Le privilège du Phénix - Yasmina Khadra - E-Book

Le privilège du Phénix E-Book

Yasmina Khadra

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Beschreibung

Le Privilège du Phénix ; Ce roman paru en 1989 sous le vrai nom de Yasmina Khadra, Mohammed Moulessehoul, revient à l’actualité littéraire qui a porté l’auteur à la célébrité internationale avec notamment, a quoi rêvent les loups ? et son écrit autobiographique l’écrivain. Le récit à pour cadre, l’Algérie aux premières années de la conquête coloniale. Il se construit sur une énigme du personnage Flen qui n’a plus que ses pas errants à travers le pays déstructuré, Liaz un nain, s’emploie à lui faire retrouver la dignité du nom. Le lecteur familier de l’écriture photographique de Khadra retrouvera, dans cette odyssée du tragique et du beau, la langue allégorique de Moulessehoul.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, est né le 10 janvier 1955, en Algérie. Deux ans après l’indépendance de son pays, son père le confie à l’école militaire des Cadets. Il avait 9 ans. Après 36 ans d’armée, il prend sa retraite, en 2000, avec le grade de commandant, pour se consacrer entièrement à la littérature. Dans un entretien au Monde des Livres, il révèle que derrière l’identité féminine empruntée, composée des deux prénoms de son épouse, en hommage aux femmes algériennes, se cache un homme. Dans "L’écrivain", paru en 2001, le mystère est entièrement dissipé. Il acquiert rapidement une consécration et une renommée internationale. "Morituri", qui initie la série des romans noirs du commissaire Brahim Llob, à Alger, le révèle au grand public. A travers plusieurs romans, il illustre également "le dialogue de sourds qui oppose l’Orient et l’Occident". Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Yasmina Khadra est traduit en trente deux langues.

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Veröffentlichungsjahr: 2021

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MohamedMoulessehoul

LEPRIVILÈGEDUPHÉNIX

roman

CHIHABÉDITIONS

Collectiondirigéepar RachidMOKHTARI

DUMÊMEAUTEUR

Houria (Enal, 1984)

Amen ! (Enal, 1984)

LaFilledupont (Enal, 1985)

ElKahira, LaCelluledelamort(Enal, 1986)

Del’autrecôtédelaville (l’Harmattan, 1988)

MohammedMoulessehoulapublié, soussonpseudonyme — YasminaKhadra — Ledingueaubistouri (Alger, 1990 ; Flammarion, 1999) ; LaFoire (Alger, 1993) ; Morituri (1997) ; DoubleBlanc (1997) ; L’Automnedeschimères (1998) auxÉditionsBaleine ; etLesAgneauxduSeigneur (1998) ; Àquoirêventlesloups (1999) ; L’Écrivain (2001) ; L’Imposturedesmots (2002) ; LesHirondellesdeKaboul (2002) auxÉditionsJulliard.

© ChihabÉditions, 2002

ISBN : 978-9961-63-489-9

Dépôtlégal : 1503/2002

Présentation

Errantàtraverslepays, auxpremièresannéesdelaconquêtecoloniale, Flen, « Untel » ceper­son­nagesansnom, sanstoit, sansfamille, sansrepèrea, pourtant, toutel’immensitédel’Algériesursespas. Aprèsavoirperdusafidèleamie, Sainte-Heureuse, unemulequicomprenaitsasoli­tude, iltraversedesvillagesnus, àpeinesil’onysoup­çonneuneombredevie. Lesterressontlivréesàl’appétitvoracedelacolonisation. Unjour, ilfaitlarencontred’unnain, Llazpersonnaged’incom­p­létudescommelui. Flenlerejettevio­lem­ment, maislenains’accrochemalgrétouteslesmisèresqueluifaitsubirceluiqu’ilappelleavecdérision « l’anonyme ». Ilsuitsoncompagnond’infortuneàlatrace. EntreFlendéfaitdesonidentitéetlenaindifformenaîtunecomplicitéaguerrieàleurconditiondesous-être. Ilsneces­sentdemarcher, marcher, leurseuleidentitéiti­nérante.

Derrièrel’aspectbourruetviolent, voireanti­pathiquedecesdeux « compères » d’infortunesquinecessentdesehaïr, desedonnerlechangeenproposexécrables, sedevine, sesentuneinfinietendresse, uneréserved’humanismeàtouteép­reuve. Flenabeaujouerdespoings, crachersonfielverbalsurlafacedumondeetsurlesêtresqu’ilrencontresursonchemin, cemisanthrope — ainsiaime-t-ilsedéfinir — nepeut, malgrécettecara­pacedehaine, d’indifférenceetdemépris, cacherunmalprofondquilerongeetfaitdeluiungros­­sierpersonnagefaçonnéauxbrutalités. Llazquire­surgitchaquefoisaudétourd’unsentierenfaitsaraisondevivre. Ilobservedesesyeuxdegre­­nouillecetêtrequirepoussel’amitié, réprimetouteémo­tion. Ce « demi-coït » — ainsil’asur­nomméFlen — ytrouvesapassion. Samission : percerlemystèredeFlenpourennoblirenquel­quesortesoninfirmité. Cetêtredifformeveutprou­verquesoncœurn’estpourriendanssadifformité. Ilbatetestcapabledesentir, d’aimer, depleurer, devivretoutsimplement, toutbon­nement.

L’histoiredeceromanestfortement, profon­démentancréedanslemystèredelagénéalogie, desenseignementssurlesensdel’humain, del’ami­­tié, del’honneur, delavérité ; uneleçonma­gi­s­traled’humilité, d’autantquecesva­leursuni­­­versellesquisont, enfait, lesvéritableshérosdeceromandetouchepédagogique, sedé­ploientdanslecontextecolonial.

L’amitié, pourLlaz, n’estpasunvainmot. IlsefaitarrêterpourêtrefidèleàFlen, lesauverdesonanonymat. Etilréussit. Ilorganisesadésertionaprèsunenuitaucoursdelaquelle « Untel » retrouve, commed’instinct, sonidentité. IlenlaceLlaz. Aucoursdeleurfuite, Flentueungardienetluiprendsonarme. Llazestgrièvementblessé. Flennes’enestaperçuqu’aupetitmatin. Troptard. MaisLlaznelâchepasprise. IlpousseFlenàreconquérirson « moi » etlalégitimitéd’unnomperdu :

« Cepaysnet’appartiendrajamais, luidit, Llaz, carlesnotairesexigentlalégitimitédel’héri­tier, et « Flen » cetteappellationvéreusequetuarboresgauchementcommeunbât, n’ariend’unepièceàconviction. T’enrends-tucompte ? Hélas, j’endoute… Mêmesitumarchaismilleans, tun’iraisjamaisbienloin. Tuauraisl’impressiondetournerdetournerenrondcommeunchienquiessaiedemordresaqueue […] Etsurtatombe, hontedetonpeuple, unepancarteviergepour­rira… unepancarteaussidénuéedesensqu’un « flen » estdépourvud’importance » Quellebelleleçond’histoire ! Llazrenaîtàlavie, àsonidéalatteintdanslamortmême. Pourlapremièrefois, Flendit : « Jem’appelle…, jesuisfilsde… »

GrâceàLlaz, laconsciencedeFlen, quis’éteintauhautdelamon­tagnedanslerêvederevoirlamer, Flenredevienthumainetretrouvesadignité. Ilva, renaissantdescendresdesonanonymat, affronterleCaïdetsauverl’honneurdeSamèrereine, celuidel’Algérie. Dansceromanallé­go­rique, destructuredialogique, sedécèlel’humourdeYasminaKhadraquicontraste, toujours, auxsituationsextrêmesqueviventsespersonnages. « Jeleslaisseparleretparfoisilsmeprécèdentdansmesproprespensées. Jenesaissijesuiscapabledelessatisfaire ».

LE PRIVILÈGE DU PHÉNIX

ÀAmal, mafemme

1

Leventsoufflaitsurlaterrerocailleuse, soule­vantdemugissantsnuagesdepoussière. Onn’yvoyaitpasplusloinqueleboutdesyeux. Desmorceauxdebuissonsdesséchésroulaientlelongdescheminsescarpés, butaientcontrelesrochers ; quelquefois, ilss’envolaienttrèshautdansleciel. Despierresdégringolaientsurletalusavantdeseperdredanslarumeurdessalveseffrénées. Detempsàautre, leventsemblaitsecalmer, ensuite, sanscriergare, destornadessurgissaientpar-delàlesrochers, etledélugeocrereprenait. Unchiententadehurlerdanslatempête ; ilselimitaàcou­rirseréfugierdansunegrotte, lespoilshérissésetlesyeuxrouges.

Lestorrentsdepoussièremolestaientsauvage­mentlehautdelacolline, arrachantlesraresfor­mesdevégétationquelesoleildesregsavaitdepuislongtempsincendiées. Ilscognaientsurlesmamelons, bataillaientaumilieudessentiers, s’écar­­­­telaientsurlesgrandsrochersets’engouf­fraienttumultueusementdanslescorridorsdesval­­lées. Partoutlesrideauxdesabledressaientleurféroceopacité, cachantcielethorizon. Unpréludeapocalyptiqueinfligeaitaudésertunairsinistre. Ilsemblerait, encettepartiedumonde, quelafindel’uni­versgermaitdéjà. Pasuncorbeau, pasunseulchacaln’osaits’aventurerau-dehors.

Loin, trèsloin, parintermittence, deuxtémé­rairessilhouettesavançaientdanslatempête… Unhommeetunebourrique.

L’hommeétaitenveloppédansunlourdman­teaunoirdéchiqueté. Ilétaitpiedsnus. Sonvisageétaitcamouflésousuneécharpecrasseuse. Sesyeux plissés — deuxpetitesfentesàpeinepercep­ti­bles — scrutaientopiniâtrementlesalentours. Ilmar­chait, rageusement, lecorpsinclinépourmieuxaffronterlesrafales.

Labourriqueétaitefflanquée. Elleparaissaitexté­nuée, pourtant, elleavançait. Lesflancscriblésdegrainsdesableetdefragmentsdecailloux. Pourtoutbât, elleportaituncurieuxballuchonsévèrementficelé.

L’hommes’arrêtaausommetd’unravin. Ilcrutdiscernerquelquechosedanslelointainetrétrécitdavantagesespaupières. Latempêtel’empêchaitdedétermineravecexactitudel’objetdesonatten­tion. Ilrestalongtempsàsonderlesopacités. Sou­dain, unéclairzébralefonddesesprunelles.

Ilseretournaverssabêteetluicriapresque :

— Courage, Sainte-Heureuse… Ilyaundouarjustederrièrecettecarrurerocheuse.

Ilsautasurunsentierdechèvre, lesmainssurlevisagepourseprotégerlesyeux.

— Viens, Sainte-Heureuse, noussommepres­quearrivés.

Labourriquehésita, avançaprécaution­neu­se­mentunepatte, reculaetconsidéralesentieravecunepointedelassitude.

Labourriquenel’écoutapas. Ellerebroussache­­min, setraînajusquesousuneespècededol­menetselaissachoirdansunangleoùl’impé­tuo­sitéduventétaitmoindre.

L’hommemontraunedirectiond’undoigtnoi­râtre :

— Puisquejetedisqu’ilyaundouarnonloind’ici… Onytrouveradel’eauetdelanourriture. Peut-êtremêmeuneencoignured’écuriepournousrepo­ser. Jesais, tuestropfatiguée, maisonestarrivé. Ondormiraautantquetuvoudras, jetelepromets… Allons, Sainte-Heureuse, nefaispasdechichipourl’amourduCiel. Onnevapasmourirdesoifjusteaumomentoùl’onvientd’atteindrelarivière.

Labourriquesepelotonnadanssoncoinetl’ignora.

L’hommesefrappalesmainscontresesgenouxetallalarejoindre. Illafixaavecunemouecour­roucée, dodelinadelatêteetfinitparselaisserchoiràcôtéd’elle.

— Jecomprendsfinalementpourquoionvoustraitedebourriques.

Labêtedormaitdéjà.

Unpeuplustard, latempêtesecalma. Leventsecontentadesifflerdanslescorridorsdesvallées. Ilchangeasubitementdedirectionetfilaverslesud. Lesrideauxdepoussièresedéchirèrentavantdes’effriter. Seulsquelquessursautsdetornadecon­tinuèrentvainementd’inquiéterlereg. Laru­meurdesrafaless’égosillapar-cipar-là, segar­garisaaufonddesgrottesetdescrevassespuisellemou­rutbrutalementcommelecrid’unechimèrefou­droyéeparlesdieux.

Lecielsemontra, immaculé. Unénormesoleilbrûlait. Lavierepritsoncours : uncoupledecor­beauxtournoyapar-dessuslacollineenpoussantdescroassementsdissonants. Lechiengalopaitsansseretourner, quatreredoutableschacalsàsestrousses ; ilslerattrapèrentbienviteetlebous­culèrentdansunravin. Unefamilledelézardsémer­geaonnesaitd’où, s’activantaumilieudela pierraille. Unépaisscorpion, ledardenavant, seha­sardadansuntroupendantqu’unevipèreàcorneshypnotisaitsavammentunesourisgras­souil­­lette.

L’hommeseredressa. Unelourdecouchedepous­sièreluicascadalelongducorps. Ils’épous­setabruyamment, donnaunpetitcoupdepieddanslacroupedelatêteetrepritlesentierdechèvre.

Labourriquelesuivitàcontrecœur. D’unpasindolent.

Levillage, auloin, ressemblaitàunfatrasdebizarreries. Solitaire, dansl’immensitédudé­sert, il évoquaitlesvestigesdequelqueantiquecitésou­­dainressuscitée, arborantplusd’insolencequed’enchantement. Troisdromadairessurgisdunéantsepoussaientdédaigneusementsurunche­min. Unânesemitàbrairedanslachaleurinclé­mente, réveillantunekyrielledefrissonschezSainte-Heureuse, quiagitaseslonguesoreilleslép­reuses.

L’hommes’arrêtapourmieuxobserverlevil­lage. Sonregardblaséseheurtaàunamasdetaudisqueparcheminaitunetoiledevenellestor­tueuses. Illocalisaleminaretd’unemosquéecrou­lante ; uneplaceoùgrouillaitdéjàuneribambelledegosses ; vituntroupeaudechèvresbrouterlesolingrat, unbergermalingrejouantavecsongourdin ; ensuite, àl’ombred’unemurailleébré­chéeunetroupedevieillardsentraindesemor­fondreensilence.

— Tuparlesd’unpaysdecocagne ! grommelal’hommeenrajustantsonécharpeautourdelatête.

Labourriquetraversaleseuildudouard’unpasimpassible. Pourelle, touteslescitésseressem­blent. Partoutoùelles’aventure, enenfercommeauparadis, elledemeuretoujourslamêmetristeetmalodorantebêtedesomme. LesproblèmesdesHu­mainsnelaconcernentpas. Ellenecouveniespoir, niambition. Ellenevitpas ; ellenefaitqu’exister.

Ellegrimpasuruntertre, n’octroyantaurestedumondequ’uneprofondeindifférence.

Unchienrouxsurgitàcôtéd’elle, lecoutendudansunchapeletd’invectives. Ellelelaissaaboyer, l’enjambaetpoursuivitsoninstinct, nullementim­­pressionnée.

Unefemmeapparutsurleperrond’untaudis. Ellevitl’hommeets’éclipsad’uncoup. L’hommericana, considéraunmomentlaportederrièrela­quelles’étaitretiréelapudiquecréatureavantd’em­­­boîterlepasàsatête.

Ilpassadevantlatroupedevieillardssanslasaluer. Unedizainedepairesd’yeuxledétaillaavecmépris. Quelquesmurmureschevrotantscom­men­­­­­tèrentsonmanquedecivismeetundiscretgosierl’envoyaaudiable.

Ilyavaituneespècedecafé, justeaumilieude laplace ; unebâtisseoùsemêlaientl’audaceetl’inadvertance. Lesmursétaientgondolésd’uncôté, concavesdel’autre, avecuntoitprécaireetuneporteaussigrotesquequ’uneboucheédentée. Troishommesnoirseteffiléssirotaientleurthéàl’ombred’unmuletteigneux. Ilslevèrentunœilbienveillantsurl’inconnu ; œilquisedétournarapidementsouslagrimacepeuconformeàlabien­séancedel’étranger.

L’hommeentradanslecafé, sabourriqueder­rièrelui.

L’intérieurrappelaitunrepairedebrigands. Toutyinspiraitlanoirceur, sinonl’effroi. Unefamilledetablesencorejamaisimaginéesvoisinaitavecunetribudechaisesbizarroïdes — unmé­langedebancsetdetabourets — quiferaitindis­cutablementlebonheurd’unantiquaireenfaillite. Deshommesbavardaienttranquillement. Ilsseturentpourregarderl’étranger. Cedernierlesigno­rait. Sursonvisageaustère, uneimmenseaver­sionsuintait.

Aufondducafé, commejaillissantd’unecer­velledéfectueuse, trônaituncomptoirinvrai­sem­blable. Derrière, unfezrougesurlatête, lecafetieroffraitlefacièsblafardd’unsous-alimenté.

Unetablelibresommeillaitdansuneencoi­gnure.

L’étrangerl’occupaetinvitasabour­riqueàsejoindreàlui.

Leshommesenrestèrentbouchebée.

Sousleregardsignificatifd’uncolossalindi­vidu, lecafetiersehâtad’intervenir :

— Étranger… onn’admetpasd’ânedanscecafé,

L’inconnulefoudroyad’unœildevautour.

— Cen’estpasunâne… c’estunebourrique.

Lecafetierdéglutit. L’autreluiinspiraitunesortedeterreur. Ilavalaconvulsivementunelarmedesaliveetinsista :

— C’estquandmêmeunâne. Etici, onneveutpasd’âne.

— Ahoui ? maugréal’inconnuenregardantostensiblementautourdelui. Pourtantilyauntasd’ânesici… Ilyenamêmeunquimetientunlangagepeufavorableàsasanté.

Lecafetierdiscernauneflammemeurtrièredansleregarddel’inconnu. Ilrentralatêteentrelesépaulesetastiquafurieusementsoncomptoirenmarmonnantsonmécontentement.

Lesautresseremirentàsiroterleurthéafindefuirl’insupportableregarddel’étranger.

Lecolossalindividusegrattalabarbe, nesa­chantpluss’ildevaitcherchernoiseoulaissertom­ber. Commeildevaitêtreréputédangereuxauxalentours, laconsciencedesacélébritél’emportasursasagesse.

Ilbarrit :

— Çaveutdirequoi, toninsinuation, incon­nu ? Qu’est-cequeçaveutdire : « Pourtantilyauntasd’ânesici » ?

Unrictussardoniquesurleslèvres, l’étrangermontrasabêtedupouce.

Ildit :

— C’estunebourriquecertes, maislesânesnel’intéressentpas. Elleleurpréfèreleschevaux.

Unnaintoutdifforme, avecunegrossetêteaufrontproéminent, fitentendreunrirecorrosifdefarfadet. Rirequifreinanet, sousl’œilvoraceducafetier.

Lecolossalindividuneparutpasavoircompris. Cependant, leriredunainflattasonflairdebagar­reur. Ilrepoussasachaisepoursemettreàl’aiseetlança :

— Jen’aimepaslesdevinettes. C’estvrai, jesuisunpeudurdelacervelle, maisc’estàcausedelafermetédemesbiceps. Unjour, j’aiassomméundromadaired’unseulcoupdepoing.

L’étrangers’adressaaucafetier :

— Unthépourmoietunetassed’eaupourSainte-Heureuse.

Lecafetiernesaisitpas.

L’étrangerluiexpliqua :

— Sainte-Heureuse, c’estcettedame.

— Jeneserspaslesbourriques. Jenesuispastombésibas, moi.

— Unthéetunetassed’eau… etqueçasaute !

Ceton ! Ilyavaitdequoiintimiderlesbour­rasques.

Lecafetierobtempéraenbonsoldat. Illesser­vit, attardaunregardhaineuxsurlabêteetfilas’abriterderrièresoncomptoir.

L’étrangerpritleverreentredeuxdoigtsfaus­sementdélicats, miralebreuvage, ricanaetavalaunegorgéeenclappantdeslèvres.

Ilditaucafetier :

— Es-tubiensûrd’avoirsurveillélathéière ?

Lecafetiernedaignapasrépondre.

L’autreajouta :

— Onracontequelescanassonsaimentfaireleurpetitbesoindanslesthéières.

Lesautresn’enrevenaientpas. Plusilsobser­vaientl’étranger, plusilsluitrouvaientunaircom­p­lè­te­mentdément. Rapidement, ilsaffichèrentunemouehostileàsonregardets’apprêtèrentàlemépriser.

Lecolossalindividuneselimitapasàimitersesvoisins. Iljugeaitnécessaire, voired’uneimpor­tancecapitale, decorrigerl’insolent.

— Tut’appellescomment, étranger ?

— Flen, jetadistraitementl’inconnu.

Lecolossefronçadessourcilsahuris. Uncom­pagnontapotasatemped’undoigt.

— Laisse-leAntar, tuvoisbienquec’estunsonné.

— CommentçaFlen ? C’estunnom, cettecuriosité ?

Commel’autrenerépondaitpas, Antarconti­nua :

— Cheznous, onappelleFlenquelqu’unquin’existepasvéritablementoubienpourparlerd’unepersonneindéterminée. OnditFlenpourdire « Untel ».

L’étrangersirotasonthé, aussisourdqu’hermé­tique.

Antars’aperçutqu’ilparlaitdanslevide. Celal’exaspéra. Ilsetrémoussasursachaiseettonna :

— Benquoi, étranger, es-tudevenumuet ?

L’étrangersepenchasurl’oreilledesabête, luichuchotaquelquechoseenmontrantAntard’unpoucemoqueur, parutmarchanderensuite, rele­vantlatête, ilébauchaunegrimacenavréeetdit :

— Jesuisdésolé. Sainte-Heureuserejettetesavances.

— Maisquoi ? Non, maisqu’est-cequec’estquececharabia, lesgars ? s’écriaAntar, enpre­nantlesautresàtémoins. J’aidéjàvudessonnés, maisdecetacabitjamais. Vouscomprenezquel­quechoseàsoncirque, vous ?

— Laissetomber, cen’estqu’unsimpled’es­prit.

Puiscefutlesilence.

Toutlemondereplongeadanssonverredethéetsetut. Onsecontentadeleverunœilfuyantsurl’inconnuetonlelaissatranquille.

Seullenaincontinuaitdelecontempler, lespru­­nellespétillantesd’extase.

Certainsquittèrentlecafé ; ilsrevinrentavecunetribudecurieux. Lecafédisparuttoutàcoupdansunefouledegensvenuevoirl’étrangeétran­ger. Onsebousculaitsilencieusementdevantlecomptoir ; onfeignaitdebavarderavecleshom­mesattablés. Quelques-unsallèrentjusqu’àfairesemblantd’étudierleschaises. Toutcemondeobservaitencatiminilacréatureassisedanslecoin, unebourriquedeboutàcôtéd’elle. Mêmequel­quescentenairess’étaientdérangés. Onlesvoyaitquiluttaientpoursefrayerunpassagedanslacohue.

Dehors, ceuxquiétaientarrivésenretardsemur­­­muraientdeshistoiresabracadabrantesenécar­­quillantdesyeuxépouvantés…

« Ilparaîtqu’ilyaunfoudanslecafé… unfoudangereux… çadoitêtreuntueur… un tueur ? Desyeuxmonstrueux… Quoi, Unmonstre ?… Unmonstrecheznous… ». çaetlà, lalangueneseretenaitplus. Ilsepassaittel­lementpeudechosesaudouar. Lepeupleavaitbesoind’émotion. Pluslarumeursepropageait, pluselleprenaitd’autreampleur, d’autregravité.

— Incroyable ?

— C’estlavérité…

— Tiens, voilàJaâferquisortducafé… Raconte-nousvoir.

Jaâfer, toutessouffléretrouvaunesortedefiertédevantlafoulequis’amoncelaitautourdelui.

— Jen’aipaspuentrer.

— Tunel’aspasvu, alors.