? La réponse est toujours la même : personne. De plus, ce soir, il y a un concert.

Il se faufile à travers toutes ces personnes de tout âge avec agilité, comme si ce n’était pas la première fois. Et c’est vrai, ça ne l’est pas.

Quand il était plus petit, il venait souvent sur cette plage, la nuit, écouter les chanteurs sans avoir payé l’entrée et sans le dire à quiconque. C’était un habitué. Il faisait le mur et quittait son foyer pour orphelins afin de venir ici. Il avait l’impression de toucher les étoiles, l’impression que tout était possible grâce à cette simple musique. Mais cela faisait des années qu’il n’avait plus fraudé. Seulement, aujourd’hui, c’est plus fort que lui. L’agitation l’a attiré ici. Il ne veut pas louper cette soirée. Comme si ce besoin avait sommeillé en lui avant de refaire soudainement surface.

Il passe à toute vitesse entre les personnes. Une fois qu’il a trouvé ce qu’il cherchait, il s’arrête net. Il se fond à nouveau dans la masse pour ne pas attirer l’attention. Il se dandine un peu et imite ses voisins. Quand il est sûr que les gens de la sécurité ne regardent plus dans sa direction, il commence son ascension.

Là, devant lui, se trouve un amas de sable formant une petite colline. Moins haute qu’une dune en bonne et due forme, mais plus grosse qu’un tas de sable. Elle doit mesurer au moins deux fois et demie sa taille. Le garçon n’est ni petit ni grand. « Ordinaire » et « banal » sont deux mots qui lui siéent bien.

Il passe sous les bandeaux de protection. Il commence alors à escalader la petite dune qui se trouve face à lui. Personne ne le remarque. Il est l’homme de l’ombre, l’homme qui se fond dans la foule ; celui qu’on ne voit pas, celui qui s’efface, celui qui pourrait disparaître sans que personne ne s’en inquiète plus que ça. Et ça lui va, comme ça a toujours été le cas, du plus loin qu’il s’en souvienne.

Arrivé en haut, il est presque content. Il a une belle vue sur toutes ces personnes qui se trémoussent pieds nus dans le sable chaud, une bière à la main, regardant des artistes jouer de la batterie, de la guitare et chanter. Il fixe le monde qui s’étend à l’horizon et secoue la tête. Cette vie-là n’est pas pour lui, elle ne l’a jamais été. Et il sait qu’elle ne le sera jamais.

Il finit par s’asseoir en tailleur sur le sable. Il enlève son sac à dos de ses épaules et fouille à l’intérieur. Il en sort son portable chargé à cent pour cent ainsi qu’un briquet en acier où une tête de mort entrelacée d’une rose y est gravée. Ce symbole est sa marque de fabrique. Sa coque de téléphone arbore le même dessin. Il a été créé par lui et exclusivement pour lui. Personne n’est capable de le reproduire. Ça lui a demandé des heures et des heures de travail acharné. C’est la chose dont il est le plus fier. La seule chose dont il est fier.

Il allume son téléphone portable, se rend sur l’application L’Internet qu’il a entièrement conçue. Il vérifie que sa capuche est bien en place, que son écharpe couvre correctement le bas de son visage et que ses yeux sont les seuls éléments visibles à l’image. Il envoie une pop-up à tous les utilisateurs de son appli pour les prévenir que la vidéo va débuter. Il s’assure une dernière fois que l’image est bien en noir et blanc. Et enfin, il appuie sur le bouton d’enregistrement.

Le live commence.

Chapitre 1

Polo

Je me connecte à l’application L’Internet au moment où je reçois la notification qui annonce le nouveau live de l’Homme à la capuche noire. Personne ne connaît son nom. Il est anonyme et pourtant nous sommes au moins un million à le suivre, si ce n’est plus, à travers le monde. Il arrive à regrouper les gens autour d’un même sujet. Il me fascine.

Je m’assois dans un des fauteuils qui bordent l’immense piscine intérieure présente dans ma maison. Des baies vitrées l’entourent. Il faut dire que mes parents ont de l’argent. Je ne suis pas à plaindre. Confortablement installé, je branche mon casque à ma tablette et le pose sur mes oreilles pour m’imprégner encore plus du lieu où nous emmènera le créateur de l’application.

Le live débute et je me tiens attentif.

∞ ∞ ∞

Sa capuche mange la moitié de son visage. Je ne peux apercevoir que son fin menton ainsi qu’une partie de sa bouche aux lèvres pulpeuses. Mais je n’ai le droit à aucune couleur. Comme d’habitude, tout est en noir et blanc. C’est comme s’il souhaitait se cacher. Entre ses habits toujours de couleurs foncées et son filtre, je ne distingue presque pas ses contours, surtout qu’il tourne de nuit, aujourd’hui. Cependant, je suis presque sûr qu’il s’agit de sa véritable voix.

Après avoir fait le net sur son visage dont je ne peux discerner que les yeux profonds, il parle. Et comme à chaque fois, c’est la même formule qu’il utilise. Je la connais par cœur :

— Salut Internet ! Comment vas-tu ?

Des messages affluent en bas de mon écran. Il y a déjà une centaine de commentaires alors que ça ne fait pas dix secondes qu’il a salué ses spectateurs. Certains m’interpellent plus que d’autres, mais je passe outre et reste concentré sur le jeune homme qui s’est remis à parler, alors que ses yeux ne regardent plus la caméra. Je ne sais pas comment il arrive à lire tout ce qui arrive en bas de son smartphone. Je sais que c’est avec ça qu’il filme, il l’a dit une fois.

— Je suis ravi de vous retrouver puisque vous l’êtes aussi, déclare-t-il d’une voix grave et enjouée.

Un message arrive et il semble capter l’attention de celui qui filme, car il l’affiche en grand à l’écran. Je suis admiratif du travail qu’il a fait avec cette application. Elle est très bien développée et facile à utiliser. En plus, il y a plein de paramètres qui permettent de naviguer beaucoup plus facilement que sur n’importe quelle autre.

@Morgan17 : t’es célib’ ?

Je le vois secouer la tête d’un air ennuyé.

— Ça ne te regarde pas, Morgan17. Ma vie personnelle n’est intéressante pour personne, affirme-t-il. Et puis, tu ne sais pas qui je suis. Trouve-toi quelqu’un dans la réalité, ce sera plus simple.

@Morgan17 : pourtant ça nous intéresse.

Je suis d’accord avec ce dernier mais n’utilise pas le chat. Je n’aime pas vraiment ça. Je n’ai pas envie de m’afficher même si j’ai fait en sorte que mon pseudo soit à l’opposé de mon vrai nom.

— Je sais que la vie des gens passionne les autres mais concentre-toi sur la tienne. Apprécie ta vie et vis à fond. Tu seras plus heureux qu’en cherchant à démêler celle des autres.

De nombreuses personnes posent des questions, il en choisit une :

@Lilo34 : alors pourquoi tu nous filmes la tienne au lieu d’en profiter ?

— Parce que j’aime partager ce genre de moments avec vous tous. J’aime faire profiter les autres des instants remplis de magie. J’aime me dire que je ne suis pas seul à voir le monde d’en haut et à y prendre goût, déclare l’Homme à la capuche noire, comme j’aime l’appeler.

Tous les commentaires suivants se ressemblent :

@Jazz3 : nous en sommes ravis.

@Erza152 : merci de nous en faire part.

@2Olivio : on aime découvrir le monde à travers tes yeux.

@George12 : c’est enrichissant.

Et ça ne finit pas d’arriver.

— Je l’espère en tout cas. Aujourd’hui je vous emmène à une fête. La toute dernière de la saison, car les cours reprennent demain. Ce n’est pas n’importe laquelle. Il s’agit de la fête de l’été, de celle où je me rendais précisément quand j’étais petit. Alors bienvenue dans mon monde.

Il adore répéter cette dernière phrase alors qu’il nous l’ouvre un peu plus à chaque vidéo. Mais pour lui, ça a l’air d’être comme si c’était la première fois qu’il le faisait de sa vie.

Il tourne la caméra et nous montre la fête qui se déroule en contrebas. Je n’entends pas très bien la musique, il a dû faire une manipulation avec le micro pour qu’on entende principalement sa voix. Ça fait des années que je le suis et c’est toujours le même schéma qui se répète, pourtant, je suis toujours autant impatient.

— La fête a lieu sur une plage de sable fin, décrit-il. Le groupe qui joue se trouve dos à l’océan et en est séparé par un grand drap afin que la mélodie ne se perde pas, mais atteigne directement le public. L’océan est calme ce soir, la lune se reflète sur lui, et c’est splendide. Dommage que tu ne sois pas là pour le voir. Pense à venir de nuit sur une plage, tu verras comme c’est beau et silencieux quand il n’y a pas de fête. J’aime me perdre dans cette immensité bleue.

Je me promets d’aller voir ce spectacle qu’il décrit. Un jour, je me faufilerai la nuit hors de chez moi et ce ne sera pas pour aller crier plus fort que les autres à une soirée d’étudiants avec mes potes, mais pour aller admirer le calme de l’océan.

— Je suis sur une petite dune, explique-t-il. Juste à côté des festifs. Je les vois qui se trémoussent et c’est fascinant. Ils ne se connaissent pas et pourtant ils dansent en harmonie.

Il fait un zoom sur l’attroupement. Comme il l’a dit, les personnes présentes ne forment plus qu’un.

— D’ici, je peux les voir ne faire plus qu’un, dit-il en écho à ma pensée. Malgré leurs différences, leurs origines et leurs opinions, ce soir, ils sont unis et se sont rassemblés pour danser sur les mêmes musiques. J’adore cette ambiance même si la musique est assourdissante. D’ailleurs, ça te dirait de l’entendre ? demande-t-il alors qu’il connaît parfaitement la réponse.

@france18 : carrément !

@coralie7 : grave !

@02rio : on attend que ça !

@tarik621 : balance le son

Il ne lui en faut pas plus pour faire une petite manipulation afin que le son nous parvienne.

La musique est forte, comme nous l’a fait remarquer l’Homme à la capuche noire. Je ne peux imaginer les gens qui sont à côté des enceintes, ils vont devenir sourds. Je baisse le son de mon casque, mais même comme ça, elle reste trop forte. Mon cœur se met à battre au rythme du tempo et ma tête fait de même. Je me laisse porter par la mélodie en essayant d’oublier les paroles qui craignent. Je n’ai toujours pas compris pourquoi ce son avait fait un tel carton.

— J’écoute la musique, reprend le jeune homme. Elle se fond dans mon corps et s’insinue dans mes veines. Elle s’incruste dans chacun de mes pores jusqu’à ce que mes terminaisons nerveuses se mettent à réagir à son entente. Quant aux paroles, elles ne m’entraînent pas. Elles forment une jolie mélodie, mais j’ai connu nettement mieux. Tu la trouves comment ? Toi qui l’écoutes derrière ton écran pour la première fois ou bien la centième.

@Lilo34 : pas si mal que ça.

@Erza152 : pas si atroce.

@2Olivio : tes mots lui vont bien.

@zaz43 : j’aime beaucoup le refrain

Je n’arrive pas à en saisir davantage, ça va beaucoup trop vite. Pourtant, l’Homme à la capuche noire arrive à presque tous les lire puisqu’il y répond.

Après un instant de silence où il a laissé la musique emplir l’espace, il reprend la parole :

— C’était un petit aperçu de ma soirée. C’était court, mais je voulais vraiment te faire découvrir cette ambiance.

Il passe son temps à tutoyer ses internautes. Il a expliqué, un jour, que c’était pour que chaque personne dans son individualité se sente visée. Il ne voulait pas que les personnes se sentent à l’écart à cause d’un « vous » alors que son but avait toujours été le partage.

Cette fois, je laisse un commentaire qui se perdra au milieu des autres, comme toujours, dès que la vidéo touche à sa fin. Mais je sais qu’il me répondra, il le fait tout le temps depuis au moins un an.

@Zak19 : hasta luego!1

— À la prochaine, Zak19. Je te dis à bientôt, Internet. En attendant, n’oublie pas d’aller me soutenir en me faisant un don. Tu peux même donner un centime si tu le souhaites. Ça peut te paraître ridicule, mais crois-moi, c’est important. Car chaque pierre l’est pour construire un édifice. Ici, c’est pareil. Chaque sou que tu me transmets me permet d’aller plus loin chaque jour et je t’en suis reconnaissant. Merci de croire en mes projets.

@oli45 : à plus

@lola34 : merci pour ce partage

@rire4to : hâte de te revoir

@Jazz3 : à bientôt

@George12 : prends soin de toi

— Adiós los amigos ! 2 s’exclame-t-il avant que sa caméra ne se coupe et que le direct ne s’arrête.

∞ ∞ ∞

Je débranche mon casque et clique tout de suite sur l’onglet qui reste en permanence ouvert où chaque être humain possédant un compte en banque a la possibilité de faire un don au vlogueur. Je me connecte à mon compte et lui verse une somme d’argent qui sera considérable pour lui, je suppose, mais qui, pour moi, n’est presque rien. Que sont deux cents euros quand on en a des millions à disposition ?

Une fois le transfert effectué, je me connecte à mes conversations privées sur L’Internet et lui envoie un message. Puis, je me déshabille et plonge dans la piscine pour me rafraîchir avant de rejoindre ma chambre.

Mes parents sont à un gala de charité. Ils ne rentreront pas avant minuit. J’allume donc la télé qui se trouve dans ma chambre et sort une manette de jeu vidéo du meuble où je range tout ce qui est en rapport avec le gaming. J’insère un disque dans ma Play et lance le programme.

Je passe une bonne partie de la nuit devant le grand écran avant de décider

d’aller me coucher dans mon lit king size à mémoire de forme. J’éteins toutes les lumières et regarde le plafond blanc. Je verrai demain si l’Homme à la capuche noire m’a répondu.

Chapitre 2

Álvaro

Je coupe le live.

Je suis content d’avoir partagé ce morceau et ce lieu avec eux. Mon application L’Internet me permet de partager ce que je veux sans qu’on ne me restreigne. Je peux parler de paysage, de fête, de vie et de mort sans que quelqu’un ne vienne me faire la morale. Évidemment, plus elle se développe et se fait connaître, plus il y a de haters3qui se permettent de dire que ce que je fais est mal. Il est vrai que j’entre dans des propriétés par effraction, que je vais à des fêtes sans autorisation, ni invitation et même, que je ne paye pas ma place de cinéma, mais c’est ma vie et donc, mon problème. Personne n’a le droit de juger mon comportement, parce que personne ne sait qui je suis, et ce dernier point me va.

Je remballe le micro que j’utilise pour parler afin que le son soit de meilleure qualité et qu’il coupe tout bruit autre que ma voix. Je suis un génie en informatique, c’est d’ailleurs le seul talent dont je peux ouvertement me vanter. Mis à part le fait que j’ai réussi à dessiner mon logo tout seul. Grâce à mon travail acharné, je sais presque tout faire, que ce soit avec un téléphone ou un ordinateur. Je peux créer des pages et des pages entières de code informatique. J’ai appris seul mais avec persévérance, et voici le résultat.

J’ai commencé à concevoir L’Internet il y a bientôt cinq ans, et elle n’est pas encore finie, puisque je fais régulièrement des mises à jour. La première fois que j’ai fait du codage était quand j’avais douze ans, à l’école. Je me suis amusé à chercher d’où provenait une page internet pendant que les autres travaillaient avec assiduité. Puis, quand j’ai dépassé mes quatorze ans, j’ai créé mes propres pages grâce aux ordinateurs qu’ils nous laissaient utiliser pour les devoirs, à l’orphelinat. Et enfin, avec l’argent que j’avais mis de côté grâce à du trafic totalement illégal, j’ai pu m’acheter un téléphone portable et développer mon idée d’application. Une fois que j’ai eu finalisé le module principal, je l’ai référencée dans les applications où il est possible d’en télécharger tel que Play Store. Je l’ai d’abord mise entièrement gratuite, je voulais savoir si elle plairait aux gens. Très vite, elle a été vue comme un nouveau réseau social et été téléchargée par des centaines d’utilisateurs. Aujourd’hui, j’en compte pratiquement trois millions, et ça ne fait qu’augmenter. Puis, j’ai ajouté une collecte de dons en espérant que ça fonctionne. Car je me disais que je ne pouvais pas vivre toute ma vie avec de l’argent gagné illégalement. J’ai eu envie de devenir quelqu’un de « bien ».

J’ai été heureux de constater que ça marchait. Que des personnes croyaient assez en moi et en mon projet pour m’offrir de l’argent. Néanmoins, je ne leur ai pas tout dit. Ils ne connaissent pas tout de ma vie. Je leur ai laissé penser que les dons servaient à maintenir l’application ouverte. C’est vrai en partie. Mais ils servent aussi à me nourrir et à me loger, quand j’en ai suffisamment. Sinon, je dors sous les ponts ou sur la plage, à côté des murets ou des buissons pour me couper du vent.

Désormais, j’ai un nouveau projet : celui d’ouvrir ma boutique en ligne. Je pense pouvoir récolter assez de fonds pour la lancer d’ici peu. Je compte y vendre des sweats, des tee-shirts, des coques de téléphone, des briquets et autres. J’aimerais mettre mon logo comme unique décoration. Bien évidemment, tout sera en noir et blanc comme j’en ai l’habitude, même si la rose de mon dessin est rouge sang. Le noir et blanc est comme ma marque de fabrique. Je ne montre jamais de couleur, que ce soit sur mes vidéos, en ligne ou en direct. Cependant, il y en a sur mon application, afin de rendre l’utilisation plus agréable. Je trouve que le noir et blanc permet de mieux distinguer les émotions et les nuances du monde. Au contraire, la couleur attire l’œil de l’être humain et il se concentre sur la beauté superficielle des lieux, des personnes et des objets, au lieu de s’imprégner de l’aura qui s’en dégage. Je trouve ça tellement dommage de passer à côté de tant de splendeur que je veux en faire profiter ceux qui sauront bien regarder, et surtout qui le veulent.

Je me concentre sur les messages privés qui me sont destinés sur L’Internet. Beaucoup, voire trop, de gens cherchent à savoir qui je suis afin de me rencontrer. Je me doutais que ça pouvait arriver, que des personnes accrochent à mon univers et à ma façon de voir le monde au point de vouloir découvrir mon visage, mais je ne veux pas. Je refuse que la moindre personne se doute de la misère dans laquelle je vis. Je veux que le monde continue de penser que je ne suis qu’un jeune homme parmi tant d’autres, qui a créé une application juste pour partager sa passion des paysages et non qu’il l’a développée au maximum afin de pouvoir vivre sans avoir besoin de faire du trafic de drogue et de traîner avec des gens plus que louches. Et surtout, j’en ai besoin. Quels seront les commentaires si les gens apprenaient qu’un mec à peine majeur était à la rue ? Je ne veux pas y penser.

Je sors de mes pensées et continue de répondre à la plupart des personnes qui m’écrivent. Je tiens au lien que j’entretiens avec elles. Pas parce que je me fais des amis, non, et puis de toute façon ce n’est pas le cas. C’est juste que, de cette manière, ils me voient comme un vrai être humain qui a des émotions et non comme quelqu’un qui est snob et qui ne souhaite que se faire de l’argent. L’apparence compte beaucoup quand nous sommes des créateurs de contenus et je tiens à entretenir la mienne, afin que les dons continuent d’affluer.

Au bout d’une vingtaine de minutes, je reçois des messages qui attirent tout de suite mon attention. Je délaisse les autres et clique dessus :

@Zak19 : J’ai beaucoup aimé ta vidéo.

@Zak19 : Courte mais intéressante, comme toujours.

@Zak19 : J’ai déjà hâte d’être la prochaine fois.

Je lui réponds directement et je sais qu’il le verra le lendemain. C’est toujours le même schéma qui se répète.

@Homme : Buenos días4. Merci pour ton retour. Toujours un plaisir de te lire.

C’est une des personnes qui me suis depuis mes débuts. J’apprécie discuter avec lui. Il aime ce que je fais et me donne régulièrement son avis en privé. Ce n’est pas le genre d’internaute qui commente beaucoup, au contraire, c’est toujours rare et concis.

Vers minuit, je rejoins un petit hôtel pas très loin de la plage. Ça finira ma semaine en beauté afin de commencer la nouvelle du bon pied. J’essaye au maximum de garder assez pour dormir dans un vrai lit le dimanche soir ou au moins une fois par mois. Je range toutes mes affaires dans mon sac à dos. Je ne garde rien à la main, ni dans mes poches. J’ai peur que ça tombe et que je ne les retrouve pas. Je ne prends aucun risque, ne voulant pas perdre mes maigres biens. Comme à l’aller, je descends de la dune et passe sous les bandes de sécurité. Je me trémousse à travers les festifs afin de ne pas me faire repérer, alors que je fends la foule pour sortir après avoir profité de ce moment d’en haut. À l’extérieur de la marée humaine, je reprends ma respiration et me cache dans l’ombre d’une ruelle. J’inspire et me réhabitue au calme et à la sérénité loin des festivités de la fin d’été. Puis, je me dirige vers un grand bâtiment où je passerai la nuit avant d’errer à nouveau dans les rues demain.

Une fois ma nuit payée, je monte jusqu’à la chambre trois cent vingt-six où je dépose mon sac près du lit. J’examine la pièce. Elle est petite, en même temps elle n’est pas très chère, ce qui explique cela. Elle est dans les tons bordeaux et le matelas semble confortable. La première chose que je fais est de brancher mes trois batteries externes ainsi que mon téléphone portable, afin de ne pas tomber en rade dans la semaine. On ne sait jamais, si je ne trouve pas de prise durant les jours à venir. C’est mieux d’être prévenant.

Ensuite, je vais dans la salle de bain laver mes affaires sales, à la main. Je sors mon savon et frotte jusqu’à ce que l’odeur de transpiration s’en aille pour laisser place à celle de lavande. Mes vêtements sont vieux et usés. Ils sont déchirés pour la plupart, mais je les garde. J’essaye de mettre quelques euros de côté chaque jour afin d’en récolter assez pour au moins m’acheter des chaussures. Je trouve que c’est le plus important étant donné que je ne fais que me déplacer pour que personne ne remarque ma condition de sans-abri. Je suis un garçon à la rue, mais ce n’est pas pour autant que je ne veux pas mener ma vie comme je l’entends. Je ne veux pas faire la manche et inspirer la pitié. Je veux réussir à me débrouiller.

Ma tâche finie, je pars me coucher.

Le lendemain, je commence par prendre une bonne douche afin d’enlever toute la crasse accumulée sur mon corps. Je prends mon petit déjeuner à l’hôtel, car c’est plus simple. Je récupère des petits pots de confiture et une banane que je compte manger ce midi. Une fois mon estomac satisfait par le chocolat chaud que j’ai bu d’une traite et le pain que j’ai savouré, je remonte dans ma chambre d’une nuit pour récupérer mes affaires. Je vérifie que tous mes appareils électroniques soient chargés et mes habits secs avant de les ranger. J’inspecte ma tenue du jour dans le grand miroir de la salle de bain : je porte pratiquement la même que celle des jours précédents. Un jogging légèrement trop petit et usé, un sweat à capuche censé être noir mais délavé par le temps et troué à cause de l’usure, ainsi que des baskets aux semelles foutues. Malgré la chaleur qu’il doit faire à l’extérieur, je tiens à être recouvert entièrement. Dessous, je porte un marcel vert pâle. Je ne le montre pas. Je le trouve trop voyant et moi, je veux rester dans l’ombre.

Je rends la clé à la dame présente à l’accueil et repars me perdre dans les rues de la ville où je vis depuis ma naissance. Je ne suis jamais parti très loin d’ici, faute d’argent pour payer des transports. Je préfère le mettre dans de la nourriture. Je connais les pavés des ruelles par cœur, tout comme l’emplacement de chacune des maisons colorées, de chaque café ainsi que tous les trajets menant à la plage. Je pourrais dessiner le plan de la ville les yeux fermés.

Dehors, la chaleur est écrasante, il doit faire une trentaine de degrés. Mon pull est de trop, mais je refuse de l’enlever. J’ajuste mon sac à dos sur mes épaules et prends la direction de la plus grande bâtisse présente dans le secteur. Pour y aller, je retourne sur la plage et la longe pendant une bonne heure. La maison, qui ressemble à un manoir, vers laquelle je me dirige se trouve à l’extérieur du centre. Elle est entièrement entourée par la végétation ainsi que par une infime partie de la plage, qui appartient aux propriétaires. Ils sont assez riches pour privatiser des mètres carrés de sable alors que des personnes dorment dans les rues sans même pouvoir se nourrir. Des fois, je ne comprends pas comment le monde peut tourner de cette façon.

Après ma marche fatigante, j’arrive en bordure de propriété. Comme à chaque fois que je viens ici, j’examine les arbres. Certains donnent des maracuyás5, des pêches, des poires, d’autres des cerises ou encore des pommes. Souvent, je me demande comment ils arrivent à tous les entretenir, surtout qu’un jour j’ai cru apercevoir des oliviers ainsi qu’un potager. Et puis je me rappelle qu’avec de l’argent nous pouvons faire beaucoup de choses. Pas tout, mais beaucoup.

Ils ont installé une grande palissade en bois pour remplacer leur haie, il y a quelques années. Derrière, ils y ont placé des arbres fruitiers. J’imagine que c’est pour cacher la vue des personnes qui passent. Malheureusement, ça ne fonctionne pas avec moi. J’escalade le muret qui sépare la plage de la route afin d’apercevoir l’intérieur de leur propriété. Je redécouvre la grande maison blanche aux volets rose bonbon et au toit bleu. Je la trouve magnifique. Les rayons du soleil éclairent la pelouse fraîchement tondue où je peux apercevoir la rosée du matin. Le soleil crée des variations de couleur sur l’herbe. J’adore toutes ces nuances. Je sors mon portable et prends des photos. Je capture le ciel, les arbres, la pelouse, la maison ainsi que le tout. Puis, je me tourne vers l’étendue bleue. D’où je suis, l’océan est uni. Aucune vague à l’horizon. Juste le calme. Je capture aussi cette image. Dans la journée, j’en ferai un montage et le posterai sous forme de petite vidéo sur L’Internet comme j’en ai l’habitude. Accompagné de mon éternel filtre noir et blanc. Cependant, je ne vais pas afficher la bâtisse, c’est mon petit secret. J’aime venir ici et observer les gens qui y habitent, tout en restant tapi dans l’ombre.

Chapitre 3

Polo

Ce matin, j’ai cours un peu plus tard que les autres jours. Je prends donc mon temps une fois que je suis réveillé. Tout d’abord, je vais me doucher. J’aime sentir l’eau tiède glisser sur ma peau bronzée grâce au soleil. Je me lave avec du savon à la fraise, mon préféré. J’adore l’odeur, j’ai l’impression de sentir aussi bon qu’un drap qui sort de la machine à laver. Ma douche prise, je descends en survêtement déjeuner. Ma chambre est au troisième étage avec celles de mes deux frères. Nous avons tous un an d’écart, mais nous avons la même tête.Yeux marrons plus ou moins clair, visage ovale et fin avec une mâchoire dessinée, mais pas trop. Nos cheveux, presque rasés sur les côtés et légèrement plus longs sur le dessus afin de faire du volume et une petite mèche tombante sur le front, sont bruns au naturel. Cependant, mes grands frères se sont fait des teintures, contrairement à moi. L’un a les cheveux d’un bleu « Schtroumpf » tandis que l’autre les a vert pomme. Je n’ai jamais compris leurs goûts et surtout, ceux de ce dernier.

À la salle à manger, je prends place autour de la table en verre où j’ai l’habitude de déjeuner. La table est déjà mise et j’en suis ravi. Je commence alors à manger les croissants encore chauds. Je les garnis de beurre et de pâte à tartiner à la noisette. On n’est jamais trop gourmand. Peu de temps après, la gouvernante de la maison vient me saluer. Elle porte un tablier taché par la nourriture au-dessus de ses habits.

— Bonjour, Dolorès, je la salue avec entrain.

— Hola, Polo. Bien dormi ?

— Bien et toi ?

Cette femme d’une cinquantaine d’années m’a vu grandir ainsi que mes frères. Elle a été notre nounou. Je me sens proche d’elle, presque plus que de mes parents. Ils ne sont pas très souvent présents. Ils préfèrent partir en voyage d’affaires et s’occuper du bon placement de leur argent. Et puis concrètement, ils ne se soucient pas vraiment de leurs enfants du moment qu’ils réussissent.

— Bien aussi, merci. Tu veux quelque chose d’autre pour ton petit déjeuner ?

— Un chocolat chaud, s’il te plaît. Tu aurais vu Pablo ou Paco ? je lui demande, intrigué de ne pas avoir vu mes frères.

— Ils sont partis tôt ce matin. Je ne sais pas où, s’excuse-t-elle.

— Ce n’est pas grave. Du moment qu’ils sont vivants, ça me va.

Je lui souris gentiment avant qu’elle ne retourne dans la cuisine me préparer ma boisson chaude.

Après avoir fini mon premier rituel de la journée, je remonte dans ma chambre me changer. J’enfile un short en jean droit ainsi qu’un tee-shirt en coton jaune pâle. Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant de prendre mon sac de cours et de retourner au rez-de-chaussée. Je dis au revoir à Dolorès et sors de chez moi.

Du palier de ma maison, je vois une silhouette bouger au loin, derrière les panneaux de bois qu’ont installé mes parents. Je n’y prête pas plus attention. C’est souvent qu’il y a des personnes qui viennent ici pour regarder notre maison. Je ne sais pas ce qu’ils trouvent fascinant. À moins que ce soit toujours la même ? Je ne sais pas et au fond, je m’en fiche. Je rejoins mon chauffeur qui démarre dès que je ferme la portière. Il s’agit d’un homme qui doit avoir la trentaine, légèrement barbu avec un air très sérieux placardé sur le visage la plupart du temps et qui n’est pas bavard. Il ne prononce que le strict minimum.

Un quart d’heure plus tard, nous arrivons proche du centre-ville et donc à côté de mon établissement scolaire. Je le remercie et descends du véhicule.

Je retourne alors vers mon groupe de potes composé de trois filles et deux mecs si on m’y inclut. Ils viennent tous me saluer en me voyant.

— Salut, mon Polo !

— Coucou, Elio, je réponds au seul autre garçon de la bande. Salut les filles.

— Tes frères ne sont pas là ? me demande l’une d’entre elles.

— Non, Lya, pas aujourd’hui, dis-je exaspéré par son comportement de petite fille.

Elles sont toutes attirées par mes frères. Je n’arrive pas à les comprendre. Qu’ont-ils de plus que les autres ? Rien, en plus j’ai exactement le même profil qu’eux, même si je suis un peu plus mince. Ça ne me gêne pas qu’elles flashent dessus, mais ça m’énerve de toujours en entendre parler. Il y a d’autres sujets intéressants et passionnants tels que les différents faits surprenants du corps humain6. Plus tard, je souhaite travailler dans la médecine, comme la plupart des personnes qui fréquentent cette école.

— Ça va sonner ! Dépêchez-vous ! s’exclame Mercedes, la plus jeune d’entre nous.

— Ok, on bouge, rétorque Soledad, sa meilleure amie.

Nous les suivons à l’intérieur du grand bâtiment fait de briques rouges. Sur la façade, d’énormes lettres gravées y sont inscrites, il s’agit du nom de l’établissement : El porvenir.7 Ça sonne plutôt bien étant donné ce que nous y apprenons et pourquoi nous le faisons.

☆☆☆

La journée passe vite. J’assimile de nouvelles connaissances et je parle avec mes amis. Ils me racontent leur week-end génial et tout ce qu’ils ont fait. Je les écoute attentivement et ris à leurs blagues.

En sortant des cours, nous allons tous chez moi, car j’ai la plus grande maison. Nous nous installons dans le grand salon où se trouve un canapé où l’on peut facilement tenir à huit. Nous nous y affalons tout en buvant des cocktails que Dolorès nous a préparés.

— Raconte-nous ce que tu as fait dimanche, reprend Elio une fois le calme revenu.

Son air sérieux me fait rire. Mon ami n’est pas du genre à se formaliser de choses aussi banales sauf quand il s’agit de moi. Dans ses yeux bleu ciel, je remarque une pointe de malice, de ce fait, je me méfie. Cet homme à la peau blanche et aux cheveux blond platine presque rasés est fourbe, mais c’est aussi pour ça que je l’adore.

— Ouais, vas-y. Pourquoi tu n’es pas venu avec nous ? renchérit Mercedes.

La fille aux yeux noirs et aux cheveux blancs aux reflets argentés se tourne vers moi avec un grand sourire.

— Vous voulez ajouter quelque chose ? je questionne Lya et Soledad.

— Tout pareil, répond la dernière.

— Tu as ramené quelqu’un chez toi ? enchaîne Elio.

— Non, dis-je en soufflant un rire. Je n’ai dragué personne. Et de toute façon je ne suis pas comme vous.

Leur mine faussement offusquée me fait rire de plus belle.

Je reprends :

— Vous êtes tous capables de me lâcher parce que vous avez quelqu’un à embrasser. Pas moi.

— J’avoue ! s’exclame Lya en premier. Je plaque toujours tout pour des gens qui n’en valent pas la peine.

Mon amie a de longs cheveux qu’elle a teint en rose flashy. Je trouve que ça lui va bien. Elle porte toujours des lentilles grises, jamais elle ne les quitte. La seule chose qu’elle n’aime pas chez elle, c’est la couleur de ses yeux. Ils ne sont pas unis et ça la gêne. Aujourd’hui, elle a relevé ses cheveux en deux gros macarons et porte un short en jean ainsi qu’un crop top prune qui lui vont à ravir. Elle est très fine, presque maigre, mais ça ne me choque plus depuis des années. Du plus loin que je me souvienne, elle a toujours eu cette corpulence. Elle aime son corps et ne le changerait pour rien au monde.

— Je suis moins radicale, mais tu n’as pas tout à fait tort, acquiesce Soledad à son tour.

Cette dernière est de taille tout à fait banale et peut se perdre dans la foule sans soucis. Elle arbore une coupe de cheveux curly brune au carré ainsi que des petits yeux marron.

Elle a la peau noire, ce qui contraste avec celle blanche et presque translucide d’Elio.

— Ok, je vais vous raconter, je cède face à leur air intrigué.

J’affiche une mine mystérieuse avant de parler :

— J’ai dessiné toute la journée dimanche, je ne voulais pas sortir. Il faut croire que ce ne sont pas les gens mais les crayons qui font que je vous lâche, je blague.

— Tu nous as délaissés pour des feuilles ? rétorque Soledad qui ne me croit qu’à moitié.

— Ouais.

Mercedes est la première à voir que je bluffe.

— Tu as dessiné des portraits, devine-t-elle, l’esprit toujours aussi vif.

J’acquiesce, même si ce n’est toujours pas exact. En tout cas, ça a été une des activités de ma journée.

— Pourquoi tu n’es pas venu hier soir à la fête de l’été ? insiste Elio, toujours dans l’incompréhension. Tu aurais pu poser tes crayons et peindre dans ta tête pendant la soirée.

— Je ne dessinais pas ce soir-là, je lui confie avec un petit sourire.

— Alors quoi ?