Le jour où j'ai appris à gérer mes émotions - Florent Catanzaro - E-Book

Le jour où j'ai appris à gérer mes émotions E-Book

Florent Catanzaro

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Beschreibung

Se reconstruire après un parcours semé d’embûches, se recentrer sur
soi et s’ouvrir à de nouvelles idées pour redonner un sens à sa vie, c’est ce que propose Florent Catanzaro dans cet ouvrage essentiel, entre témoignage et outil de développement personnel.
« Auparavant, la vie n’avait pas la même saveur. Oscillant entre des hauts et des bas, je n’étais que rarement maître de moi-même et de mes décisions. Je crois même pouvoir dire que je ne me souviens pas avoir effectué de choix en pleine conscience. Parfois, cela s’accompagnait de belles surprises mais très souvent, cela m’éloignait du bonheur tant désiré. »
Il y a plusieurs mois, alors en proie à un profond mal-être, Florent décide de partir un an au Brésil. Au gré des rencontres, il découvre là-bas un enseignement novateur, basé sur l’intelligence émotionnelle et l’autodiagnostic. Très vite, cela l’emmène vers une introspection profonde, qu’il relate tantôt avec tendresse, tantôt avec humour, et qui lui ouvre de nouvelles perspectives, beaucoup plus positives !

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© La Boîte à Pandore

Paris

http ://www.laboiteapandore.fr

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ISBN : 978-2-39009-476-0 – EAN : 9782390094760

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

Florent Catanzaro

Le jour où...j’ai appris à gérer mes émotions

Découvrez comment l’intelligence émotionnelle

peut faire de votre égo un véritable allié

Ouvrages du même auteur

Aux Éditions Jourdan/PixL

Aventures & mésaventures d’une aide-soignante à domicile (2016)

Aux Éditions La Boîte à Pandore

Oser prendre une année sabbatique (2018)

Dédicace

À tous ceux qui ont choisi de ne pas baisser les bras,de ne pas délaisser leurs responsabilités,de ne pas cesser de construire l’avenir,et qui continueront encore longtemps à s’efforcer de réparer ce qui a été cassé.

Note

Pour une plus grande justesse, la plupart des dialogues relatés dans ce livre ont été enregistrés. Et lorsque cela n’a pas été possible, j’ai annoté méticuleusement les répliques provenant de ma mémoire afin de les faire lire et valider par la personne concernée. Il m’est en effet primordial de retranscrire avec le plus d’exactitude la sagesse et le courage contenus dans les enseignements présentés. La créatrice de cet atelier sur l’intelligence émotionnelle – auquel j’ai participé et qui m’a inspiré ce livre – a bien compris mon envie de transmettre ces connaissances novatrices au plus grand nombre, et cela correspond également à sa vision. Pour cela, elle n’a pas hésité une seule seconde à mettre à disposition tout son savoir et son expérience dans le domaine des sciences humaines afin de m’aider à élaborer ce livre.

Bien que mon but soit de produire une œuvre utile à chacun, vous remarquerez très vite que ce n’est en aucun cas un guide se permettant de promettre, sans scrupule, des progrès spectaculaires concernant votre intelligence émotionnelle. Au contraire, vous découvrirez les efforts qu’exige une véritable amélioration de cette capacité essentielle. C’est pour cela que vous n’y trouverez aucune solution miracle, mais bien des axes de travail pour un authentique développement de vos compétences émotionnelles.

Nos perspectives d’avenir dépendent de plus en plus de notre aptitude à gérer notre comportement et nos rapports à l’autre de façon plus pérenne. Puisse cet ouvrage vous offrir une énergie nouvelle qui vous aidera à faire brillamment face aux défis quotidiens qui nous attendent tous.

Cinq suggestions pour tirer le meilleur de ce livre

1.Si vous voulez tirer pleinement parti de ce livre, je vous suggère de vous mettre dans une certaine condition – qui s’applique également dans de nombreuses autres situations de vie – et sans laquelle toute lecture deviendrait vite inutile. En la cultivant, vous accomplirez des merveilles… Ayez un profond désir d’apprendre ! Une volonté de vous ouvrir à la nouveauté. Par extension, cela implique de chercher à vous améliorer constamment et d’améliorer également vos relations avec votre entourage, sans hésiter à aborder de nouvelles notions pour sortir des sentiers battus, sans craindre une remise en question. Pour développer cela, rappelez-vous simplement que tout est en constante évolution sur cette planète ; rien n’est jamais figé, et cela vaut aussi pour nous-mêmes : ce que nous croyons vrai aujourd’hui pourrait nous sembler ridicule dans quelques années.

2.Grâce à cette envie d’apprendre, la lecture ne sera que plus riche. Et lorsque vous commencerez à entrer dans les enseignements d’intelligence émotionnelle, voici la deuxième suggestion : prenez le temps de la découverte. N’hésitez pas à vous arrêter fréquemment afin de vous interroger. Ce qui est dit peut-il s’appliquer à votre vie ? Le cas échéant, comment faire pour vous l’approprier ? Vous constaterez d’ailleurs que des moments de questionnements seront suggérés au fil des pages, à certains chapitres clés, pour vous inciter à faire une pause et à obtenir de vraies réponses.

3.Prenez également un crayon pour mettre en évidence les passages qui vous touchent particulièrement. Je sais bien que gribouiller sur les livres n’est pas au goût de tout le monde, mais si c’est votre cas, faites une exception – et repensez à la première suggestion ! Alors, autorisez-vous à donner de la vie à ce livre : pliez des pages ou surlignez des phrases afin de pouvoir revenir plus facilement sur les notions qui vous ont marqué. Cela vous permettra d’ailleurs d’amorcer la transition vers la quatrième suggestion.

4.Une fois la première lecture achevée, n’abandonnez pas tout de suite l’ouvrage. Au contraire, relisez-le après quelques semaines. Les concepts évoqués sont parfois complexes ou déroutants, et il est difficile de tout assimiler en une seule fois. Selon votre sensibilité du moment ou votre attention lors de la première lecture, certains passages risquent ainsi d’être laissés de côté.Pire encore, il est incroyable de constater à quel point on oublie vite les choses, surtout si l’on ne les répète pas au quotidien. Moi-même, j’ai été surpris lors des deux années passées à écrire cet ouvrage à quel point la relecture m’était bénéfique. Certains chapitres me paraissaient presque nouveaux, même si c’était moi qui les avais rédigés ! La rapidité avec laquelle nous pouvons oublier est véritablement déconcertante… Alors, afin de tirer le maximum de cet ouvrage dans sa totalité, il est important de le relire. Peut-être plus d’une fois, jusqu’à pouvoir appliquer ses principes sans effort.

5.Et surtout, mettez en pratique tout ce que vous lisez. Une lecture passive ne pourra pas vous fournir de résultats spectaculaires. Soyez actif dans la découverte. Pour que des changements positifs commencent à se produire, rien ne vaut une pratique quotidienne. Tout au long de la lecture, certains exercices vous seront ainsi proposés ; il est important de les vivre dans votre propre existence pour qu’ils puissent s’ancrer en vous. Je sais à quel point ils peuvent être difficiles, car j’ai moi-même parfois du mal à les mettre en œuvre. Mais c’est en nous exerçant que nous nous perfectionnons.Au-delà de la découverte de connaissances novatrices, cet ouvrage vous offre donc la chance d’adopter de nouvelles possibilités de vie, et cela ne pourra se faire qu’à travers la pratique. Afin de faciliter cette pratique, pourquoi ne pas expliquer à vos proches les notions apprises, ou leur demander de l’aide pour vous accompagner dans la réalisation des exercices proposés ? En jouant le jeu avec ceux qui partagent votre quotidien, il s’ensuivra probablement de très beaux moments de complicité ainsi que des échanges ludiques qui permettront d’augmenter sensiblement votre quotient émotionnel.

Avant-propos de l’auteur

Au départ, je souhaitais donner à ce livre un titre comportant les termes d’« intelligence émotionnelle » ou d’« éveil de la conscience », puisque c’est bien de cela qu’on va traiter au fil des pages. Une brève discussion entre amis m’en a dissuadé. Ce jour-là, un dimanche d’été en terrasse, je me suis rendu compte que lorsque l’égo s’exprimait, le dialogue devenait stérile. Pire encore, certains propos allaient même jusqu’à m’effrayer quand ce dernier était aux commandes. Pardonnez donc ma vulgarité, mais à la fin de la soirée, je me suis dit que l’égo était un con et qu’il était temps de lui apprendre à se taire… Il ne faisait plus aucun doute que l’esprit du titre venait juste d’être trouvé. Une insulte ne sera peut-être pas très appropriée pour commencer l’ouvrage, mais avouons tout de même que l’égo est un drôle d’oiseau qui nous veut rarement du bien. La plupart du temps, on est tellement incité à le cultiver qu’on ne se rend même plus compte lorsque c’est lui qui prend le contrôle. En tout cas, moi, je n’avais pas remarqué à quel point il m’a guidé de manière pernicieuse durant un sacré nombre d’années…

Pourtant, aussi loin que je me souvienne, je me suis constamment escrimé à un effort de remise en question. La recherche du bonheur m’a toujours intrigué, au moins autant que la connaissance de soi, même si je ne saisissais pas pleinement comment accéder à l’un ou à l’autre. Nombreux sont ceux à s’être cassé les dents avant moi sur l’étude de ces deux thèmes, mais loin de me rebuter, cela m’a encouragé à persévérer. Jour après jour, j’ai donc cherché à révolutionner le décor du théâtre de ma vie, sans pour autant trouver en permanence la motivation dans le sens de mes actions. Je désirais sincèrement m’ouvrir aux autres, à ce monde, en comprendre les tenants et les aboutissants ; néanmoins, je ne savais pas toujours quoi prioriser ni comment opérer en profondeur. Une force invisible me maintenait enchaîné. À l’instar de certains de mes amis, de mes proches ou de tout être humain absorbé par la société, je passais parfois à côté d’aspects cruciaux de mon existence. Sans avoir réellement vécu, sans être totalement maître de mes décisions, comme enfermé dans une prison dorée au doux nom d’égo. Si l’on m’avait prédit, par exemple, aux débuts de mes études d’ingénieur, qu’une dizaine d’années plus tard j’allais être amené à reconsidérer tout ce que j’avais si longtemps bu comme du petit lait, je n’y aurais probablement jamais cru. Vu que mon activité cérébrale d’époque était uniquement liée à des théorèmes de mathématiques ou des exercices de mécanique des fluides, je croyais dur comme fer qu’éveiller sa conscience n’était pas une option possible, ni même sérieuse.

Toutefois, il me semblait avoir compris la base dans cette sombre histoire de conscience, c’est-à-dire que quelque chose se produisait lorsqu’on était seul face à soi-même, devant son miroir ou sur son lit de mort. Dans ces moments-là – enfin, surtout en me regardant dans un miroir –, je réalisais alors que mon égo n’était pas vraiment moi et que je pouvais donc reprendre le dessus pour m’apaiser. Passé ces décevants instants de lucidité, je ne voyais guère comment procéder. Il faut dire qu’atteindre le bonheur n’est pas chose aisée si l’on ne compte que sur soi. Peut-être faut-il un déclic ou même un coup de chance pour commencer l’approfondissement réel de ses connaissances et ne pas rester en superficie ? Mais après des années passées à creuser dans mon coin sur le sujet, rien ne semblait véritablement bouger… Malgré toute ma détermination, je me noyais encore dans la masse d’idées, allant parfois jusqu’à me perdre. J’ai même failli renoncer, imaginant que le bonheur n’était finalement pas pour moi. Car lorsqu’on se retrouve seul au milieu de l’abondance d’informations avec l’égo pour unique guide, difficile de discerner le vrai du faux… Et comment savoir par où commencer ? On peut alors hésiter, se chercher des prétextes afin de repousser l’instant où l’on se lancera sur ce nouveau chemin – parce qu’on est trop jeune, trop vieux, trop occupé, trop dépassé, trop ignorant, etc. –, mais au diable les excuses : il n’y a pas de meilleur moment pour plonger à l’intérieur de son être que celui où l’on se sent naturellement prêt. Ça doit donc être à cet instant précis que tout s’est emballé pour moi.

Une série d’évènements pas forcément joyeux a fait irruption dans mon quotidien. J’imaginais déjà la descente aux enfers… Jusqu’à découvrir l’intelligence émotionnelle – ce qui a été l’expérience la plus profonde de mon existence, après en avoir été la plus dérangeante ! C’était la première fois qu’on me présentait la combinaison de ces deux mots, et tout ce qui en a découlé ensuite a réellement eu un impact profond sur ma vie. Les effets néfastes de mon égo étaient révélés au grand jour, et j’ai appris à le mettre en sourdine. Assez rapidement et grâce à une pratique quotidienne, j’ai pu accéder à des réponses concrètes à propos de ces questions qui me taraudaient depuis des années. C’est ainsi que j’ai osé amorcer en profondeur ce processus de développement personnel, enrichissant comme jamais je n’aurais pu le soupçonner. Dès lors, l’envie de m’engager pleinement dans ce chemin est apparue comme une évidence : les connaissances sur ce sujet devaient être diffusées. J’ai commencé par transmettre mes récentes découvertes à mon entourage, à ma manière, en observant les bienfaits relationnels mais sans aucune certitude d’où cela pouvait m’emmener… Jusqu’à m’engager pleinement dans l’écriture de ce livre et l’organisation d’ateliers. L’avenir me réservera encore probablement son lot de surprises. Cependant, la seule chose dont je suis à peu près convaincu, c’est qu’on attire ce que l’on est. Cela m’a mené à considérer la vie avec légèreté, et elle me l’a bien rendu. Désormais, chaque jour est un apprentissage, chaque épreuve est accueillie avec gratitude. Ce ne sont certes pas des conditions suffisantes afin d’atteindre le bonheur, mais elles sont nécessaires pour s’en approcher.

En toute humilité, je vous invite donc à embarquer dans cet ouvrage. L’histoire réelle que je m’apprête à raconter est celle de mon propre voyage, à la découverte de nouvelles terres émotionnellement plus intelligentes.

Malgré les obstacles, une route inattendue était prête à s’ouvrir devant moi, me menant jusqu’à cette nature sauvage en plein cœur de l’État de Rio de Janeiro.

Première Partie : Le chemin du déclic

« J’ai eu beaucoup de problèmes dans ma vie,dont la plupart ne sont jamais arrivés. »

Mark Twain

1. Déchéance programmée

Rien n’était foncièrement différent des autres jours en cette triste soirée pluvieuse ; pourtant, l’accumulation de banalités m’était soudain devenue insupportable. Plus que jamais, la morosité ambiante commençait à me peser. Pourquoi suis-je ici, dans cette ville froide et terne, dans ce job ennuyeux ? Pourquoi suis-je ici, sur cette Terre qui ne semble plus tourner bien rond ? Malgré mon positivisme naturel, je me retrouvais à présent en plein doute. La météo n’avait pas été des plus radieuses ce jour-là, et dans ma tête, le temps n’était pas non plus au beau fixe. Pire que cela, il y avait déjà un petit moment que ça se ressentait dans ma façon d’être.

J’étais peut-être dans une phase de transition, où j’aurais dû amorcer un changement significatif, m’affirmer, réussir à aller de l’avant, pour continuer dans cette voie toute tracée. Mais je n’arrivais plus à faire semblant. Les premières années captivantes de la découverte professionnelle paraissaient déjà loin derrière, et celles de l’insouciance étudiante plus encore. Cela me laissait à présent un goût d’inachevé lorsque j’osais regarder où j’en étais arrivé. Certes, j’avais aimé participer au développement des associations de mon école d’ingénieurs, tout autant qu’être un bon employé de mon ancienne entreprise ; j’avais donc acquis une certaine reconnaissance sociale et accumulé pas mal d’argent. Mais à quoi bon, finalement, si c’était pour atterrir dans cette banalité déconcertante ?

Peu de temps auparavant, j’avais lu que les crises d’adolescence des nouveaux adultes appartenant à la Génération Y s’étaient déplacées pour n’arriver qu’à l’aube de la trentaine – mince, j’étais en plein dedans. Alors, caprice d’enfant gâté ou symptômes d’un mal-être générationnel ? Chacun trouvera son interprétation… Toujours est-il que pour moi, je savais par intuition qu’il manquait une partie de ma vie, quelque chose pour lui donner un sens, et n’osais pas croire à un dérèglement soudain ; non, le malaise ressenti était plus profond. Rien à voir avec une simple crise éphémère ou immature : si je continuais de la sorte, j’allais droit dans le mur avec le pied sur l’accélérateur. En ressassant le passé, je n’avais pas l’impression d’avoir accompli des choses extraordinaires, et pourtant, le plus beau semblait derrière. Loin, déjà si loin. Et lorsque j’envisageais le futur en restant dans cette vie maussade, je me demandais ce qui m’attendait. Continuer de remplir tant bien que mal mon compte en banque, tout en m’enlisant un peu plus dans mon job ? Ou bien, trouver une femme pour supporter le vide professionnel et chercher du réconfort auprès de ma moitié, jusqu’à me lasser également du combo famille/maison/labrador ? Insister tout de même, encore et encore, pour ne pas renvoyer une image d’échec vis-à-vis de la société… Mais finalement, m’ennuyer dans mon quotidien, être déçu de ne plus vibrer aussi passionnément qu’avant. Et devenir aigri, en passant à côté de l’essentiel. Cette vision m’effrayait ; impossible de poursuivre de la sorte alors que mon couple battait de l’aile et que je traînais un peu plus des pieds chaque jour pour quitter mon lit afin de me rendre au bureau. Mais où était donc passé mon engouement spontané dans tout ce que je faisais ? Je ne pouvais pas me forcer à jouer un faux rôle dans cette vie monotone, au risque de finir lobotomisé.

La déchéance semblait programmée, mais j’étais loin d’avoir dit mon dernier mot. Inconcevable de se laisser avoir si facilement ; il était temps de se poser les bonnes questions pour obtenir les bonnes réponses. « Demande-toi un peu quel est le bonheur pour toi ; c’est loin d’être stupide, ça devrait même être la base de tous tes choix dans la vie… » Le bonheur, je n’en avais aucune idée, et c’était un véritable dialogue de sourds dans mon cerveau, alors que je cherchais à éluder certaines prises de conscience. Le bonheur, on s’imagine même souvent qu’on ne peut pas le définir. « C’est si complexe, ne perds pas de temps avec ça, ce n’est pas pour toi, ou tu sentiras bien ce que c’est quand il arrivera, point final. » Ange ou démon ? Deux petites voix s’opposaient en moi ; je ne savais pas laquelle écouter, mais je ne pouvais m’arrêter ainsi. Une brèche s’était ouverte, et il fallait que je m’y engouffre. Alors, pour comprendre les causes, les effets et toutes les notions sous-jacentes d’un terme, il est toujours intéressant d’en connaître la définition… Mon côté scientifique resurgissait au moment opportun pour démarrer une étude introspective inédite. Il était temps que j’avoue mes faiblesses et que je commence à creuser profondément à l’intérieur de moi. L’heure était venue de répondre à cette question simple : qu’est-ce que le bonheur ? Passé le rejet total de mon égo pour éviter le sujet, je pouvais donc enfin me mettre à y réfléchir.

Alors, qu’est-ce que le bonheur ? Avec la naïveté caractéristique d’un enfant, je réalisais que je m’étais souvent interrogé sur ce thème auparavant. Puis, au fil du temps, je l’avais occulté, comme si l’on ne se laissait plus le choix du bonheur en grandissant, comme si la vie suivait son cours déterministe sans qu’on puisse intervenir. Au fur et à mesure, je l’avais remplacé par d’autres notions beaucoup moins nobles, l’associant parfois au plaisir instantané ou à la réalisation sociale. C’est bien vrai, j’éprouvais quotidiennement du plaisir dans mes loisirs et je m’étais réalisé aux yeux de la société, mais il me semblait pourtant avoir fait fausse route. Le bonheur était ailleurs ; je ne savais pas encore où, mais je sentais bien qu’il ne pouvait s’acquérir qu’avec du travail sur soi, autant qu’on travaillerait d’autres aptitudes physiques ou intellectuelles. En tout cas, j’en étais maintenant convaincu : il fallait le vouloir pour être heureux. Et je réalisais que ça faisait quelques mois déjà que je ne voulais plus grand-chose, que j’évitais mes responsabilités vis-à-vis de moi-même.

Ainsi, même si à cette époque-là, je ne savais pas véritablement ce qu’était le bonheur, je savais en tout cas ce qu’il n’était pas… Et il était clair que je m’en éloignais un peu plus chaque jour : rien n’allait plus dans ma vie, que ce soit mon couple ou mon travail. L’un comme l’autre, je les avais pourtant aimés, mais la routine était en train de les tuer à petit feu. Surtout, cette maudite routine avait eu raison de ma patience. Alors, balayant d’un revers de la main ce qui me piquait au vif, j’ai cru bon d’effectuer une remise à zéro et d’échapper à cette situation. Pour sortir de ce marasme ambiant, il aurait plutôt été judicieux de s’y pencher sérieusement. Mais agissant sous l’effet de l’impulsion, j’ai pris ma décision de manière radicale. Irrémédiable. Dans un ultime élan à la recherche du bonheur, je suis parti au Brésil. « Ah, enfin le Brésil ! », pensais-je avec des étoiles dans les yeux – comme si l’herbe était toujours plus verte chez le voisin. J’y retournais afin d’accomplir une nouvelle mission professionnelle fraîchement décrochée, mais surtout pour me retrouver. J’étais loin de me douter à l’époque du revirement drastique que j’allais offrir à ma vie.

2. Un trait sur le passé

Un Afro-Américain m’a dit un jour, en agitant une énième pinte de bière devant mon nez : « You know man, je crois que tous les Noirs d’Amérique devraient aller en Afrique, pour renouer avec leurs racines. You know man, moi, j’ai aucune idée du pays d’où viennent mes ancêtres et pourtant, en posant un pied en Afrique du Sud, j’ai tout de suite senti quelque chose d’incroyable. » Non, man, je ne voyais pas du tout ce qu’il essayait de me dire ; peut-être n’étais-je pas aussi aviné que lui. J’avais en revanche trouvé ses considérations foncièrement philosophiques autant que dénuées de sens… Le temps s’était ensuite écoulé sans que je pense à lui – il est même assez rare que je repense aux personnes rencontrées en bar, surtout lorsqu’elles sont de sexe masculin. Puis, je suis enfin sorti de l’Europe. J’ai posé un pied sur le sol brésilien et j’ai compris ce qu’il avait essayé de me dire. Comme une sorte de déclic. Je n’étais pourtant pas du tout sud-américain, ni de près ni de loin, pas même dans mes origines. Grand, brun, aux yeux noisette et cheveux bouclés, on aurait peut-être pu me trouver une vague ressemblance physique avec les latinos, mais là n’était pas le propos. La connexion s’était faite sur le plan psychologique. Je possédais en moi le style brésilien, sans même le savoir. C’est ainsi qu’en arrivant à Rio de Janeiro, j’ai tout de suite senti quelque chose d’incroyable, comme si j’appartenais à cet endroit depuis toujours. Je découvrais un trésor enfoui au plus profond de mon être.

Ma première rencontre avec le Brésil ne datait pas d’aujourd’hui et, à l’époque, elle avait été bien trop brève : à peine avais-je effectué un semestre d’études dans le Minas Gerais qu’il me fallait déjà rentrer en France avec un goût d’inachevé. De nombreuses années s’étaient écoulées, et je gardais sans cesse une puissante volonté de regagner ce pays. J’y étais bien sûr retourné quelques fois depuis, en vacances pour plusieurs semaines ou même plusieurs mois (au cours d’une année sabbatique en Amérique latine1), mais cela ne me suffisait toujours pas. Au plus les jours s’écoulaient, au plus il était clair que je devais m’installer véritablement là-bas. Alors, le jour où j’ai commencé à trop broyer du noir dans ma vie quotidienne française, j’ai tout de suite cherché un boulot au Brésil. J’avais besoin de sentir la chaleur humaine de ce pays ; c’était elle qui allait me sortir de ma morosité. Cependant, lorsqu’on ressent un malaise intérieur, c’est rarement à l’extérieur que la solution se trouve. Avec le recul, je réalise à présent que ce départ s’assimilait à une fuite d’une situation que je n’arrivais plus à supporter en France… Et bien que fuir ne soit généralement pas la meilleure des idées, cela allait au moins avoir le mérite de m’ouvrir de nouveaux horizons et de me mettre un sacré coup de pied au derrière pour reprendre ma vie en main. « Aussi dur que cela puisse être, il faut parfois savoir tirer un trait sur le passé lorsque celui-ci n’est plus supportable, afin de repartir de zéro », me disais-je en prenant le large.

Sept longues années s’étaient ainsi écoulées entre ma découverte du Brésil en tant qu’étudiant et mon retour pour une mission professionnelle d’un an minimum. Absolument rien n’avait changé dans cette émotion profonde qui m’agitait en descendant de l’avion, lorsque je commençais à ressentir l’atmosphère chaude et humide du climat tropical, à voir tous ces taxis se bousculer pour m’accueillir à la sortie de l’aéroport international Galeão de Rio de Janeiro et, surtout, à entendre cette mélodie portugaise magique. Jamais je n’étais tombé amoureux aussi vite ; il fallait que ce soit d’une langue et non d’une femme. Mais quelle belle langue : le portugais et moi, cela avait été un véritable coup de foudre ! Pour mon premier séjour au Brésil, j’étais arrivé sans connaître la signification d’un simple bom dia ni même du fameux tudo bem. Rapidement conquis par les sonorités enivrantes autant que la gentillesse de la population, j’avais alors bossé dur pour pouvoir m’exprimer convenablement, enfermé pendant des heures dans ma chambre à apprendre la grammaire et le vocabulaire. En une semaine, je réussissais à communiquer, même si je n’utilisais que le présent ou encore beaucoup mes mains pour m’aider. En un mois, je me sentais déjà comme à la maison, profitant des nombreuses soirées pour parfaire les conjugaisons. En deux mois, j’étais totalement bilingue. Entre-temps, je m’étais en plus amouraché d’une Brésilienne qui me donnait des cours très particuliers, et ça, rien de tel pour apprendre toutes les subtilités d’une langue – sans mauvais jeu de mots. En six mois, soit à la fin du semestre, j’avais validé mes partiels en portugais avec brio. Puis j’étais retourné en France…

De beaux souvenirs d’étudiant, voilà ce qu’il me restait, puisque tout cela était loin derrière. À présent, j’y étais pour le travail en tant qu’ingénieur technico-commercial. J’espérais ne pas avoir tout oublié de mon portugais, car je n’avais plus ma Brésilienne de l’époque pour me donner d’éventuels cours de rattrapage. Non, j’étais maintenant épris d’une Française qui était restée dans notre ancien « chez-nous ». Sentimentalement, ce n’était plus la joie depuis un certain temps et, bien évidemment, mon départ n’arrangeait rien à l’histoire.

« L’amour est le problème des gens qui n’ont pas de problèmes » ; quel stupide adage, pensais-je en m’installant dans le taxi jaune pétant qui avait promptement déboulé. Comme si je n’avais pas de problèmes ! Après avoir tout quitté il y a quelques mois pour vivre à deux avec celle que j’avais tant aimée, je venais de tout quitter à nouveau pour vivre seul avec moi-même, en espérant me retrouver. Je commençais ainsi mon troisième job en moins de six mois, et il fallait le réussir, celui-là. Tout cela impliquait de supporter une relation à distance, de trouver un bel appartement au plus vite et pas loin de la mer, dans un quartier ni trop dangereux ni trop chic, puis de rencontrer des gens cool et de recréer un cercle d’amis… En somme, réapprendre à vivre et m’adapter à ma ville d’adoption. Bon, d’accord, ce sont peut-être des problèmes de riche, réalisais-je finalement en me les récitant. Il en restait pourtant un, primordial, et qui nous concerne tous : réussir à trouver enfin ce qui nous correspond dans la vie. Et d’ailleurs, cette fille en France, est-ce qu’elle me correspondait vraiment ? « On ne quitte pas du jour au lendemain quelqu’un qu’on aime pour aller vivre au Brésil. » Voilà des semaines que j’entendais cette phrase, on me la rabâchait jour et nuit comme pour me culpabiliser. Elle, ses potes, d’autres potes, elle de nouveau, mes potes, encore elle… « Non, on ne quitte pas… » Merde ! Il n’y avait rien de pire que me répéter cent fois la même chose pour me faire monter la moutarde au nez ; cette phrase me hantait et résonnait dans ma tête, au risque d’interférer avec ce que je gardais secrètement en moi.

« J’ai besoin que tu saisisses le paradoxe qui me tiraille : je t’aime de tout mon cœur, mais je n’arrive pas à vivre en France. Je me perds en restant dans cette vie médiocre et futile – et tu le remarques bien, notre couple qui était jadis resplendissant devient chaque jour un peu plus las. Alors, je te le demande : t’est-il possible d’accepter qu’il est important, pour moi mais aussi pour nous, que je suive mes rêves ; et ne vois-tu pas que j’aspire à rêver plus grand ? Comprends bien que cette attitude n’a rien d’égoïste ; ce qui serait égoïste serait de te forcer à venir avec moi, d’exiger que tu vives ta vie comme je l’entends. Ou que je vive ma vie comme tu l’entends. Pour l’instant, j’ai donc besoin de partir un an au Brésil afin de me retrouver, avant de te retrouver ensuite et de passer ma vie à tes côtés. Qu’est-ce qu’une toute petite année de séparation face à l’avenir radieux qui nous est promis ? Les moyens de communication modernes ou les vacances qu’on passera à deux nous permettront de tenir le coup. Surtout, je suis persuadé que la puissance de notre amour pourra surmonter cette distance et nous fera grandir ensemble… »

Si seulement j’avais réussi à lui tenir clairement ces propos, les choses ne se seraient sûrement pas passées de la même manière. « Faut être con pour ne pas le comprendre ! », pensais-je naïvement à l’époque. Rien à voir avec la bêtise, pourtant ; j’étais loin de maîtriser habilement la communication interpersonnelle, et lorsqu’on ne dit pas ce qu’on a en tête, les autres peuvent rarement le deviner, surtout s’ils ont besoin d’être rassurés. En hâtant mon départ de France, je n’avais pas mesuré à quel point j’avais brûlé tous mes vaisseaux, m’interdisant presque de revenir et donc de la revoir jamais. L’ivresse de la délivrance d’une situation intenable m’abandonna d’un coup à l’idée que, pour me retrouver libre tout entier, je m’étais amputé d’une moitié de moi-même. Et je me sentais à présent enchaîné au désir de la rejoindre sans aucune possibilité immédiate de l’assouvir…

« Oi amigo, para onde vamos ?! » Ah oui, le taxi s’impatientait pour savoir où m’emmener. Commençons par une petite auberge de jeunesse au bord de Copacabana, lui dis-je dans un portugais retrouvé. J’ai besoin de me détendre : les problèmes, on verra ensuite.

1. Cette expérience de voyage est relatée dans l’ouvrage Oser prendre une année sabbatique, sorti en juin 2018 aux éditions la Boîte à Pandore.

3. Des regrets à l’introspection

Quelques jours plus tard, tandis que je m’installais péniblement à Rio de Janeiro, tout s’est déroulé exactement comme on pourrait l’attendre lorsqu’on ne fournit pas les garanties nécessaires à sa petite amie pour vivre une relation à distance d’un an. À peine arrivé dans mon nouvel appartement, alors que la seule chose que je ne souhaitais pas perdre était ce contact avec elle, je me faisais vulgairement jeter pour un autre. « Je ne veux plus jamais te parler. » Elle coupa net la communication. Passé ce jour, il me fut impossible de ravoir une discussion avec elle. Si seulement j’avais réussi à lui dire avant ce que je pensais… Les regrets commençaient ainsi à apparaître : « Si seulement, ah si seulement… » Toutefois, sans cette rupture brutale, je réalise maintenant que je n’aurais peut-être jamais eu ledéclic, tout simplement. Ce fameux déclic qui allait changer ma vie. Enfin, je ne le voyais pas encore venir pour l’instant et j’étais loin de m’y attendre, alors je me répétais continuellement la même chose : « Si seulement j’avais réussi… »

Mais il fallait que je me ressaisisse pour ne pas plonger plus au fond du trou. Je savais que plus rien ne me convenait dans mon ancienne vie… Néanmoins, c’était à présent pire encore, et je ne pouvais m’empêcher de repenser au passé avec nostalgie : les années précédentes, tout ne semblait finalement pas si mal dans mon existence, non ? Entouré de cette personne que j’aimais, de mes amis proches, d’une famille attentionnée et avec un métier d’ingénieur reconnu, que pouvais-je demander de mieux, alors que je n’avais absolument plus rien de tout cela à présent ? Mais je me suis rappelé mon intuition qui, à l’époque, m’avait dit que ce n’était pas pour moi, que cette routine était meurtrière. Et c’était bien elle qui m’avait permis de réaliser que je ne pouvais pas me contenter de cette banalité, que j’en voulais plus. Oui, je me souvenais clairement de cette impression d’enfermement, captif d’une petite zone de confort qui n’avait rien de confortable ; d’une prison dorée dans laquelle l’existence défilait à toute vitesse, en pilotage automatique. C’était pour me retrouver que j’étais parti, mais je doutais maintenant de mon choix. J’avais l’impression de m’être éloigné encore un peu plus de la félicité tant recherchée. Aurait-il fallu que je reste et que je l’aime au prix de mon bonheur ? Non, cette curieuse intuition m’avait guidé ailleurs pour découvrir un nouveau sens à mon existence, et l’ayant suivie sans en mesurer les conséquences, je me retrouvais là, dans mon Brésil adoré qui me faisait à présent tant souffrir. Car la vie n’était pas si simple ici, tout seul, à Rio de Janeiro. Seul, dans mon petit appartement à la déco douteuse, au bord de la plage mais sans personne avec qui aller y prendre un bain de soleil. Dans cet appartement où je m’imaginais déjà la recevoir. Sans elle. Loin de mes amis et de ma famille. Dans un métier de commercial mal adapté à mon caractère.

Comme pour accentuer la douleur de cette rupture abrupte, les dates coïncident avec le moment où l’équipe de France a perdu en finale du Championnat d’Europe de football 2016… Ou plutôt, devrais-je dire, de notre Euro à la maison – même si je ne savais plus trop où était ma maison, tant mon cœur semblait en France et mon corps au Brésil. Mais mon cœur venait donc de se prendre un nouveau coup de poignard, lorsque Hugo Lloris ne s’était pas assez étendu sur la droite de son but à la 109e minute d’un match qui n’aurait jamais dû nous échapper… D’un match qui aurait dû voir André-Pierre Gignac devenir le héros de la finale et l’unique buteur, après son sublime crochet dans la surface adverse. Mais non, l’Histoire est parfois cruelle. Elle en avait décidé autrement : son tir puissant à bout portant s’était écrasé sur le poteau droit, tandis que la frappe lointaine et mollassonne d’un joueur portugais dont je tairais le nom à tout jamais avait trouvé le chemin des filets. Pardonnez cette digression footballistique aux soupçons de mauvaise foi, mais je disais donc que mon cœur souffrait. Il serait bien malvenu de comparer la fin d’une relation amoureuse avec la défaite d’un match de foot, mais lorsqu’on commence à s’enfermer dans la tristesse, tous les prétextes sont bons pour en rajouter une couche.

Il paraîtrait qu’il faut se perdre pour se trouver ; j’étais véritablement en train d’en faire l’expérience, sans le réaliser. Les situations pénibles mènent à la maturité, oui, c’est exactement cela, les souffrances mettent le doigt sur une région de soi-même qui doit changer, se transformer, mûrir.

4. Douleurs, plaisirs et remotivation

Pendant ce temps-là, le Brésil n’en avait que faire de l’Euro 2016, et moins encore de mon cas personnel : tous les regards étaient tournés vers les Jeux olympiques, qui devaient débuter à peine quelques semaines plus tard à Rio de Janeiro. Pour la première fois de ma vie, j’habitais dans la cité organisatrice du plus gros évènement sportif mondial, au moment où la compétition allait avoir lieu. Et je constatais avec effarement à quel point elle était en ébullition afin d’étaler sa promotion sur la scène internationale. À Rio, autoproclamée « ville merveilleuse », les superlatifs et les images toujours plus tape-à-l’œil se déversaient au quotidien à travers les nombreux reportages des chaînes de télévision nationales. L’occasion était trop belle pour les Cariocas d’en remettre en couche et de se faire encore un peu plus remarquer. Il régnait même chez les non-sportifs une certaine excitation. Le pays, qui avait pris l’habitude de ne vivre principalement que pour le football, accueillait ces jeux avec beaucoup de ferveur.

En véritable fan de sport et du dépassement physique, je m’apercevais que cet évènement avait le mérite de me distraire, et cela semblait être la seule éclaircie envisageable dans mon esprit obscurci. Mais pour moi, la célébration des Jeux olympiques à Rio de Janeiro marqua surtout une transition totalement inattendue : l’agitation régnant en ville allait libérer mes pires démons ! Dans cette folie ambiante, ce fut le début des excès en tout genre. Je suis ainsi passé par plusieurs étapes, sûrement classiques à une rupture, mais que j’allais expérimenter pour la première fois de ma vie. Tout d’abord, le soulagement. Une relation à distance était très difficile, je m’en étais rendu compte au bout de quelques jours seulement. Il m’avait déjà fallu faire beaucoup de concessions pour rester quotidiennement en contact avec elle, refuser plusieurs évènements pour passer des heures à s’engueuler au téléphone. Cependant, ce soulagement n’a duré qu’un court instant, le temps que le manque d’elle se propage en moi comme un puissant virus…

Très vite, je suis rentré dans une phase plus sombre. Je commençais à comprendre ce qu’il m’arrivait et n’avais plus envie de rien. Plus de force pour me réveiller le matin ni aller au travail, alors que j’avais de nouveaux objectifs professionnels élevés. Plus d’inspiration pour écrire non plus, alors que c’était ma passion. Même plus d’énergie pour faire du sport, alors que ça avait toujours été vital pour moi. Et pas grand monde à qui en parler : je venais d’arriver à l’autre bout de la planète et ne connaissais personne. Forcément, avec une telle énergie négative, difficile de faire de belles rencontres. La plupart de mes ennuis étaient la conséquence de ma vision du monde, pas la cause. Heureusement, je le réalisais progressivement et ne voulais pas rester à me morfondre.

Afin de sortir la tête de l’eau, je me faisais violence pour sortir de chez moi, ou plutôt fuir de ma chambre. Vint alors la phase d’abus en tout genre. Excès de travail, d’abord : après une adaptation compliquée, je pouvais maintenant rester plus de douze heures d’affilée au bureau, juste pour oublier la solitude qui m’attendait à la maison. Excès de sport, aussi : lorsque je finissais tôt, je m’entraînais pendant plusieurs heures le soir, un peu pour la même raison. Excès d’alcool, ensuite : je sortais faire la fête avec mes nouveaux amis et buvais plus que de raison, encore pour cette maudite même raison. Et excès de femmes, surtout : remède de façade pour noyer le manque d’un seul être. Bien évidemment, ces plaisirs éphémères ne faisaient que me rappeler à ma triste réalité le matin suivant.

Chaque fois que j’agissais de la sorte, j’avais l’impression de perdre mon temps. Le métro-boulot-dodo pouvait paraître plus excitant sur le papier à Rio de Janeiro, mais écarté des personnes aimées et dans cette phase nocive, ça lui ôtait tout son charme. « Tu vis la vie que la société veut de toi », pensais-je parfois, et cela m’effrayait au plus haut point. Trop d’Hommes se laissent aller au fil des émotions, des traditions ou des coutumes culturelles sans avoir jamais fait un vrai choix. Je ne serais pas l’un d’eux, embourbé dans ce cercle vicieux, privilégiant l’assouvissement des envies basiques et ayant bien du mal à s’élever à un niveau supérieur. Si l’on ne fait pas l’effort de libérer sa pensée, on n’arrive jamais à creuser dans ce qu’il y a au plus profond de soi. J’en étais convaincu, car j’étais en train de le vivre.

Comment étais-je tombé aussi bas, jusqu’à me perdre ? Et allais-je seulement réussir à me retrouver ? Je souffrais en silence, parfois je manifestais mon désarroi en pleurant ou en criant, mais la plupart du temps, j’étais seul avec moi-même… Jusqu’au moment où j’en ai eu assez ! N’est-ce pas affreux : il m’a fallu attendre d’avoir suffisamment souffert pour que j’envisage enfin de sortir de mon marasme et de me prendre en main. Doit-on tous passer par là ? Je ne pourrais me prononcer pour les autres, mais toujours est-il que pour moi, cette période d’introspection induite par la tristesse a été nécessaire pour m’entraîner vers un éveil de ma conscience. Petite précision qui a tout de même son importance : ce n’est pas la souffrance qui m’a fait grandir, mais ce que j’en ai fait. Esseulé, misérable, ayant perdu jusqu’à l’envie de me lever le matin ou de prendre soin de moi, j’ai été pris par un désespoir si fort qu’il m’a réveillé. Qu’étais-je donc en train de devenir ? Était-ce réellement cette image de moi que je souhaitais transmettre ? Il était temps d’arrêter de me cogner la tête encore et toujours face au même mur afin de retrouver un autre chemin de vie.

Pour autant, je n’étais pas plus avancé ! Je commençais à prendre conscience de mon trouble et réussissais enfin à en parler autour de moi pour chercher de l’aide. Je réalisais ainsi ce qui m’arrivait, mais ce déclic tardait vraiment trop à arriver… En fait, peut-être qu’il n’y en a pas eu. Peut-être qu’en analysant ma vie passée, je voulais le trouver un peu partout et nulle part à la fois. Pourtant, en toute objectivité, je sais qu’il n’est pas arrivé d’un seul coup ; un profond mal-être s’installait en moi alors que cela ne me ressemblait pas. Tiens, c’était peut-être juste ça, le déclic : le mal-être ! Enfin, ça, et une rencontre inattendue qui allait changer ma vie, car quelque chose s’est produit lorsqu’elle est apparue. Il était temps.

5. L’ouverture au changement

Elle, c’était Regina, une jolie Brésilienne de mon âge, souriante et attentionnée. Mais avec Regina, ce n’était pas le début d’une histoire d’amour pour oublier mon ex ; tout cela aurait été bien trop commun, et ça ne marche d’ailleurs jamais vraiment. Non, j’arrivais à présent à voir mon célibat comme une chance de reconnecter avec moi-même. Je comptais même profiter de ce temps où j’étais seul pour apprendre à mieux me connaître, et non pas fuir mon propre être en cherchant à combler un vide intérieur par la présence d’une personne à mes côtés. Ce terrain était plus que jamais propice au déclic.

Regina était une collègue de boulot, stagiaire en reprise d’études dans un tout autre service, que je côtoyais au bureau depuis quelques semaines sans trop vraiment la fréquenter. Toutefois, je la soupçonne aujourd’hui encore d’avoir capté à mon insu certaines conversations… Remarquant que je me posais toutes sortes de questions sur la vie, l’amour, le travail, le sens de mon existence – j’en passe et des meilleures –, c’est elle qui est venue à ma rencontre pour me fournir ce déclic, dans ce qui ressemblait pourtant à une journée banale à Rio de Janeiro. Peut-être hésitait-elle depuis plusieurs jours, ou avait-elle prémédité son coup ? J’ignore la réponse, et qu’importe ; elle avait donc choisi de venir discuter avec moi à ce moment-là, lors d’une matinée ensoleillée du mois de septembre, pendant la classique pause-café. Avec le recul, je ne pourrais jamais assez la remercier de m’avoir parlé de Gaia de Luz. Elle ne s’essaya même pas à me décrire l’endroit, et c’est tant mieux – comment décrire l’indescriptible ? Elle se contenta de me dire qu’une amie à elle organisait, sur un week-end, un évènement qui ne pouvait que me faire du bien. « Plus précisément, un atelier sur l’intelligence émotionnelle et l’éveil de la conscience, c’est-à-dire sur l’apprentissage de la maîtrise de ses émotions et l’accessibilité à un état de conscience amplifiée, plus ouvert sur ses actions ainsi que sur le monde, visant à atteindre le bonheur. » Rien que ça, pensai-je avec une pointe d’ironie. « Va à Gaia de Luz, ne tarde pas », avait-elle surenchéri malgré mes yeux dubitatifs, avant de préciser qu’elle aussi était passée par cette période assez négative où l’on se pose de nombreuses questions sans trop savoir à quoi se raccrocher… Et s’ouvrir sur ce lieu lui avait fait un bien fou, me disait-elle en guise de conclusion, avant de retourner devant son poste de travail.

Intelligence émotionnelle et éveil de la conscience, tout cela ne m’évoquait pas grand-chose. De retour face à mes dossiers de bureau, je me demandais même si je n’avais pas mal compris… Peut-être faisait-elle partie d’une secte ? Au début, je ne prêtai donc guère attention à ce qu’elle venait de me raconter, la pensant un peu allumée. J’avais besoin de temps pour digérer l’information. Je l’oubliai complètement et retournai ainsi à mes simples occupations. Ou plutôt, à mon spleen quotidien : réveil difficile et démotivé, trajet en bus agité qui frôlait chaque fois l’accident pour se rendre sur le lieu de travail, boulot ennuyeux, retour dans un bus bondé encore plus agité, bouffe dégueulasse, sommeil perturbé par ce bruit et cette chaleur. Les rares ouvertures sur le monde extérieur ? Zapping des émissions nationales ou recherches d’informations futiles sur les évènements marquants de l’actualité. Paresse totale depuis mon salon carioca, où rien ne m’intéressait lorsque je m’essayais à une reconnexion avec mon pays natal, si ce n’est le visionnage de matchs de foot aussi vides techniquement qu’intellectuellement.

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