Le Lapin de ma fille - Virginie Cailleau - E-Book

Le Lapin de ma fille E-Book

Virginie Cailleau

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  • Herausgeber: Ex Aequo
  • Kategorie: Krimi
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2021
Beschreibung

Entre agressions, menaces, et la disparition d’un lapin blanc, André Callemin, major de gendarmerie, ne sait plus où donner de sa tête.

Dans le paisible Marais Poitevin, un individu épie la si parfaite famille Canterel… Lorsque la femme de ménage de cette dernière est agressée lors d’un cambriolage atypique, le major de gendarmerie André Callemin soupçonne que le coupable n’est pas un client ordinaire. En effet pourquoi, dans une maison remplie d’objets de valeur, ne dérober qu’une collection de cartes postales chinoises du XIXème siècle et un lapin nain ? Un autre fait étrange est que la victime, vieille dame apparemment sans histoires, fréquentait un repris de justice violent mais très cultivé du nom de Timéo Méchaing, qui terrifie tous ceux qui croisent sa route. Lequel Méchaing a dis-paru dans la nature après avoir clamé qu’il était sur le point de faire fortune… Est-il l’auteur des menaces macabres que reçoit Béatrice Canterel ? Pourquoi celle-ci refuse-t-elle d’en parler à son mari et aux gendarmes ? Et qu’est devenue la jeune et jolie voisine de Méchaing ? De son côté, parallèlement à l’enquête, Aurélien Canterel remue désespérément ciel et terre pour rendre à sa fillette son lapin blanc adoré.

Une enquête suffocante qui vous tiendra en haleine jusqu'au dénouement final !

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Virginie Cailleau

Le lapin de ma fille

Roman policier

ISBN : 979-10-388-0117-2

Collection : Rouge

ISSN : 2108-6273

Dépôt légal : avril 2021

© couverture Ex Æquo

© 2020 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays

Toute modification interdite

Avertissement :

Prologue

Ce mois de mars était exceptionnellement doux dans le Marais Poitevin. Allongée sur une chaise longue installée au milieu de son jardin, un pichet de limonade et un verre posés à ses côtés dans l’herbe, Amélie Mouchet profitait de la renaissance du printemps. Elle regardait la danse acrobatique des libellules d’un bleu électrique au-dessus du courant placide de la conche qui s’étirait le long de sa maison. Les saules viviers se reflétaient dans le miroir aquatique, leurs branches alourdies de chatons vert tendre. Les insectes bourdonnaient et une bergeronnette émettait en boucle son petit chant strident. Amélie respira profondément le parfum de la végétation humide, frustrée de ne pas en tirer toute la relaxation et le plaisir simple qu’il lui avait toujours procurés. En effet, comme si elle n’avait pas déjà suffisamment de préoccupations, son chat Casanova n’était pas rentré ce matin. Certes il s’agissait d’un jeune minet aventureux qui tenait à passer toutes ses nuits à vadrouiller dehors, mais elle le trouvait toujours derrière la fenêtre de la cuisine le matin, réclamant qu’elle lui serve sa pâtée. C’était devenu un rituel auquel, jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais dérogé. La jeune femme ne parvenait donc pas à profiter pleinement des effluves de la nature et de ses sonorités apaisantes, guettant un miaulement ou une silhouette rousse se faufilant à travers la végétation.

Elle ne remarqua donc pas l’homme qui venait d’arriver dans son dos et s’était dissimulé derrière la haie de laurier clôturant deux côtés du jardin. Il écarta silencieusement les feuilles afin de l’observer. Et plus il détaillait ses jambes gainées dans un legging et sa poitrine généreuse qui pointait sous un pull léger, et plus la colère montait en lui. Pour qui se prenait-elle, cette pimbêche prétentieuse ? Certes, contrairement à lui, elle était diplômée et occupait un poste à responsabilités très bien rémunéré… Mais elle pourrait au moins se donner la peine de répondre à ses messages ! Il lui en avait tant envoyés qu’il ne se souvenait plus du nombre exact, et elle s’était contentée de le snober. Elle n’avait pas à se donner le droit de le mépriser aussi ouvertement. Il avait déjà commencé à se venger de façon cruelle, et peut-être s’en était-elle aperçu. Mais là il allait véritablement lui donner la leçon qu’elle méritait, la remettre à sa place, prendre ce qu’elle lui refusait… La battre jusqu’à ce qu’elle crie grâce, mais pas seulement. Il regarda autour de lui. La route qui longeait la maison était déserte. Il contempla de nouveau haineusement Amélie, fantasmant, anticipant ce qu’il s’apprêtait à lui faire subir. Près d’elle s’étalait un petit parterre de narcisses. Il l’imagina enterrée dessous, la bouche remplie de terre, sa belle chair blanche livrée aux insectes charognards. Les poings serrés, il écarta les lauriers pour pénétrer dans le jardin.

Chapitre 1

Ce mercredi d’avril, peu avant dix-huit heures, le Peugeot Partner de la gendarmerie de Frontenay-Rohan-Rohan passa devant le Grand Port du Vanneau situé sur la conche de la Belette ; encadré par un immense et majestueux saule pleureur et par une élégante passerelle métallique datant de 1900, celui-ci permettait d’accéder au vaste et complexe réseau hydraulique qui s’étendait sur trois côtés autour de ce village de la Venise Verte. Le véhicule dépassa une grande pompe à eau désaffectée et s’engagea dans la longue rue de la Belette, la plus orientale de l’agglomération et qui s’étirait le long de la Corde de la Belette à laquelle elle était reliée par de petits canaux transversaux. Cette voie présentait un aspect d’autant plus rustique que des roses trémières aux tons plus ou moins foncés poussaient librement sur ses bords. Elle desservait d’anciennes fermes dont les jardins étaient Majoritairement aménagés à l’arrière, dans l’espace les séparant du cours d’eau. Nombre de leurs murs étaient retenus par des croix de chaînage. De petits champs arborés s’ouvraient entre certaines d’entre elles.

Les gendarmes s’arrêtèrent à la suite d’une ambulance du SAMU garée devant un pavillon qui détonnait quelque peu, avec sa façade coquettement recouverte de pierres de parement couleur ocre ; de plus, le muret clôturant son luxuriant jardin frontal était surmonté d’un élégant croisillon en bois verni, au lieu du grillage privilégié par les demeures voisines. Une Mini Cooper argentée dernier modèle était stationnée dans la courette menant au garage, tandis qu’un vieux vélo rafistolé de partout était accroché à un arbuste par un antivol. Au moment où le Major André Callemin, l’adjudant-chef Martineau et l’adjoint Delouvet descendaient de leur véhicule, deux ambulanciers transportaient avec précaution une civière le long du chemin dallé reliant la large baie vitrée au portillon. Au-dessus de la couverture apparaissait le visage ridé d’une vieille dame dont les cheveux gris étaient maculés de sang. Une femme de petite taille, d’une cinquantaine d’années, habillée d’une robe à volants imprimée de motifs exotiques, marchait à côté. Sous une épaisse mousseline de bouclettes d’un noir de jais, son visage rond était livide et elle tremblait fortement.

Les militaires la rejoignirent et Martineau lui posa gentiment une main sur l’épaule. Elle les considéra d’un air quelque peu égaré, comme si elle doutait de la réalité de ce qu’elle vivait.

— Bonjour. Êtes-vous madame Béatrice Canterel ? s’enquit le Major.

— Bonjour… oui, excusez-moi… j’ai un peu de mal à comprendre… On voit ça dans les films, aux actualités, dans les émissions de faits-divers que regarde mon mari… Mais je ne croyais pas que ça tomberait sur nous ! Nous sommes des gens bien, nos voisins sont des gens bien, nous sommes dans un quartier paisible ! Qu’est-ce qu’on a fait pour que cette pauvre madame Vergnoux…

Et la maîtresse de maison de s’effondrer tandis que l’adjudant-chef, qui avait l’habitude, dégainait un paquet de Kleenex.

— Vous et votre époux n’êtes sûrement en rien responsables de ce drame, répondit Callemin. Est-ce grave ? demanda-t-il ensuite aux ambulanciers qui chargeaient la civière dans le véhicule du SAMU.

— Plutôt, oui ! répondit l’un d’eux. Elle présente des plaies contuses à la tête et ses signes vitaux sont faibles.

— C’est horrible ! Mais comment peut-on faire ça à une vieille dame ? s’indigna la femme entre deux sanglots, en triturant le petit crucifix en pierre de lune qui pendouillait dans son décolleté.

— Pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ? lui demanda Callemin tandis que l’ambulance démarrait.

— Je revenais de mon travail… c’était il y a à peu près une demi-heure… J’ai été très surprise de constater que la baie vitrée était ouverte, parce que madame Vergnoux s’enferme toujours à double tour quand elle est seule. Nous en plaisantions assez, en disant que la pauvre se rendait malheureuse en voyant le mal partout… Mais c’était elle qui avait raison !

— Au téléphone, vous avez bien précisé que cette dame est votre femme de ménage ? l’encouragea doucement Martineau en lui tendant un autre mouchoir.

— Oui, depuis plusieurs années. J’ai pensé qu’elle s’était enfin rangée à notre avis concernant la tranquillité du quartier. Alors je suis entrée…

— Par ladite baie-vitrée ?

— Oui. Et je l’ai trouvée allongée par terre sur le ventre, la bouche ouverte, du sang autour de la tête. J’ai cru qu’elle était morte ! C’était horrible ! Cette pauvre vieille femme ! Mais elle avait encore un pouls. Alors je l’ai mise en PLS et j’ai appelé le SAMU, puis vous, puis mon mari.

— Vous avez fait ce qu’il fallait, madame. Le gendarme Delouvet va consigner votre déposition pendant que nous jetterons un coup d’œil à l’intérieur. Savez-vous si quelque chose a été dérobé ?

— J’étais trop bouleversée pour faire attention. Et puis ce n’était pas le plus important ! J’étais uniquement préoccupée par l’état de madame Vergnoux… Je suis désolée !

— Ne vous excusez-pas, vous avez agi plus efficacement que la plupart des gens découvrant une personne inanimée.

Une Audi fit soudain irruption dans la rue, freina bruyamment et se gara de façon approximative derrière le Peugeot Partner. Un homme athlétique en bondit et se précipita pour prendre dans ses bras la maîtresse des lieux, laquelle sanglota de plus belle sur l’épaule de son costume d’excellente facture en lui annonçant que madame Vergnoux était dans le coma et que les infirmiers n’étaient guère optimistes quant au pronostic. Malgré son air affolé, il n’oublia cependant pas de serrer la main des gendarmes :

— Bonjour messieurs. Je m’appelle Aurélien Canterel. Je vous présente mes excuses pour cette arrivée en trombes, je vous jure que ce n’est vraiment pas dans mes habitudes. J’ai pris soin de respecter les limitations de vitesse malgré la situation. Mais vous devez comprendre mon émotion ! J’étais en réunion quand mon portable a sonné et, à ma grande inquiétude, c’était Béatrice. Elle m’informait que madame Vergnoux avait été agressée CHEZ NOUS ! J’ai paniqué ! C’est humain…

— Rassurez-vous, monsieur, notre priorité immédiate n’est pas de mettre des PV, répondit un Callemin aussi surpris qu’amusé malgré les circonstances. Pendant que votre épouse dicte sa déposition à notre adjoint, je vous propose de faire le tour des lieux afin de nous indiquer s’il manque quelque chose. N’oubliez pas de vérifier vos chéquiers, car c’est une astuce courante chez les cambrioleurs de ne prélever que un ou deux chèques au milieu du carnet, en pariant sur le fait que le propriétaire ne s’en apercevra pas et ne fera donc pas opposition.

— Euh, d’accord ! Ça ira, chérie ? demanda Canterel à sa femme.

Celle-ci acquiesça et, tout en se mouchant bruyamment, accompagna Delouvet jusqu’au Peugeot Partner.

La baie vitrée donnait sur un salon à l’aspect chaleureux, aux murs ornés d’aquarelles et parsemé de meubles en cuir ou en bois aux tons de miel. Des photos encadrées se dressaient sur plusieurs d’entre eux, montrant un jeune homme et une fillette à différents âges — seuls, ensemble ou en compagnie des époux Canterel. Une série d’empreintes terreuses, laissées par des chaussures d’hommes, se dirigeait vers une porte ouverte dans le fond de la pièce. Une flaque de sang s’étalait sur le carrelage blanc, à une dizaine de centimètres du bord d’un tapis persan.

— Au moins a-t-elle épargné votre beau tapis en tombant, ironisa Martineau afin de voir la réaction du maître des lieux.

— Une brave femme a été lâchement agressée et se trouve entre la vie et la mort, alors je me fiche comme d’une guigne de ce genre de détails ! s’agaça ce dernier.

Les mains sur les hanches, il regarda autour de lui et déclara :

— Tous les éléments du home cinéma sont présents et c’est bien ce qui a le plus de valeur dans cette pièce. Après, ils auraient peut-être été difficiles à déménager rapidement… Nos vases en faïence sont toujours là aussi, alors qu’ils ne sont pas donnés.

Il conduisit les gendarmes dans la cuisine, où il procéda à un inventaire rapide :

— Les cambrioleurs n’ont pas touché aux robots ménagers ni aux moules en silicone hors de prix que Béatrice a acheté dans des réunions Tupperware. Étrange, car ils auraient pourtant constitué un butin facile à écouler.

Il gagna ensuite son bureau :

— Mon ordi n’a pas bou… Non, mais j’y crois pas !!! Celui ou ceux qui ont fait ça ont pris les cartes postales de mon arrière-grand-mère !

— Pardon ? s’étonnèrent de concert les deux gendarmes, pensant avoir mal entendu.

— Les cartes postales que j’ai héritées de mon arrière-grand-mère, Verna Trafford ! Elles étaient dans un sous-verre accroché là, au-dessus de mon ordi !

— Ont-elles de la valeur ?

— Ben non ! Enfin, juste sentimentale. Mon arrière-grand-père les lui avait envoyées quand ils n’étaient encore que fiancés. Il était dans la marine marchande anglaise et était resté pendant deux ans à Shanghaï. Il vaut mieux ne pas se demander ce qu’il y a trafiqué, mais en tout cas il est revenu à Plymouth beaucoup plus riche qu’il n’en était parti… Bref ! Ma grand-mère a conservé ces cartes pour des raisons sentimentales, puis me les a données quand j’avais douze ans parce qu’elles me faisaient rêver. Vous comprenez, comme nous n’avions pas les moyens de voyager, j’adorais regarder ces gens d’une autre époque et d’une autre culture, photographiés alors qu’ils pratiquaient leurs activités quotidiennes. D’ailleurs, c’est là-bas que Béatrice et moi avons passé notre lune de miel… Excusez-moi, je m’égare ! Donc, je les avais disposées dans un sous-verre afin de les protéger. Sous-verre qui, ce matin encore, était accroché à ce mur ! À ce clou, là ! Ça n’a aucun sens !

— Oh, vous savez, on aura vu des cambrioleurs agir de façon plus irrationnelle que ça ! déclara Martineau.

Canterel vérifia rapidement que rien d’autre ne manquait dans son bureau, après quoi il passa à la chambre conjugale :

— J’étais persuadé que les bijoux de Béatrice auraient été volés, mais non ! s’étonna-t-il en ouvrant le coffret incrusté de nacre posé sur la commode. Bien sûr elle sera la seule à pouvoir vous le confirmer, mais, selon moi, il ne manque rien. Les boucles d’oreilles en perles de culture que je lui ai offertes pour son dernier anniversaire, le jonc en or acheté pour la fête des mères, le crucifix en vermeil hérité de sa grand-mère… Non, tout m’a l’air d’être là.

De plus en plus perplexe, le maître des lieux poursuivit par l’inspection de la pièce voisine :

— Ici c’est la chambre de notre fils Gaëtan. Son ancien ordi est là, tout comme son violon qu’il a soigneusement oublié d’emmener avec lui à la fac… Quitte à prendre mes cartes postales, ces individus auraient pu piquer aussi tous ses posters des joueurs du PSG. Je ne leur en aurais pas voulu… Pardonnez-moi cette tentative d’humour très malvenue, mais c’est un moyen de décompresser un peu.

— Pas de soucis, nous comprenons ! le rassura Callemin. Vous et votre femme avez vécu un grave traumatisme, et vous réagissez tous les deux très bien.

Aurélien Canterel poussa ensuite la porte d’une chambre dont le papier peint rose pâle était décoré de motifs de fleurs, d’oiseaux et de licornes. En dessous d’une grande affiche de La Reine des neiges, des étagères en bois blanc débordaient de peluches, de poupées et d’autres jouets. Sur la petite table de chevet assortie, le radio-réveil servait de patinoire aux figurines des héroïnes dudit dessin animé.

— Et là c’est la chambre de notre fille Maëlys… Oh non ! Non !!! Mon Dieu !!! Non !!!

Le père se précipita sur une grande cage dont la porte était ouverte et la souleva pour regarder entre les barreaux si, par miracle, son occupant n’était pas dissimulé dans les copeaux de litière. Après quoi il se mit à quatre pattes pour inspecter frénétiquement sous tous les meubles de la pièce. Enfin il se tourna vers les gendarmes, décomposé :

— Ces salauds ont volé Olaf ! S’il vous plait retrouvez-le ! C’est le lapin de ma fille, elle l’aime énormément. C’est son petit lapin blanc. Comment voulez-vous qu’on arrive à lui annoncer ça, quand elle rentrera après-demain de sa semaine de classe découverte en Normandie ?! Par pitié, retrouvez-le !

Chapitre 2

Après avoir prévenu la cellule d’identification criminelle de la brigade départementale des renseignements et d’investigation judiciaire de Niort, afin que des techniciens viennent effectuer les relevés de traces papillaires et autres prélèvements d’ADN, les trois gendarmes se livrèrent à une infructueuse enquête de voisinage : en effet, soit les occupants des demeures bordant la rue étaient absents au moment présumé des faits, soit ils n’avaient rien remarqué. Une fois ces investigations préliminaires terminées, ils repartirent pour Frontenay-Rohan-Rohan.

— Que vous inspire ce cambriolage-là, Delouvet ? interrogea Callemin pendant le trajet.

— Que c’est immonde d’agresser une vieille dame sans défense ! répondit l’adjoint, morose.

— Tout comme de voler un animal de compagnie, et notamment celui d’une fillette de dix ans. Mais ce n’était pas ma question. Par rapport à ce que vous avez déjà vu, objectivement, qu’est-ce qui a attiré votre attention ?

Assis à l’arrière du véhicule, le jeune homme regardait défiler le paysage sans vraiment le voir. Comme il pouvait détester ce travail alimentaire — surtout depuis que sa petite amie l’avait quitté ! Lui qui avait suivi un cursus d’Histoire de l’Art pour faire carrière dans l’univers de la beauté et de la quintessence du génie humain, voilà qu’il était confronté à des scènes de crime sanglantes, à des vieilles dames lâchement assommées, de même qu’au désarroi et à la détresse de femmes aussi sympathiques que Béatrice Canterel ! Il repensa à ce moment où il s’était retenu de justesse de poser la main sur l’épaule de celle-ci pour la réconforter… Il sentait encore les effluves de son parfum de vanille Bourbon qui flottaient dans l’habitacle. Comme le Major tapotait impatiemment sur la vitre, il fit un effort pour répondre :

— Ben, il n’y avait pas d’effraction ?

— Tout juste. Et donc ?

— La victime a ouvert à son agresseur ?

— Ou alors elle a laissé la baie vitrée ouverte et il en a profité.

— Sauf que, d’après madame Canterel, madame Vergnoux s’enferme toujours à double tour.

— Exact. La première hypothèse semble plus crédible que la deuxième. Si elle a ouvert à son agresseur, alors… ?

— Elle le connaissait ?

— Ou il lui a inspiré confiance.

— D’après madame Canterel elle est vraiment très méfiante. Elle voit le danger partout.

— Les événements d’aujourd’hui lui donnent raison. Cependant, on n’est jamais assez méfiant. Souvenez-vous du fameux « pas en arrière » d’Albert de Salvo !

— Pour que je m’en souvienne, il faudrait déjà que je sache qui c’est ! maugréa Delouvet.

— Vous regarderez sur internet, intervint Martineau qui n’avait pas envie que le Major leur impose un cours exhaustif sur l’Étrangleur de Boston.

— Qu’avez-vous remarqué d’autre ? poursuivit Callemin. Qu’est-ce qui vous a sauté aux yeux quand vous êtes entré dans cette maison ?

L’adjoint réfléchit, tentant de se souvenir de ses premières impressions tout en regrettant que la route soit si longue jusqu’à Frontenay-Rohan-Rohan…

— Je me sentais presque soulagé, parce que ça ne ressemblait pas à ce qu’on voit d’habitude, finit-il par exprimer. Je veux dire, il n’y avait pas d’objets renversés et cassés, pas de tiroirs arrachés et d’armoires ouvertes avec leur contenu répandu par terre, pas d’urine ou d’excréments, ce genre de choses. Seulement les traces de pas boueuses.

— Tout à fait ! Heureusement qu’il a plu ce matin. Et je suis d’accord avec vous qu’il est rarissime qu’un cambrioleur ne dévaste pas le domicile de ses victimes. Là, on avait l’impression que seuls le lapin nain et les cartes postales anciennes avaient été précisément ciblés, au détriment de nombreux biens de valeur. À première vue, ça n’a aucun sens.