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Extrait : "LE DOMESTIQUE. Je vous répète, brigadier, que monsieur le marquis ne peut pas vous recevoir ; il n'est pas encore levé. LE DUC. A neuf heures ! (A part.) Au fait, le soleil se lève tard pendant la lune de miel. (Haut) A quelle heure déjeune-t-on ici ? LE DOMESTIQUE. A onze heures… Mais qu'est-ce que ça vous fait ? LE DUC. Vous mettrez un couvert de plus. LE DOMESTIQUE. Pour votre colonel ? LE DUC. Oui, pour mon colonel. C'est le journal d'aujourd'hui ?"
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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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POIRIER.
GASTON : marquis de Presles.
HECTOR : duc de Montmeyran.
VERDELET.
ANTOINETTE.
SALOMON : Créanciers.
CHAVASSUS : Créanciers.
COGNE : Créanciers.
VATEL.
LE PORTIER.
UN DOMESTIQUE.
MM. LESUEUR.
BERTON.
DUPUIS.
VILLARS.
Mme ROSE CHÉRI.
MM. A. BLONDEL.
BORDIER.
ANTOINE.
THIBAUT.
DOISY.
LOUIS.
La scène se passe à Paris, dans l’hôtel de M. Poirier.
Un salon très riche. – Portes latérales, fenêtres au fond, donnant sur un jardin. Cheminée avec feu.
Un domestique, Le duc.
Je vous répète, brigadier, que monsieur le marquis ne peut pas vous recevoir ; il n’est pas encore levé.
À neuf heures ! À part. Au fait, le soleil se lève tard pendant la lune de miel. Haut. À quelle heure déjeune-t-on ici ?
À onze heures… Mais qu’est-ce que ça vous fait ?
Vous mettrez un couvert de plus.
Pour votre colonel ?
Oui, pour mon colonel. C’est le journal d’aujourd’hui ?
Oui, 15 février 1846.
Donnez !
Je ne l’ai pas encore lu.
Vous ne voulez pas me donner le journal ? Alors vous voyez bien que je ne peux pas attendre. Annoncez-moi.
Qui, vous ?
Le duc de Montmeyran.
Farceur !
Les mêmes, Gaston.
Tiens, c’est toi ?… Ils s’embrassent.
Fichtre… j’ai dit une bêtise…
Cher Gaston !
Cher Hector ! parbleu ! je suis content de te voir !
Et moi donc !
Tu ne pouvais arriver plus à propos !
À propos ?
Je te conterai cela… Mais, mon pauvre garçon, comme te voilà fait ! Qui reconnaîtrait, sous cette casaque, un des princes de la jeunesse, l’exemple et le parfait modèle des enfants prodigues ?
Après toi, mon bon. Nous nous sommes rangés tous les deux : toi, tu t’es marié ; moi, je me suis fait soldat, et quoi que tu penses de mon uniforme, j’aime mieux mon régiment que le tien.
Bien obligé !
Oui, regarde-la, cette casaque. C’est le seul habit où l’ennui ne soit pas entré avec moi. Et ce petit ornement que tu feins de ne pas voir… Il montre ses galons.
Un galon de laine.
Que j’ai ramassé dans la plaine d’Isly, mon bon.
Et quand auras-tu l’étoile des braves ?
Ah ! mon cher, ne plaisantons plus là-dessus : c’était bon autrefois ; aujourd’hui, la croix est ma seule ambition, et pour l’avoir je donnerais gaiement une pinte de mon sang.
Ah çà ! tu es donc un troupier fini ?
Eh ! ma foi, oui ! j’aime mon métier. C’est le seul qui convienne à un gentilhomme ruiné, et je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas l’avoir pris plus tôt. C’est amusant, vois-tu, cette existence active et aventureuse ; il n’y a pas jusqu’à la discipline qui n’ait son charme ; c’est sain, cela repose l’esprit d’avoir sa vie réglée d’avance, sans discussion possible et par conséquent sans irrésolution et sans regret. C’est de là que viennent l’insouciance et la gaieté. On sait ce qu’on doit faire, on le fait, et on est content.
À peu de frais.
Et puis, mon cher, ces idées patriotiques dont nous nous moquions au café de Paris et que nous traitions de chauvinisme nous gonflent diablement le cœur en face de l’ennemi. Le premier coup de canon défonce les blagues et le drapeau n’est plus un chiffon au bout d’une perche, c’est la robe même de la patrie.
Soit ; mais ton enthousiasme pour un drapeau qui n’est pas le tien…
Bah ! on n’en voit plus la couleur au milieu de la fumée de la poudre.
Enfin, tu es content, c’est l’essentiel. Ès-tu à Paris pour longtemps ?
Pour un mois, pas plus. Tu sais comment j’ai arrangé ma vie ?
Non, comment ?
Je ne t’ai pas dit ?… C’est très ingénieux : avant de partir, j’ai placé chez un banquier les bribes de mon patrimoine. Cent mille francs environ, dont le revenu doit me procurer tous les ans trente jours de mon ancienne existence, en sorte que j’ai soixante mille livres de rente pendant un mois de l’année et six sous par jour pendant les onze autres. J’ai naturellement choisi le carnaval pour mes prodigalités : il a commencé hier, j’arrive aujourd’hui et ma première visite est pour toi.
Merci ! Ah çà ! je n’entends pas que tu loges ailleurs que chez moi.
Oh ! je ne veux pas te donner d’embarras…
Tu ne m’en donneras aucun, il y a justement dans l’hôtel un petit pavillon, au fond du jardin.
Tiens, franchement, ce n’est pas toi que je crains de gêner, c’est moi. Tu comprends… tu vis en famille… ta femme, ton beau-père…
Ah ! oui, tu te figures, parce que j’ai épousé la fille d’un ancien marchand de draps, que ma maison est devenue le temple de l’ennui, que ma femme a apporté dans ses nippes une horde farouche de vertus bourgeoises, et qu’il ne reste plus qu’à écrire sur ma porte : Ci-gît Gaston, marquis de Presles ! Détrompe-toi, je mène un train de prince, je fais courir, je joue un jeu d’enfer, j’achète des tableaux, j’ai le premier cuisinier de Paris, un drôle qui prétend descendre de Vatel et qui prend son art au grand sérieux ; je tiens table ouverte entre parenthèses, tu dîneras demain avec tous nos amis et tu verras comment je traite ; bref, le mariage n’a rien supprimé de mes habitudes, rien… que les créanciers.
Ta femme, ton beau-père, te laissent ainsi la bride sur le cou ?
Parfaitement. Ma femme est une petite pensionnaire, assez jolie, un peu gauche, un peu timide, encore tout ébaubie de sa métamorphose, et qui, j’en jurerais, passe son temps à regarder dans son miroir la marquise de Presles. Quant à M. Poirier, mon beau-père, il est digne de son nom. Modeste et nourrissant comme tous les arbres à fruit, il était né pour vivre en espalier. Toute son ambition était de fournir aux desserts d’un gentilhomme : ses vœux sont exaucés.
Bah ! il y a encore des bourgeois de cette pâte-là ?
Pour te le peindre en un mot, c’est George Dandin à l’état de beau-père… Sérieusement, j’ai fait un mariage magnifique.
Je pense bien que tu ne t’es mésallié qu’à bon escient.
Je t’en fais juge : tu sais dans quelle position je me trouvais ? Orphelin à quinze ans, maître de ma fortune à vingt, j’avais promptement exterminé mon patrimoine et m’étais mis en devoir d’amasser un capital de dettes, digne du neveu de mon oncle. Or, au moment où, grâce à mon activité, ce capital atteignait le chiffre de cinq cent mille francs, mon septuagénaire d’oncle n’épousait-il pas tout à coup une jeune personne romanesque dont il se voyait adoré ? Corvisart l’a dit, à soixante-dix ans on a toujours des enfants. J’avais compté sans mes cousins ; il me fallut décompter.
Tu passais à l’état de neveu honoraire.
Je songeai à reprendre du service actif dans le corps des gendres ; c’est alors que le ciel mit monsieur Poirier sur mon chemin.
Où l’as-tu rencontré ?
Il avait des fonds à placer et cherchait un emprunteur ; c’était une chance de nous rencontrer : nous nous rencontrâmes. Je ne lui offrais pas assez de garanties pour qu’il fît de moi son débiteur ; je lui en offrais assez pour qu’il fit de moi son gendre. Je pris des renseignements sur sa moralité ; je m’assurai que sa fortune venait d’une source honnête, et, ma foi, j’acceptai la main de sa fille.
Avec quels appointements ?
Le bonhomme avait quatre millions, il n’en a plus que trois.
Un million de dot !
Mieux que cela : tu vas voir. Il s’est engagé à payer mes dettes, et je crois même que c’est aujourd’hui que ce phénomène sera visible : ci, cinq cent mille francs. Il m’a remis, le jour du contrat, un coupon de rentes de vingt-cinq mille francs : ci, cinq cents autres mille francs.
Voilà le million ; après ?
Après ? Il a tenu à ne pas se séparer de sa fille et à nous défrayer de tout dans son hôtel ; en sorte que, logé, nourri, chauffé, voituré, servi, il me reste vingt-cinq mille livres de rentes pour l’entretien de ma femme et le mien.
C’est très joli.
Attends donc !
Il y a encore quelque chose ?
Il a racheté le château de Presles, et je m’attends, d’un jour à l’autre, à trouver les titres de propriété sous ma serviette.
C’est un homme délicieux !
Attends donc !
Encore ?
Après la signature du contrat, il est venu à moi, il m’a pris les mains, et, avec une bonhomie touchante, il s’est confondu en excuses de n’avoir que soixante ans ; mais il m’a donné à entendre qu’il se dépêcherait d’en avoir quatre-vingts. Au surplus, je ne le presse pas… il n’est pas gênant, le pauvre homme. Il se tient à sa place, se couche comme les poules, se lève comme les coqs, règle les comptes, veille à l’exécution de mes moindres désirs ; c’est un intendant qui ne me vole pas : je le remplacerais difficilement.
Décidément, tu es le plus heureux des hommes.
Attends donc ! Tu pourrais croire qu’aux yeux du monde, mon mariage m’a délustré, m’a décati, comme dirait M. Poirier : rassure-toi, je suis toujours à la mode ; c’est moi qui donne le ton. Les femmes m’ont pardonné, et, enfin, comme j’avais l’honneur de te le dire, tu ne pouvais arriver plus à propos.
Pourquoi ?
Tu ne me comprends pas, toi, mon témoin naturel, mon second obligé ?
Un duel !
Oui, mon cher, un joli petit duel, comme dans le bon temps… Eh bien ! qu’en dis-tu ? Est-il mort, ce marquis de Presles, et faut-il songer à le porter en terre ?
Avec qui te bats-tu, et à quel propos ?
Avec le vicomte de Pontgrimaud, à propos d’une querelle de jeu.
Une querelle de jeu ? alors cela peut s’arranger.
Est-ce au régiment que l’on apprend à arranger les affaires d’honneur ?
Tu l’as dit, c’est au régiment. C’est là qu’on apprend l’emploi du sang ; tu ne me persuaderas pas qu’il en faille pour terminer une querelle de jeu ?
Et si cette querelle de jeu n’était qu’un prétexte ? s’il y avait autre chose derrière ?
Une femme ?
Voilà !
Une intrigue ! déjà ! ce n’est pas bien.
Que veux-tu !… une passion de l’an dernier que je croyais morte de froid, et qui, après mon mariage, a eu son été de la Saint-Martin. Tu vois que ce n’est ni bien sérieux ni bien inquiétant.
Et peut-on savoir ?
Je n’ai pas de secrets pour toi… C’est la comtesse de Monjay.
Je t’en fais mon compliment ; mais c’est furieusement grave. J’avais songé à lui faire la cour ; j’ai reculé devant les périls d’une telle liaison, périls qui n’ont rien de chevaleresque. Tu n’ignores pas que la comtesse n’a pas de fortune personnelle ?
Qu’elle attend tout de son vieux mari, et qu’il aurait le mauvais goût de la déshériter, s’il lui découvrait une faiblesse ? Je sais tout cela.
Et de gaieté de cœur, tu as repris une pareille chaîne ?