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Victor trouve un carnet dans la cour de son lycée dont une page est écrite sous forme de lettre. Il décide alors d'y répondre, puis repose le carnet au même endroit. Il ne connaît pas son correspondant, mais va tenter par tous les moyens d'en découvrir davantage à son sujet. Une véritable relation épistolaire s'installe alors entre nos deux protagonistes. Victor découvre la plume d'un garçon brisé, arrogant, mais surtout... anonymement intrigant.
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Seitenzahl: 251
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Pour tous ceux qui ont peur de parler,
Pour ceux qui ne voient plus la fin,
Pour ceux qui se battent et ne lâchent rien,
Parce que vous n'êtes pas seuls !
# 1 – DÉCOUVERTE
# 2 – LE CARNET
# 3 – PREMIÈRE LETTRE
# 4 – RÉPONSE?
# 5 – DEUXIÈME LETTRE
# 6 – NOUVEAU JOUR
# 7 – LE CARNET
# 8 – AIDE - MOI
# 9 – TROISIÈME LETTRE
# 10 – A ET V
# 11 – LE RÉVEIL
# 12 – QUATRIÈME LETTRE
# 13 – COMPLIQUÉ
# 14 – L’HÔPITAL
# 15 – EXPLICATION(S)
# 16 – CINQUIÈME LETTRE
# 17 – DES REGARDS
# 18 – RÉVÉLATION
# 19 – POTE, AMI, RIEN
# 20 – SIXIÈME LETTRE
# 21 – PAS SI INCONNU
# 22 – SURPRISE
# 23 – SENTIMENT…
# 24 – SEPTIÈME LETTRE
# 25 – DÉBUT DE SOIRÉE
# 26 – LA SUITE
# 27 – ÉCHANGE
# 28 – EUX
# 29 – HUITIÈMEMENT LETTRE
# 30 – L'AMOUR ?
# 31 – LUI
# 32 – DÉSARÇONNÉ
# 33 – NEUVIÈME LETTRE
# 34 – DES POINTS
# 35 – DIXIÈME LETTRE
# 36 – COMPRÉHENSION
# 37 – ONZIÈME LETTRE
# 38 – LE DÉBUT DE LA FIN
# 39 – UN DERNIER MOT
# 40 – BISOUS
REMERCIEMENTS
Je me prépare à la hâte comme tous les mercredis midi. Je viens de finir ma salade de tomates – qui était très bonne d'ailleurs – et là, je dois me dépêcher de m'habiller. J'enfile un tee-shirt trop grand (j'ai beau être musclé et avoir des abdominaux, j'ai du mal quand il faut montrer mon corps) et un jogging noir. Je cours jusqu'à la cuisine, mon sac de sport sur l'épaule, pour prendre une pomme. Ma mère est là, ce qui est rare.
— Coucou mon poussin.
— Comment vas-tu ? je lui demande.
— Mieux que ce que tu crois.
— Sûre ?
— Arrête de t'inquiéter, tu vas être en retard à ton entraînement, esquive-t-elle une nouvelle fois.
Typique de ma mère : fuir la conversation quand je suis sérieux et attentionné.
Je lui colle un bisou sur la joue et pars en trottinant.
Arrivé au ring, je remarque qu'il y a un gars que je ne connais pas. Qu'est-ce qu'il fout là ? Je déteste voir de nouvelles têtes, la sociabilité n'est pas mon fort. Je préfère rester avec mon groupe d'amis restreint qui se limite à ma meilleure amie nommée A, Max et moi.
— Salut Vic ! crie un châtain qui est mon coéquipier dans les tournois.
Je pourrais aussi le qualifier de pote mais il ne faut pas abuser.
— Salut Ethan ! Ça va ?
— Parfait et toi ?
— Très bien, je lui mens. C'est qui ce mec-là ?
Je désigne le petit nouveau.
— Robert, le fils de celui qui tient le ring. T'inquiète pas, il ne va pas te bouffer.
Il pouffe comme un gosse. Je n'y peux rien si les gens et moi, ça fait deux.
L'entraînement se passe bien. J'arrive à mettre K.-O. quatre personnes sur cinq. Le châtain a participé et il est vraiment fort, à ma grande déception. J'aurais aimé le battre, mais nous sommes égaux.
Alors que je me change dans les vestiaires, après la séance, il débarque à l'improviste. Toute l'équipe sait que j'aime être tout seul ici, et… ce n'est pas que de la pudeur. Les voir déclenche quelque chose en moi, un malaise permanent, une gêne constante. Et comme je me change très vite, ils n'y voient aucun inconvénient.
— Je me change donc dégage ! je demande, ou hurle selon le point de vue.
Je sais que je ne suis ni poli, ni aimable, mais je trouve que c'est quelque chose de futile et que ça peut être irrespectueux surtout quand on ne le pense pas. C'est mon cas à l'instant. Ce n'est bien évidemment que mon opinion. Mais j'évite un maximum l'hypocrisie de l'être humain.
— Tu n'es pas seul au monde, me rétorque-t-il.
— Tu veux quoi ? dis-je sur un ton plus posé alors que j'enfile mon tee-shirt.
— Je venais m'habiller.
Cette fois, je relève la tête et je prends le temps de le regarder, voire de carrément le décortiquer. Mais je n'y peux rien, il se trouve devant moi. Il doit mesurer un mètre quatre-vingts et faire partie des poids plume vu sa morphologie. Il a des yeux verts perçants comme deux émeraudes. Il est pas mal, c'est vrai, mais pas mon style.
Qu'est-ce que je raconte !? Pas mon style ? Pfff !
Les mecs ne sont pas ma tasse de thé de toute façon.
Je secoue la tête, enfile mes baskets et le bouscule en sortant. Il grogne mais je n'y fais pas attention. Je croise un autre garçon, un petit rouquin plutôt mignon. Je ne lui ai jamais parlé, mais il semble aimable derrière sa timidité et sa force.
Le coach me rejoint avant que j'aie pu passer le portique.
— Tu t'améliores. Bravo, me félicite-t-il.
— Merci Coach, dis-je gêné.
— Pas comme l'autre.
— Qui ? je m'enquiers.
— Le petit, Diego.
— Pardon, mais vous avez dit « Diego » ?
Je suis incrédule. C'est le mec le plus connu du bahut ! Je ne l'ai jamais vu à la boxe. Il ne doit sans doute jamais venir à cette heure-là habituellement car je me souviens qu'un Diego y est inscrit depuis des années, mais jamais je ne l'ai croisé.
— Oui pourquoi ?
— Pour rien.
Je reprends un air fermé mais enjôleur, il ne faudrait pas se mettre le coach à dos. Surtout que je suis son « chouchou ». Je déteste ce mot !
— C'est juste qu'il est clairement gay, lance-t-il avec dégoût.
— Et ?
— Nous n'avons pas de place ici pour une tapette.
De mieux en mieux, ce mec. Insulter un joueur qui n'a rien demandé et avec le pire des clichés, c'est horrible ! Je déteste l'entraîneur en général, mais à cet instant encore plus. Je ne comprends pas comment on peut s'en prendre à quelqu'un à cause de sa sexualité. D'ailleurs, Diego est le typique homme cent pour cent hétérosexuel qui sort avec toutes les filles. Il doit posséder « un tableau de chasse ». Je ne suis pas homosexuel, mais je les respecte. Ça doit être difficile de vivre dans une société fermée, ou plutôt étroite d'esprit... Le monde n'évolue pas. Les mentalités ne changent pas.
Quand mes nerfs se sont calmés, je me dirige vers mon casier pour prendre mes affaires. Je quitte à grands pas l'établissement quand je le vois étendu sur le sol avec les lèvres fendues, ainsi qu'un œil au beurre noir. Je m'accroupis près de lui et lui prends les mains pour l'aider à se relever. Même si je ne l'apprécie pas spécialement, je ne souhaite pas le laisser dans cet état. Voyant qu'il ne fait aucun effort, je le porte.
Il est beau, il a les traits du visage fins, pourtant son regard est dur comme le fer. Ses cheveux blonds sont ébouriffés. Quand il sourit et que sa bouche s'étire vers le haut, ses yeux noisette ne brillent pas. Nous pouvons voir qu'il est « heureux » qu'à travers ses lèvres rosées.
Ne me demande pas comment je sais ça. J'observe le monde et les gens pour découvrir les comportements des autres. C'est quelque chose de fascinant.
— Il s'est passé quoi ? demandé-je à Diego sans passer par quatre chemins, tout en le positionnant dans mes bras comme une princesse.
— Rien, je suis tombé, nie-t-il.
C'est fou la capacité que les gens ont de mentir. Je ne relève pas et hoche la tête.
— Tu rentres comment ?
— À pied.
— Tu veux que je te lâche ?
— Ne t'en fais pas, ça ne me gêne pas, me dit-il.
J'admire cet homme. Il se fait porter comme une dame et pourtant il ne fait aucune réflexion. Personnellement j'aurais honte. À vrai dire, j'ai honte de beaucoup de choses. Je n'aime pas cette partie de ma personnalité. J'ai horreur de ressentir ça. Je n'aime pas être dépendant du regard des autres. Je n'aime pas celui que je suis devenu à cause des personnes qui m'ont rabaissé et appris à raser les murs du lycée.
C'est étrange de parler avec lui alors que je suis en train de le porter, tout en me dirigeant vers l'arrêt de bus, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Après un moment de flottement, il reprend la parole :
— Tu peux me poser.
— Tu vas mieux ? je le questionne en m’exécutant.
— Oui, ne t'en fais pas. Je vais rentrer tout seul si ça ne te dérange pas.
— Bien sûr que non, mais fais gaffe tu es bien amoché.
— Sympa le compliment.
Il fait un demi-sourire qui n'éclaire toujours pas son visage. Au sport, il a une personnalité et à l'école, une autre. Je ne sais pas comment agir avec ce garçon aux cheveux blonds en ce moment.
— De rien. À la prochaine, je lance avant de partir, le laissant seul devant l'arrêt de bus.
Je ne lui avais jamais vraiment parlé. Nous ne sommes pas dans la même classe au lycée, seulement dans le même niveau. Nous avons des amis très différents. Il est plutôt branché et populaire, alors que je suis le banal, le normal, le solitaire (même si j'ai deux amis) et j'en passe. Ce n'est pas bien de classer les gens comme ça, mais ça existe et la plupart des gens le font, même ceux qui disent que c'est mal. Je fais sûrement partie de cette deuxième catégorie.
Mon pote et ma meilleure amie ne sont pas dans ma classe, cependant nous avons des cours en commun. Il existe des tables de trois dans notre bahut. Elle, elle est blonde suite à une décoloration. Habituellement, ses cheveux sont bruns, or ils repoussent doucement et ça lui fait de grosses racines foncées. Elle arbore des yeux bleu glacé. Lui est un brun aux yeux marron clair qui a tout pour lui. Ils sont mignons tous les deux côte à côte. Ils sont comme frère et sœur, toujours à se disputer, à se chamailler pour un rien.
Malgré tout, je les aime bien.
Je rentre chez moi. Je vais retrouver ma mère et on va faire semblant que l'absence de mon père n'alourdit pas l'atmosphère. Même si c'est encore dur, nous faisons tout pour vivre dans le présent, plus que dans le passé. Il est parti avec une jeune – que ma mère nomme « pétasse » ceci dit – il y a trois ans de cela. Elle a du mal à s'en remettre. Je sais qu'il ne reviendra pas et elle aussi. Mais nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'il admettra son erreur et reviendra. Je lui en veux plus que je ne le devrais et ma mère aussi. La seule raison pour laquelle nous savons qu'il est en vie, ce sont les pensions qu'il nous verse chaque mois.
— Maman ?
— Coucou poussin, me salut-elle, toute joyeuse de me voir. Comment s'est passé l'entraînement ?
— Bien.
—Tant mieux.
Ma mère a un sourire super contagieux. Alors je le lui rends. Nous mangeons des pâtes et je file au lit sans plus de cérémonie.
Je me couche avec un simple caleçon et je tombe dans le sommeil comme une masse.
Je me réveille et regarde l'heure. Six heures trente-huit. Je repose ma tête sur mon oreiller puis je me mets à fixer le plafond.
Je réfléchis au sens de la vie. Au sens de ma vie.
Je me lève au bout d'un moment et enfile un jean moulant ainsi qu'un tee-shirt trop grand. Sans oublier de me chausser de baskets de ville. Le tout, noir.
Je sors en courant de chez moi, de peur d'être en retard et sans avoir vu ma mère. Elle travaille très tôt le matin ou dort très tard. Ça dépend des jours.
Je vois Diego à l'angle d'un couloir le midi : il a un pansement sur son arcade sourcilière et son œil est toujours d'un noir bien marqué. Il rigole avec ses amis et parle très fort pour que l'on remarque sa présence. Il me dégoûte alors qu'hier j'aurais presque pu le qualifier d'aimable, mais évidemment il n'est rien de tout ça. Il n'est qu'un mec arrogant qui se croit tout permis juste parce que les gens le suivent comme des moutons.
La journée se passe bien pour un jour de cours non-stop. Ce n'est pas la meilleure, mais elle n'était pas mal contrairement à d'autres. Personne n'est venu m'ennuyer.
En sortant de la dernière heure de cours avec ma bande de « potes » – qui, en réalité, n'en sont pas – j'aperçois un carnet dans un buisson. Je plisse les yeux pour mieux le distinguer. Je le vois briller et ne m'arrête pas. Je ne fais pas non plus de remarque et continue la discussion comme si de rien n'était. Néanmoins, je me jure d'y retourner.
Ils discutent de filles – comme d'habitude – mais c'est un sujet qui ne m'intéresse pas. Pas que les filles ne soient pas jolies, au contraire… Toutefois, je n'aime pas en parler à cause des moqueries. Je ne suis jamais sorti avec une personne de la gente féminine et ça semble poser un problème à mes potes – qui se moquent de moi derrière mon dos – puisqu'ils sont près de franchir le pas et coucher avec ou l'ont déjà fait. Sauf qu'ils sont moins glamour et disent « baiser ». Je trouve qu'il y a une grande différence entre dire « faire l'amour » et « baiser ».
Le premier, on prend soin de sa ou son partenaire. On fait attention à lui procurer autant de plaisir que l'on en a, voire plus. On l'aime et on veut qu'il ou elle se sente bien. Alors que pour le second, c'est vulgaire. C'est comme si tu traitais la personne d'objet et que tu voulais juste la défoncer pour calmer ta libido. Je sais que c'est trash, mais c'est comme ça que ça se passe ici.
Tout ça pour dire que, quand mes potes emploient ce deuxième mot, tout mon corps se hérisse et on me traite de coincé, alors qu'eux traitent les femmes comme des objets, de vulgaires jouets que l'on jette quand cela leur chante. Et c'est pire. Tout ce qui les intéresse, c'est le sexe. Je ne les comprends pas. Je n'arrive pas à saisir ce qu'il y a de si beau là-dedans. Maman m'a expliqué que c'était l'âge des découvertes et des expériences. Que c'était normal que les garçons de mon âge regardent les jeunes femmes autrement. Que c'était la vie qui l'avait décidé. Elle n'arrive pas à comprendre le fait que je ne m'y intéresse pas, que je n'en parle pas et que je n'ai embrassé personne, même avec un misérable « smack » (en reprenant ses mots, bien évidemment). Elle n'est pas insistante, ce que j'apprécie vraiment. C'est le genre de mère qui te comprend. Donc elle sait que je lui en parlerai le moment venu.
Si tu te demandes pourquoi ma mère se pose des questions comme ça, c'est que je ne t'ai pas encore expliqué. Elle et moi sommes fusionnels. C'est nous et le monde. C'est elle plus moi, et les autres. Nous parlons de tout sans tabou. Elle est ma confidente, attentionnée, gentille, jolie et adorable. Elle se plie en quatre pour moi et si elle le pouvait, elle dirait oui dès que je demande quelque chose. Le problème, c'est qu'elle travaille beaucoup trop, avec des horaires irréguliers. Et le pire, c'est que son salaire ne suit pas. Elle culpabilise de ne pas pouvoir m'offrir beaucoup de choses alors que le fait qu'elle soit là et prenne soin de moi me suffit. Je l'aime, c'est ma famille et mon modèle. C'est elle qui m'a élevé et je suis conscient des sacrifices qu'elle fait pour pouvoir me faire des cadeaux. C'est dur de joindre les deux bouts et pourtant, pour rien au monde je ne voudrais changer de parent. Niveau sentiments, c'est la même chose que moi – traduire par « inexistants ». Elle n'arrive plus à s'ouvrir depuis le départ de mon père. Après ce dernier, elle n'a rencontré personne. Elle ne veut pas. Elle s'entête à dire que nous sommes bien, tous les deux, juste tous les deux. Un « presque homme », comme elle dit, et une femme. Deux êtres différents, deux complémentaires, deux individus qui se suffisent.
— Vic ?
Ma meilleure amie interrompt le cours de mes pensées.
— Ouais ?
— Tu viens à la fête samedi de la semaine prochaine ?
— C'est chez qui déjà ? je demande.
— Tu n'as vraiment rien écouté, souffle-t-elle, exaspérée. C'est chez le petit blond.
— Ah… lui… Je vais réfléchir.
— Allez viens, ce sera amusant.
— Je ne sais pas si le terme « amusant » est vraiment le bon…
— Ne me laisse pas seule ! me supplie-t-elle.
— De toute façon, au bout de cinq minutes tu te seras trouvée un mec, je crache, mauvaise langue, car elle et les mecs, c'est pas vraiment une histoire d'amour.
— Je vais demander à Max alors. Il acceptera d'y aller avec moi sans toi.
— T'es pas croyable, A. Jamais par deux, c'est la règle. Tu te souviens ? je lui rappelle en me moquant.
C'est une règle que nous avions établie un jour, va savoir pourquoi mais c'est resté. A est son surnom. C'est une fille pleine d'énergie qui aime faire une moue boudeuse pour obtenir ce qu'elle veut et qui, surtout, arrive toujours – et quand je dis toujours, c'est toujours – à ses fins.
— Du coup ?
— Je viens, c'est bon. Mais on y va tous les trois !
— Donc je préviens Maxou ? s'extasie-t-elle.
— Oui, réunis notre trio pour cette merveilleuse soirée, dis-je à bout et railleur. File, ton bus est là !
Elle me colle un bisou sur la joue et s'en va en sautillant. Je suis sûr que j'ai une trace rouge. La bande de garçons avec qui j'étais tout à l'heure s'en va aussi dans différents bus et moi, je reste planté là. Habituellement, je rentre en compagnie de mon ami, cependant il est malade aujourd'hui et ne va pas se matérialiser à mes côtés. Je décide alors de retourner chercher le fameux carnet que j'ai aperçu sur le chemin à travers les buissons. Je suis un des rares élèves à ne pas prendre de transport en commun. Ma mère rentre tard aujourd'hui alors j'ai tout mon temps. Elle travaille à l’hôpital, c'est pour cela qu'elle a des horaires atroces.
Je repars en direction de mon établissement scolaire et ne prends que cinq minutes pour l'atteindre. L'avantage c'est que les transports ne sont ni trop loin ni trop près. Comme ça il n'y a aucun attroupement à la sortie, que ce soit de voitures ou d'adolescents horriblement bruyants.
Je retrouve le petit carnet qui a reflété le soleil exactement au même endroit. Je vérifie qu'il n'y a personne autour et le prends. Je le fourre dans mon sac de cours après avoir regardé s'il y avait un nom ou pas inscrit à l'intérieur. Comme rien n'est indiqué, je me dis que je ne le vole pas, je redonne juste une seconde vie à un objet abandonné. Je pars au pas de course sans me retourner comme si j'étais poursuivi.
Arrivé chez moi, je me rue dans ma chambre, me jette sur mon lit et sors ma trouvaille. Je ne saurais pas dire pourquoi mais je ressens le besoin de voir l'intérieur, maintenant, comme si quelque chose m'y attendait. Comme si j'étais appelé par une puissance surnaturelle. Comme si ma vie en dépendait.
Je l'ouvre à la première page. Nom, prénom, âge, classe et numéro de téléphone : rien n'est écrit en face des cases. Alors je la tourne en m'attendant à tomber sur une page démunie de toute encre. Cependant, celle-là n'est pas vierge. Elle est loin de l'être. C'est très indiscret, mais je lis ce gros paragraphe sans réfléchir.
Je dois relire plusieurs fois avant de comprendre.
En fait non, même avec ça je n'assimile pas…
Je fixe l'écriture tremblante comme si cela pouvait me donner des réponses.
Ce n'est pas écrit comme dans un journal intime ou un journal de bord. Ni comme dans un livre ou un cahier. C'est différent. Ce n'est pas une description qui est faite ou une explication, ni une succession d'émotions. Tout le long de la lettre, la personne s'adresse à quelqu'un. Je ne sais pas à qui. Aucun nom n'est mentionné. C'est comme si elle s'adressait à quelqu'un d'imaginaire, mais qui pourrait être réel.
Elle écrit au présent et à la première personne du singulier. Je ne saurais pas dire si c'est une fille ou un garçon puisque l'humain en question utilise une écriture inclusive. C'est très perturbant pour le coup.
Je relis une fois de plus, mais je n'assimile toujours pas. Pourquoi s'adresse-t-elle à quelqu'un ? Est-elle désespérée à ce point ? Elle pose tellement de questions futiles que je me demande si son problème n'est pas de donner trop d'importance aux détails. Ce sont des questions existentielles auxquelles nous n'aurons jamais de réponses. Ou du moins…pas maintenant.
Je sais, il ne faut jamais dire « jamais » et patati et patata. Néanmoins qui peut me contredire sur ce point-là ?
Coucou toi ! Cher·e lecteur·ice. C'est étrange de te parler sans te connaître. À vrai dire, je ne sais pas qui je suis alors, bon, on repassera. Si j'écris dans ce carnet, c'est pour te parler. Oui oui, à toi qui l'as trouvé. Il est beau, n'est ce pas ? Je le trouve magnifique, sobre et élégant. J'ai pris soin d'en prendre un réfléchissant pour que tu le repères dans les herbes hautes.
Je suis conscient·e que ça peut te paraître étrange que je t'écrive sans savoir qui tu es. Mais peux-tu me le dire toi-même ? Je te le demande : qui es-tu ? Ne me donne pas de prénom ou de description physique. Ceci n'est qu'une infime partie de ce que tu représentes. Je veux savoir qui tu es au fond de toi.
Tes passions, tes peines, tes joies et tes déceptions. Je veux te connaître à l'intérieur. Je veux savoir qui tu es, le·a vrai·e toi ! Car le physique peut changer et évoluer, tu peux être maigre comme un clou à cause d'une maladie ou gros juste parce que tu ne fais pas attention à ce que tu manges. Tu peux porter des lunettes depuis ton enfance et les enlever à tes vingt-cinq ans car ta vue s'est modifiée. Tu peux aussi avoir des yeux noirs qui deviennent gris au soleil. Ce n'est qu'une enveloppe corporelle qui se modifiera au fil du temps.
Alors que ton esprit sera le même. Bien sûr qu'il se développera, mais tu garderas les mêmes valeurs. Tu auras toujours ton éducation, et ça, personne ne pourra te la changer. Alors que ton corps, si. Arrives-tu à me suivre ?
Non toujours pas, pensé-je mentalement avant de continuer.
Bon, parlons de moi. Je suis quelqu'un de sociable, de joueur, qui aime prendre des risques et faire du sport. Je déteste me faire remarquer, mais j'adore les défis alors je dois m'y résoudre. Je n'aime pas mon physique trop « superficiel » pourtant les personnes de sexe opposé me l'envient... Je ne comprends pas les gens comme ça et pourtant, je suis pareil·le. Je ne vais pas trop te donner de détails. Il ne faudrait pas que tu saches qui je suis… Si tu le découvres, nous ne nous parlerons plus. Ce sera fini avant que ça ait commencé.
Ne cherche pas à savoir dans quelle enveloppe corporelle mon esprit est piégé, apprends à me connaître à travers ce carnet. S'il te plaît, c'est important pour moi. Et aussi… je te laisse dans le doute pour mon genre. :-)
Si je t'écris ce n'est pas pour te raconter ma vie joyeuse (sarcasme hein). Mais pour avoir un·e correspondant·e qui pourrait comprendre ma vie. Si tu penses pouvoir le faire, écris-moi une lettre en retour et cache le carnet là où tu l'as piqué, dérobé, volé, emprunté…
Utilise le mot que tu veux, mais remets-le à sa place. Comme ça, je le retrouverai. J'espère que tu me comprends. Si c'est le cas, écris-moi (ne marque rien au dos de cette feuille, prends-en une nouvelle, on ne sait jamais. Au cas où ce que t'écris ne te convient pas ;-)) sinon laisse tomber et repose-le où tu l'as trouvé. Il y a sûrement quelqu'un qui m'aidera. Ou pas.
Finalement qu'est-ce que j'en sais ? Je te fais un câlin pour te remercier d'avoir lu mes pensées débiles et bizarres.
Je fixe la page entièrement gribouillée. As-tu compris ? Moi pas. Je ne fais pas le lien entre ce que je lis et la raison pour laquelle ce carnet est entre mes mains.
Je décide tout de même de ne pas le ramener tout de suite. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire. Le reposer avec aucune page utilisée de plus ou alors noircir une feuille à mon tour ?
Je fais mes devoirs car aller à l'école n'est jamais de tout repos. Une fois que j'ai terminé, je m'allonge sur mon lit, le regard fixé au plafond. Je ne le décolle pas. Je reste les yeux dans le vide.
Je possède un lit une place. Un bureau est installé près de ma porte de chambre, au pied de mon lit. J'ai une armoire où je range mes habits et un petit meuble à l'intérieur duquel il y a des albums photos, des objets électroniques (chargeurs, alimentations, appareil photo, Polaroïd…), des stylos accompagnés bien évidemment de cahiers, ainsi que plein d'autres choses qui illustrent bien l'expression « bordel sans nom ». Les murs sont arc-en-ciel. À droite de ma porte il y a du rouge puis du orange, du jaune, du vert, du bleu et enfin du violet sur la gauche. Ce n'est pas une couleur par mur puisqu'il n'y en a que quatre et pas six. Un jour, j'ai voulu du changement, alors avec maman nous avons alors mesuré la totalité de la longueur des murs puis divisé par le nombre de couleurs avant de peindre. C'est un de nos moments de complicité que j'ai adoré. Nous avons pris du temps à tout finir, mais je trouve que c'était une très bonne idée. Nous avons eu peur du résultat, finalement c'est super beau. Le seul problème, c'est que j'ai tellement de posters et de tableaux collés aux murs que ça cache ces belles couleurs vives.
§§ §
Alors que je suis en pleine réflexion, je sursaute en entendant la porte s'ouvrir.
— Désolé mon poussin, j'aurais dû toquer, s'excuse ma mère.
— Ce n'est pas grave.
Elle vient m'embrasser et me faire un câlin. J'adore son odeur : elle sent un mélange de rose et de vanille avec un brin de cannelle. Tout en elle respire la douceur. En plus, son parfum est à l'effigie de la saison qui approche à grands pas.
— As-tu mangé ? questionne ma mère.
— Non, pourquoi ?
— Il est presque vingt-deux heures...
— Quoi !? je m'exclame. Merde...
— Je t'ai dit quoi ? me réprimande-t-elle.
— Pas de vilains mots.
— Veux-tu aller au resto, chéri ? me propose-telle avec gentillesse.
— Maman, tu n'as pas d'argent, tenté-je de la dissuader.
— Enfile une chemise et rejoins-moi.
Elle part en direction du salon sans rien ajouter. Il se pourrait que dans notre famille nous soyons tous extrêmement têtus. Quand je dis « famille », je parle de nous deux. Je ne connais personne d'autre ayant le même sang que moi. Elle a perdu ses parents quand j'étais petit et je ne me souviens pas avoir un jour connu ceux de mon père. Il n'y a plus qu'elle et moi, ainsi que la pension. Sacré trio.
Nous allons donc dans un snack qui fait les meilleurs hamburgers. C'est un endroit rempli de magie quand les fêtes arrivent. Le propriétaire illumine autant l'intérieur que l'extérieur. Nous pouvons le voir de loin, ce qui est une très bonne technique commerciale. En plus de ça, il est vraiment aimable. C'est toujours complet. Son snack ressemble à une auberge en bois mais en plus moderne. Nous y allons surtout car nous n'avons pas les moyens de nous payer un « vrai » restaurant mais ses plats sont tout de même délicieux et à tomber.
Assis et le repas entamé, maman et moi parlons beaucoup : nous aimons nous raconter nos vies. Nous sommes tellement proches qu'il n'y a aucun tabou entre nous, ce que je trouve génial !
À un moment donné, je vais aux toilettes. L'endroit le moins glamour, je conçois. Là, je croise quelqu'un que je n'aurais jamais pensé voir dans cet endroit… Je m'apprête à m'éclipser après m'être lavé les mains quand il m'aperçoit et m'apostrophe.
Qu'est-ce qu'il fout là ?
— Victor ? demande Diego.
— Tu fiches quoi ? l'agressé-je.
— Je suis allé me soulager, répond-il comme si c'était logique, et effectivement, ça l'est.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire…
— Je sais, ne t'en fais pas. Je suis venu manger avec mes parents, finit il pas me dire.
— Tu n'es pas censé être blindé de thunes ? je le questionne.
— Tu pourrais être étonné de tout ce qui est faux à mon sujet.
— Ah… fais-je tout à coup gêné. Ça va mieux, ton œil ?
— Comme tu peux le constater : non. Mais ne t'inquiète pas, la prochaine fois je te démolirai à la boxe.
— Je ne parierai pas là-dessus. Et je ne m'inquiète pas le moins du monde.
Bon j'avoue, ce n'était pas gentil. Mais est-ce qu'entre pires ennemis nous devons forcément l'être ?
— On verra, plus qu'à croiser les doigts pour qu'il nous mette ensemble, me dit-il avec espoir.
— Sur ça non plus. Ce n'est pas contre toi, mais je ne pense pas qu'il mette son champion contre toi.
Je vois quelque chose se briser dans son regard à la fin de ma phrase. Très vite, il remet son masque de personne intouchable et prend la parole.
— Pas grave, j'ai toujours su au fond que je ne serai jamais à ton niveau. Mais sait-on jamais. As-tu vu le nouveau ?
— Oui, il est vachement fort. En même temps, c'est le fils de l'entraîneur ou un truc dans le genre.
— Veinard, le petit.
— Tu m'étonnes, acquiescé-je.