Le Malade imaginaire - Molière - E-Book

Le Malade imaginaire E-Book

Moliere

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Beschreibung

Ungekürzte und unbearbeitete Textausgabe in der Originalsprache, mit Übersetzungen schwieriger Wörter, Nachwort und Literaturhinweisen. Verszählung wie in der gedruckten Ausgabe aus Reclams Roter Reihe.

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Seitenzahl: 135

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Molière

Le Malade imaginaire

Comédie en trois actes

Herausgegeben vonMonika Schlitzer

Reclam

 

2013 Philipp Reclam jun. GmbH & Co. KG, Stuttgart

Gesamtherstellung: Reclam, Ditzingen

Made in Germany 2017

RECLAM ist eine eingetragene Marke

der Philipp Reclam jun. GmbH & Co. KG, Stuttgart

ISBN: 978-3-15-960190-8

ISBN der Buchausgabe: 978-3-15-009217-0

www.reclam.de

Inhalt

Le Malade imaginaire

Editorische Notiz

Literaturhinweise

Nachwort

[3] Le Malade imaginaire

[4] Acteurs

ARGAN, malade imaginaire

BÉLINE, seconde femme d’Argan

ANGÉLIQUE, fille d’Argan, et amante de Cléante

LOUISON, petite fille d’Argan, et sœur d’Angélique

BÉRALDE, frère d’Argan

CLÉANTE, amant d’Angélique

MONSIEUR DIAFOIRUS, médecin

THOMAS DIAFOIRUS, son fils, et amant d’Angélique

MONSIEUR PURGON, médecin d’Argan

MONSIEUR FLEURANT, apothicaire

MONSIEUR BONNEFOY, notaire

TOINETTE, servante

La scène est à Paris.

[5] Acte premier

Scène première

ARGAN(seul dans sa chambre assis, une table devant lui, compte des parties d’apothicaire avec des jetons; il fait, parlant à lui-même, les dialogues suivants). Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Trois et deux font cinq. «Plus, du vingt-quatrième, un petit clystèreinsinuatif, préparatif, et rémollient, pour amollir, humecter, et rafraîchir les entrailles de Monsieur.» Ce qui tue plaît de Monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont toujours fort civiles: «les entrailles de Monsieur, trente sols». Oui, mais, Monsieur Fleurant, ce n’est pas tout que d’être civil, il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente sols un lavement: Je suis votre serviteur, je vous 1’ai déjà dit. Vous ne me les avez mis [6] dans les autres parties qu’à vingt sols, et vingt sols en langage d’apothicaire, c’est-à-dire dix sols; les voilà, dix sols. «Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l’ordonnance, pour balayer, laver, et nettoyer le bas-ventre de Monsieur, trente sols.» Avec votre permission, dix sols. «Plus, dudit jour, le soir, un julephépatique, soporatif, et somnifère, composé pour faire dormir Monsieur, trentecinq sols.» Je ne me plains pas de celui-là, car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize et dix-sept sols, six deniers. «Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec sénélevantin, et autres, suivant l’ordonnance de Monsieur Purgon, pour expulser et évacuerla bile de Monsieur, quatre livres.» Ah! Monsieur [7] Fleurant, c’est se moquer; il faut vivre avec les malades. Monsieur Purgon ne vous a pas ordonné de mettre quatre francs. Mettez, mettez trois livres, s’il vous plaît. Vingt et trente sols. «Plus, dudit jour, une potionanodine et astringente, pour faire reposer Monsieur, trente sols.» Bon, dix et quinze sols. «Plus, du vingtsixième, un clystère carminatif, pour chasser les vents de Monsieur, trente sols.» Dix sols, Monsieur Fleurant. «Plus, le clystère de Monsieur réitéré le soir, comme dessus, trente sols.» Monsieur Fleurant, dix sols. «Plus, du vingt-septième, une bonne médecine composée pour hâter d’aller, et chasser dehors les mauvaises humeurs de Monsieur, trois livres.» Bon, vingt et trente sols: je suis bien aise que vous soyez raisonnable. «Plus, du vingt-huitième, une prise de petit-laitclarifié, et dulcoré, pour adoucir, lénifier, [8]tempérer, et rafraîchir le sang de Monsieur, vingt sols.» Bon, dix sols. «Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoard, sirops de limon et grenade, et autres, suivant l’ordonnance, cinq livres.» Ah! Monsieur Fleurant, tout doux, s’il vous plaît; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade: contentez-vous de quatre francs. Vingt et quarante sols. Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Soixante et trois livres, quatre sols, six deniers. Si bien donc que de ce mois j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements; et l’autre mois il y avait douze médecines, et vingt lavements. Je ne m’étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l’autre. Je le dirai à Monsieur Purgon, afin qu’il mette ordre à cela. Allons, qu’on m’ôte tout ceci. Il n’y a personne: j’ai beau dire, on me laisse toujours seul; il n’y a pas moyen de les arrêter ici. (Il sonne une sonnette pour faire venir ses gens.) Ils n’entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin: point d’affaire. Drelin, drelin, drelin: ils [9] sont sourds. Toinette! Drelin, drelin, drelin: tout comme si je ne sonnais point. Chienne, coquine! Drelin, drelin, drelin: j’enrage. (Il ne sonne plus mais il crie.) Drelin, drelin, drelin: carogne, à tous les diables! Est-il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul? Drelin, drelin, drelin: voilà qui est pitoyable! Drelin, drelin, drelin: ah, mon Dieu! ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin.

Scène II

Toinette. Argan.

TOINETTE(en entrant dans la chambre).  On y va.

ARGAN. Ah, chienne!, ah, carogne …!

TOINETTE(faisant semblant de s’être cogné la tête). Diantre soit fait de votre impatience! vous pressez si fort les personnes, que je me suis donné un grand coup de la tête contre la carne d’un volet.

ARGAN(en colère).  Ah! traîtresse …!

TOINETTE(pour l’interrompre et l’empêcher de crier, se plaint toujours en disant).  Ha!

ARGAN. Il y a …

TOINETTE. Ha!

ARGAN. Il y a une heure …

[10]TOINETTE. Ha!

ARGAN. Tu m’as laissé …

TOINETTE. Ha!

ARGAN. Tais-toi donc, coquine, que je te querelle.

TOINETTE. Çamon, ma foi! j’en suis d’avis, après ce que je me suis fait.

ARGAN. Tu m’as fait égosiller, carogne.

TOINETTE. Et vous m’avez fait, vous, casser la tête: l’un vaut bien l’autre; quitte à quitte, si vous voulez.

ARGAN. Quoi? coquine …

TOINETTE. Si vous querellez, je pleurerai.

ARGAN. Me laisser, traîtresse …

TOINETTE(toujours pour l’interrompre).  Ha!

ARGAN. Chienne, tu veux …

TOINETTE. Ha!

ARGAN. Quoi? il faudra encore que je n’aie pas le plaisir de la quereller.

TOINETTE. Querellez tout votre soûl, je le veux bien.

ARGAN. Tu m’en empêches, chienne, en m’interrompant à tous coups.

TOINETTE. Si vous avez le plaisir de quereller, il faut bien que, de mon côté, j’aie le plaisir de pleurer: chacun le sien, ce n’est pas trop. Ha!

ARGAN. Allons, il faut en passer par-là. Ôte-moi ceci, [11] coquine, ôte-moi ceci. (Argan se lève de sa chaise.) Mon lavement d’aujourd’hui a-t-il bien opéré?

TOINETTE. Votre lavement?

ARGAN. Oui. Ai-je bien fait de la bile?

TOINETTE. Ma foi! je ne me mêle point de ces affaires-là: c’est à Monsieur Fleurant à y mettre le nez, puis-qu’il en a le profit.

ARGAN. Qu’on ait soin de me tenir un bouillon prêt, pour l’autre que je dois tantôt prendre.

TOINETTE. Ce Monsieur Fleurant-là et ce Monsieur Purgon s’égayent bien sur votre corps; ils ont en vous une bonne vache à lait; et je voudrais bien leur demander quel mal vous avez, pour vous faire tant de remèdes.

ARGAN. Taisez-vous, ignorante, ce n’est pas à vous à contrôler les ordonnances de la médecine. Qu’on me fasse venir ma fille Angélique, j’ai à lui dire quelque chose.

TOINETTE. La voici qui vient d’elle-même: elle a deviné votre pensée.

Scène III

Angélique. Toinette. Argan.

ARGAN. Approchez, Angélique; vous venez à propos: je voulais vous parler.

ANGÉLIQUE. Me voilà prête à vous ouïr.

[12]ARGAN(courant au bassin).  Attendez. Donnez-moi mon bâton. Je vais revenir tout à l’heure.

TOINETTE(en le raillant).  Allez vite, Monsieur, allez. Monsieur Fleurant nous donne des affaires.

Scène IV

Angélique. Toinette.

ANGÉLIQUE(la regardant d’un œil languissant, lui dit confidemment).  Toinette.

TOINETTE. Quoi?

ANGÉLIQUE. Regarde-moi un peu.

TOINETTE. Hé bien! je vous regarde.

ANGÉLIQUE. Toinette.

TOINETTE. Hé bien, quoi, Toinette?

ANGÉLIQUE. Ne devines-tu point de quoi je veux parler?

TOINETTE. Je m’en doute assez, de notre jeune amant; car c’est sur lui, depuis six jours, que roulent tous nos entretiens; et vous n’êtes point bien si vous n’en parlez à toute heure.

ANGÉLIQUE. Puisque tu connais cela, que n’es-tu donc la première à m’en entretenir, et que ne m’épargnes-tu la peine de te jeter sur ce discours?

TOINETTE. Vous ne m’en donnez pas le temps, et vous [13] avez des soins là-dessus qu’il est difficile de prévenir.

ANGÉLIQUE. Je t’avoue que je ne saurais me lasser de te parler de lui, et que mon cœur profite avec chaleur de tous les moments de s’ouvrir à toi. Mais dis-moi, condamnes-tu, Toinette, les sentiments que j’ai pour lui?

TOINETTE. Je n’ai garde.

ANGÉLIQUE. Ai-je tort de m’abandonner à ces douces impressions?

TOINETTE. Je ne dis pas cela.

ANGÉLIQUE. Et voudrais-tu que je fusse insensible aux tendres protestations de cette passion ardent qu’il témoigne pour moi?

TOINETTE. À Dieu ne plaise!

ANGÉLIQUE. Dis-moi un peu, ne trouves-tu pas, comme moi, quelque chose du Ciel, quelque effet du destin, dans l’aventureinopinée de notre connaissance?

TOINETTE. Oui.

ANGÉLIQUE. Ne trouves-tu pas que cette action d’embrasser ma défense sans me connaître est tout à fait d’un honnête homme?

[14]TOINETTE. Oui.

ANGÉLIQUE. Que l’on ne peut pas en user plus généreusement?

TOINETTE. D’accord.

ANGÉLIQUE. Et qu’il fit tout cela de la meilleure grâce du monde?

TOINETTE. Oh! oui.

ANGÉLIQUE. Ne trouves-tu pas, Toinette, qu’il est bien fait de sa personne?

TOINETTE. Assurément.

ANGÉLIQUE. Qu’il a l’air le meilleur du monde?

TOINETTE. Sans doute.

ANGÉLIQUE. Que ses discours, comme ses actions, ont quelque chose de noble?

TOINETTE. Cela est sûr.

ANGÉLIQUE. Qu’on ne peut rien entendre de plus passionné que tout ce qu’il me dit?

TOINETTE. Il est vrai.

ANGÉLIQUE. Et qu’il n’est rien de plus fâcheux que la contrainte où l’on me tient, qui bouche tout commerce aux doux empressements de cette mutuelleardeur que le Ciel nous inspire?

[15]TOINETTE. Vous avez raison.

ANGÉLIQUE. Mais, ma pauvre Toinette, crois-tu qu’il m’aime autant qu’il me le dit?

TOINETTE. Eh, eh! ces choses-là, parfois, sont un peu sujettes à caution. Les grimaces d’amour ressemblent fort à la vérité; et j’ai vu de grands comédiens làdessus.

ANGÉLIQUE. Ah! Toinette, que dis-tu là? Hélas! de la façon qu’il parle, serait-il bien possible qu’il ne me dît pas vrai?

TOINETTE. En tout cas, vous en serez bientôt éclaircie; et la résolution où il vous écrivit hier qu’il était de vous faire demander en mariage est une prompte voie à vous faire connaître s’il vous dit vrai, ou non: c’en sera là la bonne preuve.

ANGÉLIQUE. Ah! Toinette, si celui-là me trompe, je ne croirai de ma vie aucun homme.

TOINETTE. Voilà votre père qui revient.

[16] Scène V

Argan. Angélique. Toinette.

ARGAN(se met dans sa chaise). Ô çà, ma fille, je vais vous dire une nouvelle, où peut-être ne vous attendez-vous pas. On vous demande en mariage. Qu’est-ce que cela? vous riez. Cela est plaisant, oui, ce mot de mariage; il n’y a rien de plus drôle pour les jeunes filles: ah! nature, nature! À ce que je puis voir, ma fille, je n’ai que faire de vous demander si vous voulez bien vous marier.

ANGÉLIQUE. Je dois faire, mon père, tout ce qu’il vous plaira de m’ordonner.

ARGAN. Je suis bien aise d’avoir une fille si obéissante. La chose est donc conclue, et je vous ai promise.

ANGÉLIQUE. C’est à moi, mon père, de suivre aveuglément toutes vos volontés.

ARGAN. Ma femme, votre belle-mère, avait envie que je vous fisse religieuse, et votre petite sœur Louison aussi, et de tout temps elle a été aheurtée à cela.

TOINETTE(tout bas).  La bonne bête a ses raisons.

ARGAN. Elle ne voulait point consentir à ce mariage, mais je l’ai emporté, et ma parole est donnée.

[17]ANGÉLIQUE. Ah! mon père, que je vous suis obligée de toutes vos bontés.

TOINETTE. En vérité, je vous sais bon gré de cela, et voilà l’action la plus sage que vous ayez faite de votre vie.

ARGAN. Je n’ai point encore vu la personne; mais on m’a dit que j’en serais content, et toi aussi.

ANGÉLIQUE. Assurément, mon père.

ARGAN. Comment! l’as-tu vu?

ANGÉLIQUE. Puisque votre consentement m’autorise à vous pouvoir ouvrir mon cœur, je ne feindrai point de vous dire que le hasard nous a fait connaître il y a six jours, et que la demande qu’on vous a faite est un effet de l’inclination que, dès cette première vue, nous avons prise l’un pour l’autre.

ARGAN. Ils ne m’ont pas dit cela; mais j’en suis bien aise, et c’est tant mieux que les choses soient de la sorte. Ils disent que c’est un grand jeune garçon bien fait.

ANGÉLIQUE. Oui, mon père.

ARGAN. De belle taille.

ANGÉLIQUE. Sans doute.

ARGAN. Agréable de sa personne.

ANGÉLIQUE. Assurément.

ARGAN. De bonne physionomie.

ANGÉLIQUE. Très bonne.

[18]ARGAN. Sage, et bien né.

ANGÉLIQUE. Tout à fait.

ARGAN. Fort honnête.

ANGÉLIQUE. Le plus honnête du monde.

ARGAN. Qui parle bien latin, et grec.

ANGÉLIQUE. C’est ce que je ne sais pas.

ARGAN. Et qui sera reçu médecin dans trois jours.

ANGÉLIQUE. Lui, mon père?

ARGAN. Oui. Est-ce qu’il ne te l’a pas dit?

ANGÉLIQUE. Non vraiment. Qui vous l’a dit à vous?

ARGAN. Monsieur Purgon.

ANGÉLIQUE. Est-ce que Monsieur Purgon le connaît?

ARGAN. La belle demande! il faut bien qu’il le connaisse, puisque c’est son neveu.

ANGÉLIQUE. Cléante, neveu de Monsieur Purgon?

ARGAN. Quel Cléante? Nous parlons de celui pour qui l’on t’a demandée en mariage.

ANGÉLIQUE. Hé! oui.

ARGAN. Hé bien, c’est le neveu de Monsieur Purgon, qui est le fils de son beau-frère le médecin, Monsieur Diafoirus; et ce fils s’appelle Thomas Diafoirus, et non pas Cléante; et nous avons conclu ce mariage-là ce matin, Monsieur Purgon, Monsieur Fleurant et moi, et, demain, ce gendreprétendu doit m’être amené par son père. Qu’est-ce? vous voilà tout ébaubie?

[19]ANGÉLIQUE. C’est, mon père, que je connais que vous avez parlé d’une personne, et que j’ai entendu une autre.

TOINETTE. Quoi? Monsieur, vous auriez fait ce desseinburlesque? Et avec tout le bien que vous avez, vous voudriez marier votre fille avec un médecin?

ARGAN. Oui. De quoi te mêles-tu, coquine, impudente que tu es?

TOINETTE. Mon Dieu! tout doux: vous allez d’abord aux invectives. Est-ce que nous ne pouvons pas raisonner ensemble sans nous emporter? Là, parlons de sangfroid. Quelle est votre raison, s’il vous plaît, pour un tel mariage?

ARGAN. Ma raison est que, me voyant infirme et malade comme je suis, je veux me faire un gendre et des alliés médecins, afin de m’appuyer de bons secours contre ma maladie, d’avoir dans ma famille les sources des remèdes qui me sont nécessaires, et d’être à même desconsultations et des ordonnances.

TOINETTE. Hé bien! voilà dire une raison, et il y a plaisir à [20] se répondre doucement les uns aux autres. Mais, Monsieur, mettez la main à la conscience: est-ce que vous êtes malade?

ARGAN. Comment, coquine, si je suis malade? si je suis malade, impudente?

TOINETTE. Hé bien! oui, Monsieur, vous êtes malade, n’ayons point de querelle là-dessus; oui, vous êtes fort malade, j’en demeure d’accord, et plus malade que vous ne pensez: voilà qui est fait. Mais votre fille doit épouser un mari pour elle; et, n’étant point malade, il n’est pas nécessaire de lui donner un médecin.

ARGAN. C’est pour moi que je lui donne ce médecin; et une fille de bon naturel doit être ravie d’épouser ce qui est utile à la santé de son père.

TOINETTE. Ma foi! Monsieur, voulez-vous qu’en amie je vous donne un conseil?

ARGAN. Quel est-il ce conseil?

TOINETTE. De ne point songer à ce mariage-là.

ARGAN. Hé la raison?

TOINETTE. La raison? C’est que votre fille n’y consentira point.

ARGAN. Elle n’y consentira point?

TOINETTE. Non.

ARGAN. Ma fille?

TOINETTE. Votre fille. Elle vous dira qu’elle n’a que faire de Monsieur Diafoirus, ni de son fils Thomas Diafoirus, ni de tous les Diafoirus du monde.

[21]ARGAN. J’en ai affaire, moi, outre que le parti est plus avantageux qu’on ne pense. Monsieur Diafoirus n’a que ce fils-là pour tout héritier; et, de plus, Monsieur Purgon, qui n’a ni femme, ni enfants, lui donne tout son bien, en faveur de ce mariage; et Monsieur Purgon est un homme qui a huit mille bonnes livres de rente.

TOINETTE. Il faut qu’il ait tué bien des gens, pour s’être fait si riche.

ARGAN. Huit mille livres de rente sont quelque chose, sans compter le bien du père.

TOINETTE