Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
RÉSUMÉ : "Le Jeu de l'amour et du hasard" est une comédie en trois actes de Pierre de Marivaux, une oeuvre qui explore les subtilités des relations amoureuses et des conventions sociales au XVIIIe siècle. L'intrigue se déroule autour de Silvia, une jeune femme de bonne famille, et Dorante, son prétendant, qui se rencontrent pour la première fois. Afin de mieux se connaître sans les contraintes des apparences sociales, Silvia échange son rôle avec celui de sa servante Lisette, tandis que Dorante fait de même avec son valet Arlequin. Ce quiproquo engendre une série de situations comiques et de malentendus, révélant les vérités cachées sur la nature humaine et les sentiments. Marivaux utilise ici le déguisement et le jeu de rôles pour critiquer subtilement les normes sociales et les préjugés de son époque. La pièce est une brillante illustration de la "marivaudage", ce style caractéristique de l'auteur marqué par une langue raffinée et une analyse fine des sentiments. À travers les dialogues vifs et spirituels, le lecteur est invité à réfléchir sur les jeux de l'amour et les hasards du destin. L'oeuvre reste un incontournable de la littérature française, offrant un regard perspicace et divertissant sur les relations humaines. L'AUTEUR : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, né à Paris le 4 février 1688, est l'un des dramaturges et romanciers les plus influents du XVIIIe siècle en France. Issu d'une famille bourgeoise, Marivaux étudie le droit avant de se tourner vers la littérature. Il commence sa carrière littéraire par des essais et des romans, mais c'est dans le théâtre qu'il trouve sa véritable vocation. Marivaux est surtout connu pour ses comédies de moeurs, où il excelle dans l'art du dialogue et de l'analyse psychologique des personnages. Son style, baptisé "marivaudage", se caractérise par une langue élégante et complexe, mêlant légèreté et profondeur. Il est l'auteur de nombreuses pièces, parmi lesquelles "Le Jeu de l'amour et du hasard" et "Les Fausses Confidences" sont les plus célèbres. Marivaux devient un membre éminent de la Comédie-Française et de la Comédie-Italienne, deux institutions théâtrales prestigieuses de son époque. Outre le théâtre, il écrit également des romans, dont "La Vie de Marianne" et "Le Paysan parvenu". Marivaux décède à Paris le 12 février 1763, laissant derrière lui une oeuvre prolifique qui continue d'être étudiée et admirée pour sa finesse et son intelligence.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 74
Veröffentlichungsjahr: 2022
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
M. ORGON.
MARIO.
SILVIA.
DORANTE.
LISETTE, femme de chambre de Silvia.
PASQUIN, valet de Dorante.
UN VALET.
La scène est à Paris.
Acte premier
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Acte deuxième
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Scène XI
Scène XII
Scène XIII
Acte troisième
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Silvia, Lisette.
SILVIA
Mais, encore une fois, de quoi vous mêlez-vous ? pourquoi répondre de mes sentiments ?
LISETTE
C’est que j’ai cru que, dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde. Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu’il vous marie, si vous en avez quelque joie ; moi, je lui réponds que oui ; cela va tout de suite ; et il n’y a peut-être que vous de fille au monde pour qui ce oui-là ne soit pas vrai : le non n’est pas naturel.
SILVIA
Le non n’est pas naturel ? Quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?
LISETTE
Eh bien, c’est encore oui, par exemple.
SILVIA
Taisez-vous ; allez répandre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n’est pas à vous à juger de mon cœur par le vôtre.
LISETTE
Mon cœur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s’avise-t-il de n’être fait comme celui de personne ?
SILVIA
Je vous dis que, si elle osait, elle m’appellerait une originale.
LISETTE
Si j’étais votre égale, nous verrions.
SILVIA
Vous travaillez à me fâcher, Lisette.
LISETTE
Ce n’est pas mon dessein. Mais, dans le fond, voyons, quel mal ai-je fait de dire à M. Orgon que vous étiez bien aise d’être mariée ?
SILVIA
Premièrement, c’est que tu n’as pas dit vrai ; je ne m’ennuie pas d’être fille.
LISETTE
Cela est encore tout neuf.
SILVIA
C’est qu’il n’est pas nécessaire que mon père croie me faire tant de plaisir en me mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.
LISETTE
Quoi ! vous n’épouserez pas celui qu’il vous destine ?
SILVIA
Que sais-je ? peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m’inquiète.
LISETTE
On dit que votre futur est un des plus honnêtes hommes du monde ; qu’il est bien fait, aimable, de bonne mine ; qu’on ne peut pas avoir plus d’esprit ; qu’on ne saurait être d’un meilleur caractère : que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux, d’union plus délicieuse ?
SILVIA
Délicieuse ? Que tu es folle avec tes expressions !
LISETTE
Ma foi ! madame, c’est qu’il est heureux qu’un amant de cette espèce-là veuille se marier dans les formes ; il n’y a presque point de fille, s’il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l’épouser sans cérémonie. Aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l’amour ; sociable et spirituel, voilà pour l’entretien de la société : pardi ! tout en sera bon dans cet homme-là ; l’utile et l’agréable, tout s’y trouve.
SILVIA
Oui, dans le portrait que tu en fais, et on dit qu’il y ressemble ; mais c’est un on dit, et je pourrais bien n’être pas de ce sentiment-là, moi : il est bel homme, dit-on, et c’est presque tant pis.
LISETTE
Tant pis ! tant pis ! mais voilà une pensée bien hétéroclite.
SILVIA
C’est une pensée de très bon sens ; volontiers un bel homme est fat, je l’ai remarqué.
LISETTE
Oh ! il a tort d’être fat, mais il a raison d’être beau.
SILVIA
On ajoute qu’il est bien fait ; passe.
LISETTE
Oui-da, cela est pardonnable.
SILVIA
De beauté et de bonne mine, je l’en dispense ; ce sont là des agréments superflus.
LISETTE
Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.
SILVIA
Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à l’homme raisonnable qu’à l’aimable homme ; en un mot, je ne lui demande qu’un bon caractère, et cela est plus difficile à trouver qu’on ne pense. On loue beaucoup le sien ; mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l’esprit ? N’en ai-je pas vu, moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meilleures gens du monde ? C’est la douceur, la raison, l’enjouement même ; il n’y a pas jusqu’à leur physionomie qui ne soit garant de toutes les bonnes qualités qu’on leur trouve. « Monsieur un tel a l’air d’un galant homme, d’un homme bien raisonnable, disait-on tous les jours d’Ergaste. – Aussi l’est-il, répondait-on ; je l’ai répondu moi-même. Sa physionomie ne vous ment pas d’un mot. » Oui, fiez-vous-y, à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d’heure après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche, qui devient l’effroi de toute une maison. Ergaste s’est marié ; sa femme, ses enfants, son domestique, ne lui connaissent encore que ce visage-là, pendant qu’il promène partout ailleurs cette physionomie si aimable que nous lui voyons, et qui n’est qu’un masque qu’il prend au sortir de chez lui.
LISETTE
Quel fantasque avec ces deux visages !
SILVIA
N’est-on pas content de Léandre quand on le voit ? Eh bien, chez lui, c’est un homme qui ne dit mot, qui ne rit ni qui ne gronde ; c’est une âme glacée, solitaire, inaccessible ; sa femme ne la connaît point, n’a point de commerce avec elle ; elle n’est mariée qu’avec une figure qui sort d’un cabinet, qui vient à table, et qui fait expirer de langueur, de froid et d’ennui, tout ce qui l’environne : n’est-ce pas là un mari bien amusant ?
LISETTE
Je gèle au récit que vous m’en faites ; mais Tersandre, par exemple ?
SILVIA
Oui, Tersandre ! il venait l’autre jour de s’emporter contre sa femme ; j’arrive, on m’annonce ; je vois un homme qui vient à moi les bras ouverts, d’un air serein, dégagé ; vous auriez dit qu’il sortait de la conversation la plus badine ; sa bouche et ses yeux riaient encore. Le fourbe ! Voilà ce que c’est que les hommes ! Qui est-ce qui croit que sa femme est à plaindre avec lui ? Je la trouvai tout abattue, le teint plombé, avec des yeux qui venaient de pleurer ; je la trouvai comme je serai peut-être : voilà mon portrait à venir, je vais du moins risquer d’en être une copie. Elle me fit pitié, Lisette ; si j’allais te faire pitié aussi ? cela est terrible, qu’en dis-tu ? Songe à ce que c’est qu’un mari.
LISETTE
Un mari ? C’est un mari ! vous ne deviez pas finir par ce mot-là ; il me raccommode avec tout le reste.
M. Orgon, Silvia, Lisette.
M. ORGON
Eh ! bonjour, ma fille. La nouvelle que je viens t’annoncer te fera-t-elle plaisir ? Ton prétendu arrive aujourd’hui, son père me l’apprend par cette lettre-ci. Tu ne me réponds rien ; tu me parais triste. Lisette, de son côté, baisse les yeux. Qu’est-ce que cela signifie ? Parle donc, toi ! de quoi s’agit-il ?
LISETTE
Monsieur, un visage qui fait trembler, un autre qui fait mourir de froid, une âme gelée qui se tient à l’écart, et puis le portrait d’une femme qui a le visage abattu, un teint plombé, des yeux bouffis et qui viennent de pleurer ; voilà, monsieur, tout ce que nous considérons avec tant de recueillement.
M. ORGON
Que veut dire ce galimatias ? une âme, un portrait ?… Explique-toi donc : je n’y entends rien.
SILVIA
C’est que j’entretenais Lisette du malheur d’une femme maltraitée par son mari ; je lui citais celle de Tersandre, que je trouvai l’autre jour fort abattue, parce que son mari venait de la quereller ; et je faisais là-dessus mes réflexions.
LISETTE
Oui, nous parlions d’une physionomie qui va et qui vient ; nous disions qu’un mari porte un masque avec le monde, et une grimace avec sa femme.
M. ORGON
De tout cela, ma fille, je comprends que le mariage t’alarme, d’autant plus que tu ne connais point Dorante.
LISETTE
Premièrement, il est beau ; et c’est presque tant pis.
M. ORGON
Tant pis ! Rêves-tu, avec ton tant pis ?
LISETTE
Moi, je dis ce qu’on m’apprend ; c’est la doctrine de madame ; j’étudie sous elle.
M. ORGON