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Violence. Violence ordinaire d’une vie en train de se faire. Violence des premières et des dernières fois. D’une vie en train de se défaire en somme. Puis ce malaise qui enfle, qui vous saisit le corps, vous ravit le souffle même. Comme un lierre insatiable qui grimpe et qui se resserre.
Violence des souvenirs et de l’attente toujours relancés, toujours ressassés. De nos saisons qui se chevauchent.
Alors on court sans savoir où aller. D’espoir et d’amours adolescentes on se gratte jusqu’au sang. En fin de compte on s’épuise. L’engourdissement.
Violence, aussi, de l’échappée. S’exposer à la rencontre, ses blessures et son outrage, sa lucidité. Violence d’une joie et d’une colère inentamées, au pouvoir inaugural. Dépassant les mirages de l’insignifiance et du surplomb, aller hors de soi, s’oublier. Au risque de se trouver.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alexandre Poncin livre une poésie intime de l’évènement, ouverte à la rencontre. Attentive au temps, soucieuse du commun, sa parole souvent se fait vive : elle est aussi bien appel que confidence. Plusieurs de ses poèmes ont été publiés, notamment dans les revues
Cairns (n°28),
Traction-Brabant (n°93, 96), Lichen (n°62, 63, 70),
L’ours dansant (n°4, 12). Son travail s’élabore et se partage sur son site internet : alexandrepoemes.fr.
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Seitenzahl: 32
Alexandre Poncin
Le Malaise et l’Échappée
Pour Pierre, l’ami incendiaire. Ton amitié et ta peinture m’ont remis au travail.
Première partie
Le Malaise
I. 1
Du corps, du souffle
Peupliers
« Est-ce le train qui s’emballe
ou bien mon asthme qui me porte au vent ? »
Au-devant d’une réponse j’appris
mon anti-leçon sous le patronage
de peupliers alignés tout au long du voyage
que rien ne froisse insensibles
aux concrétions hâtives des bords de route
dans l’étalage bouillonnant du bitume
Je suivis à grand-peine le rythme savant
de leurs feuilles-plumes et je l’avoue
je jalousais parfois leurs déhanchements aquatiques
leurs nuques brisées sous les rafales
Dès lors réponse parvenue
tant inadéquate que suffisante
je troquai volontiers mes hoquets méditatifs
pour réciter, poumons sifflant,
l’apophtegme inspiré du spectacle
de ces coulures humides et verticales
« Oui, l’amour vainc tout. »
Cela sonna si bien
dans ma bouche fissurée d’aphtes
et si la gare d’arrivée se trouvait si loin encore
presque irréelle
j’avais au moins acquis le sérieux lombard
d’une allée de peupliers
Vent (I)
Si j’étais à moi –
sous ma peau d’homme
entre deux éclairs sciatiques, le vent,
– je serais à toi
Béton-et-nature
Béton-et-nature
l’interface de mon être
vivier du malaise
Tonnerre et fracas
Ces vapeurs brûlantes qui viennent caresser
les aspérités de ma gorge
s’engouffrent dans la colonne d’épouvante
Je trace des rides dans l’herbe froide
tirant une latte vicieuse
le sang s’abat sur mes tempes
Malaise : tonnerre et fracas le long des rails
Parmi les fougères…
Parmi les fougères imbues, cadavre,
longue bûche de chair flambée, pesante,
ça tranche sans concession dans le réel
L’envers du décor à s’en crever les yeux
Explosion du bizarre
bouche ouverte de la Géhenne
au beau milieu d’un bois, dans mon salon
Planté comme un arbre moi seul le vois
moi seul
la pluie fait un vacarme moi seul l’entends
moi seul
Des nouvelles
Je vous donnerais bien volontiers
des nouvelles de l’hypnose
une fois la pelote déroulée
Pour l’heure
présence minimale
longueur d’onde
interminable
Je vous donnerais bien volontiers
de nouvelles doses
une fois la boucle bouclée
Pour l’heure
absences répétées
hébétude
assurée
Vent (II)
Le souffle du vent
me rappelle à chaque instant
mon corps comme obstacle
Léviathan
L’époque n’est plus aux grands navires
gigantesques Léviathans
qui, masses sereines,
conservent leur élan
Dans des rafiots solitaires
esquifs et autres brindilles
des mutins en galère
bien loin de leurs rives
Voici les vaisseaux sans couleurs
souples et sans lourdeur
que la roche souvent écharpe
Cruelle liberté qu’on arrache !
Nuit paresseuse
Nuit paresseuse
Les wagons tremblent
et je tremble dans les wagons
Un jour lisse se prépare
et je me prépare en silence
Vouloir
L’ascétique voyeur, satyre émasculé
Qui goûte aux vertiges en s’épargnant la chute
Des lourds membres roidis, que l’amour a expiés,
Déchargés de la haine, émaciés dans la lutte,
Défie l’anesthésiste : il veut l’intégrité,
L’intellection ardente, érigée en sain culte.
Consacré par la flamme, innocente ire brute
Sectateur du désir et spectateur gracié,
Les tourments sont pour lui des volutes exquises,
D’âcres accents de soufre, excitant sa mainmise.
Il brûle sans noircir, lui, l’apôtre pervers
Dont la main d’albâtre jouit sans y toucher,
Jetant le mauvais œil, car il a contemplé,
– Vouloir immaculé – le monde et ses viscères.
Revue
Au réveil passe en revue
l’assiduité des membres
défroisse les cuisses
graniteuses et froides
Toucher méticuleux :
forgé des matières les plus dures
le plus cassant
Formidable vacarme intime
somme d’épreuves accumulées
dans la nudité d’une chambre
Si le poids du monde
ne me brise
c’est qu’une partie du crâne
détrempe de l’écume nébuleuse
Se trouve plus à consentir