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Limiter le débat sur le racisme à la seule question de la couleur de la peau : peau blanche contre peau noire, majoritairement, est pour le moins réducteur. Se limiter à ce débat, c’est assurément aborder le problème par le petit bout de la lorgnette. On s’assure ainsi de ne jamais s’approcher d’une solution acceptable, sinon par tous, du moins par le plus grand nombre. Le racisme c’est la prise de conscience hostile de la différence perçue comme une menace. On ne débat pas de cette question à partir d’a priori et encore moins à partir d’une posture politique passionnée. Cet essai pose le débat au niveau de l’être. À ce niveau ontologique, il n’y a plus, et il ne peut plus y avoir des Noirs, des Blancs, des Jaunes ou des Rouges. Il n’y a que l’être humain sous différentes couleurs.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dieudonné Zélé a déjà écrit de nombreux ouvrages dans des domaines variés, du roman à la poésie. Aussi, certains de ses poèmes apparaissent dans une anthologie de la poésie française. Il est l’auteur d'un livre de spiritualité et d’ouvrages pédagogiques. Il a également traduit un livre de psychologie expérimentale à l’usage des doctorants en psychologie aux éditions de Boeck, groupe Albin Michel. Avec la romancière Marie Bernadette Dupuy, ils ont écrit pour le tourisme. Il signe à présent son quatrième essai.
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Seitenzahl: 171
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Dieudonné Zélé
Le racisme dans tous ses états
Essai
© Lys Bleu Éditions – Dieudonné Zélé
ISBN : 979-10-377-2720-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À toi Évelyne, la blonde aux yeux bleus
qui m’a donné une famille arc-en-ciel
À mes enfants :
Lydie Patricia, Abel Marie Lazare, Anne-Bénédicte, Stéphanie, Pierre-Emmanuel, Charlotte-Elise
À mes petits-enfants actuels et à venir :
Ella, Lenny, Nina, Éva, Valentine, Justine
À mon père, à ma mère qui ont inscrit mon éclair vital
sur la terre africaine
À ma grande sœur Hélène,
À ma petite sœur Martine Patricia
À toi Nhyrèle
À tous les humains, mes semblables :
vous êtes Noirs, vous êtes Blancs, vous êtes Jaunes,
vous êtes Rouges. Nous sommes un mélange éblouissant
de toutes les nuances de la gamme chromatique.
Nous nous déclinons à l’infini sur toute la surface de Gaïa,
une toute petite planète bleue, une oasis miraculeuse
au milieu du grand désert cosmique,
qui nous retient rivés au sol,
et nous fait tourner à des vitesses vertigineuses
dans le vide infini de l’espace. Le sang qui irrigue
nos veines signe, de façon irréfutable,
notre profonde unicité ontologique. Il est toujours rouge
et contient les mêmes ingrédients chimiques. Nous partageons
les mêmes caractéristiques physiologiques,
que nous le voulions ou non. Il n’y a rien à faire.
Nous partageons « la part entière de l’humaine condition »
et jouissons de la même dignité humaine.
Faisant partie intégrante du règne animal comme la belette ou le mamba noir, l’être humain est mû par l’instinct de survie. Comme le lion dans la savane, il perçoit toute intrusion dans son territoire de chasse comme un danger pour ses ressources alimentaires lorsque l’intrus n’est pas clairement identifié comme une proie potentielle et, ainsi, comme une source de nourriture. Le comportement des animaux dans la nature propose une leçon que les humains devraient méditer. Le lion errant qui pénètre sur le territoire d’une troupe de lions, territoire bien délimité par les urines et autres marqueurs qu’il connaît bien, s’expose à des attaques qui peuvent être mortelles. Sa présence, potentiellement, prédatrice représente une menace sur les ressources alimentaires disponibles pour la troupe maîtresse des lieux. Il faut bien comprendre que le lion qui s’en prend à son congénère étranger ne le fait pas parce que ce dernier est étranger. Il l’attaque justement parce qu’il est son semblable. Il est lion, un félin, lui aussi, un concurrent direct. Le lion sait quels dégâts un félin peut causer dans son garde-manger. Il attaque l’intrus, pour cette unique raison. Il n’a pas été programmé pour partager le gibier avec les lions qui ne sont pas de sa famille. Pour être sûr que sa troupe mangera toujours à sa faim, il s’en prend à tous les félins sur son territoire : panthères ou guépards, il ne fera pas de cadeau. Dans la savane de la vaste plaine du Serengeti, les meutes de lycaons font preuve d’une solidarité et d’une attention sans borne à l’égard des membres de leur groupe mais gare au lycaon inconnu qui pénètre sur leur territoire de chasse. L’accueil qui lui est réservé, tous crocs dehors, peut être mortel. De toutes les façons, tous les animaux, à l’exception des herbivores : les félins, les oiseaux de proie, les hyènes, les ours agissent de la même façon.
Restons dans le monde animal avec les suricates, ces petites « sentinelles du désert » de la famille des herpestidae, proches cousins des mangoustes qui ont toujours l’air de se demander ce qui se passe. Ils vivent en famille, près de leur terrier, dans le désert du Namib. L’attention et la sollicitude qu’ils manifestent à l’égard des membres de leur clan ne le cèdent en rien à l’attention et au dévouement des lycaons à l’égard mes membres de leur meute. Les suricates savent d’instinct que leur propre vie dépend du clan. Mais, ces petits mammifères, fort sympathiques, aux dents acérées, sont champions dans le meurtre de leurs congénères des autres clans, alors qu’ils partagent volontiers leur terrier avec la mangouste jaune et l’écureuil terrestre avec lesquels ils n’entrent pas en compétition pour se nourrir ! Une étude publiée en 2016 et portant sur plus de mille espèces de mammifères classe les suricates au premier rang pour la mortalité résultant d’« interactions intra spécifiques » avec 19,36 % du nombre total des morts.1 Le mauvais accueil fait à l’intrus, perçu comme une menace, est inscrit dans l’instinct de survie du règne animal auquel l’espèce humaine appartient. Le lion, le tigre, le loup, le suricate n’élimine pas l’intrus de son espèce qui entre sur son territoire, à cause de sa race non. Il l’élimine parce qu’il représente une menace pour ses ressources alimentaires. C’est la dure loi de la jungle imposée par l’instinct de survie. C’est le combat pour la vie, le fameux « struggle for life » que le vivant mène depuis l’aube des temps.
Mû par son instinct animal, l’être humain perçoit, instinctivement, toute intrusion sur son territoire, son pays, son village, ses habitudes de vie, comme une menace pour son intégrité physique et pour sa survie. Confronté à l’inconnu, potentiellement dangereux, l’être humain se méfie. Il se replie sur lui-même et se met sur la défensive. Il redevient le chien ou le cobra qui attaque et mord parce qu’on a franchi l’invisible cercle de sécurité qu’il a tracé autour de lui. La chanson humoristique mais pleine d’une vérité profonde sur un rythme de Bossa Nova chantée par Pierre Vassiliu en 1974 : Qui c’estcelui-là, traduit bien le climat de méfiance et d’hostilité qui accueille l’étranger un peu trop différent de la communauté en voici quelques extraits :
Qu’est-ce qu’il fait
Qu’est-ce qu’il a
Qui c’est celui-là ?
Complètement toqué ce mec-là
Complètement gaga
Il a une drôle de tête ce type-là (…)
Et puis sa bagnole les gars
Elle est vraiment bizarre les gars…
On va l’mettre en prison ce type-là
Les spécialistes du langage corporel ont bien étudié et documenté les ressorts psychologiques qui expliquent un tel comportement. L’être humain n’échappe pas à la loi de la nature dont il est une partie intégrante, même s’il jouit du libre arbitre. Pour l’humain comme pour l’animal sauvage, ce n’est pas, d’abord et avant tout, en sa qualité d’étranger que l’inconnu n’est pas le bienvenu. Il n’est pas le bienvenu parce qu’il peut représenter un danger, une menace ou une concurrence. Que ceux qui en doutent aillent faire un tour du côté des Sentinelles, un peuple de chasseurs-cueilleurs de 40 à 200 individus, qui vit coupé du monde sur l’île North Sentinel, dans les îles Andaman, un archipel de l’océan Indien qui fait partie de l’Inde. Il y a, malheureusement, du vrai dans cette perception négative de l’étranger. L’histoire nous apprend, par exemple, que les peuples amérindiens ont été décimés, entre autres, par les maladies que les conquistadors espagnols avaient introduites chez eux. Leurs organismes ne savaient pas et ne pouvaient pas se défendre contre les pathologies d’importation. Ce n’est certainement pas l’auteur de « Marche àl’Ombre » le chanteur Renaud qui nous contredira quand nous écrivons que l’étranger est accueilli avec hostilité. Écoutons ou plutôt lisons les paroles de la chanson extraite du quatrième album du chanteur et publié par Polydor en 1980 :
Avant qu’il ait pu dire un mot
J’ai chopé l’mec par l’paletot
Et je lui ai dit : « toi tu m’fous les glandes
Pi, t’as rien à foutre dans mon monde
Arrache-toi d’là t’es pas de ma bande
Casse-toi tu pues, et marche à l’ombre »
Voilà qui a le mérite d’être clair. L’inconnu, « le mec », que Renaud « chope par le paletot » et qu’il rejette si violemment n’a commis aucune faute ni aucune provocation puisqu’il n’a même pas eu le temps de dire un mot : « avant qu’il ait pu dire un mot ». Son seul péché c’est de ne pas être de la bande : « t’es pas de ma bande » et de ce fait l’inconnu : « n’a rien àfoutre dans son monde ». C’est le délit de sale gueule dont souffrent beaucoup de personnes rejetées ou discriminées dans le monde. Elles sont arrêtées, contrôlées quelquefois molestées, sans véritable raison. Délit de sale gueule, racisme authentique !
Viens voir le mariole qui s’ramène
Vise la dégaine
Quelle rigolade !
Patchouli – Pataugas, Le Guide du Routard dans la poche,
Aré-Krishna à mort, ch’veux au henné, oreilles percées
Le compte de l’inconnu de la chanson de Renaud était bon. Il ne partage, manifestement, pas, ou alors il n’a pas les mêmes valeurs, les codes et les rituels de la bande. C’est la raison pour laquelle on l’agresse et on le rejette, manu militari, avant même qu’il n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit. C’est une illustration du racisme, selon nous. C’est la prise de conscience hostile de la différence. Ici, il n’y a même pas l’excuse de la compétition pour accéder aux ressources alimentaires. De nombreuses personnes, de par le monde, sont confrontées à ce genre de situation où, indépendamment de la couleur de leur peau, car la prise de conscience hostile de l’autre se manifeste sans tenir compte du facteur couleur de peau, elles sont ostracisées. Les gens sont discriminés, simplement parce qu’ils ont une « sale gueule ». « On est toujours le nègre, le bicot, le bougnoul, le métèque ou le juif errant de quelqu’un », dit le proverbe populaire. Georges Moustaki nous en parlerait en toute connaissance de cause, lui qui cumule une gueule de métèque, de juif errant et de pâtre Grec dans sa chanson. Les personnes qui ont une sale gueule, comme le chante Renaud, ont le tort de ne partager ni la langue, ni la culture, ni les codes de ceux qui les rejettent. Souvent, elles n’ont pas le temps de crier avec Johnny Hallyday :
Quoi ma gueule, Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
Quelque chose qui ne va pas ?
Elle ne te revient pas ?
Oh, je sais, tu n’as rien dit
C’est ton œil que je prends au mot
Seul, face au groupe qui l’agresse l’inconnu ne peut pas : « rendre la monnaie. », comme Johnny se propose de le faire dans sa chanson. L’étranger humain dérange le groupe humain qu’il aborde, par son altérité, comme le loup solitaire dérange la meute dont il s’approche à ses risques et périls. Sentant, confusément que sa méfiance et son hostilité instinctives à l’égard de son semblable ne sont pas, forcément, fondées, l’être humain tente, inconsciemment, de justifier son comportement animal en trouvant un défaut à l’autre selon l’adage bien connu : « Qui veut noyer son chien l’accuse de rage ». C’est ainsi que, non contents de nier la dignité humaine aux indigènes d’Afrique qu’ils colonisaient, les monstres à formes humaines qui étaient venus prendre possession de leurs terres, de force, les accusaient, non seulement de sentir mauvais mais de ressembler aux singes. Qu’il nous suffise de citer ici le zoologiste Georges Cuvier (1769-1822) pour éclairer nos lecteurs :
« La race nègre est confinée au midi de l’Atlas. Son teint est noir, ses cheveux crépus, son crâne comprimé et son nez écrasé : son museau saillant et ses grosses lèvres la rapprochent des singes. Les peuplades qui la composent sont toujours restées barbares (…), la plus dégradée des races humaines dont les formes s’approchent le plus de la brute, et dont l’intelligence ne s’est élevée nulle part au point d’arriver à un gouvernement régulier. »2
Et voici l’homme noir qu’on va coloniser, subrepticement, transformé en chimpanzé. Avec un tel bagage mental, il n’est pas étonnant de constater que, pendant la période coloniale, l’appellation la plus fréquente adressée au Noir par le colon Blanc, aussi bien laïc que religieux, était : « macaque » remplacée parfois par sa variante tout aussi simiesque : « singe ». Pour accomplir la sale besogne, on se donne bonne conscience comme on peut. Ayant dépouillé le nègre de son statut d’être humain, il est plus acceptable de le maltraiter, comme ces monstres, à visage humain, maltraitaient déjà ceux des leurs : pauvres, ouvriers, serfs, enfants compris, considérés comme inférieurs, dans leur pays. Il n’y a qu’à lire les romans de Charles Dickens : Oliver Twist, par exemple ou encore LesMisérables de Victor Hugo, narrant les malheurs de la petite Cosette chez les infâmes Thénardier, pour retrouver le même ressort inhumain à la base de ces comportements ignobles des colons. Ils changent de nom selon les latitudes mais ils restent les mêmes.
Considérant leurs esclaves comme du bétail, les propriétaires demandaient, parfois, à leurs esclaves mâles, ceux de la domesticité, bien sûr, de veiller sur madame lorsque leurs affaires les appelaient loin de la plantation. Il arrivait que madame oubliât le statut inférieur de son veilleur de nuit et ne voyant plus que le mâle, la femelle en elle rendait son humanité à l’esclave dans des étreintes qui abolissaient les statuts et les classes sociales. Les maîtres eux, ne se privaient pas d’user et d’abuser de ce type d’abolition bien avant la « Slavery AbolitionAct » promulguée par le Royaume-Uni en 1833. Les lois de la nature et les hormones avaient pris soin de remettre les pendules à l’heure avant que l’intellect humain ne s’en rendît vraiment compte. Pour rappel, l’abolition de l’esclavage a eu lieu en France en 1848, bien avant l’abolition officielle de l’esclavage aux États-Unis le 18 décembre 1865 avec l’adoption du 13e amendement au terme d’une guerre qui a opposé les États du nord, l’Union, aux États du sud, les Confédérés, du 12 avril 1861 au 19 avril 1865.
L’argument olfactif n’a pas, seulement, été utilisé à l’encontre des noirs, qui entre nous, soit dit, le rendaient bien aux Blancs, sans le dire. Le rapport des forces n’était pas en leur faveur en ces temps-là. Les colonisés de leur côté, qu’on se le dise, détestaient les odeurs corporelles des colonisateurs. L’argument olfactif a été utilisé, pendant la Première Guerre mondiale, comme on peut le lire dans le livre : l’Odeur del’Ennemi 1941-1918, écrit par Juliette Courmont et paru aux éditions Armand Colin en 2010. On trouve un compte-rendu très intéressant de ce livre sous le titre : L’Allemand Pue ! p. 108-109 dans le numéro 361 de la revue Histoire parue en février 2011. Nous ne pouvons pas résister à la tentation de reproduire ce résumé ici, tellement il est riche en enseignement.
« Au printemps 1915, le docteur Edgar Bérillon fait paraître une brochure intitulée : La Bromidrose fétide de la raceallemande qui connaît un certain succès. Il y défend la thèse d’une différence irréductible entre les odeurs corporelles du Français et de l’Allemand, lequel souffre d’un dérèglement de la physiologie de l’excrétion et de la sudation et exhale une puanteur repoussante qui l’apparente à l’animal. »
Il est difficile de croire que le Dr Edgar Bérillon rapporte, ici, des propos d’hommes blancs parlant d’autres hommes blancs, dans les lignes ci-dessus. Ce type de saillies, puanteur et animalité, était généralement, comme nous l’avons dit, dirigé par les colons blancs contre les noirs. Comme on peut le lire ci-dessous, l’ignominie s’est glissée dans la plume d’esprits pourtant brillants, par ailleurs, pour apparaître dans leurs écrits :
De Montesquieu dans l’Esprit des Lois (1748) :
« On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme surtout une âme bonne, dans un corps tout noir (…). Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes. On commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. »
De Voltaire, l’ardent défenseur des droits de l’Homme dans l’affaire : Calas (1761-1765) :
« Les Blancs sont supérieurs à ces Nègres comme les Nègres le sont aux singes et comme les singes le sont aux huîtres. »
De Guy de Maupassant : (1850-1893)
« En Afrique, les filles foisonnent mais elles sont toutes aussi malfaisantes et pourries que le liquide fangeux des puits sahariens ».
N’en jetons plus, la coupe est pleine surtout si on y ajoute la citation de Georges Cuvier que l’on trouve plus haut dans notre analyse. Revenons donc au bon Dr Edgar Bérillon pour nous demander quelle mouche l’a piqué ? Est-il un illuminé excentrique, prônant une thèse rejetée par l’ensemble de ses autres confrères ? Tant s’en faut à en croire le livre de Juliette Courmont. Continuons donc de citer l’extrait présenté dans la revue Histoire.
« Dans un livre brillant, qui emprunte autant à l’histoire des représentations, à l’histoire des sciences qu’à l’anthropologie, Juliette Courmont montre au contraire la construction méthodique du discours et le soutien qu’il (Edgar Bérillon) recueille dans le milieu scientifique français, jusqu’au sein de l’Académie de médecine. Tout laisse à penser que les préjugés défendus par Bérillon sont largement diffusés dans le corps social, comme le prouvent les sources émanant aussi bien du front (lettres, carnets de soldats…) que de l’arrière (vaisselle patriotique, caricatures…). »
Mais Juliette Courmont va plus loin. En plus de montrer comment les écrits de Bérillon cristallisent l’image de l’ennemi diffusée en France pendant la Grande Guerre, elle en traque les origines du côté de la guerre de 1870 et de l’affaire Dreyfus, et prouve de manière convaincante que l’odeur est un marqueur d’identité particulièrement puissant : odeur de classe, odeur de race, odeur nationale.
Et le résumé de poursuivre : « Dans l’imaginaire collectif, l’odeur est ce qui trahit l’autre, quels que soient les efforts de dissimulation qu’il met en œuvre. Aussi n’est-il pas étonnant devoir resurgir cette question de l’odeur de l’ennemi, au moment où les populations allemandes sont expulsées d’Alsace et de Lorraine, à l’hiver 1918-1919. Dans le chaos de la sortie de guerre, les fantasmes sur l’odeur de l’ennemi permettent de tracer une frontière imaginaire entre populations germaniques, enfants de couples mixtes et ceux qui sont restés fidèles à la France. »
Nous sommes persuadés qu’un peu de recherches nous ferait trouver les mêmes stratégies de stigmatisation et de rejet du Français du côté Allemand. Nous parlons ici de peuples caucasiens, leucodermes. Comme les Français et les Allemands, tous blancs, ne peuvent pas se différencier sur le critère de la couleur de leur peau, ils se sont abaissés au niveau de la nature animale que tous les humains, disions-nous, ont en partage. « Homo sum ; humani nihil a me alienum puto » (Je suis un homme ; Je considère que rien de ce qui est humain ne m’est étranger) écrivait le poète comique latin Carthaginois : Publius Terence Afer (190-159 av. J.-C.) dans Heautontimoroumenos, v.77, ce que Michel de Montaigne reprend en écho dans la célèbre formule : « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » Et dans cette humaine condition il y a l’odorat, l’un des cinq sens physiques, qui joue un rôle vital dans tout le règne animal comme dans la chanson de Renaud. On l’utilise ici pour nier l’humanité de l’autre qu’il soit colonisé, ennemi sur le champ de bataille ou honni parce que ne partageant pas la même foi politique ou religieuse. Ce subterfuge, inconscient, permet de laisser libre-cours à la haine qui, dès lors, facilite et rend acceptable et même justifie le geste léthal puisqu’on n’a plus affaire à un être humain à proprement parler, en face de soi.