Le Misanthrope - - Molière - E-Book

Le Misanthrope E-Book

Moliere

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Beschreibung

Alceste hait l'humanité tout entière, en dénonçant l'hypocrisie, la couardise et la compromission. Mais il aime Célimène, jeune veuve coquette et médisante. Il est aimé d'Arsinoé, la prude, et d'Éliante, la sincère.

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Personnages

ALCESTE : amant de Célimène

PHILINTE : ami d’Alceste.

ORONTE : amant de Célimène.

CÉLIMÈNE.

ÉLIANTE : cousine de Célimène.

ARSINOÉ : amie de Célimène.

ACASTE : marquis.

CLITANDRE : marquis.

BASQUE : valet de Célimène.

UN GARDE de la maréchaussée de France.

DUBOIS : valet d’Alceste.

La scène est à Paris, dans la maison de Célimène.

Sommaire

Personnages

Acte I

Scène I

Scène II

Scène III

Acte II

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Acte III

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Acte IV

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Acte V

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Acte I

Scène I

Philinte, Alceste.

PHILINTE

Qu’est-ce donc ? qu’avez-vous ?

ALCESTE, assis.

Laissez-moi, je vous prie.

PHILINTE

Mais encore, dites-moi, quelle bizarrerie…

ALCESTE

Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.

PHILINTE

Mais on entend les gens au moins sans se fâcher.

ALCESTE

Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.

PHILINTE

Dans vos brusques chagrins je ne puis vous comprendre,

Et, quoique amis enfin, je suis tout des premiers…

ALCESTE, se levant brusquement.

Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers.

J’ai fait jusques ici profession de l’être ;

Mais, après ce qu’en vous je viens de voir paraître,

Je vous déclare net que je ne le suis plus,

Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus.

PHILINTE

Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte ?

ALCESTE

Allez, vous devriez mourir de pure honte ;

Une telle action ne saurait s’excuser,

Et tout homme d’honneur s’en doit scandaliser.

Je vous vois accabler un homme de caresses,

Et témoigner pour lui les dernières tendresses ;

De protestations, d’offres, et de serments,

Vous chargez la fureur de vos embrassements ;

Et, quand je vous demande après quel est cet homme,

À peine pouvez-vous dire comme il se nomme ;

Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant,

Et vous me le traitez, à moi, d’indifférent.

Morbleu ! c’est une chose indigne, lâche, infâme,

De s’abaisser ainsi, jusqu’à trahir son âme ;

Et si, par un malheur, j’en avais fait autant,

Je m’irais, de regret, pendre tout à l’instant.

PHILINTE

Je ne vois pas, pour moi, que le cas soit pendable ;

Et je vous supplierai d’avoir pour agréable

Que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt,

Et ne me pende pas pour cela, s’il vous plaît.

ALCESTE

Que la plaisanterie est de mauvaise grâce !

PHILINTE

Mais sérieusement que voulez-vous qu’on fasse

ALCESTE

Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur

On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.

PHILINTE

Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie,

Il faut bien le payer de la même monnaie,

Répondre comme on peut à ses empressements,

Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.

ALCESTE

Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode

Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;

Et je ne hais rien tant que les contorsions

De tous ces grands faiseurs de protestations,

Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,

Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,

Qui de civilités avec tous font combat,

Et traitent du même air l’honnête homme et le fat.

Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,

Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,

Et vous fasse de vous un éloge éclatant,

Lorsqu’au premier faquin il court en faire autant ?

Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située

Qui veuille d’une estime ainsi prostituée,

Et la plus glorieuse a des régals peu chers,

Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :

Sur quelque préférence une estime se fonde,

Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde.

Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,

Morbleu ! vous n’êtes pas pour être de mes gens ;

Je refuse d’un cœur la vaste complaisance

Qui ne fait de mérite aucune différence ;

Je veux qu’on me distingue, et, pour le trancher net,

L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait.

PHILINTE

Mais, quand on est du monde, il faut bien que l’on rende

Quelques dehors civils que l’usage demande.

ALCESTE

Non, vous dis-je, on devrait châtier sans pitié

Ce commerce honteux de semblants d’amitié.

Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre

Le fond de notre cœur dans nos discours se montre,

Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments

Ne se masquent jamais sous de vains compliments.

PHILINTE

Il est bien des endroits où la pleine franchise

Deviendrait ridicule, et serait peu permise ;

Et parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,

Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.

Serait-il à propos, et de la bienséance,

De dire à mille gens tout ce que d’eux on pense ?

Et, quand on a quelqu’un qu’on hait ou qui déplaît,

Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ?

ALCESTE

Oui.

PHILINTE

Quoi ! vous iriez dire à la vieille Émilie

Qu’à son âge il sied mal de faire la jolie,

Et que le blanc qu’elle a scandalisé chacun ?

ALCESTE

Sans doute.

PHILINTE

À Dorilas, qu’il est trop importun ;

Et qu’il n’est, à la cour, oreille qu’il ne lasse

À conter sa bravoure et l’éclat de sa race ?

ALCESTE

Fort bien.

PHILINTE

Vous vous moquez.

ALCESTE

Je ne me moque point.

Et je vais n’épargner personne sur ce point.

Mes yeux sont trop blessés, et la cour et la ville

Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile ;

J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,

Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font ;

Je ne trouve partout que lâche flatterie,

Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ;

Je n’y puis plus tenir, j’enrage ; et mon dessein

Est de rompre en visière à tout le genre humain.

PHILINTE

Ce chagrin philosophe est un peu trop sauvage.

Je ris des noirs accès où je vous envisage,

Et crois voir en nous deux, sous mêmes soins nourris,

Les deux frères que peint l’École des Maris,

Dont…

ALCESTE

Mon Dieu ! laissons là vos comparaisons fades.

PHILINTE

Non : tout de bon, quittez toutes ces incartades.

Le monde par vos soins ne se changera pas :

Et, puisque la franchise a pour vous tant d’appas,

Je vous dirai tout franc que cette maladie,

Partout où vous allez, donne la comédie ;

Et qu’un si grand courroux contre les mœurs du temps

Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.

ALCESTE

Tant mieux, morbleu ! tant mieux, c’est ce que je demande.

Ce m’est un fort bon signe, et ma joie en est grande.

Tous les hommes me sont à tel point odieux,

Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux.

PHILINTE

Vous voulez un grand mal à la nature humaine.

ALCESTE

Oui, j’ai conçu pour elle une effroyable haine.

PHILINTE

Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,

Seront enveloppés dans cette aversion ?

Encore en est-il bien, dans le siècle où nous sommes…

ALCESTE

Non, elle est générale, et je hais tous les hommes,

Les uns, parce qu’ils sont méchants et malfaisants,

Et les autres, pour être aux méchants complaisants,

Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses

Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.

De cette complaisance on voit l’injuste excès,

Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès.

Au travers de son masque on voit à plein le traître ;

Partout il est connu pour tout ce qu’il peut être ;

Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci

N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.

On sait que ce pied-plat, digne qu’on le confonde,

Par de sales emplois s’est poussé dans le monde,

Et que par eux son sort, de splendeur revêtu,

Fait gronder le mérite et rougir la vertu ;

Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,

Son misérable honneur ne voit pour lui personne :

Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,

Tout le monde en convient, et nul n’y contredit ;

Cependant sa grimace est partout bienvenue ;

On l’accueille, on lui rit, partout il s’insinue ;

Et, s’il est, par la brigue, un rang à disputer,

Sur le plus honnête homme on le voit l’emporter.

Têtebleu ! ce me sont de mortelles blessures,

De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;

Et parfois il me prend des mouvements soudains

De fuir dans un désert l’approche des humains.

PHILINTE

Mon Dieu ! des mœurs du temps mettons-nous moins en peine,

Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;

Ne l’examinons point dans la grande rigueur,

Et voyons ses défauts avec quelque douceur.

Il faut, parmi le monde, une vertu traitable ;

À force de sagesse, on peut être blâmable ;

La parfaite raison fuit toute extrémité,

Et veut que l’on soit sage avec sobriété.

Cette grande raideur des vertus des vieux âges

Heurte trop notre siècle et les communs usages ;

Elle veut aux mortels trop de perfection :

Il faut fléchir au temps sans obstination ;

Et c’est une folie à nulle autre seconde,

De vouloir se mêler de corriger le monde.

J’observe, comme vous, cent choses tous les jours,

Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours ;

Mais, quoi qu’à chaque pas je puisse voir paraître,

En courroux, comme vous, on ne me voit point être ;

Je prends tout doucement les hommes comme ils sont,

J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ;

Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,

Mon flegme est philosophe autant que votre bile.

ALCESTE

Mais ce flegme, monsieur, qui raisonne si bien,

Ce flegme pourra-t-il ne s’échauffer de rien ?

Et s’il faut par hasard, qu’un ami vous trahisse,

Que, pour avoir vos biens, on dresse un artifice,

Ou qu’on tâche à semer de méchants bruits de vous,

Verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux ?

PHILINTE